Intervention de Philippe Dallier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 octobre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Mission ville et logement et articles 98 et 99 - examen du rapport spécial

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier, rapporteur spécial :

Le non-assujettissement des organismes HLM à la CRL ne peut pas être considéré comme une niche fiscale. La CRL tire son origine de la contribution additionnelle au droit de bail, qui finançait l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et les aides aux propriétaires bailleurs et occupants privés. Depuis l'origine, les bailleurs sociaux n'étaient donc pas concernés par cette imposition, de même qu'ils ne bénéficiaient pas des aides de l'ANAH. Ensuite, la nouvelle contribution ne peut être qualifiée d'instrument de péréquation. En effet, dans la mesure où son assiette est constituée de la masse des loyers perçus, elle s'applique indifféremment et uniformément à tous les organismes, quelle que soit leur situation financière, leur implication dans les opérations de construction en cours ou à venir, ou l'état de leur parc.

Enfin, ce prélèvement n'irait pas intégralement au logement social, puisque l'ANRU consacre environ le tiers de son budget à des aménagements urbains qui ne sont pas directement liés au logement social.

Ces critiques étant largement partagées, j'espère que le Gouvernement changera d'avis. Restera, cependant, à trouver les 260 millions d'euros qui manqueront à l'ANRU, dont les dépenses seront « en bosse », à un niveau élevé jusqu'en 2015 au moins.

A quel niveau doit-on fixer sa trésorerie ? Sur la période, on estime que le montant des paiements se situera dans une fourchette de 1,3 à 1,5 milliard par an. J'estime que, dans ces conditions, il ne serait pas raisonnable de prévoir moins de 300 millions d'euros pour la trésorerie de l'ANRU. En deçà, les délais de paiement s'allongeraient, au détriment des collectivités locales.

Le Gouvernement compte affecter à l'ANRU une part du produit de CRL de 260 millions d'euros pour 2011, 200 millions pour 2012 et 250 millions pour 2013. De son côté, Action logement, qui contribue annuellement pour 1,3 milliard au financement du logement, dont celui de l'ANRU, veut renégocier à la baisse sa contribution pour la période triennale qui court jusque 2011, affirmant impossible d'aller au-delà d'un milliard. On le comprendra : l'avenir est plus qu'incertain pour le financement de l'ANRU. Il faut trouver une solution !

Il existe aussi de vrais besoins pour la péréquation entre organismes HLM. La taxe dite sur les « dodus dormants », instaurée par le collectif budgétaire pour 2009, devait mutualiser les ressources financières disponibles des organismes en taxant ceux qui n'avaient pas suffisamment investi. On en attendait 60 millions d'euros, mais comme les organismes concernés ont fait de l'optimisation fiscale, par exemple en remboursant leurs prêts par anticipation, cette taxe n'aurait rapporté que 6 000 euros ! J'ai prévenu le mouvement HLM au congrès de Strasbourg : à ces petits jeux pour éviter la péréquation, c'est tous les organismes qui se retrouvent taxés !

Quant au mécanisme consistant à prélever 80 millions de CRL pour abonder, dans un premier temps, un fonds de la CGLLS qui les reverse ensuite par un fonds de concours au budget de l'Etat, il est d'une particulière complexité : Bercy peut afficher que le compte y est, mais notre commission des finances est en droit de contester cette « tuyauterie » des plus opaques. Nous sommes passés de 40 000 logements neufs financés par an en 2002, à 120 000 cette année : il y a donc du progrès, mais aussi des marges de progression sur la méthode.

A titre personnel, je crois que la péréquation entre organismes pourrait apporter 100 millions d'euros, et que le reste doit être trouvé par l'Etat. La politique du logement et de la rénovation urbaine est un grand projet, porté par la « loi Borloo » ; l'Etat s'est d'abord engagé à mobiliser 5 milliards d'euros, à parité avec le 1 % logement, puis 6 milliards, mais il s'est totalement retiré du financement. Nous devons veiller à ce que cet engagement ne se transforme pas en de nouvelles charges pour les bailleurs sociaux, voire les collectivités locales : la solidarité territoriale doit se traduire en crédits budgétaires.

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