Intervention de Ambroise Dupont

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 17 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission écologie développement et aménagement durables - examen du rapport pour avis

Photo de Ambroise DupontAmbroise Dupont, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » :

Avec l'autorisation de la commission, je me penche chaque année, au-delà du rapport budgétaire, sur une thématique particulière. J'ai choisi, cette année, le Conservatoire du littoral.

Venons-en à la présentation des crédits du programme 113 « Urbanisme, paysages, eau et biodiversité ». Les efforts consentis en faveur du Grenelle se poursuivent, avec une augmentation de plus de 3 % des autorisations d'engagement, portées à 360 millions d'euros et une stabilisation des crédits de paiement à 346 millions d'euros. Près de 80 % de ces crédits sont consacrés à l'action n° 7 « Gestion des milieux et biodiversité », le reste allant à l'action n° 1 « Urbanisme, aménagement et sites - planification ». Le budget pour 2011 mettait l'accent sur certains axes au détriment des parcs nationaux, de la biodiversité et des milieux marins, ce que notre commission avait dénoncé. Le budget pour 2012 inverse la tendance et opère un net rattrapage, puisque 54 millions d'euros seront consacrés à ces trois thèmes, soit une augmentation, substantielle, de 34 %. Les crédits destinés aux espaces protégés augmentent quant à eux de 46 %, tandis qu'un million d'euros supplémentaire est prévu pour les réserves naturelles nationales. En outre, les parcs nationaux sont remis à l'honneur avec la création du parc des calanques, premier des trois projets identifiés par le Grenelle, mais aussi du parc national de zones humides ou l'extension des parcs de Guadeloupe et de Port-Cros. Huit équivalents temps plein travaillé (ETPT) seront créés pour accompagner leur phase de lancement. Enfin, 15 millions d'euros sont prévus en faveur de la stratégie nationale pour la biodiversité.

C'est par rééquilibrage qu'opère le projet de loi de finances, en réduisant les crédits destinés aux politiques prioritaires de l'année dernière, comme les matières premières minérales non énergétiques. On peut regretter ces effets de « yoyo » - les efforts budgétaires en dents de scie rendent difficile la planification des projets - tout comme le manque de lisibilité du projet annuel de performances, qui ne propose aucune présentation transversale, ne permet donc pas une analyse fine des crédits, d'autant qu'au sein de chaque catégorie de dépense, sont distingués les crédits « Grenelle » et « hors Grenelle ».

J'attire enfin votre attention sur le phénomène de financiarisation de la protection de la biodiversité : un marché financier de compensation des dommages causés à la biodiversité est en train de se mettre en place. Or, contrairement au marché du CO2, celui-ci est nécessairement lié à un territoire, et soulève donc la question de leur propriété. Certains y voient le risque d'une spéculation sur la valeur du patrimoine naturel mondial après la conférence de Nagoya sur le sujet. En finançant la protection de certaines zones, les entreprises pourraient désormais déposer des brevets sur les ressources naturelles découvertes à cette occasion. En France, un premier pas a été franchi avec le lancement, par la Caisse des dépôts, d'un marché d'unités de biodiversité. Nous sommes loin des risques que je viens d'évoquer, mais j'encourage notre commission à se pencher sur cette tendance, qui pourrait séduire dans un contexte budgétaire tendu.

J'en viens au Conservatoire du littoral, créé en 1975, qui mène une politique foncière de sauvegarde et de gestion durable de l'espace littoral et des milieux naturels associés. Chacun reconnaît la pertinence de son modèle de gouvernance, dans lequel lui-même assure, en tant que propriétaire, la restauration et l'aménagement des terrains, tandis que leur gestion est confiée aux collectivités territoriales.

Cependant, dans le contexte de crise que nous connaissons, les missions et les moyens du Conservatoire évoluent, appelant une adaptation de ses actions. C'est ainsi que le Gouvernement a annoncé, en juillet, le transfert à l'établissement de 60 à 70 phares d'ici cinq à dix ans. Le budget 2012 prévoit une compensation de 500 000 euros et 3 ETP, suite au transfert, déjà engagé, d'un premier phare, celui de Senetosa, en Corse. Voilà qui appelle une réflexion approfondie sur les missions et la gestion du Conservatoire, qui n'a pas vocation à prendre en charge du patrimoine bâti, ni à le gérer lui-même. La valorisation des phares est délicate en raison de leur double nature : patrimoine historique mais aussi service public relevant des affaires maritimes. Le Conservatoire cherche aujourd'hui des solutions innovantes pour concilier ces impératifs, par exemple en s'associant à des gestionnaires privés. Le gouvernement ne doit cependant pas s'exempter de sa propre responsabilité : il doit compenser ce transfert. En outre, les phares servent aujourd'hui à la petite navigation tandis que les grands transports, qui finançaient autrefois le fonctionnement de ces phares, n'utilisent plus ces signaux. Il faut donc réfléchir au financement du Conservatoire et revoir l'assiette de la taxe qui lui est affectée.

Le Conservatoire dépense chaque année 44 millions d'euros, dont la moitié est consacrée à des interventions foncières de plus en plus lourdes, le tiers sauvage représentant environ 220 000 hectares, dont 136 000 ont déjà été acquis. Sa principale ressource est l'affectation du droit annuel de francisation des navires (DAFN), soit 38,9 millions d'euros en 2011. Le Conservatoire pensait faire face au transfert des phares grâce à l'élargissement de l'assiette de cette taxe. Or, le plafonnement de la part affectée au Conservatoire a été ramené à 37 millions d'euros, soit une perte de 2 millions d'euros, montant insuffisant pour assumer ses nouvelles charges. De plus, après avoir retiré à l'ONF sa subvention de 400 000 euros pour la gestion du littoral outre-mer, le ministère n'a réaffecté à ce titre que 250 000 euros au Conservatoire.

Ces orientations risquent, à terme, de remettre en cause l'action de protection du littoral du Conservatoire. S'il est normal, en période de crise économique, que les arbitrages budgétaires touchent, comme les autres, les opérateurs du programme 113, il serait en revanche rassurant de savoir que l'État pourra redéployer, à titre exceptionnel, des crédits qui permettraient de saisir des opportunités d'acquisition qui ne se représenteraient pas. Si le Conservatoire ne peut acheter les terrains qui se vendent, il ne sera pas possible d'atteindre l'objectif des 220 000 hectares. J'ai connu des années durant lesquelles le budget du Conservatoire était insuffisant, mais le ministère du budget redéployait des crédits pour ne pas laisser passer des ventes de terrains qui coûtent d'ailleurs de plus en plus cher.

Pour aller au-delà de cette présentation bien succincte, je vous invite à vous reporter au rapport écrit, qui développe et complète les points que je viens d'évoquer.

Compte tenu des efforts budgétaires pour 2012, qui répondent aux inquiétudes que nous avions exprimées l'année dernière, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ».

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