Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, étant le dernier intervenant, je ne reprendrai pas ce qui a été dit excellemment par de nombreux orateurs précédents, en particulier par le président de la commission, Jacques Valade, et par les deux rapporteurs, Jean-Claude Carle et Gérard Longuet.
Monsieur le ministre, à l'évidence, nous partageons l'analyse qui figure dans l'exposé des motifs et les objectifs que vous assignez à ce projet de loi. Je formulerai donc simplement quelques réflexions.
Notre système scolaire s'articule autour de quatre niveaux d'enseignement : la maternelle, l'enseignement primaire, l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur. Je m'exprimerai sur le contenu de ces différentes strates.
Vous proposez, à juste titre, monsieur le ministre, de développer l'enseignement des langues étrangères et de commencer cet apprentissage dès l'école primaire. Au risque de vous surprendre, je serais partisan de le prévoir plus en amont encore, c'est-à-dire dès la maternelle.
En effet, je suis toujours surpris de voir la quantité de connaissances que les tout jeunes enfants peuvent « engranger » en peu d'années. Ainsi, des jeunes qui ne savent ni écrire ni compter peuvent, dès l'âge de cinq ou six ans, quasiment tenir une conversation avec des adultes. Cet apprentissage précoce pourrait constituer la meilleure solution : d'abord, peu d'enseignants sont formés pour assurer cette mission ; ensuite, il faut, au niveau élémentaire, consacrer l'essentiel du temps à ce que Jean-Claude Carle a souvent appelé « les fondamentaux », c'est-à-dire le socle de base qui comprend l'apprentissage de la lecture et de l'écriture ; enfin, un élève de maternelle, pour peu que la démarche soit adaptée, ce qui suppose qu'elle soit ludique et attractive, sera plus réceptif à l'apprentissage des langues.
Vous voulez, monsieur le ministre - et nous vous approuvons - faire en sorte que le socle de base de connaissances - la lecture, l'écriture et le calcul - soit nettement plus solide.
Pour autant, monsieur le ministre, tous les jeunes n'accéderont pas à l'enseignement supérieur : certains prendront assez rapidement une autre orientation. Dans ces conditions - cela vous paraîtra peut-être rétrograde - ne faudrait-il pas valider les acquis, par exemple en réinstaurant le certificat d'études primaires ou en validant des études antérieures ? Car le jeune qui entrera en apprentissage n'aura aucune validation de ses années d'études faute d'avoir pu passer son brevet.
Vous avez, monsieur le ministre, manifesté votre volonté de redonner à l'apprentissage sa vraie place : vous souhaitez en faire une filière adaptée et plus attrayante pour un certain nombre de jeunes. Il est vrai que l'apprentissage peut, pour certains, représenter une nouvelle chance, mais il faudrait pouvoir y accéder plus tôt, c'est-à-dire à partir de quatorze ans.
Je me permettrai de vous faire part d'une expérience que j'ai engagée en Seine-Maritime, voilà quelques années.
Le collège Georges Braque, situé sur les hauteurs de Rouen, est incendié. Je me rends le matin sur les lieux : je rencontre la principale et je prends rendez-vous quelques jours plus tard pour suivre les travaux avec les services concernés. A la date convenue, arrivé devant l'établissement, j'engage la conversation avec quatre ou cinq jeunes attroupés devant le portail. Ils me demandent qui je suis et ce que je viens faire. Je leur réponds que je suis le président du conseil général et que je viens voir l'avancement des travaux de leur collège. J'interroge ensuite l'un d'eux sur ce qu'il aimerait faire dans la vie. Il me répond : « je voudrais être mécanicien ». Je lui demande s'il souhaiterait apprendre la mécanique dans son collègue. Il me dit : « j'en rêve ! ». Je rappelle que ce collège est situé dans l'un des secteurs des plus difficiles de la banlieue rouennaise et qu'il connaît un taux d'échec très élevé.
J'ai donc fait part à la principale de cette conversation en lui demandant si elle serait prête à tenter une expérimentation dans son collège, afin que ces jeunes qui rencontrent des difficultés puissent y apprendre un métier. Elle m'a objecté qu'il lui fallait auparavant obtenir l'accord de l'inspecteur d'académie, du recteur. J'ai donc téléphoné à ces derniers, lesquels m'ont répondu qu'il fallait également avoir l'accord du ministre.
Trois mois plus tard, les accords sont obtenus, mais on demande si je suis prêt à contribuer financièrement à ce projet. J'accepte de faire un essai. Après plusieurs réunions avec le recteur, l'inspecteur d'académie, les professeurs et les principaux du collègue, un programme est établi.
Quelle n'a pas été ma surprise, monsieur le ministre, de recevoir la visite en Seine-Maritime de l'actuel Premier ministre le premier week-end de Pentecôte, après sa nomination, pour s'informer sur les expérimentations qui avaient été engagées. Il a pu entendre, dans l'hôtel de ville de Rouen où étaient rassemblés les intervenants, deux témoignages de jeunes. Une jeune fille, en particulier, a souligné que le collège ne l'intéressait pas, mais que l'expérimentation qui lui avait été proposée comprenant un tiers temps de formation classique, une formation d'apprentissage au collège et un stage pratique en entreprise, lui avait permis d'obtenir un CAP et de trouver un emploi. Le témoignage de l'autre jeune était analogue.
Il me semble que nous devrions nous appuyer sur de telles démarches pour pouvoir donner une nouvelle chance à ces jeunes. C'est une bonne expérience.