Intervention de Cécile Cukierman

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission culture - examen des rapports pour avis

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman, rapporteure pour avis des crédits « Arts visuels » :

Vous m'avez confié la mission de présenter un rapport pour avis sur les arts visuels, qui se rattachent à l'action 2 du programme « Création », relative au soutien, à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques. Mon premier constat est celui d'une diminution des crédits de paiement, avec 69 millions d'euros, comme des autorisations d'engagement, qui s'élèvent à 70,43 millions d'euros. Cette baisse de l'effort budgétaire n'est pas cohérente car elle intervient alors que le ministre de la culture a présenté un plan en faveur du monde des arts plastiques le 11 octobre dernier. En outre, je note que les efforts réalisés depuis deux ans ont pour objectif de financer des projets d'envergure qui en quelque sorte « aspirent » les crédits de l'action 2 au détriment de l'irrigation des structures contribuant au développement des arts plastiques et à la démocratisation de la culture sur l'ensemble du territoire. Ainsi, dès 2011, le projet du Palais de Tokyo absorbait près de 72 % en crédits d'intervention. Cette proportion reste inchangée en 2012.

Or, si ce projet est évidemment un très bon signe pour la dynamique de l'art contemporain, on peut s'inquiéter du contraste saisissant entre le soutien accordé à cette dynamique parisienne et les difficultés prévalant au sein des structures plus modestes telles que les centres d'art. Ces derniers sont aujourd'hui déstabilisés par la réforme des collectivités territoriales qui sont leurs principaux financeurs, et craignent une multiplication des fermetures déjà constatées, comme le centre d'art du domaine de Kerguéhennec en Bretagne, ou celui du domaine de Chamarande dans l'Essonne. Je note par ailleurs que le budget attribué aux centres d'art n'a pas été réévalué depuis 10 ans, ce qui ne leur permet pas de faire face à la hausse des coûts, observée dans le domaine de l'art d'aujourd'hui.

En outre, comme le soulignait notre collègue Jean-Pierre Plancade dans son récent rapport d'information sur l'art d'aujourd'hui, la politique de diffusion est très insuffisante puisque c'est seulement un peu plus de la moitié des oeuvres du Fonds national d'art contemporain (FNAC) qui circule sur le territoire. On peut donc s'interroger sur l'accès du plus grand nombre à la culture et sur la pertinence d'une stratégie de développement de la collection publique d'art contemporain qui n'est pas accompagnée d'une politique de diffusion plus efficace.

La seconde partie de mon rapport propose, si vous me permettez l'expression, un focus sur la photographie. Comme les autres arts visuels, la photo d'art est contrainte par les mêmes tendances de hausse des coûts avec une multiplication des supports, plus onéreux, et l'intermédiation nouvelle des collectionneurs pour l'organisation d'expositions.

La photographie d'art est au coeur de problématiques importantes telles que la conservation et la valorisation des fonds photographiques, la recherche de nouveaux espaces d'exposition, mais aussi le phénomène de la numérisation qui la rend à la fois plus accessible mais plus fragile aussi au regard des enjeux de propriété intellectuelle.

Cela est particulièrement vrai pour le photojournalisme. Ce secteur connaît une crise depuis les années 1990 transformant les enjeux techniques et économiques en une problématique de « gestion sociale qui ne dit pas son nom ». L'irruption des techniques numériques, qui apparaît comme l'un des principaux bouleversements des modes de production et de diffusion, a fait émerger de nouveaux risques. J'en citerai deux. Il s'agit tout d'abord de l'apparition des micro-stocks, qui vendent des photos pour seulement quelques centimes d'euros sur Internet ; à cet égard je trouve que l'attribution du label PUR (pour un usage responsable) au micro-stock Fotolia par l'Hadopi est très inquiétante. Le deuxième phénomène dangereux est la pratique abusive des « droits réservés » ou « DR » que vous aviez dénoncé avec force, madame la Présidente, dans votre proposition de loi relative aux oeuvres orphelines et qu'il nous faudra suivre avec attention.

Comme le rappelait le ministre de la culture hier, plusieurs mesures ont été annoncées pour soutenir la photographie. Je citerai notamment la création d'un observatoire du photojournalisme, une mission de la photographie au sein du ministère, des actions de sensibilisation en milieu scolaire, ou encore l'ouverture d'une concertation sur les sujets relatifs aux oeuvres orphelines et aux droits réservés.

Mais il me semble particulièrement regrettable, compte tenu de ces annonces, que le ministère ne soit pas capable de mesurer précisément les efforts consentis dans ce domaine. L'éparpillement entre plusieurs programmes budgétaires et le manque d'évaluation précise des crédits concernés ne me semblent pas à la hauteur des enjeux de la photographie.

En conclusion, je vous propose de rendre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».

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