Intervention de Denis Badré

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 octobre 2010 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2011 — Participation de la france au budget de l'union européenne - examen du rapport d'information

Photo de Denis BadréDenis Badré, rapporteur spécial :

L'article 46 du projet de loi de finances pour 2011 fixe notre contribution au budget de l'Union européenne à 18,235 milliards d'euros, ce qui représente 7 % de nos recettes fiscales et le sixième des ressources communautaires.

L'année 2011 a pour particularité de correspondre au premier exercice de mise en oeuvre du traité de Lisbonne. Ce dernier a modifié la procédure budgétaire, en introduisant plusieurs innovations. D'abord la fin de la distinction entre dépenses obligatoires et non obligatoires. Ensuite la suppression des deux lectures par le Parlement européen et le Conseil européen, au profit d'une simple lecture et de l'appel à un comité de conciliation en cas de désaccord.

La Commission européenne a présenté son avant-projet de budget pour 2011 le 27 avril 2010. Le Conseil de l'Union européenne a ensuite adopté un projet plus rigoureux le 12 août, en limitant à 0,2 %, au lieu de 0,84 %, la hausse des crédits d'engagement et en ramenant la hausse des crédits de paiement (CP) de 5,85 % à 2,9 %. Le projet a été adopté à une courte majorité qualifiée, car sept Etats s'y opposaient : le Royaume-Uni, l'Autriche, les Pays-Bas, le Danemark, la Finlande, la Suède et la République tchèque, formant, à trois voix près, une minorité de blocage. Le budget n'a été adopté que parce que la France et l'Allemagne ont accepté de se rallier au compromis de la présidence belge, en soulignant qu'une augmentation des CP de 2,9 % constitue le taux plafond acceptable. Le Parlement européen a modifié le budget à la hausse, mais modérément, puisqu'il a voté un projet quasi identique à celui de la Commission européenne. Il a exigé en contrepartie l'ouverture de négociations sur les ressources propres du budget communautaire. Le Parlement européen a donc pris à cette occasion une position forte, en faveur d'un budget de l'Union européenne plus durable et plus démocratique. J'ai interrogé hier, lors du débat préalable au Conseil européen, le secrétaire d'Etat aux affaires européennes s'agissant des perspectives de la négociation et de la position de la France. Il m'a été répondu que notre pays est favorable à la nouvelle procédure, et que si le comité de conciliation n'aboutit pas, il faudra alors recourir au système des douzièmes provisoires - tâchons de l'éviter !

La structure de la contribution française a changé ces quinze dernières années : la part de la ressource TVA, encore majoritaire en 1995, a progressivement cédé la place à la contribution assise sur la richesse nationale brute (RNB), qui en représente désormais les trois quarts. Les ressources propres traditionnelles, à l'instar des droits de douanes, sont sorties du calcul en 2010, ce qui complique les comparaisons dans le temps. J'observe que la contribution est calculée au printemps de l'année n-1, en référence à un RNB qui n'est pas encore connu, et qu'elle est ajustée tout au long de l'année n : on comprend donc que la prévision soit souvent différente de l'exécution, les écarts pouvant ainsi être de l'ordre du milliard d'euros, dans un sens ou dans l'autre. Je regrette par ailleurs que les analyses se fassent trop souvent en terme de « retour net », soit le solde entre la contribution nationale au budget communautaire et les dépenses de l'Union européenne dans le pays considéré : cette méthode est détestable, parce qu'elle focalise l'attention sur des données comptables peu significatives tant il est difficile de mesurer le « retour », par Etat membre, des bénéfices de la construction européenne et, en particulier, de la libre circulation des personnes et des capitaux.

De même, chaque Etat membre apporte à ses voisins, sans que cela soit retracé dans les soldes nets. Ainsi, la France investit pour sa défense plus que les autres Etats membres, qui en bénéficient cependant, et l'on voit mal comment évaluer cet apport incontestable.

Je précise que si la France est le deuxième contributeur net au budget de l'Union européenne, elle en est aussi le premier bénéficiaire. Ce constat devrait toutefois être affiné : en effet, notre pays est toujours le premier bénéficiaire de la PAC en valeur absolue, mais ce n'est plus vrai si ce montant est rapporté au nombre d'habitants.

Dans la perspective de la prochaine programmation 2014-2020, je me félicite que le Parlement européen réclame une refonte profonde du budget communautaire. Il n'est pas démocratique que les autorités communautaires décident de l'affectation de crédits dont 85 % proviennent de décisions des parlements nationaux. D'ailleurs, ce budget est trop peu lisible : je note à cet égard que les préconisations du rapport sur les agences européennes que j'ai réalisé en 2009 n'ont pas encore été suivies d'effet. Dans le cadre de la mission qui m'a été confiée cette année par le Premier ministre sur les relations entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, j'effectuerai un déplacement à Vienne dans quelques jours. Ce sera l'occasion de s'interroger sur le bien-fondé de l'existence de l'agence européenne pour les droits fondamentaux.

Sous réserve de ces observations, je vous propose d'émettre un avis favorable sur l'article 46 du projet de loi de finances pour 2011, qui résulte des dispositions mêmes des traités. Si nous ne l'adoptions pas, cela provoquerait, de plus, une crise grave dans les institutions européennes, qu'il vaut mieux nous épargner.

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