Intervention de Jacques Legendre

Réunion du 15 mars 2005 à 21h30
Avenir de l'école — Discussion générale

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre :

Vous vous attachez, monsieur le ministre, à assurer à tous les jeunes la maîtrise d'un « socle commun ». Vous avez raison ! Ce souci est pragmatique et raisonnable. Cependant, il vous vaut deux critiques bien différentes.

Pour les uns, un peu méprisants, ce socle est insuffisant. Cette « culture partagée » - je préfère ce terme - n'est qu'un SMIC culturel. C'est oublier qu'il s'agit d'abord de garantir ce niveau à des jeunes qui, actuellement, ne l'atteignent pas, et de loin ... Comment peut-on réussir sa vie au XXle siècle quand on ne sait pas vraiment lire, écrire et compter ?

Le reproche qui vous est fait est d'autant plus injuste que le brevet, que vous avez entrepris de revaloriser, est là pour sanctionner l'acquisition de cette culture commune. Les objectifs chiffrés que vous prescrivez à l'effort national montrent bien que vous avez l'ambition qu'un maximum de jeunes aillent bien plus loin dans l'acquisition des connaissances.

D'autres constatent que le contenu de ce « socle » ne mentionne pas leur discipline. Ils craignent alors pour son avenir.

Il est pourtant évident qu'un socle ne peut pas tout contenir. Ne pas être inscrit parmi les fondamentaux ne porte pas condamnation de la matière ! Je pense ici aux inquiétudes exprimées par les professeurs des disciplines artistiques et je ne peux pas croire non plus - moi qui suis historien - que l'histoire-géographie ne trouve pas sa place parmi des connaissances sans lesquelles il n'est pas de citoyen ni de « culture humaniste et scientifique permettant l'exercice de la citoyenneté ».

Mais il ne s'agit pas seulement de débattre des contenus, il faut également être très attentif à la pédagogie mise en oeuvre.

En 1975, pour favoriser l'égalité des chances, on a décidé d'admettre tous les jeunes dans un collège unique, avec des classes hétérogènes. Je croyais à l'époque que, s'il était possible de fusionner des sixièmes de type lycée et de type collège, il serait peut-être plus discutable d'adjoindre à la même classe des élèves relevant de ce qu'on appelait alors le « type III ».

Nous savons maintenant que ces classes uniques des collèges n'ont pas donné les résultats escomptés, puisque des dizaines de milliers d'élèves sortent encore du système éducatif sans aucune formation et que les journées d'appel de l'armée recensent encore environ 6 % d'illettrés.

On nous répond maintenant qu'il s'agit pour l'enseignant de pratiquer une « pédagogie différenciée ». Certes ! Mais le professeur pourra-t-il réellement se démultiplier, différencier sa pédagogie ?

Et puis, de quelle pédagogie parle-t-on ? On nous parle d'une pédagogie « centrée sur l'élève ». L'expression est a priori sympathique, et l'on adhère à cette vision. Mais, concrètement, il s'agit de remplacer la leçon de grammaire par « l'observation réfléchie de la langue française ». Les écoliers doivent ainsi « comparer des éléments linguistiques divers pour en dégager les ressemblances et les différences ». Quitte à paraître totalement dépassé - et pour avoir été aussi professeur de français -, je crois qu'une bonne leçon de grammaire et une bonne dictée continuent à ne pas être inutiles, ...

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