Intervention de David Thesmar

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 février 2011 : 1ère réunion
Loi de finances rectificative sur la fiscalité du patrimoine — Table ronde d'économistes

David Thesmar :

Contrairement à mes collègues, mon étude n'a pas concerné la fiscalité dans son ensemble mais uniquement celle associée au patrimoine des ménages. La fiscalité française du patrimoine se caractérise par sa complexité et par la multiplicité des dispositifs dont les finalités peuvent être contradictoires entre elles. On cherche aussi bien à favoriser l'épargne risquée (un tiers de l'épargne des ménages avec incitation fiscale) que non risquée (40 % de l'épargne des ménages avec incitation fiscale), l'épargne liquide que l'épargne bloquée. Au total, le résultat de l'ensemble de ces incitations fiscales est neutre, voire légèrement défavorable à l'épargne risquée selon une étude récente du Trésor. Par ailleurs, cette complexité a pour conséquence un effet de redistribution à l'envers puisque pour pouvoir bénéficier des dispositifs dégressifs, il est nécessaire initialement de disposer de revenus relativement importants. La poursuite simultanée des logiques progressive et dégressive est un exemple supplémentaire de conflit d'objectifs. Au total, l'accumulation de priorités traduit le manque de priorités globales.

En outre, en ce qui concerne l'épargne réglementée, les évaluations sont insuffisantes. Un certain nombre de questions ne sont pas tranchées. A-t-on besoin de l'argent du livret A pour financer le logement social ? Le rationnement du crédit aux PME est-il pathologiquement plus important qu'à l'étranger ? Le dispositif ISF en faveur des PME est-il efficace ?

Outre cette complexité, il convient de souligner que certains problèmes ne sont pas résolus, notamment celui de l'épargne retraite. L'intervention de l'Etat via la fiscalité se justifie par une volonté paternaliste d'inciter les personnes à se constituer une épargne retraite. Toutefois, l'encours de cette épargne à long terme, c'est-à-dire essentiellement le plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO), aujourd'hui très faible, ne permet pas d'avoir un impact sur le financement des entreprises au travers d'un effet volume comme on pourrait l'imaginer. En effet, alors qu'à l'étranger le patrimoine des ménages représente environ cinq fois le PIB, le patrimoine des ménages français équivaut à trois fois le PIB, ce qui souligne un manque de capitalisation du système par des dispositifs collectifs ou individuels. Les expériences étrangères montrent également que les incitations fiscales ne permettent pas de modifier la part d'épargne allouée au long terme mais seulement le volume d'épargne, l'accroissement de ce volume permettant alors une augmentation homothétique du compartiment à long terme.

Au regard de ce constat, deux types de propositions peuvent être envisagés autour d'un objectif de simplification du système fiscal sans augmentation de la pression fiscale :

- une première version, que je qualifierais de timide mais qui peut paraitre relever à vos yeux de la science fiction, serait de créer, sur les revenus du patrimoine, un taxe unique de 15 % dont l'assiette pourrait faire l'objet d'un abattement, par exemple 500 euros, pour introduire un élément redistributif. En contrepartie, les impôts actuels sur les revenus du patrimoine ainsi que les niches afférentes seraient supprimés. Afin d'obtenir un dispositif à revenu constant, la définition du taux prendrait en compte, d'une part, les revenus du patrimoine, soit 150 milliards d'euros selon le dernier rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, et d'autre part, le produit actuel des impôts sur les revenus du patrimoine, soit 24 milliards d'euros. Ce taux pourrait éventuellement être modulé pour financer des incitations fiscales à l'épargne de long terme ;

- la seconde version, plus ambitieuse, serait de remplacer l'ensemble de la fiscalité patrimoniale par un impôt unique de type ISF, assis sur la totalité du patrimoine des ménages auquel s'appliquerait un taux de 0,65 %. Ce chiffre correspondrait au calcul du poids actuel des impôts liés au patrimoine (ISF, taxe foncière, droits de mutation, imposition des revenus), soit 65 milliards d'euros, par rapport à la valeur du patrimoine des ménages français, soit 10 000 milliards d'euros dont 5 000 milliards d'euros au titre de la résidence principale. La mise en place de cette taxe unique entrainerait la suppression des autres dispositifs d'imposition actuels en lien avec le patrimoine.

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