a tenu à préciser les éléments juridiques et de fond du dossier. Concernant les éléments juridiques, il a rappelé que la création des commissions d'enquête parlementaires était soumise à des conditions de recevabilité juridique. La première était que la commission d'enquête ne devait pas empiéter sur le champ d'une procédure judiciaire. Or, le garde des Sceaux, saisi par le Président du Sénat, avait indiqué qu'une information judiciaire était bien en cours au tribunal de grande instance de Paris pour des faits qualifiés de délit d'initié, recel de ce délit et diffusion de fausses informations. Cette instruction concernait la cession de titres d'EADS intervenue antérieurement à l'annonce publique des retards de livraison de l'Airbus A380 en mai 2006. M. Jean-François Le Grand, rapporteur, en a conclu qu'une éventuelle commission d'enquête ne pourrait porter sur cet aspect des choses.
La seconde condition de recevabilité imposait que la commission d'enquête porte soit sur un service public ou une entreprise nationale, soit sur des faits précis. Il a souligné qu'EADS n'était ni un service public, ni une entreprise nationale, mais une société de droit néerlandais, dont l'Etat français ne détenait que 15 %, et ce de manière indirecte. Il n'était pas non plus bien établi que la rédaction de la proposition visait des faits précis. La demande portait, en effet, sur le « groupe EADS » et les retards de production d'Airbus, alors que seul le programme A380 semblait visé en réalité. Pour ces raisons, M. Jean-François Le Grand, rapporteur, a estimé qu'il serait difficile de créer une commission d'enquête sur ces bases. Souhaitant cependant dépasser ces éléments juridiques, afin de laisser toute sa place au débat conformément à la tradition sénatoriale, il a ensuite examiné l'opportunité de la demande.
Reprenant les différents éléments présentés par les auteurs de la proposition, il a apporté des précisions sur le plan « Energie 8 ». Il a souligné qu'Airbus n'entendait pas réduire les commandes passées à ses fournisseurs, mais simplement ne plus gérer directement des milliers de relations bilatérales avec des sous-traitants parfois de très petite taille. Les fournisseurs de premier rang pouvaient, en effet, gérer eux-mêmes les relations avec les fournisseurs de second rang. Il a ajouté que ce large plan d'économie était justifié avant tout par l'appréciation de l'euro face au dollar. En effet, depuis le lancement du programme A380 le dollar avait perdu 40 % de sa valeur face à l'euro, ce qui entraînait pour EADS une perte de compétitivité de 20 % et rendait indispensable le plan « Energie 8 ».
Il a précisé également qu'une enquête interne ayant été commandée par EADS, outre l'enquête judiciaire, il était peu probable que la commission d'enquête apporte plus de précisions sur les éventuelles responsabilités individuelles.
Concernant les causes du retard, M. Jean-François Le Grand, rapporteur, a expliqué que le site de production de Hambourg avait utilisé un logiciel de conception du câblage, auquel les ingénieurs n'étaient pas familiarisés, ce qui avait entraîné d'importants retards.
Il a souligné que les conséquences de ces difficultés avaient été tirées sur le plan du management puisque la direction avait été largement remaniée et noté que, pour la première fois, un des présidents d'EADS dirigerait également Airbus, ce qui devait faciliter la transmission des décisions.
Il a ensuite exposé les inconvénients d'une commission d'enquête. Il a estimé, en premier lieu, que celle-ci fragiliserait EADS sur trois plans :
- sur le plan de son image, une commission d'enquête parlementaire étant nécessairement analysée comme un signe de défiance du Parlement français ;
- sur le plan financier, ce signal négatif ayant nécessairement un impact sur le cours de Bourse de la société et pouvant rendre plus difficile son financement dans les mois à venir, ce qui serait particulièrement fâcheux dans la perspective du lancement de l'A350 XWB ;
- sur le plan commercial, car Boeing serait tenté d'utiliser cet argument pour fragiliser l'image de son concurrent auprès des clients, mais aussi des institutions internationales.
a jugé que le second inconvénient d'une telle procédure serait la mise en évidence de la relative vulnérabilité de la gouvernance d'EADS, ce qui serait peu opportun au moment où celle-ci pouvait être amenée à évoluer suite à la réduction de la participation des deux actionnaires industriels. Reconnaissant qu'il était permis de s'interroger sur les règles de gouvernance d'EADS, qui aboutissaient à priver l'Etat, dans le cadre d'un pacte d'actionnaires, de tout regard ou influence sur la conduite de l'entreprise, alors même qu'il en possédait 15 %, il a déclaré ne pas souhaiter faire de procès d'intention au gouvernement qui avait mis ce système en place dans la période 1998-2000. Il a reconnu qu'il n'avait sans doute pas été évident de faire accepter à Lagardère, et surtout à DaimlerChrysler, la présence dans EADS de l'Etat français. Il a précisé que c'était parce qu'il était convaincu que ce système allait évoluer dans les mois à venir qu'il pensait qu'une commission d'enquête serait de nature à troubler cette évolution, voire à la remettre en cause.
Pour toutes ces raisons, de droit et de fond, il lui semblait qu'il fallait écarter la solution d'une commission d'enquête. En revanche, il était tout disposé, si la commission en décidait ainsi, à revenir devant elle à l'été 2007, lorsque les résultats de l'enquête interne seraient connus et que les négociations sur le financement de l'A350 XWB auraient progressé, pour qu'il l'informe de l'évolution de la situation.