Intervention de Bernard Cazeau

Commission des affaires sociales — Réunion du 11 juillet 2007 : 1ère réunion
Application de l'article 40 — Communication

Photo de Bernard CazeauBernard Cazeau, rapporteur :

A titre liminaire, M. Bernard Cazeau, rapporteur, a indiqué qu'une délégation de la Mecss s'est rendue à Stockholm, du 1er au 4 avril dernier, afin d'étudier les mutations du système suédois de protection sociale et notamment la réforme des retraites réalisée dans ce pays entre 1998 et 2001. Cet exemple est d'autant plus instructif que la Suède a subi une grave crise économique et budgétaire au début des années quatre-vingt-dix et que la mise en oeuvre de réformes structurelles courageuses lui a finalement permis de sauver son système social que l'on avait cru un temps condamné.

La délégation de la Mecss a constaté l'existence de trois consensus partagés par le corps social suédois : l'attachement à un Etat providence très développé, l'obsession du plein emploi et l'adoption d'une gestion rigoureuse fondée sur des modes de gouvernance efficaces.

Un chiffre donne à lui seul la mesure de l'effort consenti par les assurés suédois. En effet, parmi les pays occidentaux, la Suède occupe la première place pour le poids des dépenses totales de protection sociale rapporté au Pib : 32,9 % de la richesse nationale en 2004, contre 31,2 % pour la France, qui se place au deuxième rang, les deux pays offrant un ensemble de prestations assez proche.

Les dépenses d'assurance sociale de la Suède (hors dépenses de soins) ont atteint, en 2006, 447,2 milliards de couronnes, soit environ 48 milliards d'euros : la moitié est consacrée aux retraites, 30 % aux allocations maladie et invalidité et 15 % aux allocations familiales. Les comptes sont strictement équilibrés puisqu'il n'existe pas de déficit de la protection sociale. Le recours à l'impôt est résiduel : l'essentiel du financement est assuré par les cotisations des employeurs, qui atteignent 32,42 % de la masse salariale en 2007 et par les cotisations à la charge des assurés qui représentent 7 % du salaire. En revanche, les dépenses de soins (230 milliards de couronnes de prestations versées en 2005, soit 25 milliards d'euros) sont couvertes à hauteur de 85 % par des dépenses publiques assurées par les comtés, dont c'est la compétence principale.

Au total, le système suédois produit un effort comparable à celui de la sécurité sociale française en matière de retraite et se caractérise par une forte maîtrise des dépenses de soins, tout en gardant sa réputation de générosité en raison du régime avantageux des indemnités journalières, des allocations d'invalidité et des prestations familiales.

a fait valoir que le maintien de cet Etat-providence très développé n'est rendu possible que par le fort taux d'activité de la population suédoise. L'obsession du plein emploi y est très présente, plus encore depuis la profonde récession de 1991-1993, au cours de laquelle le chômage a dépassé 10 % et le déficit budgétaire a atteint 11,3 % du Pib. Cette situation a créé un véritable traumatisme national suscitant un mouvement de réformes sans précédent, et notamment l'adoption d'une politique budgétaire rigoureuse, dont l'orientation a été depuis lors constamment réaffirmée.

Dans le domaine social, la gravité de la situation avait conduit les pouvoirs publics à rétablir des jours de carence sans indemnisation pour l'assurance maladie et l'assurance chômage, mais également à faire preuve d'une certaine souplesse, en tolérant certaines formes déguisées de chômage et de préretraites. En dépit de l'amélioration de la situation économique, particulièrement sensible depuis la fin des années quatre-vingt-dix, et du durcissement des conditions d'accès à ces dispositifs, on constate d'ailleurs que la fréquence des arrêts maladie demeure en Suède deux fois supérieure au niveau des autres pays occidentaux et que 10 % de la population en âge de travailler bénéficient d'une pension d'invalidité.

Se fondant sur le taux global d'activité des personnes âgées de quinze à soixante-quatre ans (73,2 %), M. Bernard Cazeau, rapporteur, a néanmoins jugé remarquables les performances globales de la Suède qui se situe au troisième rang européen après le Danemark et les Pays-Bas, et bien avant la France qui, avec 63 %, s'inscrit en dessous de la moyenne communautaire (64,9 %). Les autorités suédoises poursuivent désormais une politique volontariste visant à remettre au travail tous les Suédois qui y sont aptes, pour revenir au taux d'activité de 80 % de la fin des années quatre-vingt.

La promotion de la bonne gouvernance constitue le troisième axe majeur du consensus suédois, notamment pour la maîtrise des dépenses de santé. Des réformes structurelles de l'organisation des soins ont été conduites dès le début des années quatre-vingt, permettant une réelle réduction des dépenses de santé jusqu'en 1990, date à laquelle elles s'établissaient à 8,3 % du Pib. La tendance à la hausse a repris par la suite, mais une nouvelle vague de réforme a permis d'en freiner l'ampleur, au demeurant bien moindre que dans les autres pays de l'OCDE. Aujourd'hui, la Suède affiche un taux de 9,1 %, alors que la France et l'Allemagne, qui partaient de niveaux très proches il y a quinze ans, atteignent désormais près de 11 % du Pib.

Ces bons résultats s'expliquent d'abord par des comportements collectifs responsables en matière de dépenses de médicament, mais aussi par la décentralisation de l'organisation du système de soins et la responsabilisation des acteurs locaux.

Dès 1992, un mouvement de restructuration et de transfert des soins de l'hôpital vers les soins en ville et à domicile a été engagé. La responsabilité financière des soins non médicaux administrés aux personnes dépendantes a été décentralisée des comtés vers les municipalités, afin de favoriser le maintien à domicile. Une séparation nette a été introduite entre le fournisseur et l'acheteur, permettant aux comtés de négocier avec les établissements hospitaliers des contrats d'activité et de rémunération. Enfin, les hôpitaux ont mis en oeuvre une version très poussée du mécanisme de tarification à l'activité bien connu en France.

Les restructurations qui ont été réalisées ont permis de concentrer l'activité des établissements hospitaliers sur les soins aigus et spécialisés, tandis que les soins quotidiens étaient de plus en plus dispensés au plus près des patients, dans un cadre moins coûteux et moins pathogène : 45 % des lits d'hôpitaux ont ainsi été fermés au cours des années quatre-vingt-dix (contre 19 % en France sur la même période). Enfin, les règles de gestion du système de santé ont été modernisées.

Observant qu'à l'issue de ce processus de réformes, le système de soins suédois est demeuré performant, notamment au regard des classements établis par l'OMS, M. Bernard Cazeau, rapporteur, a néanmoins fait valoir que ce bilan révèle aussi des tensions, à commencer par l'apparition, dès la fin des années quatre-vingt, de files d'attente pour la chirurgie non urgente. Mais, en définitive, la Suède a choisi de régler ses problèmes en améliorant la productivité du service public et non en offrant un système parallèle, privé et plus cher, aux assurés sociaux qui ont les moyens de payer pour ne pas attendre.

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