Intervention de Louis de Broissia

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 21 novembre 2007 : 1ère réunion
Pjlf pour 2008 — Mission « médias » et compte spécial « avances à l'audiovisuel public » - examen du rapport pour avis

Photo de Louis de BroissiaLouis de Broissia, rapporteur pour avis :

a rappelé qu'il avait déjà abordé devant la commission les dossiers relatifs à la presse à l'occasion de la présentation du rapport d'information consacré à la crise de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale. Il a donc renvoyé à son rapport écrit pour l'analyse des difficultés de ce secteur.

Dans ce contexte difficile, il a indiqué que le Gouvernement proposait un nouvel effort en faveur de la presse. Après s'être félicité de la progression du montant des aides de près de 4 % en 2008, il a néanmoins souligné que, quelles que soient les sommes mises en oeuvre, le « régime économique de la presse » peinait à faire la preuve de son efficacité.

Soupçonné d'accompagner la presse quotidienne dans la crise au lieu de l'en sortir, accusé de ralentir la modernisation de la presse au lieu de l'accélérer, ce régime illustre la difficulté des pouvoirs publics à définir une stratégie cohérente et efficace destinée à soutenir un média indispensable à l'information des citoyens et à la diffusion des courants de pensée et d'opinion.

Il a affirmé que certains dispositifs du « régime économique de la presse » méritaient une attention particulière.

Il s'agit, d'une part, de l'augmentation de 50 % de l'aide à la distribution de la presse censée « accompagner » le nouveau plan de restructuration des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) et baptisé défi « 2010 ».

Jugeant que la réforme des NMPP, qui supportent d'importants déficits du fait des contraintes logistiques et d'urgence spécifiquement attachées à la distribution des quotidiens nationaux, méritait certainement d'être soutenue par les pouvoirs publics, le rapporteur pour avis a toutefois souhaité que les pouvoirs publics fassent preuve de vigilance sur les modalités d'attribution de cette aide. Dans ce dossier, trop de crédits publics ont déjà été attribués sans la moindre contrepartie et sans qu'aucun bilan des deux précédents plans n'ait été établi.

Dans ces conditions, il a estimé qu'il était grand temps de contractualiser ce type d'engagement, afin de pouvoir contrôler avec précision l'utilisation des fonds publics.

Il a, par ailleurs, formulé deux observations quant au dispositif d'aide proposé en 2008.

Alors que toutes les autres lignes budgétaires ont été adaptées au contexte dans les années passées, le rapporteur pour avis a regretté qu'aucune réforme d'envergure n'ait été entreprise concernant l'aide au portage. Il lui a pourtant semblé indispensable de donner un second souffle à un dispositif qui semble péricliter.

En second lieu, il a dénoncé la diminution de 4 à 3,5 millions d'euros du montant de l'aide consacrée aux projets liés au développement de la lecture chez les jeunes. Cette décision ne semble pas aller dans le sens de la politique volontariste qu'il défend en ce domaine, qui seule permettra enfin de rapprocher la presse quotidienne de ses futurs lecteurs.

Abordant l'analyse du secteur audiovisuel, M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il ne pourrait aborder devant la commission l'ensemble des sujets traités dans son rapport écrit. Il a invité ses collègues à lire ce document pour prendre connaissance des analyses relatives à la situation des différents organismes publics et aux modifications réglementaires, voire législatives, qu'il a jugées nécessaires dans le secteur.

Sur ce dernier point, il s'est toutefois prononcé pour l'assouplissement, dans les meilleurs délais, de la réglementation applicable aux entreprises privées, notamment à travers l'adoption du système de l'heure d'horloge. En revanche, il a estimé que cet assouplissement ne devait pas concerner les chaînes publiques, qui ont d'ailleurs tout à gagner à renforcer leur différence.

Il a ensuite dressé les grandes lignes du bilan de la réforme de la redevance votée fin 2004.

Ce bilan permet d'abord de constater que cette réforme a incontestablement participé positivement au chantier de la réforme de l'Etat. Elle a ainsi permis de rationaliser l'utilisation des effectifs du ministère de l'économie et des finances et de réduire sensiblement les moyens consacrés au recouvrement de cette taxe. Cependant, par rapport au système de gestion précédent, le rapporteur pour avis a constaté que le montant des économies réalisées restait sujet à caution.

En effet, avec des frais d'assiette, de recouvrement et de trésorerie initialement évalués par le ministère du budget à 24 millions d'euros, le montant des économies nettes liées à la réforme était estimé à 89,5 millions d'euros.

En exécution, les prévisions du ministère ont toutefois été démenties par la réalité, puisque les frais d'assiette, de recouvrement et de trésorerie ne se sont pas élevés à 24, mais à 41,4 millions d'euros en 2006. Cette erreur de prévision de la part des services du ministère réduit par conséquent le montant des économies induites par la réforme à 72,5 millions d'euros.

a souligné que ce bilan permettait surtout de constater que la réforme avait brisé le dynamisme de l'assiette de la redevance audiovisuelle, compte tenu de la différence entre les encaissements constatés et les encaissements estimés et votés en loi de finances initiale.

Or, en dépit de ces écarts constatés d'une année à l'autre, le rapporteur pour avis a relevé que le « projet annuel de performances » consacré au compte spécial « Avances à l'audiovisuel public » prévoyait 132 millions d'euros d'encaissements bruts de redevance supplémentaires pour 2008, soit une progression de 5,7 %, le niveau de cette augmentation s'expliquant en fait par un effet d'aubaine lié à la fin du régime dit des « droits acquis ».

Il a rappelé que le régime transitoire en matière de dégrèvements mis en place lors de l'adossement de la redevance audiovisuelle à la taxe d'habitation était appelé à disparaître. A compter de 2008, tous les redevables de la redevance audiovisuelle se verront appliquer les règles de dégrèvements propres à la taxe d'habitation. La fin de ce régime devrait faire mécaniquement augmenter le niveau des encaissements de redevance, en permettant la réintégration dans le champ de la taxe de 780.000 contribuables bénéficiant jusqu'alors du dispositif transitoire.

Compte tenu de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale maintenant ces droits acquis pour les personnes handicapées, cette réintégration devrait assurer une progression de 87 millions d'euros des encaissements de redevance au titre de l'année 2008, « aubaine » qui ne se reproduira plus l'an prochain.

Dans la mesure où l'assiette de la taxe a perdu tout dynamisme et que, par principe, il est refusé toute augmentation de la durée de la publicité sur les chaînes publiques, il s'est demandé comment continuer à garantir à l'audiovisuel un financement autonome.

Il s'est également interrogé sur les moyens d'éviter la progression de la budgétisation du financement de l'audiovisuel public, mode de financement susceptible de faire l'objet de régulations budgétaires ou de coupes sombres discrétionnaires.

a proposé plusieurs pistes de réflexion susceptibles de redynamiser les ressources de l'audiovisuel public.

En premier lieu, il a souhaité l'ouverture d'une réflexion sur la date d'envoi des rôles de la taxe d'habitation afin de garantir une meilleure information du Parlement, jugeant tout à fait anormal que celui-ci ne dispose pas, à l'heure où il est appelé à discuter et à voter le montant de la redevance pour 2008, d'informations concernant les encaissements de redevance pour l'année 2007. Les rôles relatifs à la taxe d'habitation n'étant adressés aux contribuables qu'en novembre de l'année « n », les données relatives aux encaissements effectifs ne sont connues, au plus tôt, qu'en janvier de l'année « n+1 », obligeant ainsi le Parlement à se prononcer « à l'aveugle » sur deux exercices consécutifs au moment du vote de la loi de finances.

Il a également proposé d'appeler le gouvernement à remettre en cause la doctrine fiscale, afin de faire participer l'ensemble des supports de réception au financement de l'audiovisuel public.

Il a en effet regretté que la doctrine fiscale n'intègre pas les « micro-ordinateurs munis d'une carte-télévision » parmi les « appareils récepteurs de télévision ou les dispositifs assimilés permettant la réception de la télévision pour l'usage privatif du foyer ».

Le rapporteur pour avis a fait remarquer que cette interprétation réduisait considérablement l'assiette de la redevance, en laissant volontairement de côté un mode de réception qui ne constitue plus simplement un mode de complément. Cette définition laisse par ailleurs planer des incertitudes concernant l'assujettissement des futurs détenteurs de télévision mobile personnelle à la redevance.

a enfin proposé de réévaluer le montant de la redevance audiovisuelle.

Il a tout d'abord tenu à rappeler que les taux de redevance en vigueur en métropole (116 euros) et dans les départements d'outre mer (74 euros) n'ont pas été modifiés depuis 2002, dépréciant ainsi, en euros constants, la valeur de la taxe.

Il a ensuite relevé, qu'à l'échelle européenne, notre pays était loin d'être celui qui imposait le plus lourdement ses citoyens pour le financement de ses sociétés nationales de programmes, puisque seule l'Italie dispose désormais d'un taux de redevance inférieur au nôtre et qu'il était celui qui avait fait le moins progresser le taux de sa redevance audiovisuelle depuis 2002.

Dans ces conditions, il a proposé à ses collègues de présenter deux amendements permettant de réévaluer le taux de la redevance audiovisuelle, le premier tendant à faire passer le taux de la redevance de 116 à 120 euros en métropole et de 74 à 78 euros dans les départements d'outre-mer, afin de rattraper partiellement le retard accumulé au cours des années passées, et le second proposant d'instaurer un mécanisme d'indexation de l'évolution de la redevance audiovisuelle sur l'indice d'évolution des prix, afin de garantir aux organismes de l'audiovisuel une progression régulière et constante de leurs ressources.

Ces ressources supplémentaires donneraient aux sociétés de télévision les moyens de faire face aux défis qui les attendent et dont les modalités de financement n'ont pas été définies par les différents contrats d'objectifs et de moyens, à savoir :

- le financement de la double diffusion des programmes des chaînes publiques en numérique et en analogique jusqu'à l'extinction complète de ce dernier signal. Ce complément sera d'autant plus nécessaire si, comme il est probable, le calendrier d'extinction défini par la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur ne peut être tenu ;

- le financement de la diffusion des programmes des chaînes publiques sur la télévision mobile personnelle. Estimés à 8 millions d'euros par chaîne, les coûts de diffusion devraient être théoriquement assumés par les recettes publicitaires accumulées sur ce support. Ceci est d'autant plus illusoire qu'aucun opérateur n'est, à l'heure actuelle, en mesure de connaître le modèle économique de ce nouveau support ;

- le financement du passage à la haute définition, qui bien qu'échelonné dans le temps, conduira dans une première phase à des surcoûts importants tant en matière de production qu'en matière d'achats de droit.

a jugé que ces ressources supplémentaires devraient permettre également, à France Télévisions notamment, de poursuivre le virage éditorial mis en oeuvre depuis la rentrée 2006. Il a rappelé que si ce virage remportait un succès d'estime, il comportait néanmoins un impact publicitaire non négligeable. Auditionné par la commission, M. Patrick de Carolis, président directeur-général, a ainsi rappelé que la diffusion de l'opéra le Trouvère, cet été, en début de soirée sur France 2, avait représenté un manque à gagner de 500.000 euros en termes de publicité.

La multiplication de ce type d'initiatives permettant au service public de se démarquer de ses concurrents privés et d'asseoir sa légitimité dans le paysage audiovisuel français aura évidemment un impact sur les équilibres financiers.

Le rapporteur pour avis a conclu en abordant la problématique complexe de l'audiovisuel extérieur. Concernant la réforme entreprise et dans l'attente des conclusions du groupe de travail présidé par M. Georges Marc Benamou, il a fait deux remarques.

La première concerne l'objectif de la réforme, chacun s'accordant à penser que l'organisation de notre audiovisuel extérieur appelle aujourd'hui une simplification et une rationalisation des structures qui le composent. Il a estimé que cet objectif ne serait pas atteint par la création d'une holding chapeautant RFI, TV5 et France 24, pour ne citer que les principales sociétés en faisant partie. Au moment où l'on pense à simplifier les structures de France Télévisions en réformant son statut, il lui a paru paradoxal d'envisager la mise en place d'un tel système en matière d'audiovisuel extérieur.

La seconde remarque concerne la méthode de la réforme. Dans la mesure où notre audiovisuel extérieur se compose d'une chaîne de télévision multilatérale, il convient de ne pas négliger l'avis de nos partenaires belges, suisses et québécois quant au contenu de cette réforme.

Le rapporteur pour avis a considéré que la réaction des partenaires de la France à Lucerne devait inciter nos représentants à faire preuve d'une certaine retenue en ce domaine, afin qu'ils ne soient pas tentés de « sanctuariser » TV5, portant ainsi un coup définitif au principe même d'une réforme globale de l'audiovisuel extérieur de la France.

Il a terminé par une remarque concernant le financement de France 24. Alors que le projet de loi de finances prévoit d'allouer à la chaîne 70 millions d'euros de crédits budgétaires, il a été surpris d'apprendre qu'une rallonge budgétaire de 18,5 millions d'euros lui serait finalement accordée.

Il a certes reconnu que cette « rallonge » devait permettre à l'Etat de respecter ses obligations envers la chaîne contenues dans une convention signée lors de sa création et prévoyant l'évolution de la ressource publique octroyée à la chaîne pour les 10 années à venir. Mais il a estimé que cette « rallonge », en ne figurant pas dans le projet de loi de finances, était contraire aux principes budgétaires.

Sous réserve de ces observations et propositions, M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis, a néanmoins proposé d'adopter le budget de la mission « Médias » pour 2008.

Un débat s'est ensuite engagé.

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