Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen des rapports pour avis de M. Philippe Nachbar sur les crédits du programme « Transmission des savoirs » et de M. Vincent Eblé sur les crédits du programme « Patrimoines » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2012.
Je vous rappelle qu'à l'issue de la présentation des rapports, il y a un vote global. Vous n'approuvez pas les rapports, mais vous pouvez approuver ou désapprouver les priorités du budget concernant la mission « Culture ». Ensuite nous rencontrerons le ministre, puis nous examinerons plusieurs amendements qui portent sur la première partie du projet de loi de finances. Ces amendements doivent être déposés avant demain midi, et c'est la commission des finances qui doit rendre un avis sur eux. Cela ne nous empêche pas, bien sûr, de communiquer sur le sujet.
Je vais donc vous présenter la partie du rapport concernant la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture. Je le ferai en quatre points très rapidement, peut-être même sans consommer tout le crédit horaire qui m'a été imparti. Je présenterai la tendance financière globale, les grands établissements d'enseignement, la problématique de la décentralisation culturelle et enfin l'éducation artistique.
Globalement, c'est un budget stable, avec une particularité : la poursuite d'un transfert en direction du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) de 8 millions d'euros au titre de l'École supérieure de l'image et du son. Si l'on ne tient pas compte de ce transfert on constate une baisse de 5,7 % des autorisations d'engagement (AE), mais c'est un effet d'optique. La comparaison d'une année à l'autre devient en effet de plus en plus compliquée, comme cela a été souligné hier par l'une de nos collègues, car chaque année le cadre budgétaire est modifié.
D'abord un point financier. 90 % des crédits sont consacrés à deux actions : les établissements d'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (20 %) et la fonction de soutien du ministère (70 %).
Hors masse salariale, le programme s'établit à 408 millions d'euros en AE et 430 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ce qui sous-tend le budget, c'est la volonté de démocratisation culturelle. Cette politique est très ancrée territorialement, et amène un développement du soutien aux pratiques amateurs notamment. J'ajoute également que les crédits de l'action internationale sont en baisse de 3 % par rapport à 2011.
Si l'on examine maintenant les crédits de l'enseignement supérieur, on voit là encore de profonds changements qui ont suscité un accompagnement soutenu du ministère. Nous avons :
- 45 écoles d'arts plastiques avec 10 524 élèves, un nombre en progression ;
- 20 écoles d'architecture avec 18 427 élèves contre 17 599 en 2011 ;
- 46 écoles de spectacle vivant pour 3 550 élèves, un chiffre en légère baisse ;
- 2 écoles de cinéma et audiovisuel accueillant 236 élèves ;
- 2 écoles du patrimoine pour 1 514 élèves, en relative stabilité.
Les crédits globaux se montent à 137 millions d'euros, avec de profondes mutations dont notamment le schéma Licence-Master-Doctorat (LMD). J'ai été agréablement surpris par le renforcement professionnel : la grande majorité des élèves trouvent maintenant un emploi après 6 mois, ce qui n'a pas toujours été le cas. Les écoles d'arts plastiques se sont regroupées, passant de 58 à 45. Le ministère encourage en effet la création d'établissements publics de coopération culturelle (EPCC), et nous en avons 41 aujourd'hui sur les 58 écoles. Parmi les autres, il y a notamment 3 écoles territoriales dont l'une en Martinique qui rencontre quelques problèmes. Concernant les écoles d'architecture, les crédits sont en légère augmentation (0,5 %). Il y en a 59 % en région et 41 % à Paris. Les conservatoires supérieurs de musique et de danse de Paris et de Lyon bénéficient d'environ 39 millions d'euros, dont 25 pour Paris et 13,5 pour Lyon. Il y a 37 autres établissements en régions, qui sont financés en grande partie par les collectivités territoriales. J'ajoute qu'ils n'ont pas été soumis à la règle de la révision générale des politiques publiques (RGPP) consistant à ne pas remplacer le départ à la retraite d'un fonctionnaire sur deux.
Mon troisième point concerne la décentralisation artistique. Je rappelle que ma collègue Catherine Morin-Desailly a fait un rapport à ce sujet. Nous avons 40 conservatoires à rayonnement régional (CRR), 102 conservatoires à rayonnement départemental (CRD) et 290 conservatoires à rayonnement communal ou intercommunal (CRCI) pour 315 000 élèves. Leurs subventions sont reconduites à hauteur de 29 millions d'euros, il n'y a pas de diminution dans ce domaine.
Enfin quatrième et dernier point : les crédits de l'éducation artistique et culturelle sont de 31,8 millions d'euros contre 31,4 millions d'euros, l'année dernière. Les crédits pour le Livre, la lecture publique ont été transférés sur un autre programme. Il s'agit ici pour l'essentiel de crédits versés à des établissements en régions (27,78 millions d'euros) et en central (2,99 millions d'euros). D'abord, je souhaite parler de l'enseignement de l'histoire de l'art. Depuis des années, nous défendons la nécessité de cet enseignement dans le primaire et le secondaire, et il a été mis en place depuis deux ans. Le ministère a un rôle à jouer dans la formation des enseignants, qui se développe dans des conditions relativement satisfaisantes mais très inégales. Il y a en tout cas une vraie volonté politique de développer l'histoire de l'art, au titre de l'égalité des chances. On est sur une voie intéressante parce qu'il y a une volonté des deux ministères de la faire prospérer. Plusieurs initiatives peuvent par ailleurs être citées, parmi lesquelles : 60 nouvelles résidences de photographes dans les établissements scolaires ; les quelque 40 classes patrimoine ou à projet artistique et culturel ; la formation des cadres de l'éducation nationale à l'enseignement des arts ; et enfin la mise en place de « référents culture » dans les lycées. Tout cela se fait en partenariat étroit avec les collectivités territoriales. J'ajouterai que le ministère soutient de nombreuses opérations destinées au jeune public, dans le domaine des arts plastiques, de la danse, de la musique et du théâtre.
J'évoquerai enfin les efforts du ministère en matière d'effectifs. L'amélioration de la qualité de service et la réduction de la dépense publique lui ont permis d'échapper à la règle d'un fonctionnaire sur deux. Les crédits de fonctionnement ont diminué de 3 % d'une année sur l'autre et se montent à 66 millions d'euros en AE, 70 millions d'euros en CP. Le plafond se situe à 11 014 équivalents temps plein (ETP).
En conclusion, dans un contexte très contraint, l'essentiel a été préservé. C'est pourquoi à titre personnel je donnerai un avis favorable aux crédits de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture.
Je n'aurai pas de commentaire sur le rapport lui-même, mais sur le fond : sur la démocratisation, l'accès à la culture et la sensibilisation. Vous notez la mise en place de l'enseignement d'histoire des arts comme un point positif, mais je note aussi le revers négatif de la médaille. Cela signifie un recul du contact direct entre les élèves et les artistes. Or les élèves doivent voir la réalité du monde de la culture.
Je voudrais nuancer ce qui a été dit sur les écoles d'architecture. Il y a un léger effort effectivement, mais il est insuffisant. La plupart sont dans un état de délabrement important, et nécessitent un effort de remise à niveau. La France se distingue par le coût très faible qu'elle consacre aux élèves et à leur avenir. Un certain nombre d'écoles, comme celle de Saint-Etienne, sont menacées même dans leur existence. Ce budget est un petit plus, mais on est loin de ce qu'il faudrait.
Je souscris à l'idée de Françoise Cartron. J'utiliserai une image qui marche toujours bien : on ne pourrait pas enseigner l'histoire du sport sans conserver des disciplines sportives en parallèle. C'est la même chose pour l'éducation artistique. Elle ne peut en outre s'appuyer que sur des pôles de référence sur un territoire, que sont les conservatoires. Tant que nous n'appliquerons pas la loi de 2004 sur les libertés et responsabilités locales, nous n'aurons pas les outils suffisants pour porter une ambition collective. Je tiens à réaffirmer très officiellement que les études de notre commission ont démontré, sur des régions pilotes, qu'il n'y avait pas de surcoûts avérés. Contrairement à ce que l'on imaginait au départ, il n'y a pas de surcoût notamment pour les régions. Nous portons une responsabilité collective dans la mise en application de cette réforme, qui permet l'ouverture des conservatoires au plus grand nombre. Ces établissements doivent s'ouvrir à tous les amateurs, et sont censés aussi apporter du savoir-faire dans les écoles environnantes pour apporter cette éducation artistique en milieu scolaire.
Ferez-vous une petite proposition de loi, madame Morin-Desailly ? Mais attention à l'article 40 !
Je rejoins ce qu'ont dit mes collègues. Je souhaite apporter une information que j'ai lue dans la presse ce matin, sur le mécontentement d'un professeur d'arts plastiques. Il s'était impliqué dans son enseignement en 3e, et a constaté que ses notes avaient été surévaluées par son principal sans aucune concertation. Il se sent discrédité et a décidé de ne plus enseigner. Cela montre qu'il y a encore du travail à faire. C'est une matière nouvelle, donc il faut former et sensibiliser les principaux à l'enseignement des arts. Mme Morin-Desailly nous disait que les conservatoires pouvaient venir abonder et compléter l'offre d'éducation artistique, mais il serait bon qu'ils puissent aussi intervenir dans les collèges. Il faudrait trouver des passerelles.
J'intègrerai les remarques des membres de la commission dans mon propos en séance, comme je l'ai toujours fait. Concernant l'histoire des arts, il faudra poser la question à Luc Chatel car c'est lui le ministre directement compétent. Le ministère de la culture et de la communication n'est qu'un facilitateur dans ce domaine, un « aiguillon ». Il a vocation à assurer la formation des enseignants et des directeurs, mais cela varie beaucoup d'un établissement à l'autre. Il a fallu des années pour que cette matière soit considérée comme une matière sérieuse. Nous l'avons déjà fait, mais il faut insister encore sur l'importance de cet enseignement : « 100 fois sur le métier remettez votre ouvrage ». Il est vital pour l'enjeu de l'égalité des chances, qui est depuis Jules Ferry le but premier de l'école. Je le dirai pendant l'audition du ministre.
Le programme 175, que j'ai eu la charge d'examiner, concerne les crédits de la mission Culture destinés à toutes les formes de patrimoines. Il connaît une stabilisation des crédits de paiement à 870 millions d'euros, tandis que les autorisations d'engagement diminuent de 4,1 % avec un montant de 813 millions demandés pour 2012. Si l'enveloppe budgétaire paraît relativement stabilisée, je souhaiterais néanmoins souligner les préoccupations majeures qui doivent sous-tendre l'analyse de ces crédits.
Le premier point inquiétant relève des arbitrages réalisés par le gouvernement en faveur des « grands projets » tels que le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM) ou la Maison de l'Histoire de France. Ceux-ci semblent en quelque sorte « aspirer » les crédits, peut-être au détriment d'un accompagnement plus efficace des autres axes de la politique patrimoniale. Cela est vrai pour le patrimoine monumental dont les autorisations d'engagement chutent de 30 millions d'euros. Quelle sera alors la stratégie du gouvernement au-delà de 2012 ? Cette diminution ne constitue-t-elle pas un mauvais signal pour le patrimoine ?
Ensuite, la charge croissante pesant sur les collectivités territoriales constitue évidemment un obstacle à la mise en oeuvre de la politique patrimoniale. Cela est particulièrement vrai avec la nouvelle responsabilité de la maîtrise d'ouvrage, qui les laisse démunies avec une assistance insuffisante, tout au moins les plus petites d'entre elles. Or plus de 50 % des monuments historiques sont des propriétés de communes. Les arbitrages financiers douloureux auxquels les collectivités sont contraintes, par les effets combinés de la réforme de leurs recettes et de transferts de charges en provenance de l'État, incomplètement compensées par celui-ci, se font au détriment des politiques facultatives au premier rang desquelles figurent les politiques patrimoniales. Concernant la question des efforts de l'État en direction des musées territoriaux je m'inquiète car l'effort de l'État ne doit pas se résumer à une intervention budgétaire ponctuelle comme le Plan musées-régions qui prévoit 70 millions d'euros sur trois ans pour 79 établissements : elle doit aussi prendre en compte les difficultés notamment soulignées par l'Association générale des conservateurs de collections publiques dans son « Livre blanc des musées de France » : démographie du corps des conservateurs, moyens insuffisants pour assurer des missions de base, risque d'un système à deux vitesses, entre de très grands établissements aux résultats brillants, d'un côté et, de l'autre, des musées plus modestes qui peinent à survivre avec très peu de visiteurs. Ces inquiétudes sont d'ailleurs relayées par la Cour des comptes qui, dans un rapport de mars 2011, décrit une « politique nationale de plus en plus parisienne » et une « double marginalisation des Français de province ».
De ces deux tendances découle une accentuation des inégalités entre territoires et un risque de « balkanisation » de la politique en faveur des patrimoines.
En ce qui concerne l'archéologie préventive, j'indique qu'aucun crédit n'est prévu pour l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), même si 20 millions d'euros devraient être débloqués en fin d'année. L'État poursuit donc son soutien sur le mode des « sauvetages financiers » (plus de 150 millions au total), opérés ces dernières années pour compenser le déficit de financement de l'archéologie préventive, dû au rendement insuffisant de la redevance d'archéologie préventive (RAP). Comme le rappelaient Yves Dauge et Pierre Bordier en juillet dernier, cette situation critique est préjudiciable à la mise en oeuvre de la politique publique. En effet, elle entraîne des retards dans la conduite des diagnostics et des chantiers de fouilles menées par l'Inrap, et pèse ensuite fortement sur la conduite des autres missions de l'établissement, au premier rang desquelles figurent la recherche et la valorisation scientifique. Une réforme de la RAP est annoncée pour le prochain collectif budgétaire, et nous y serons particulièrement attentifs.
Mon rapport aborde également la question du malaise social qui caractérise plusieurs opérateurs culturels tels que le musée d'Orsay, le Centre des musées nationaux (CMN) ou la Maison de l'Histoire de France. Si les origines des tensions diffèrent d'un établissement à un autre, ce malaise nous oblige à nous interroger à la fois sur la transparence des décisions de l'État mais aussi sur la stratégie qui consiste à réduire les effectifs tout en incitant à développer la fréquentation. En outre devrait-on prendre en compte l'autonomie grandissante des établissements culturels dont la Cour des comptes a rappelé qu'elle n'était pas un gage d'efficience et qu'elle affaiblissait le pilotage de la politique muséale par le ministère de la culture.
Un mot enfin sur le patrimoine mondial qui demeure le grand oublié du programme « Patrimoines ». Même si la notion n'est pas encore inscrite en droit positif, les 37 sites français constituent une réalité et l'État doit dégager des moyens pour montrer qu'il assume sa responsabilité engagée en application de la convention Unesco de 1972.
En conclusion, je vous propose de rendre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
Beaucoup de collectivités territoriales se saisissent de la question de l'archéologie préventive car elles sont prescripteurs de grands chantiers. Lorsque les fouilles sont décidées cela n'a, me dit-on, qu'un impact quasiment neutre sur le coût de réalisation.
Concernant le patrimoine mondial, je suis particulièrement touchée par ce sujet. A Saint-Emilion, il y a des projets de cession d'un bâtiment à valeur patrimoniale ; il y a donc urgence à obtenir la protection du label.
Je souhaite réagir sur la question des musées, et sur ce qu'a signalé la Cour des comptes. Ces musées que l'on crée en province, leur donne-t-on assez de moyens ? Cela ne sert à rien de les lancer si ce n'est que pour dire « nous l'avons fait » et se rendre compte trois ans plus tard qu'ils ne fonctionnent pas. On fait des choses en province parce qu'il faut en faire - et je pèse mes mots - mais on ne donne pas à ces musées les moyens de réussir dans la durée.
S'agissant de l'archéologie préventive, effectivement, la loi oblige maintenant à faire des fouilles avant tout grand chantier d'aménagement. L'Inrap ou les services départementaux d'archéologie soumissionnent aux appels d'offres, dans la mesure où ils ont des personnels suffisants pour réaliser les travaux dans des délais qui ne perturbent pas le calendrier des aménageurs. Or, on constate qu'ils sont souvent concurrencés par des entreprises qui se donnent la compétence de faire des fouilles, avec bien entendu une moindre exigence de protection scientifique. Ce problème est lié au manque d'autorisations d'embauche d'archéologues pour mener à bien ces travaux. L'archéologie préventive académique est en train de perdre du terrain et risque progressivement de ne plus être retenue dans les appels d'offres. Il y a là un vrai sujet, que nous devrions examiner avec beaucoup d'attention.
Je vous précise que notre commission a adopté au mois de juillet dernier un rapport d'information abordant ces sujets. C'est un vieux débat : en 2002 il y avait eu la première loi sur l'Inrap, et nous avions signalé la menace de filialisation de la recherche archéologique par des grands groupes de BTP moins sourcilleux sur la préservation des ressources.
Merci d'avoir évoqué l'archéologie préventive. Beaucoup de réformes ont été lancées ces dernières années, mais nous n'en sommes pas au bout. Le système en place pose des difficultés pour les collectivités territoriales et l'Inrap. Cela est dû aussi au caractère fluctuant de la territorialité, et donc à la difficulté de définir la taille du service d'archéologie. Soumises aux aléas de la concurrence, les collectivités territoriales préfèrent en effet avoir de très petits services plutôt que de risquer de créer un service surdimensionné qui subira une baisse d'activité une fois la fouille achevée. Dans la vallée de la Seine, les carriers nous demandent sans cesse de pouvoir réaliser des diagnostics. 2 % seulement aboutiront à des fouilles, mais le diagnostic seul prend déjà du temps. Les collectivités territoriales n'ont pas les moyens de répondre à ces demandes. Aujourd'hui, je le redis, il n'y a aucun crédit pour l'Inrap : une réforme de la RAP sera examinée en loi de finances rectificative.
Concernant le patrimoine mondial, votre réflexion est juste. Autrefois c'était un label de notoriété qui « boostait » le tourisme. Depuis, voyant que l'afflux de visiteurs entraînait des risques, l'UNESCO a mis en place une réelle protection. C'est formidable ; mais encore faut-il avoir les moyens de l'appliquer. Une multitude d'acteurs est concernée, une coordination est donc nécessaire. C'est à l'État d'en prendre la responsabilité puisqu'il est signataire de la convention de 1972.
Enfin, sur la décentralisation des musées, ma lecture est qu'il y a un risque clair de politique patrimoniale à plusieurs vitesses. Il y a un hiatus Paris-Province, mais pour affiner cette analyse binaire je signale qu'il y a aussi une différence entre un maillage diffus et un maillage plus dense entre les territoires. Les enjeux ne concernent pas que les grandes locomotives, mais l'ensemble du patrimoine. Or j'ai le sentiment que ce sont les plus petits qui sont les moins bien accompagnés. Si les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) continuent à pouvoir jouer un rôle, les architectes en chef ne le font plus parce qu'ils sont soumis à la concurrence. Lorsqu'ils faisaient les diagnostics, ils étaient assurés d'être chargés des travaux ensuite et donc d'être rémunérés. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les petites communes n'ont pas les moyens, ni les personnels pour le faire. Je souhaiterais pouvoir obtenir des informations sur ce type de collectivités territoriales et sur les aides qui leur sont accordées par l'État. On verrait à mon avis, mais ce n'est qu'une intuition, une différence de traitement considérable entre les petites et les grandes collectivités.
Je vous invite à prendre connaissance du détail des rapports, qui sont bien sûr beaucoup plus riches que ce qui est présenté ici. Je voudrais signaler par exemple le problème des ressources humaines, avec un chiffre alarmant : d'ici 10 ans, la moitié des conservateurs de musées de la fonction publique territoriale seront en retraite et la relève n'est pas encore assurée.
La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Pierre Leleux sur les crédits du programme « Cinéma » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2012.
Mes chers collègues, je vous propose de commencer par les bonnes nouvelles du secteur du cinéma, avant d'évoquer les sujets plus difficiles.
Quelles sont ces bonnes nouvelles ? La production cinématographique bat un nouveau record historique : avec 261 films agréés en 2010 (13,5 % de plus qu'en 2009). S'agissant de la fréquentation des salles, nous n'avons pas connu cela depuis 1967 ! En 2010, le record de 206 millions d'entrées a été franchi. Et en 2011, pour la troisième année consécutive, le seuil des 200 millions de personnes ayant vu un film dans une salle de cinéma devrait être franchi. La part du cinéma français est très élevée par rapport à la plupart des autres pays, même si elle a eu tendance à se tasser un peu en 2010. Enfin, le nombre d'écrans continue à croître : 5 465 en 2010, soit + 4,7 % depuis 2001.
Cependant, le nombre d'exploitations cinématographiques, lui, diminue, - 5,5 % sur la même période, en raison notamment de la poursuite de la concentration du secteur. Cette évolution préoccupe les élus, dont je fais partie. C'est pourquoi je suis particulièrement attentif au soutien à la modernisation des petites exploitations, notamment classées « art et essai ».
A cet égard, en tant que membre du comité de suivi parlementaire chargé d'évaluer l'application de la loi du 30 septembre 2010 relative à l'équipement numérique des salles, je crois que nous pouvons en être globalement satisfaits. Je vous rappelle que cette loi impose le principe du paiement de contributions des distributeurs de films et autres utilisateurs de l'équipement numérique, aux exploitants de salles. Elle garantit que les conditions de négociation de ces contributions et de fixation de leurs montants ne nuisent ni à la liberté de programmation des exploitants, ni à la maîtrise des plans de sortie des distributeurs.
Si quelques difficultés ont pu être exprimées, les négociations entre distributeurs et exploitants ont néanmoins été facilitées par les recommandations de bonnes pratiques émises par le comité de concertation instauré par la loi.
Je relève néanmoins que les distributeurs et exploitants de taille moyenne ou petite ont rencontré davantage de difficultés que les autres, même si elles semblent s'être considérablement atténuées depuis juin 2011. Mon attention a été attirée sur l'importance des différentiels de contributions demandés par certains distributeurs, selon la taille des exploitations. Je rappelle que le Médiateur du cinéma peut être saisi de tout différend dans ce domaine.
Il convient d'être particulièrement vigilant sur les conditions d'accès de ces petites salles aux films, y compris aux films chimiques, qui représentent encore la majorité des films. A cet égard, l'Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC) devra continuer à jouer pleinement son rôle.
Par ailleurs, les plus petites exploitations (3 écrans maximum) bénéficient d'une aide spécifique mise en place par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Début septembre 2011, cette aide avait déjà bénéficié à près de 245 établissements, soit 331 salles. Les régions - et quelques départements - se sont également fortement impliqués dans ce soutien.
Je suis préoccupé par deux catégories spécifiques, pour lesquelles des solutions sont à l'étude : les établissements « peu actifs » et les circuits itinérants, qui devront faire l'objet d'aides spécifiques. Je propose d'interroger le ministre sur ce sujet, compte tenu de l'irrigation culturelle de nos territoires que permettent ces types d'exploitation cinématographique.
Au total, en septembre 2011, 3 191 écrans cinématographiques étaient équipés pour la projection numérique, soit 58 % de l'ensemble des écrans actifs sur le territoire national. Je me réjouis de la rapidité avec laquelle notre parc de salles s'équipe en écrans numériques, limitant ainsi la durée de la transition technologique et faisant de la France le pays le mieux équipé d'Europe.
A cet égard, je salue l'implication du CNC qui a pleinement joué son rôle.
Avec le « plan numérisation » 2010-2015, qui concerne les salles mais aussi les oeuvres patrimoniales, les missions et charges qu'il assume s'accroissent.
Depuis 2010, le CNC prend en charge, pour le compte de l'État, un nombre croissant d'actions auparavant financées par des crédits de la mission « Culture » du budget du ministère, dans le cadre de ce qu'il faut bien appeler une « débudgétisation ».
En outre, en 2012, il financera non plus la moitié, mais la totalité de la subvention allouée à la Cinémathèque française, la subvention à l'École nationale supérieure des métiers de l'image et du son (ENSMIS), des actions en faveur du cinéma en région, auparavant financées par des crédits déconcentrés aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC).
Au total, 21,15 millions d'euros de charges seront ainsi transférés du budget de l'État vers le fonds de soutien en 2012 au titre du cinéma.
En outre, les dépenses devraient augmenter au titre de l'ensemble des soutiens, en raison notamment d'une réforme du soutien automatique à la distribution cinématographique destinée à renforcer ce maillon essentiel de la filière, de la nécessaire mise en place d'un soutien automatique à la vidéo à la demande, en vue de renforcer l'offre légale, de la création d'un nouveau dispositif sélectif dénommé « aide aux Cinémas du monde » ainsi que d'un renforcement des soutiens à la musique originale de films.
Pourtant, le CNC évalue l'ensemble de ses dépenses pour 2012 à 700,8 millions d'euros, contre 749,8 millions en 2011, soit une baisse de 6,5 %.
Ceci s'explique par l'inscription de seulement 6,4 millions d'euros au titre du plan numérique, que je viens d'évoquer, contre 102,3 en 2011.
En effet, la réserve numérique constituée au bilan de l'établissement depuis 2009 lui permettra de mobiliser les moyens nécessaires au rythme de déploiement de ce plan pluriannuel. D'après les informations qui m'ont été transmises, cette réserve est d'un montant de 215 millions d'euros au 31 décembre 2010, sur laquelle pourraient être prélevés 136 millions d'euros en 2012, sous réserve bien entendu de l'accord du conseil d'administration de l'établissement.
Le plan numérique devrait donc être financé dans son intégralité en 2012. Cependant, il conviendra de veiller à ce que les ressources du CNC pour les années suivantes permettent d'en assumer le financement jusqu'à son terme. Fin 2012, quasiment la totalité des petites salles auront été équipées de projecteurs numériques. En revanche, la numérisation des oeuvres sera en cours.
S'agissant des ressources du CNC, elles proviennent pour l'essentiel du produit de taxes affectées, prélevées sur les diffuseurs de films - exploitants de cinéma, chaînes de télévision, fournisseurs d'accès à Internet, diffuseurs de vidéo... - en vue d'alimenter le compte de soutien aux professionnels du secteur.
Ces taxes ont été créées et adaptées, dans leur assiette et leur taux, au fur et à mesure des évolutions technologiques et des marchés concernés. Leur montant total pour 2011 est estimé à près de 750 millions d'euros.
Au total, les recettes du CNC ont progressé de 54,6 % en 7 ans.
Mais la réforme de l'une de ces taxes s'imposait : la taxe sur les services de télévision (TST) dans son volet « distributeurs », dans la mesure où un fournisseur d'accès à Internet a adopté une stratégie d'optimisation fiscale qui, si elle s'était généralisée, aurait entraîné un moindre rendement de cette taxe de 140 millions d'euros...
A cette fin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement ; l'article 5 bis introduit dans le projet de loi de finances doit ainsi permettre de mettre fin à ces comportements et de sécuriser la TST.
Le champ de l'assiette est élargi et clarifié ; il comprend toute offre permettant d'accéder à des services de télévision ; ce point fait consensus. En contrepartie, le barème de la taxe est allégé et simplifié.
Le produit résultant de ce barème a été présenté comme devant être identique à celui perçu en 2010, soit 190 millions d'euros pour les seuls fournisseurs d'accès à Internet.
En revanche, un autre amendement gouvernemental adopté par nos collègues députés est loin de faire consensus, et c'est un euphémisme. Il s'agit de l'article 16 ter du PLF, qui a pour effet de plafonner le produit de chacune des taxes affectées au CNC, dans le but de limiter ses ressources à 700 millions d'euros, le surplus étant reversé au budget de l'État.
Cette démarche a été dénoncée par tous les professionnels du secteur, qui craignent un grave risque de fragilisation de l'ensemble du dispositif, pourtant efficace et vertueux, de soutien public au cinéma et à l'audiovisuel.
En effet, elle emporte un fort risque de fragilisation des soutiens automatiques, fondés sur une redistribution mécanique et mutualiste des recettes générées par les oeuvres aux fins de réinvestissement. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour le détail des arguments.
Certes, cet article 16 ter s'inscrit dans la démarche globale de plafonnement du produit des taxes affectées aux opérateurs de l'État à partir de 2012, dans le double objectif de les soumettre à l'effort de maîtrise des finances publiques et de réintégrer dans le champ de l'autorisation parlementaire annuelle le niveau des taxes qui leur sont affectées, ainsi que l'a recommandé le rapport d'information de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC), transpartisane, de l'Assemblée nationale sur le « Financement de la culture : budget de l'État ou taxes affectées ? ».
Cependant, les modalités retenues sont inappropriées au fonctionnement du fonds de soutien du CNC, comme je viens de le dire. Le Président de la République en est d'ailleurs lui-même convenu et le Gouvernement a fait savoir qu'il déposerait un amendement rectificatif au Sénat, ce qui n'est pas encore le cas.
Pour ce qui me concerne, je vous proposerai d'adopter un amendement en vue de plafonner non pas chacune des taxes affectées mais exclusivement la part « distributeurs » de la taxe sur les services de télévision. En effet, celle-ci ne répond pas au même système de mutualisation et de redistribution que les autres, mais permet de faire participer ses contributeurs au financement de la production de « contenus culturels », dont ils ont impérativement besoin pour alimenter leurs « tuyaux ».
Il me semble que notre commission remplirait parfaitement son rôle en adoptant aujourd'hui un amendement en ce sens. Nous respecterions ainsi les convictions partagées par une large majorité d'entre nous, quelque soient nos sensibilités politiques.
Je vous propose de limiter l'application de la mesure à l'année 2012, afin :
- d'une part, de ne pas risquer d'affaiblir le dispositif à l'égard de la Commission européenne, ceci d'autant plus que le produit des taxes pourrait s'avérer supérieur à celui évalué au moment de l'élaboration du budget prévisionnel du CNC pour 2012. Je vous renvoie à mon rapport écrit sur ce point ;
- d'autre part, le niveau du plafonnement serait maintenu.
Le surplus, évalué à 70 millions d'euros, sera reversé au budget de l'État. Je propose d'exprimer, au nom de notre commission, le voeu que ces fonds soient néanmoins alloués par l'État au secteur de la culture.
Au-delà de 2012, nous pourrions suggérer que le taux appliqué à cette taxe soit revu à la baisse, afin d'adapter son produit aux besoins du CNC. Les redevables de cette taxe (essentiellement les fournisseurs d'accès à Internet) pourraient alors être assujettis à une autre taxe, dont la création permettrait notamment de financer les organismes publics dédiés aux secteurs de la musique et du spectacle vivant.
Quant au cinéma, je rappelle qu'il bénéficie aussi d'autres sources de financement public, que j'évoque dans mon rapport écrit :
- les aides des régions : en 2010, les collectivités territoriales ont engagé 53,8 millions d'euros au titre de leur politique de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle, dont 39,1 millions sur leur budget propre et 14,7 millions en provenance du CNC dans le cadre de conventions ;
- les SOFICA (sociétés pour le financement du cinéma et de l'audiovisuel) dédiées au cinéma : elles feront l'objet d'un nouveau « coup de rabot fiscal », ce que je regrette compte tenu de l'efficience reconnue du dispositif. En effet, dans le rapport de juin 2011 sur l'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, l'Inspection générale des finances lui a attribué une note d'efficience de 2, sur une échelle de 0 à 3 ;
- enfin, j'évoque longuement dans mon rapport écrit le crédit d'impôt national à la production cinématographique. Une récente étude comparative du CNC montre qu'il est devenu beaucoup moins attractif que certains autres pays voisins. D'après les informations qui m'on été transmises, le fait de porter son plafond de 1 à 1,8 million d'euros permettrait de décourager l'essentiel des délocalisations de tournages.
Je propose de demander au Gouvernement ses intentions dans ce domaine, compte tenu du caractère très efficient de cette mesure, y compris pour les finances publiques.
Ne pouvant prolonger davantage mon propos, je vous renvoie également à mon rapport écrit qui présente une synthèse du premier bilan d'activité de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).
Si l'on mesure un impact positif de la réponse graduée, nous savons aussi que certaines pratiques permettent de contourner la loi. Ces avancées en termes de pédagogie méritent néanmoins d'être saluées. Le volet « développement de l'offre légale » est bien entendu essentiel et encore insuffisant.
Je vous propose de commencer la discussion par les questions relatives au cinéma, avant d'aborder la problématique du CNC. Il n'y a pas de question sur le cinéma ? J'ouvre donc le débat sur le CNC.
Tout le monde ne peut que partager le sentiment qu'on ne peut réduire l'aide au CNC. La ligne budgétaire qui plafonne ne touche pas que le CNC. D'autres organismes qui sont à la limite d'une vie normale pour le théâtre, le développement du sport et directement liés à notre commission sont touchés par cette mesure. Je proposerai à notre rapporteur de se joindre à une proposition d'amendement pour retirer huit organismes du plafonnement pour cette année. Mme Bricq a déjà déposé un amendement où elle a retiré un organisme. Il faut donc sous-amender celui du rapporteur général de la commission des finances en ôtant d'autres organismes. A l'issue de notre échange, je propose une interruption de séance pour examiner cet amendement.
Je vous suggère une autre solution : nous le présenter cet après-midi pour échanger.
Les organismes que je propose de retirer du plafonnement ne concernent pas que le cinéma.
Sur le voeu pieux que proposait M. Leleux, je ne suis pas sûre qu'on ait le droit de dédier des économies vers telles ou telles lignes budgétaires, à l'exemple des budgets votés par les conseils municipaux. Le voeu pieux est-il possible ?
Je voudrais aborder encore un point d'actualité. J'ai eu l'occasion de regarder un programme télévisé dédié à l'accessibilité des salles de cinéma. Il s'agissait d'un reportage montrant les difficultés pour des handicapés à accéder à des salles de cinéma en région parisienne. Comment ce plan d'accessibilité peut-il être mis en oeuvre pour les salles de cinéma ? Est-ce que le CNC va accompagner les propriétaires de salles, les salles associatives et les collectivités territoriales à se mettre aux normes prévues par la loi ?
Lorsqu'on pense accessibilité, on envisage toujours les personnes à mobilité déficiente. La loi prévoit bien ces cas. Il y a également tous les handicapés sensoriels, notamment les personnes aveugles. Il existe un dispositif pour permettre l'accès au cinéma à ces personnes, c'est l'auto description. Ce dispositif est tout à fait au point mais il mérite un soutien au moment de la production et de la distribution des films afin qu'il soit proposé aux aveugles dans toutes les salles. Je n'ai rien entendu sur ce sujet dans votre rapport. Je n'ai pas l'impression que le ministère s'en préoccupe. C'est une activité littéraire descriptive très intéressante.
J'ai une demande de précision à la suite des chiffres qui ont été donnés sur l'évolution des lieux de diffusion. Est-ce que le phénomène de multiplex en périphérie continue à s'accroitre ? Je ne crois pas que les schémas de cohérence territoriale (SCOT) donnent des outils pour essayer de maitriser ou de limiter ce phénomène qui est très concurrentiel aux salles du centre-ville. Ne faudrait-il pas réfléchir à des outils au sein des SCOT ?
S'agissant de l'amendement, vous proposez de retirer toute mesure de plafonnement qui aurait quelques conséquences. Il me semble moralement que les opérateurs bénéficiant de taxes affectées et qui ont des ressources particulièrement dynamiques doivent contribuer aux efforts de la Nation dans la période de crise actuelle. L'assiette et le taux de ces ressources ont été fixés dans une période d'évolution technologique qui ne permettait pas de connaître le montant des recettes. Le CNC affirme qu'il peut mener à bien son action avec un budget de 700 millions d'euros et des augmentations très sensibles de tous les fonds dont il dispose, seul diminue le fonds de numérisation en raison d'une provision de 200 millions d'euros. A supposer qu'on ne plafonne pas, il ne serait pas moral que le CNC ne contribue pas à l'effort de l'État. Que va-t-il faire de ce bas de laine ? Il existe un risque de transformer un système vertueux de façon assez perverse en système de l'offre. Il faut trouver un moyen terme. La seule condition que nous pourrions émettre est que ce rabot soit affecté à des actions culturelles. C'est un voeu.
Sur la légalité, c'est la décision de l'État.
Tous les établissements cinématographiques doivent être mis aux normes pour l'accessibilité des handicapés d'ici 2015. Se pose le problème des constructions anciennes. Le fonds de soutien à la modernisation des salles prend en compte les travaux de mise aux normes.
Sur le dispositif d'auto description, je vais poser la question.
En matière de concentration, il faut être vigilant sur notre maillage territorial. L'augmentation du nombre d'écrans constatés ne doit pas cacher le risque de réduction des petits établissements de un, deux ou trois écrans. C'est une question d'équilibre. L'évolution des multiplex a été un des facteurs de succès. Leur implantation est assujettie à autorisation du CNC et des commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) dans lesquels siègent les SCOT.
Nous avons bien entendu votre réponse. Je voudrais rappeler qu'au dessus de la loi, il y a la constitution. Prendre de l'argent d'une taxe affectée pour le verser dans le budget de l'État, plaider auprès des télévisions que c'est pour la création et le lendemain acheter des chars Leclerc avec, ce n'est pas forcément la même chose. Je ne suis pas sûr que constitutionnellement cela tienne la route mais je n'ai pas la réponse.
Les taxes votées s'inscrivent de façon pluriannuelle. La mention « pour un an » pèse davantage que celle vertueuse de M. Leleux « sera réaffecté dans la mesure du possible à la culture ».
Je voudrais commenter le lien entre disparition des petites salles et accessibilité des établissements. Lorsque la commission de sécurité passe dans ces petites salles, souvent très anciennes, des travaux de mise en conformité sont demandés. A partir du moment où des travaux sont entrepris, il est obligatoire de réaliser la mise aux normes en matière d'accessibilité des handicapés. Beaucoup de communes ferment alors les salles parce qu'elles ne disposaient que de fonds pour faire le minimum sécuritaire mais pas pour tout ce que cela entraîne. Tel est l'intérêt du CNC qui pourrait financer ces travaux.
Dans le cadre d'une petite communauté de communes de 15 000 habitants, on disposait d'un cinéma qui datait des années 1950. On l'a conservé mais on a construit un complexe culturel avec deux salles de cinéma. On est passé en quatre ans de 20 000 à plus de 55 000 spectateurs par an. On est également passé au numérique. Cela a été financé par des aides du département, du CNC et de la communauté de communes. Aujourd'hui on rend service à la population au-delà de notre territoire.
Sur l'adaptation à l'accès pour les handicapés dans certaines salles, les fonds affectés par le CNC sont déjà extrêmement conséquents. Il répond favorablement à toutes les demandes de travaux de modernisation. La taxe sur les billets de cinéma constitue en quelque sorte une épargne mutualisée forcée. Les subventions du CNC représentent un retour sur épargne pour investir en termes de modernisation et de mise en conformité aux normes handicapées.
Sur le déplafonnement souhaité, il faut être raisonnable car tous les taux des taxes affectées étaient surévalués. S'il y a excédent, autant qu'on essaye de limiter les taux. Diminuons le taux de la taxe dite distributeur pour avoir moins de moyens.
Dans le cadre du groupe de travail sur le spectacle vivant, nous avons entendu tous les acteurs du secteur demander la mise en place d'un système qui permettrait de soutenir le spectacle vivant. Pourquoi ne pas imaginer que ces 70 millions d'euros pourraient servir à alimenter le futur centre national de soutien au spectacle vivant que le gouvernement souhaite créer ? Certains voeux pieux sont exaucés ! Cela permettrait de financer un autre secteur de la culture, d'en mesurer les besoins et enfin de différencier pour 2013 les taux en diminuant celui du CNC pour en rétribuer une partie au CNM.
Quant on a lu le livre remarquable « Mainstream » et lorsque l'on sait à tel point à travers le monde l'industrie de l'image se développe depuis le Brésil jusqu'au Caire, on se dit qu'à la limite le CNC, le symbole de l'exception culturelle française, n'aura jamais assez d'argent pour confirmer la formidable réussite de cette politique culturelle française qui devra servir de modèle à la résistance européenne. Il n'y a pas une capitale au monde qui ne pense aujourd'hui à submerger la planète à partir de sa fabrication d'images. Seul le modèle culturel français résiste à cette industrialisation de l'image. Le CNC mérite toute notre attention. A 70 millions d'euros près, il faut lui donner les moyens de résister.
On produit une création énorme. Nos moyens de diffusion et de capillarité sur le territoire ne permettent pas d'absorber tout ce qui est créé.
Je pensais à la bataille mondiale des images. Seule la France propose un modèle de résistance à l'industrialisation de l'image.
La commission examine le rapport pour avis de Mme Maryvonne Blondin sur les crédits du programme « Spectacle vivant » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2012.
J'articulerai ma présentation en deux parties : une synthèse des conclusions de notre groupe de travail sur le spectacle vivant, le présent rapport donnant l'occasion de les diffuser, puis la présentation du budget consacré à l'action « Spectacle vivant » du programme « Création » de la mission « Culture ».
Le groupe de travail de notre commission sur le spectacle vivant, co-animé par notre collègue Jean Pierre Leleux et moi-même, s'est réuni régulièrement de janvier à juillet 2011, à l'occasion d'une vingtaine d'auditions et d'une table ronde avec des représentants du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC). En outre, une délégation du groupe de travail a participé à différents débats organisés à l'occasion du Festival d'Avignon en juillet dernier et nous avons pu ainsi partager nos principales observations.
En premier lieu, il faut améliorer l'observation et la connaissance du secteur du spectacle vivant.
A cette fin, pouvoirs publics et professionnels travaillent à la création d'une plateforme d'observation (PFO). Cependant, beaucoup s'inquiètent du retard pris, la plupart des groupes de travail ayant vu leurs travaux suspendus. Je propose d'interroger le ministre sur ces retards.
En deuxième lieu, il faut répondre aux inquiétudes relatives au financement du secteur, dans un contexte structurel de raréfaction des ressources publiques, de l'État comme des collectivités territoriales, qui en assument les deux tiers du financement public. Dans le même temps, les attentes croissantes du public et la création de nouvelles structures viennent renforcer les besoins. Ce sujet a évidemment été largement évoqué au cours de nos auditions, de nombreux professionnels déplorant la dégradation de leurs marges artistiques.
Il nous faut coordonner avec davantage de cohérence les interventions des uns et des autres, clarifier les responsabilités, dans le dialogue et le respect mutuel.
Au-delà, comme vous le savez, des réflexions sont en cours sur l'affectation de ressources extrabudgétaires. M. Frédéric Mitterrand a confié, en juin dernier, une mission sur le financement du spectacle vivant à MM. Jean-Louis Martinelli, Adrien Hervé Metzger et Bernard Murat, qui devraient remettre leurs premières conclusions vers la mi-décembre.
On peut toutefois regretter le retard avec lequel s'est mise en place cette mission. Il aurait sans doute été préférable que ses travaux soient mieux coordonnés avec ceux de la mission relative au financement du secteur musical, d'autant que le recoupement est important. Elle a abouti à la création du Centre national de la musique. Je propose d'interroger le ministre sur son analyse quant aux perspectives de création d'un éventuel fonds de soutien bénéficiant à la fois à la musique enregistrée, au spectacle musical et au spectacle vivant non musical.
De façon plus générale, je vous propose d'exprimer aussi nos préoccupations quant à l'appréhension par les institutions européennes de la question des aides d'État (avec la réforme du « paquet Monti-Kroes »).
En troisième lieu, il faut trouver les moyens d'un meilleur équilibre entre création et diffusion artistiques.
Les professionnels s'inquiètent d'un relatif effacement de l'artistique face aux demandes socioculturelles... En réalité, il y a un équilibre à trouver entre toutes les missions de service public des structures, ce qui s'avère plus difficile en période de contraintes budgétaires.
Priorité doit être donnée à la structuration des réseaux, avec les salles et les compagnies.
A cet égard, la politique de contractualisation entre l'État et les établissements est positive. Elle doit être incitative, vertueuse et faire l'objet d'une évaluation rigoureuse et partagée. Mais les collectivités territoriales devraient être davantage associées.
D'ailleurs, elles aussi mettent de plus en plus souvent en place des dispositifs incitatifs, en conditionnant leurs subventions au respect de critères de diffusion. Tel est d'ailleurs le cas dans mon département, le Finistère.
J'évoque également, dans mon rapport écrit, la nécessité de mieux valoriser à l'étranger le savoir-faire des professionnels français. Je pense notamment aux arts de la rue et du cirque, dont le langage spécifique est bien adapté à la circulation à l'étranger.
En quatrième lieu, notre groupe de travail s'est penché sur les questions du maillage culturel de la France et des politiques culturelles à l'échelle territoriale, ces dernières ayant fait l'objet de deux rapports récents, dont celui de M. Jérôme Bouet.
Il s'agit de trouver un équilibre entre Paris et les autres régions, et de développer une approche globale de la politique culturelle du territoire, au-delà d'une logique d'équipement.
Je vous rappelle que notre commission s'était prononcée en faveur de l'élaboration de schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services dans le domaine de la culture.
Dans ce contexte, il est utile que le Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC) ait été réactivé. De même, le dialogue que notre commission a engagé avec la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) sera poursuivi.
Enfin, nous avons jugé nécessaire de légiférer pour lutter contre la vente illicite de billets pour les manifestations culturelles, ou sportives.
C'est pourquoi plusieurs membres de notre groupe de travail, de toutes sensibilités politiques, ont déposé ensemble une proposition de loi à cette fin. Un amendement sur cette question a cependant été adopté par l'Assemblée nationale sur le projet de loi « consommation », dans des termes qui ne semblent pas tout à fait convenir aux professionnels concernés. Nous serons attentifs lorsque ce texte sera examiné au Sénat.
J'en viens maintenant à la présentation des crédits consacrés à l'action n° 1 : « Spectacle vivant » du programme « Création » de la mission « Culture » pour 2012.
Cette action représente 90,5 % des crédits du programme, dont la seconde action, relative aux arts plastiques, sera présentée par Mme Cukierman.
Les crédits concernés s'établissent, avant transferts, à 665 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 719 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 2,37 % des AE et une hausse de 8,37 % des CP par rapport au projet de loi de fiances initial pour 2011, à structure constante.
Cette diminution des autorisations de programme me préoccupe, dans la mesure où elle pourrait limiter les capacités d'intervention du ministère dans les années à venir.
Par ailleurs, je relève que l'importante hausse des crédits de paiement sera pour l'essentiel absorbée par le projet de Philharmonie de Paris. Ses travaux ont été lancés en 2011 et 45 millions d'euros sont prévus à ce titre. Le projet absorbe ainsi près de 81 % des moyens nouveaux d'investissement.
Je vous rappelle que le coût global de l'opération est évalué à 336 millions d'euros, contre 203 millions en première estimation, financé à 45 % par l'État, 45 % par la Ville de Paris et 10 % par la région Île-de-France.
Sans doute fallait-il que notre pays se dote d'une infrastructure digne des grands pays industrialisés en la matière, mais comment a-t-on pu aboutir à un tel dépassement des devis et à une progression aussi chaotique du projet dans un contexte contraint ?
D'autres efforts particuliers sont consacrés au secteur musical.
L'Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique (IRCAM) relève désormais entièrement du programme « Création », pour plus de 5 millions d'euros d'investissement.
Surtout, de nouveaux lieux seront créés en faveur des musiques actuelles. En effet, en avril dernier, le ministre a annoncé sa volonté de porter de 70 à 100 le nombre de Scènes de musiques actuelles (labellisées SMAC), soit au moins une par département d'ici 2015, qu'il s'agisse d'une scène généraliste, ouverte à l'ensemble du champ des musiques actuelles, ou d'un projet en réseau.
2,4 millions d'euros sur trois ans seront consacrés au « plan SMAC » et le plancher minimal de subvention de l'État pour chaque SMAC sera de 75 000 euros.
J'insiste sur la nécessité de veiller à répondre aux réels besoins des territoires. Afin d'atteindre l'objectif consistant à améliorer la diffusion des musiques actuelles, il conviendra de prendre en compte la densité de la population et les spécificités territoriales, notamment dans le cadre des Schémas d'orientation des lieux musicaux (SOLIMA).
La rénovation d'autres structures de création ou de diffusion du spectacle vivant (scènes nationales, centres dramatiques nationaux) sera poursuivie.
Par ailleurs, le ministre a annoncé, le 8 juillet 2011, à Avignon, un « plan d'action en faveur du spectacle vivant » pour un montant de 12 millions d'euros de crédits d'intervention nouveaux sur trois ans, dont 3,5 millions pour 2012 (1,5 million en crédits centraux et 2 millions sur crédits déconcentrés).
L'objectif affiché est de renforcer le soutien de l'État à l'émergence des talents, améliorer la présence des artistes dans les réseaux et labels soutenus par l'État permettant ainsi une meilleure structuration de l'emploi, et affermir son aide au rayonnement international des artistes français.
Si je ne peux que partager les objectifs et thématiques de ce plan, et si j'ai conscience des contraintes budgétaires actuelles, ces crédits nouveaux me semblent cependant bien modestes. Ce plan a d'ailleurs déçu bien des professionnels...
Au total, les crédits de fonctionnement s'élèvent à 346,8 millions d'euros. 19 % sont des crédits centraux, soit 67 millions, en progression de 2,5 % ; l'essentiel est déconcentré au niveau des DRAC, avec 280 millions d'euros, en hausse de 0,7 %. Mais globalement, ces évolutions se traduisent par une diminution en euros constants.
L'objectif est d'accentuer l'effort en faveur des scènes de musiques actuelles et des scènes nationales et d'apporter les moyens nécessaires aux centres nationaux des arts de la rue (CNAR) et aux pôles nationaux des arts du cirque, qui sont devenus des « labels » du ministère en 2010. Selon ce dernier, des crédits seront également dégagés sur cette enveloppe pour renforcer le réseau des structures chorégraphiques tout en maintenant les marges artistiques des centres dramatiques nationaux (CDN). L'aide aux résidences est également renforcée, ce qui n'est pas le cas des aides à l'écriture.
Néanmoins, dans le domaine de la musique, l'effort louable en faveur des musiques actuelles s'accompagne d'une baisse des crédits alloués aux orchestres et ensembles musicaux ainsi qu'aux festivals. Il en est d'ailleurs de même pour les autres types de festivals, l'ensemble de cette enveloppe diminuant de 858 000 euros de crédits, alors même que le nombre de festivals soutenus augmente et qu'ils ont un fort pouvoir d'irrigation culturelle des territoires.
Par ailleurs, mon attention a été attirée sur le redéploiement des crédits qui s'opère au bénéfice des compagnies non conventionnées mais au détriment des compagnies conventionnées. Un équilibre doit être trouvé entre soutien à l'émergence et aide dans la durée. Il n'est certes pas facile ; le risque est toujours de « déshabiller Pierre pour habiller Paul ».
Avec 276,4 millions d'euros au total, investissement et fonctionnement compris, les opérateurs nationaux disposeront de moyens équivalents à ceux de 2011 en euros courants, et donc en baisse en euros constants. C'est pourquoi je crains une nouvelle érosion des marges artistiques.
Ainsi, même si on observe une concentration croissante des crédits sur les opérateurs nationaux, des efforts leur seront demandés.
Cette tendance à la concentration risque de renforcer les difficultés enregistrées en région, compte tenu, en outre, des contraintes budgétaires qui s'imposent aux collectivités territoriales.
Autre sujet d'importance : les conséquences de l'amendement gouvernemental adopté par l'Assemblée nationale en vue de plafonner les ressources affectées aux opérateurs de l'État (article 16 ter du PLF).
Il concerne la taxe sur les spectacles assise sur les recettes de billetterie des 140 premières représentations. Cette taxe contribue au financement de deux organismes pour lesquels les plafonds de recettes à ce titre sont fixés à :
- 23 millions d'euros pour le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) ;
- 6,28 millions d'euros pour l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP).
Par ailleurs, je signale que la subvention de l'État à cet organisme devrait stagner en 2012, à 3,5 millions d'euros, et que celle de la Ville de Paris a baissé de 9,2 % en 2011 ; elle approche 3 millions d'euros.
Cette disposition fragiliserait encore davantage cet établissement. Notre commission des finances a d'ailleurs adopté un amendement tendant, entre autres, à soustraire l'ASTP au plafonnement de l'article 16 ter, qui n'est pas un opérateur de l'État.
En revanche, le taux de TVA « super réduit » de 2,1 % sur les spectacles continuera de s'appliquer dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui.
En conclusion, je donnerai un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'action n° 1 « Spectacle vivant » du programme « Création » de la mission « Culture » pour 2012.
Votre intervention est nourrie de chiffres qui rendent difficiles la lecture de la politique de soutien en direction des arts vivants.
J'ai deux sujets qui me préoccupent pour la pérennité de cette politique. Le premier concerne la condition sociale des jeunes artistes. Le système social des intermittents est un des moyens de soutenir la création et le spectacle vivant. On n'a eu aucune indication de la part du ministre. Par ailleurs, il y a forcément des incidences sur la vie des équipements culturels qu'ils soient labellisés ou de niveau national des conséquences du plan de rigueur et notamment de l'augmentation du taux de TVA, qui va fortement impacter le budget des structures alors même que leur dotation n'augmente pas.
J'ai été alertée sur un amendement qui circule et qui viserait à revenir sur les avantages fiscaux accordés aux mécènes des associations de productions culturelles. Ce n'est pas une niche fiscale puisque les donateurs contribuent largement au bien public. Cela mérite notre attention pour qu'il n'y ait pas confusion des objectifs poursuivis dans ce domaine.
Un effort particulier est fait pour les scènes de musique actuelle et les scènes nationales. Je forme le voeu que cet accroissement soit équitablement réparti et particulièrement dans les villes qui sont actuellement sous dotées.
Je m'interroge sur la dérive qui a été évoquée pour la Philharmonie de Paris. A Saint-Etienne, on reconstruit le centre national et on est astreint à respecter une enveloppe globale.
S'agissant des conditions sociales des jeunes artistes, j'ai posé la question au ministre sur la situation des intermittents. Tout est maintenu jusqu'en 2013, avec le fonds de solidarité de l'État.
L'augmentation du taux de TVA prévu dans le nouveau plan de rigueur interpelle les organismes, surtout que beaucoup de compagnies ont déjà vendu leurs spectacles pour la saison 2011/2012 à un tarif comprenant une TVA à 5,5 %. Qui va devoir supporter l'augmentation du taux de TVA ? C'est une inquiétude pour eux.
J'avais cru comprendre qu'il était envisagé de maintenir cette possibilité de mécénat. J'ai la même interrogation pour des mécènes qui interviennent dans des micro-crédits pour aider la solidarité internationale.
Enfin, il faut travailler en bonne intelligence entre toutes les collectivités territoriales et veiller à un équilibre du territoire à l'intérieur même de celui-ci.
La commission examine le rapport pour avis de Mme Cécile Cukierman sur les crédits du programme « Arts visuels » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2012.
Vous m'avez confié la mission de présenter un rapport pour avis sur les arts visuels, qui se rattachent à l'action 2 du programme « Création », relative au soutien, à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques. Mon premier constat est celui d'une diminution des crédits de paiement, avec 69 millions d'euros, comme des autorisations d'engagement, qui s'élèvent à 70,43 millions d'euros. Cette baisse de l'effort budgétaire n'est pas cohérente car elle intervient alors que le ministre de la culture a présenté un plan en faveur du monde des arts plastiques le 11 octobre dernier. En outre, je note que les efforts réalisés depuis deux ans ont pour objectif de financer des projets d'envergure qui en quelque sorte « aspirent » les crédits de l'action 2 au détriment de l'irrigation des structures contribuant au développement des arts plastiques et à la démocratisation de la culture sur l'ensemble du territoire. Ainsi, dès 2011, le projet du Palais de Tokyo absorbait près de 72 % en crédits d'intervention. Cette proportion reste inchangée en 2012.
Or, si ce projet est évidemment un très bon signe pour la dynamique de l'art contemporain, on peut s'inquiéter du contraste saisissant entre le soutien accordé à cette dynamique parisienne et les difficultés prévalant au sein des structures plus modestes telles que les centres d'art. Ces derniers sont aujourd'hui déstabilisés par la réforme des collectivités territoriales qui sont leurs principaux financeurs, et craignent une multiplication des fermetures déjà constatées, comme le centre d'art du domaine de Kerguéhennec en Bretagne, ou celui du domaine de Chamarande dans l'Essonne. Je note par ailleurs que le budget attribué aux centres d'art n'a pas été réévalué depuis 10 ans, ce qui ne leur permet pas de faire face à la hausse des coûts, observée dans le domaine de l'art d'aujourd'hui.
En outre, comme le soulignait notre collègue Jean-Pierre Plancade dans son récent rapport d'information sur l'art d'aujourd'hui, la politique de diffusion est très insuffisante puisque c'est seulement un peu plus de la moitié des oeuvres du Fonds national d'art contemporain (FNAC) qui circule sur le territoire. On peut donc s'interroger sur l'accès du plus grand nombre à la culture et sur la pertinence d'une stratégie de développement de la collection publique d'art contemporain qui n'est pas accompagnée d'une politique de diffusion plus efficace.
La seconde partie de mon rapport propose, si vous me permettez l'expression, un focus sur la photographie. Comme les autres arts visuels, la photo d'art est contrainte par les mêmes tendances de hausse des coûts avec une multiplication des supports, plus onéreux, et l'intermédiation nouvelle des collectionneurs pour l'organisation d'expositions.
La photographie d'art est au coeur de problématiques importantes telles que la conservation et la valorisation des fonds photographiques, la recherche de nouveaux espaces d'exposition, mais aussi le phénomène de la numérisation qui la rend à la fois plus accessible mais plus fragile aussi au regard des enjeux de propriété intellectuelle.
Cela est particulièrement vrai pour le photojournalisme. Ce secteur connaît une crise depuis les années 1990 transformant les enjeux techniques et économiques en une problématique de « gestion sociale qui ne dit pas son nom ». L'irruption des techniques numériques, qui apparaît comme l'un des principaux bouleversements des modes de production et de diffusion, a fait émerger de nouveaux risques. J'en citerai deux. Il s'agit tout d'abord de l'apparition des micro-stocks, qui vendent des photos pour seulement quelques centimes d'euros sur Internet ; à cet égard je trouve que l'attribution du label PUR (pour un usage responsable) au micro-stock Fotolia par l'Hadopi est très inquiétante. Le deuxième phénomène dangereux est la pratique abusive des « droits réservés » ou « DR » que vous aviez dénoncé avec force, madame la Présidente, dans votre proposition de loi relative aux oeuvres orphelines et qu'il nous faudra suivre avec attention.
Comme le rappelait le ministre de la culture hier, plusieurs mesures ont été annoncées pour soutenir la photographie. Je citerai notamment la création d'un observatoire du photojournalisme, une mission de la photographie au sein du ministère, des actions de sensibilisation en milieu scolaire, ou encore l'ouverture d'une concertation sur les sujets relatifs aux oeuvres orphelines et aux droits réservés.
Mais il me semble particulièrement regrettable, compte tenu de ces annonces, que le ministère ne soit pas capable de mesurer précisément les efforts consentis dans ce domaine. L'éparpillement entre plusieurs programmes budgétaires et le manque d'évaluation précise des crédits concernés ne me semblent pas à la hauteur des enjeux de la photographie.
En conclusion, je vous propose de rendre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
On pourrait s'interroger sur un autre risque de la création numérique. Aujourd'hui, il est souvent difficile de faire la distinction entre la véritable création numérique et l'utilisation des outils numériques. Ce serait intéressant de rencontrer des personnes capables de nous éclairer sur ce sujet. Il y a une confusion qui profite à ceux qui ne sont que des utilisateurs d'outils mais qui est aussi défavorable à l'appréciation de la création artistique et à l'éducation populaire qui s'y rattache.
On va essayer de planifier une table ronde pour mettre en confrontation et en débat, d'une part, la nécessaire fluidité de la culture sur Internet, tous supports confondus et, d'autre part, la protection de la rémunération de ceux qui n'ont que le droit patrimonial pour pouvoir continuer à vivre. Comment faire cohabiter ces deux milieux sans que l'un n'entrave l'autre, ce que nous avons connu dans des lois successives ? Paradoxalement les discours qui ont accompagné la loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI) ou l'Hadopi, sacralisant le droit d'auteur ont toujours été défavorables aux photographes. Dans une loi voulant protéger les créateurs, on a créé cette faille.
Pour revenir sur la question du photojournalisme, des droits à travers la numérisation, de l'atteinte à la propriété intellectuelle, il faut la rapprocher de la problématique du journalisme. Aujourd'hui, on constate dans tous les grands pays développés, et en France depuis deux ou trois ans, une stagnation du nombre de journalistes professionnels titulaires de la carte de presse et une multiplication des supports, notamment numériques. On considère que copier-coller un article ou le réécrire vaguement à partir d'une source qui a eu des coûts est tout à fait naturel. La situation catastrophique dans laquelle se trouve aujourd'hui la presse de qualité et d'information renvoie à cette même problématique en ce qui concerne le photojournalisme. On considère que c'est une source gratuite et inépuisable. Il y a de moins en moins de gens pour produire de moins en moins de diversité. Le regard français est de plus en plus dépendant des grandes agences étrangères pour la perception de l'information internationale. Il y a une paupérisation de l'ensemble du système de l'information et notamment du journalisme de qualité. La question du photojournalisme doit s'inscrire dans cette réflexion plus profonde des systèmes d'information et de leur rémunération.
Je voudrais approfondir une réflexion autour des Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC). Sur nos territoires, il existe un certain nombre de projets de construction ou de réinstallation des FRAC. Il convient de regarder l'évolution des FRAC dans leurs missions et leur implication sur le territoire par rapport à la sensibilisation des publics autour d'oeuvres contemporaines. Ils ont cette double mission d'être des accompagnateurs des artistes émergents mais aussi de donner à voir en particulier aux jeunes, notamment aux lycéens. Il y a aujourd'hui des évolutions dans les projets architecturaux par rapport à des missions qui ne sont plus les mêmes qu'à la création des FRAC.
Sur la question du numérique, se pose bien évidemment le problème de la propriété intellectuelle de l'oeuvre. On devra aussi travailler sur l'évolution des arts numériques, qui révolutionneront la création artistique dans son ensemble.
Les FRAC permettent d'accompagner le public afin de comprendre l'art contemporain et non de le subir. Il ne s'agit surtout pas de créer des frontières entre les publics. Leur rôle tant dans l'acquisition que dans la médiation doit être travaillé et encouragé.
Je vous propose maintenant de passer au vote sur l'ensemble de la mission « Culture ». C'est un avis globalement négatif sur ce budget.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture ».
Puis, la commission procède à l'audition de M. David Douillet, ministre des sports, sur le projet de loi de finances pour 2012.
Nous reprenons les auditions et nous entendons le ministre des sports sur le budget 2012.
Je suis très heureux d'être devant la Haute assemblée. Je veux tout d'abord rétablir une vérité : l'État ne se désengage pas en matière sportive. La baisse du programme 124 s'explique par un transfert de masse salariale vers le programme 219. Le budget consolidé du sport, qui est soumis au vote de votre assemblée, est stable. Il s'élève à 860 millions d'euros.
Nous participons, comme tous les autres ministères, à l'effort d'économie demandé par le Premier ministre. Cela représente un effort de 7 millions d'euros pour le ministère des sports. Ces 7 millions proviennent d'un plafonnement du prélèvement sur les paris sportifs affecté au Centre national pour le développement du sport (CNDS) et d'une diminution des crédits du programme 219. Mais cet effort ne remet pas en cause la politique sportive du Gouvernement.
Enfin, il ne faut pas oublier les efforts qui ont été faits par le passé : le budget du CNDS a augmenté de 58 % entre 2006 et 2012, et le budget consolidé des sports de 56 % entre 2002 et 2012.
Mesdames et messieurs les Sénateurs, je n'ai donc pas peur de le dire : je suis fier d'avoir un ministère plein et de vrais moyens pour agir.
Nous avons toutes les cartes en main pour avoir une politique ambitieuse en matière de sport. Je peux vous assurer que le Président de la République tient à ce que nous ayons une politique sportive ambitieuse.
Pour les prochains mois, j'ai défini trois priorités d'action :
- le développement de la pratique sportive ;
- la valorisation du bénévolat ;
- la définition d'une stratégie d'influence internationale.
Concernant le développement de la pratique, je souligne tout d'abord que le soutien aux fédérations sportives reste un de nos principaux postes de dépense.
Outre ces moyens financiers, nous disposons d'une expertise forte au sein des services de l'État. Je veux notamment que le CNDS devienne un levier plus efficace d'adaptation de l'offre d'accueil des pratiquants à la diversité des besoins de la population.
Les clubs doivent aller chercher de nouveaux publics. Il faut mettre l'accent sur la pratique des adolescents, parce que c'est un âge auquel on constate un décrochage.
Je veux aussi travailler sur la pratique des salariés. Aujourd'hui, nous avons des rythmes de vie très intenses, avec beaucoup de stress, très peu d'activité physique et très peu de soupapes de décompression. Je vous le demande, à quel moment dans la journée avez-vous le temps de penser à vous ? Le sport est cette soupape de décompression dont nous avons besoin. Je vais donc lancer une vraie collaboration avec le monde de l'entreprise pour qu'on mette en place les mécanismes nécessaires à une plus grande pratique des salariés.
L'autre levier évident pour développer la pratique sportive, ce sont les équipements sportifs de proximité. Là aussi, l'État doit faire valoir son expertise.
Nous devons corriger les déséquilibres territoriaux en matière d'équipements sportifs. Nos services vont donc produire un schéma de cohérence territoriale qui permettra d'identifier les territoires sur lesquels nous devons agir en priorité.
Le but est d'avoir des critères plus objectifs pour attribuer nos subventions. Cela participe aussi d'une bonne gestion des deniers publics.
Par ailleurs, une cellule de conseils sera rapidement mise en place afin d'aiguiller les collectivités territoriales dans la construction d'équipements sportifs. Je connais trop d'élus qui ont lancé des projets d'équipements sans avoir pensé à leur utilisation ni au coût de construction et de fonctionnement. Les projets d'équipements doivent répondre à l'intérêt général et au meilleur coût.
Ma seconde priorité, comme je le disais, concerne la valorisation du bénévolat.
Le sport est le premier secteur d'engagement bénévole de notre pays.
La pratique de nos concitoyens repose entièrement sur les 265 000 associations sportives et les 2,5 millions de bénévoles qui accueillent les sportifs amateurs.
Je veux qu'on valorise ces bénévoles et qu'on les accompagne mieux. C'est une priorité du Président de la République. Je vais donc lancer un appel à projet « 1 000 jeunes bénévoles, futurs dirigeants d'associations sportives » pour financer à hauteur d'un million d'euros la formation des futures générations de dirigeants.
Je veux aussi qu'on décharge les bénévoles des contraintes administratives. J'ai déjà demandé au CNDS de simplifier les demandes de subventions pour les plus petites associations. Nous allons également renforcer le rôle des centres de ressources et d'information des bénévoles (CRIB), qui les accompagnent notamment pour la gestion des personnelsý. Dernier point : je voudrais que les entreprises développent le mécénat de compétences, par exemple en matière de gestion ou de management.
Enfin, la France a aujourd'hui besoin de définir une stratégie d'influence internationale en matière sportive.
Le sport de haut niveau participe de cette influence et est, bien entendu, une priorité. Le budget 2012 attribue 45 millions d'euros à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) et 52 millions d'euros pour les écoles nationales et les Centres régionaux de l'éducation populaire et du sport (CREPS).
Mais, le rayonnement du sport français ne se limite pas aux médailles. Nous devons avoir une influence internationale via une présence française dans les instances internationales du sport et en accueillant de grands événements sportifs.
Le rayonnement du sport français est l'opportunité d'ouvrir de nouveaux marchés à nos entreprises et donc de développer l'emploi. C'est l'opportunité de diffuser notre conception du sport, notre culture, nos valeurs et de défendre notre idéal universaliste. C'est un investissement pour l'avenir. Les pays émergents comme le Brésil ou la Chine l'ont bien compris.
Il faut donc que la France soit en capacité d'accueillir les plus grands événements sportifs. Cependant, une candidature doit se préparer très en amont et être accompagnée jusqu'au bout. Il faut une structure pérenne.
Je vais donc mettre en place un comité stratégique qui déterminera les candidatures à lancer et les fonctions internationales devant être ciblées par les Français. Ce comité stratégique s'appuiera sur une cellule technique qui réunira en un lieu unique l'ensemble des compétences du ministère en matière de grands événements.
Nous continuerons, par ailleurs, notre effort de rattrapage en matière de grands équipements ayant vocation à accueillir de grandes compétitions internationales.
Comme vous le savez, 168 millions d'euros seront consacrés à la préparation de l'Euro 2016. Je veillerai à ce que la part prélevée sur le budget du CNDS n'obère pas les moyens affectés au sport pour tous ainsi qu'au soutien aux équipements sportifs territoriaux.
Nous avons par ailleurs créé au sein du CNDS un comité des grands équipements sportifs qui délivrera un label aux projets de grandes infrastructures sportives selon des critères objectifs.
Vous le voyez, la stratégie d'influence internationale repose entièrement sur des réorganisations en interne. C'est un projet à zéro euro. La France dispose de tous les atouts pour être une des plus grandes nations sportives. La seule chose qui lui manque, c'est une bonne structuration et une vision de long terme.
Enfin, dernier point : la lutte contre le dopage et la corruption sportive. En 2012, nous maintenons le financement de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) à 7,8 millions d'euros. Je serai extrêmement ferme sur ces deux sujets. Je suis pour de la rigueur et des sanctions. Je souhaite - et j'ai besoin de vous pour cela - créer un délit pénal à la fois contre le dopage et la corruption liée aux paris en ligne. Pour le dopage, et c'est un ancien athlète qui vous parle, en France nous n'avons jamais eu le courage de rendre responsables pénalement les athlètes qui trichent. L'Italie l'a fait, c'est l'une des recommandations du Comité international olympique (CIO), et c'est mon avis personnel. Le sujet du dopage est majeur : au-delà de broyer la santé de jeunes athlètes, cela crée une contagion des amateurs qui prennent exemple sur ces athlètes. Les athlètes qui trichent volent la vie d'un autre. Prenons l'exemple de Christine Arron : elle a été volée toute sa carrière. Ces tricheurs, ces voleurs, on doit les condamner. Aujourd'hui on condamne les filières, les trafiquants, mais jamais les acteurs. J'ai le même raisonnement sur la corruption du résultat des matchs liée aux paris en ligne. Cette attitude fausse le sport. On a besoin que la France montre l'exemple à l'international. J'ai eu une discussion avec le président de l'Agence mondiale antidopage, et il était d'accord sur ces deux sujets. J'espère que le CIO va lui emboîter le pas, pour que tous les pays se dotent des instruments juridiques nécessaires.
Voilà ce que je voulais vous dire en introduction.
Mesdames et messieurs les Sénateurs, je me tiens à votre disposition pour répondre à vos interrogations.
C'est la première fois que vous intervenez ici, aussi je vous souhaite bonne chance dans vos fonctions de ministre. Mais les choses ne vont pas être simples pour vous, car vous êtes le cinquième ministre en quatre ans et demi et le contexte financier est très difficile.
Le budget des sports est plus que jamais un budget de misère. C'est le dernier du quinquennat, et vous rappelez la volonté présidentielle en la matière. Or, l'engagement qui avait été pris de porter les crédits du sport à 3 % du budget général n'a pas été tenu : ces crédits représentent aujourd'hui 0,15 %. C'est dérisoire. Ne pensez-vous pas que c'est l'échec d'un certain modèle économique du sport ? Ce modèle anglo-saxon a voulu nous faire croire que le privé allait régler tous les problèmes. Aujourd'hui, les entreprises n'investissent nullement dans le sport, la fondation du sport a disparu, et Lagardère a échoué dans l'athlétisme et le tennis. De plus, le privé ne peut pas intervenir dans le milieu scolaire, ni sur le problème de l'équité territoriale. Ce modèle a donc des limites sérieuses.
Je voudrais ensuite évoquer l'Assemblée du sport qui s'est tenue en 2011. Elle a réuni des centaines d'acteurs, avec des propositions très intéressantes. Je voudrais que vous nous disiez lesquelles de ces propositions le ministère a retenues, car c'est loin d'être évident.
Le Sénat a adopté en mai 2011 une proposition de loi portée par le groupe RDSE. C'était un texte généraliste et très consensuel sur l'éthique sportive : l'égalité hommes-femmes, le dopage, la corruption. Quelle suite entendez-vous lui donner ?
Concernant les Jeux olympiques de Londres, je remarque qu'aucune dépense liée au versement des primes aux médaillés n'est inscrite dans le budget. Je ne peux croire que vous n'en attendez aucun, il s'agit donc d'un manque de sincérité de votre budget. Cela représente tout de même 4 millions d'euros, selon les estimations.
Par ailleurs, je voudrais savoir si vous êtes pour ou contre la clause de compétence générale aux départements et aux régions en matière sportive. Le Président de la République a relancé le débat, en marquant sa préférence pour la commune et l'État. Beaucoup d'équipements de proximité ont besoin d'un sérieux dépoussiérage. Comme les communes et les Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont incapables de le financer, il serait nécessaire à mon sens de préserver les financements croisés.
Enfin, j'aborderai la question des agents sportifs. Il y a un débat clivant au Parlement à ce sujet. Qui les finance ? Nous pensons que ce devrait être les sportifs eux-mêmes, et non pas les clubs.
Nous recevons enfin beaucoup de messages d'inquiétude des acteurs du terrain, notamment des ligues régionales qui dénoncent un manque de dialogue avec les structures déconcentrées de l'État. Dans cette multiplicité des interlocuteurs, on ne s'y retrouve pas. Il faut clarifier la situation.
Je vais vous répondre tout d'abord sur le financement du sport. Le modèle français totalise une dépense globale de 36 milliards d'euros :
- 11 milliards d'euros des collectivités territoriales, une somme qui est stable depuis 2009 ;
- 17,4 milliards d'euros de la part des ménages ;
- 4,3 milliards d'euros de l'État dont 3,5 milliards d'euros consacrés à la formation des enseignants d'éducation physique et sportive ;
- 3,3 milliards d'euros des entreprises ;
- 1,2 milliard d'euros des médias, notamment via les droits de retransmission.
Outre ces financements, quelles seraient les pistes nouvelles ? On pourrait par exemple faire avancer l'idée de « concept élite » du sport, qui a été évoquée en Europe.
Effectivement, les grandes entreprises peuvent se désengager ou adopter une attitude dite de « la danseuse du patron ». Pour éviter cela, il faut créer de réelles passerelles entre le monde du sport et le monde des entreprises. Ces mondes ne se connaissent pas mutuellement. J'ai le même constat que vous : quand on cherche des mécènes pour une candidature, ils viennent éventuellement, mais souvent ensuite il ne se passe plus rien ensuite. Cela a été le cas à Annecy. C'est pour cela qu'il faut créer des liens en amont, qu'il faut travailler ensemble avant même de solliciter de l'argent. Par exemple, les réseaux internationaux considérables du sport pourraient profiter aux entreprises. Ce n'est pas fait. Le monde diplomatique y est favorable, et j'ai pu l'en convaincre lors de mes précédentes fonctions. La France dispose du deuxième réseau diplomatique au monde, il faut que cette ressource soit mise à profit. Pour continuer à financer le sport, il y a encore beaucoup de travail. Je veux le mettre en place.
Vous m'avez interpellé sur l'Assemblée du sport. Je la trouvais trop complexe, bien que totalement pertinente. Elle était trop fournie, à tel point que c'était un problème : je l'ai donc réduite à 23 sièges, pour que chacun d'eux soit concerné et réellement présent. N'y voyez pas une vision négative de l'Assemblée : je l'ai restreinte pour la spécifier et la valoriser.
Concernant la proposition de loi de M. Yvon Collin que vous avez évoquée, j'y vois beaucoup de choses très intéressantes et je voudrais qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Nous sommes en discussion avec Matignon à cette fin, mais il y a un véritable embouteillage législatif. J'userai de tout mon poids !
Je souhaiterais maintenant vous parler plus précisément de mon budget. Il représente en réalité 0,3 % du budget de l'État. Je suis d'accord avec vous ; le Président de la République lui-même, qui est un grand défenseur du sport français, aimerait pouvoir donner beaucoup plus. Mais les contraintes actuelles, vous les connaissez aussi bien que moi. Conserver le budget dans ces conditions est déjà un exploit. C'est un acquis de haute lutte, je me bats tous les jours pour le préserver.
Pour les médailles, M. Lozach, vous avez raison. J'aimerais pouvoir fixer le nombre de médailles et faire en sorte qu'elles soient toutes gagnées ! Mais tant qu'elles ne sont pas connues, on ne peut qu'estimer. Inscrire un chiffre au budget pourrait être problématique. Ce sera donc inscrit en loi de finances rectificative, comme c'est le cas tous les ans.
Les athlètes français ne seront pas oubliés. J'essaierai même - je dis bien « essaierai » - de les augmenter.
Vous me posiez aussi la question de la compétence générale. Bien sûr, nous avons besoin de tous les cumuls. Le texte le dit, et rien n'a changé à ma connaissance.
Quel homme politique prendrait le risque de se couper des infrastructures sportives locales ? Le schéma de cohérence territoriale va être un outil fondamental sur ce sujet. L'objectif est que chaque enfant de France soit à 30 minutes au grand maximum d'une infrastructure sportive. Le schéma servira à faire les bons choix et à cibler les endroits où il y a un déficit d'équipements. Les collectivités territoriales seront accompagnées dans l'élaboration du projet, voire jusque dans la négociation avec les prestataires et les investisseurs.
Le sujet qui me tient à coeur est le « savoir nager ». Il n'y a pas assez de piscines, alors que le plan piscines dure depuis des années et coûte très cher. Je n'ai pas parlé de haut niveau depuis le début de mon intervention, et c'est bien parce qu'il dépend essentiellement de l'élargissement de la base des amateurs. La meilleure politique de haut niveau, c'est de favoriser la pratique de masses. Parmi ces amateurs émergeront des talents, une partie minime en fera son métier, et les autres en tireront des valeurs structurantes.
Vous parlez aussi des agents sportifs. Pour moi, je ne comprends tout simplement pas comment un athlète peut confier ses intérêts à un individu payé par la partie adverse. L'agent négocie avec un tiers et est payé par ce même tiers ! Ce serait beaucoup plus sain que l'agent et l'avocat - sur lequel il y a aussi beaucoup de travail à faire - soient payés par ceux qu'ils représentent.
Enfin, après la réforme de l'administration déconcentrée, il y a eu un moment de flottement et de doute. C'est un réflexe humain. J'ai rassemblé tous les directeurs régionaux, et je rencontrerai bientôt les directeurs départementaux, afin de clarifier leur mission. Je leur explique qu'ils sont véritablement le bras armé de l'État en matière de sport. Leur pertinence dépend donc de leur proximité avec les interlocuteurs locaux. Il s'agit d'un travail de réaffirmation de leur importance. Je veux rappeler d'ailleurs que désormais on fusionnera, dans un même corps administratif, le sport et la santé. Ce sont deux types de métiers avec des passerelles entre eux. Le corps « sport » était petit, c'est-à-dire en risque de disparition, et beaucoup moins bien traité que son homologue « santé ». Il y a eu une remise à niveau. Aujourd'hui, on continue à distinguer les deux métiers, mais ils sont au même niveau et il y a des possibilités de mobilité de carrière entre les deux.
Je constate que les règles appliquées par le CNDS dans l'attribution des aides sont un peu étonnantes. Je dispose d'un exemple où un projet structurant en haute qualité environnementale dont le budget dépassait les deux millions d'euros n'a pas été soutenu alors qu'un projet financé à hauteur de 1,2 million d'euros a été subventionné à hauteur de 25 %. Je souhaiterais avoir des éclaircissements sur la méthodologie utilisée. D'autre part, l'avis des EPCI sur ces projets pourrait aider le CNDS à irriguer le territoire équitablement. Même si la subvention est accordée à la commune, l'intercommunalité pourrait rendre un avis. Par ailleurs, je constate que la part du soutien au sport amateur dans le budget de l'État est extrêmement réduite et on peut se poser la question de sa capacité à réellement s'impliquer dans cette politique.
En 2011, il y a eu une baisse très importante du nombre de licenciés de la fédération française de football. Cette baisse est évaluée à 5,6 % des effectifs, soit 125 000 licenciés, en raison des événements qui se sont déroulés lors de la Coupe du monde organisée en Afrique du sud. Je regrette qu'un tel discrédit ait été jeté sur un sport si populaire dans notre pays.
En outre, si les ministres se succèdent rapidement, les sénateurs restent et je continue donc à poser une question de manière récurrente aux nouveaux interlocuteurs que je rencontre : celle des mineurs, souvent Africains, appâtés par des agents malhonnêtes, et laissés sur le territoire français sans ressources, n'est toujours pas traitée par le ministère. Des actions sont menées en revanche de manière privée, telle que l'Académie de M. Jean-Marc Guillou, à Abidjan, qui permet de former les joueurs localement.
Enfin, la délégation du Sénat au droit des femmes a rendu son rapport annuel en 2011 sur les femmes dans le sport, qui constitue un sujet important. J'espère que vous allez engager des mesures afin d'encourager leurs pratiques et de réduire les discriminations dont elles peuvent être victimes. Je salue d'ailleurs les bonnes performances du football féminin, trop peu mis en valeur à mon goût.
En tant que maire de Saint-Etienne, j'avais interrogé Mme Chantal Jouanno sur la méthodologie utilisée en matière de choix des sites français pour les manifestations internationales. Alors que les collectivités territoriales peuvent financer de manière importante des infrastructures lourdes, elles se voient pénalisées par des décisions prises par des conseils fédéraux de fédérations. Je suis favorable à la mise en place d'instances ad hoc associant le mouvement sportif, l'État et les collectivités territoriales et prenant en la matière des décisions sur la base de critères objectifs.
S'agissant de la question des normes sportives, leur évolution a des conséquences lourdes pour les fédérations et je considère que, là encore, des améliorations restent possibles.
Je constate, pour le regretter, que votre ministère a du mal à s'imposer comme une priorité dans les arbitrages budgétaires, alors que la politique sportive a des effets positifs transversaux majeurs en matière de santé publique et de cohésion sociale.
Je m'interroge, en outre, sur la contradiction d'un Gouvernement qui veut renforcer la place du sport dans l'entreprise et qui souhaite en même temps revenir sur les 35 heures.
S'agissant de la question de la continuité territoriale en outre-mer, je déplore que les clubs qui participent aux phases finales des championnats de France doivent bien souvent financer eux-mêmes le déplacement en métropole, ce qui rend leur présence difficile.
Enfin, je n'ai pas trouvé trace du financement du projet « Guyane, base avancée » dans les bleus budgétaires, notamment mis en place dans la perspective des Jeux olympiques de 2016, mais qui trouve des applications dès 2012. Où en est-on ?
Je souhaiterais savoir si l'on peut recenser l'ensemble des dépenses sportives prises en charge par les collectivités territoriales ?
Elles engagent annuellement 17,4 milliards d'euros, dont une partie est forcément issue de dotations de l'État...
Quelle est la place accordée à la promotion du handisport et quelle action menez-vous auprès des diffuseurs pour améliorer la retransmission des compétitions paralympiques et handisport ? En effet, la loi sur le handicap visait aussi à changer le regard de la société sur la personne porteuse de handicap et, à cet égard, le sport peut jouer un rôle important.
Je me félicite de l'implication du ministre qui souhaite intervenir sur la moralisation du sport. On se rend notamment compte, et c'est problématique, que certains agents sont à la fois ceux des joueurs et des entraîneurs. Sur les salaires faramineux de certains sportifs, je note que la concurrence européenne ne faiblit pas, notamment en raison des disparités fiscales, et je souhaite que vous puissiez vous impliquer sur cette question.
Je vous remercie pour la pertinence de vos questions. Monsieur Le Scouarnec, je suis favorable à la clarification des règles d'attribution des subventions, qui sont complexes. Les différences de subventions s'expliquent en partie par les priorités posées par le mouvement sportif, qui a un rôle majeur sur cette question. J'estime que le rôle des schémas de cohérence territoriale que je souhaite mettre en place sera fondamental et devrait freiner le saupoudrage des subventions néfaste au développement du sport.
C'est la pertinence des projets qui doit prévaloir et, à cet égard, la construction de piscines, même avec de petits budgets, 2 millions d'euros sont suffisants pour mettre en place des bassins de 250 m², doit être encouragée parce qu'il s'agit d'un enjeu de société important, bien au-delà de leur intérêt en matière de sport de haut niveau.
Sur le financement du sport amateur, je souhaite que les conventions d'objectifs avec les fédérations prévoient qu'elles mettent en place de véritables plans d'action en faveur de leurs clubs, avec même des retours financiers pour les plus fragiles.
J'espère, madame Blondin, que le football a compris la leçon et que l'impact des évènements que vous avez évoqués sur la pratique amateur ne sera pas trop important. A cet égard, et afin de s'en prémunir, j'insiste une nouvelle fois sur l'intérêt que doivent porter les fédérations aux demandes de leurs clubs et aux besoins de leurs licenciés. Sur la problématique des jeunes joueurs africains, je souligne que la FIFA (Fédération internationale de football association) a interdit les pratiques de transferts de mineurs et que la question de l'assainissement du rôle des agents n'est pas étrangère à cette problématique. En outre, lorsqu'un sportif se licencie dans une fédération, celle-ci doit vérifier qu'il ne s'agit pas de trafic de mineurs et que l'accord des parents a été obtenu. La fédération française de football est, au demeurant, consciente de cette réalité et soutient la formation d'éducateurs africains. J'estime, cependant, que la situation s'est améliorée sur ce sujet. En matière de pratique féminine, je vous suis pleinement sur le constat qu'il n'y a pas suffisamment de femmes pratiquantes, ce qui est particulièrement frappant passé un certain âge. Les raisons sont multiples et certaines sont culturelles et liées au rapport au corps. C'est dommage et je vous confirme que le spectacle offert par les joueuses est souvent tout à fait passionnant.
Je rejoins également Mme Gillot sur la faiblesse des retransmissions des disciplines handisport à la télévision mais cette difficulté concerne également de nombreux sports valides, très peu présents médiatiquement. Le projet d'une chaîne « sport » par le Comité national olympique est tout à fait pertinent pour répondre à cette problématique.
Monsieur Pierre Martin, je suis moi-même préoccupé par les conflits d'intérêts en matière sportive et le fait qu'une personne puisse être l'agent d'un entraîneur et d'un joueur d'une même équipe peut être problématique.
Si je peux me permettre de conclure rapidement, je souhaiterais faire le constat que le sport prend une ampleur jamais connue au niveau mondial et que la France doit être leader sur les sujets de protection de son éthique. Elle est déjà d'ailleurs très écoutée grâce au savoir-faire français sur les valeurs du sport.
Je voudrais donner l'exemple de cette athlète qui court sur des prothèses. Il a demandé à courir avec les valides et cela lui a été refusé.
Sa demande a finalement été acceptée. Mais vous avez raison, c'est un sujet très important et je m'y attache tout particulièrement.
M. Vincent, vous mentionnez le comité de pilotage qui a rejeté la candidature de Saint-Etienne. Il était composé de représentants de l'État, de l'Euro 2016, de la fédération française de football et des collectivités territoriales. Je ne sais pas quoi vous dire d'autre. La place de l'État dans ces comités sera surveillée, et bien entendu nous veillerons à une vraie objectivité dans leurs choix.
Le problème des normes est quelque chose dont nous sommes conscients. L'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES) est très attachée à cela et je suis mille fois d'accord avec elle. Je souhaite un renforcement des collectivités territoriales au sein de la CERFRES (commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs). Elle a d'ailleurs été élargie de deux nouveaux représentants des collectivités. Le mot a donc été entendu, y compris par les fédérations.
M. Antoinette, vous m'interrogiez sur la venue des clubs d'Outre-mer en France et sur la base avancée en Guyane. Cela fait des années que j'entends les clubs dire que cette situation est injuste. Mais c'est réellement aux fédérations d'organiser cela : la continuité territoriale est de leur responsabilité. Si je dégageais des financements pour ces transports, on m'accuserait d'ingérence. Merci de m'avoir rappelé ce sujet, je ne manquerai pas de le signaler aux fédérations.
Un autre sujet me préoccupe : le sous-équipement de l'Outre-mer. En Guyane, à la Réunion, en Nouvelle-Calédonie il faut y faire attention. Dans les îles sud du Pacifique, il y a un potentiel incroyable. Mon rêve serait de capter les jeunes talents issus de ces territoires pour les amener à l'excellence. J'étudie actuellement la possibilité d'envoyer un conseiller technique pour organiser ce captage. Le projet « Guyane, base avancée » mobilise 14 millions d'euros : 8 millions d'euros de l'État, 3 millions d'euros de l'Outre-mer et 3 millions d'euros du Centre nationale d'études spatiales. Les collectivités territoriales apportent également 16 millions d'euros, ce qui en fait un projet à 30 millions d'euros. Ce n'est qu'un début.
Mme Gillot, je vous remercie de signaler le handisport. Il existe actuellement différentes aides aux clubs pour permettre sa pratique. Les primes aux médailles sont équivalentes à celles des valides, c'est quelque chose que nous avions obtenu il y a quelques années déjà. Des financements sont également destinés à améliorer l'accès aux équipements. Il faut changer le regard sur le handicap. Béatrice Hess a gagné 24 médailles pour la France. Elle est mère de famille, elle a une activité professionnelle, et elle est athlète de haut niveau. C'est l'une des rares athlètes qui m'ait fait pleurer lors d'une de ses victoires. Mais dites cela à une chaîne de télévision : ils vous rient au nez.