Intervention de Louis Duvernois

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 17 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission action extérieure de l'état - examen du rapport pour avis

Photo de Louis DuvernoisLouis Duvernois, rapporteur pour avis sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » :

J'indique d'emblée que si la loi du 27 juin 2010 relative à l'action extérieure de l'État, qui portait création des trois établissements publics que sont l'Institut français, Campus France et France Expertise Internationale, les principaux champs de la réforme demeurent en cours d'exécution. Avec des progrès difficiles dans certains domaines, comme pour Campus France, plus manifestes dans d'autres, malgré des retards imputables tant au contexte budgétaire contraint qu'à certaines résistances culturelles persistantes, notamment en cas de cotutelles.

Les deux années précédentes, notre commission, jugeant que la baisse des crédits de notre action culturelle extérieure rendait insoutenable la poursuite de la réforme de notre réseau culturel à l'étranger, avait refusé, à l'unanimité, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. Une fois n'est pas coutume, les crédits du programme 185 connaissent une augmentation, certes légère, mais suffisamment inhabituelle pour être soulignée. De fait, le budget de la diplomatie culturelle et d'influence résiste aux contraintes budgétaires lourdes qui caractérisent ce projet de loi de finances. L'autorité morale du ministre d'État n'y est sans doute pas étrangère.

C'est ainsi que les crédits du programme 185, consacré à la diplomatie culturelle et à la mobilité universitaire et scientifique, devraient s'élever, en 2012, à un peu plus de 242 millions, soit une augmentation de 1,2 %, tandis que le montant des crédits de fonctionnement et d'intervention consacrés stricto sensu à notre action culturelle et linguistique à l'étranger, c'est-à-dire hors titre 2, Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et mobilité universitaire et scientifique, s'établiront à 136 millions, en progression de 5,4 %. Je m'inquiète, en revanche, de la diminution de 4,5 % que subissent les crédits de la mobilité universitaire et scientifique.

Doté d'un budget avoisinant les 53 millions en 2011, l'Institut français est aujourd'hui en ordre de marche, et prêt à conduire les missions qui lui ont été confiées par la loi. Je me réjouis que le projet de contrat d'objectifs et de moyens le liant à l'État pour la période 2011-2013 ait mis l'accent sur les enjeux prioritaires que constituent la montée en puissance des programmes de formation des personnels de notre réseau culturel et l'expérimentation du rattachement de douze postes, ainsi que l'a rappelé le président de l'Institut Xavier Darcos lors de son audition.

Je veux dissiper les craintes manifestées par les alliances françaises face à la montée en puissance de l'Institut français dans la gestion du réseau des établissements culturels à autonomie financière (EAF), c'est-à-dire nos instituts et centres culturels français à l'étranger : toute forme de concurrence franco-française entre alliances et instituts doit être et sera rigoureusement évitée. D'où la poursuite de la politique consistant à supprimer autant que faire se peut les doublons sur un même territoire. Dans les pays comportant à la fois des EAF et des alliances, il est prévu d'opérer une répartition des tâches et des secteurs d'intervention, les premiers ayant vocation à se concentrer sur les missions institutionnelles traditionnelles des missions diplomatiques - coopération culturelle, universitaire et scientifique. Que le conseiller de coopération et d'action culturelle de l'ambassade préside l'institut français du pays concerné ne doit pas jouer en défaveur des alliances, notamment en matière d'attribution des appels à projets. Mais le fait est que les appels lancés depuis la mise en place de l'Institut français continuent de bénéficier de façon significative aux alliances françaises.

La dotation de l'AEFE s'établira, en 2012, à 422,5 millions, sur le programme 185. Les crédits de l'aide à la scolarisation des élèves français à l'étranger, inscrits sur le programme 151 de la mission, pour un montant de 125,5 millions, permettent de financer les bourses scolaires ainsi que la prise en charge des frais de scolarité des élèves français de lycée. Le coût de cette prise en charge est enfin maîtrisé à la suite de l'adoption par le Parlement, à l'initiative de notre assemblée, de mesures d'encadrement - moratoire sur son extension au-delà du lycée et cristallisation - ou plafonnement - du montant pris en charge sur la base des frais d'écolage observés en 2007-2008.

Je me réjouis des dérogations obtenues par le ministre des affaires étrangères afin d'autoriser l'AEFE, qui ne peut plus désormais emprunter pour une durée supérieure à douze mois, à bénéficier d'avances de France Trésor afin de mener à bien ses projets immobiliers prioritaires.

J'en viens à mon principal sujet de préoccupation : la mise en place du nouvel établissement public à caractère industriel et commercial Campus France, chargé par la loi d'assurer la promotion à l'étranger de notre système d'enseignement supérieur. Issu de la fusion du groupement d'intérêt public Campus France et de l'association Egide, le nouvel EPIC doit également se voir transférer, à terme, la gestion de l'ensemble des bourses destinées aux étudiants étrangers dont une partie est aujourd'hui assurée par la sous-direction des affaires internationales du Cnous, le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires.

Un retard considérable a été pris dans la publication du décret relatif à la mise en place de l'EPIC Campus France en raison d'un désaccord persistant entre les deux ministères de tutelle, les affaires étrangères et l'enseignement supérieur et la recherche, sur le modèle économique de l'opérateur. Le transfert d'ETP du réseau des oeuvres universitaires vers le nouvel EPIC et la perte, pour le Cnous, d'une activité excédentaire liée à la gestion des bourses des gouvernements étrangers cristallisent en réalité les tensions.

Compte tenu de la diminution de ses subventions publiques au cours de ces deux dernières années, le réseau des Cnous et des Crous rechigne à transférer une partie de ses ETP à une nouvelle structure, quand bien même la loi lui en fait obligation en vue de simplifier notre système national de gestion des boursiers étrangers. Le ministère des affaires étrangères fait valoir qu'une sous dotation en personnel pour la gestion de ces bourses condamnerait l'EPIC au déficit, donc à l'échec.

Le dossier a été transmis à Matignon à qui il reviendra de trancher. Notre pays ne peut se permettre d'attendre plus longtemps la mise en place d'instruments opérationnels au service de l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur. Je n'ai pas manqué de rappeler à M. Wauquiez, lors de sa récente audition, que la France a été rétrogradée au quatrième rang mondial pour l'accueil des étudiants étrangers, dépassée par l'Australie qui conduit désormais une politique offensive auprès des étudiants étrangers, en assouplissant ses conditions d'octroi de visas. Sujet ô combien d'actualité...

Compte tenu de la bonne résistance des crédits de notre action culturelle extérieure dans un contexte particulièrement contraint, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 185 au sein de la mission « Action extérieure de l'État ». Enfin, la commission des finances s'en est remise à la sagesse du Sénat sur cette mission.

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