Assurant la poursuite de l'exposé, M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté également que, si les recettes de TVA sont globalement proportionnelles au poids réel de l'activité du e-commerce dans chaque pays, certains d'entre eux ont une balance e-commerce positive en raison de leur écart de taux de TVA.
En effet, le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France perdent des recettes fiscales tandis que les « petits » Etats comme le Luxembourg ou l'Irlande sont bénéficiaires nets. Il a indiqué que, sur l'année 2008, Greenwich Consulting évalue le manque à gagner de TVA de la France à près de 300 millions d'euros. Ce manque à gagner pourrait atteindre 400 millions d'euros en 2010, 500 millions en 2012 et 560 millions en 2014, ce qui représenterait au total plus de 2 milliards d'euros pour les années 2011 à 2014. Toutefois, le Royaume-Uni resterait le pays le plus durement touché, avec près de 2 milliards d'euros par an de manque à gagner de TVA jusqu'en 2014. Un problème de convergence des finances publiques se pose donc pour les « grands » Etats européens que sont l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France.
Abordant la question de l'impôt sur les sociétés, il a rappelé que les multinationales ont une approche globale du marché européen : un siège social paneuropéen consolide la majorité du chiffre d'affaires et des bénéfices (ex. : eBay en Suisse, Amazon au Luxembourg, Expedia en Irlande). Ces mécanismes ne sont pas propres au e-commerce mais leur ampleur est accrue par la grande mobilité des fonctions, des biens et des risques.
Citant l'exemple d'optimisation fiscale mise en place par Amazon en matière d'impôt sur les sociétés, il a relevé que, selon l'analyse de Greenwich Consulting, cette société capte un volume d'affaires de 930 millions d'euros en France, alors que la filiale française ne déclare qu'un chiffre d'affaires de 25 millions d'euros, au titre de prestations de services logistiques, rémunérées par la holding luxembourgeoise.
Soulignant que les sites de e-commerce échappent à la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré qu'il n'est pas anormal que chaque type de commerce possède des avantages et inconvénients propres, dans la mesure où commerce électronique et commerce traditionnel revêtent des réalités différentes. En conséquence, si les sites de commerce électronique ne paient pas de loyer ni de TASCOM, il s'est demandé s'il ne serait pas envisageable de créer une assiette spécifique pour le commerce électronique, dont il resterait à définir le mode de calcul.
Enfin, il a déclaré que, au-delà du seul débat sur la taxation de la publicité sur Internet, dans lequel la commission des finances du Sénat est pleinement intervenue, le développement du commerce électronique soulève des problématiques majeures en matière de préservation des recettes fiscales.
C'est pourquoi, afin de susciter le débat, il a souhaité conclure cette présentation par une série de questions :
- peut-on, alors que la consolidation des recettes publiques est essentielle et comme cela ressort de l'étude Greenwich, considérer qu'une politique de compétitivité fiscale serait le meilleur moyen de conserver des assiettes taxables en France afin de permettre le retour à l'équilibre des comptes publics?
- quelle serait l'autre solution pour éviter le dumping généralisé en Europe, alors que l'harmonisation fiscale européenne est à la fois indispensable et un voeu pieux ?
- faut-il une fiscalité spécifique au e-commerce (comme aux Etats-Unis d'Amérique qui ont supprimé la TVA sur le e-commerce ou au Luxembourg) ou bien faut-il taxer de manière identique toutes les activités, quel qu'en soit le support technologique ?
- comment intégrer le facteur technologique dans la définition des assiettes (notamment, comment localiser, ou territorialiser le consommateur) ? Faut-il adapter les assiettes des impôts existants ?
- faut-il créer des taxes spécifiques aux activités dématérialisées ?