Puis M. Alain Vasselle, rapporteur, a présenté la réforme des retraites réalisée en Suède après quinze ans d'une réflexion concertée et approfondie. Les pouvoirs publics suédois ont décidé, en 1998, d'abandonner l'ancien système de retraite à prestations définies, en raison de son caractère inéquitable entre les générations et de son sous-financement chronique compte tenu des perspectives de vieillissement de la population. La Suède est passée à un régime à cotisations définies, fondé principalement sur l'effort contributif des assurés sociaux. Chaque assuré social suédois bénéficie désormais d'un compte individuel. Aux cotisations acquittées pendant toute sa carrière professionnelle correspond un capital, revalorisé chaque année, qui sera converti en rente viagère, lors de la liquidation de la pension. Le niveau de la retraite d'un assuré social dépendra in fine de trois paramètres : le montant de ce capital, la génération à laquelle il appartient et l'âge auquel il choisit de liquider sa pension. Mais ce capital est virtuel, d'où le qualificatif de « notionnel », car l'enregistrement des flux de cotisations ne donne pas lieu à constitution d'un véritable capital financier. Le régime de retraite public continue ainsi à fonctionner suivant les règles de la répartition : les cotisations encaissées sont utilisées chaque mois pour financer les pensions des retraités.
Ce système d'assurance vieillesse ne prévoit plus d'âge légal de départ à la retraite et laisse ce choix à l'appréciation de chaque assuré social à l'intérieur d'une fourchette comprise entre soixante et un et soixante-sept ans. Comme en France, une pension garantie, financée par le budget de l'Etat, assure un niveau minimum de ressources aux assurés sociaux qui n'ont eu que de très faibles revenus professionnels, voire aucun.
Dans l'hypothèse où les ressources du régime s'avéreraient insuffisantes pour couvrir le montant des retraites futures, un mécanisme correcteur, ajouté en 2001, s'enclencherait automatiquement. L'indice de revalorisation des pensions des retraités, d'une part, et du capital notionnel accumulé par les cotisants, d'autre part, serait alors infléchi jusqu'à la restauration des grands équilibres.
Considérant que la Suède a procédé à la plus ambitieuse et à la plus originale des réformes des retraites menées en Europe depuis les années quatre-vingt, M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé que la loi du 8 juin 1998 a été adoptée à une majorité des trois quarts des membres du Parlement suédois. Ce texte fondateur fait désormais l'objet d'un vaste consensus entre les grandes forces politiques suédoises, y compris les partenaires sociaux.
Ce régime présente quatre avantages majeurs : il garantit un équilibre financier pérenne sur la base de taux de cotisations élevés mais stables, il préserve l'équité entre les générations, il assure une meilleure transparence de l'effort contributif des assurés sociaux suédois et il accorde une pension minimum aux personnes âgées les plus modestes.
La technique des comptes notionnels a été conçue pour préserver un haut niveau de retraite au cours des prochaines décennies tout en incitant fortement, en contrepartie, les actifs à prolonger leur activité professionnelle, le report de l'âge de départ en retraite étant plus que compensé par l'allongement de l'espérance de vie.
Dans la perspective du rendez-vous français de 2008 sur les retraites, M. Alain Vasselle, rapporteur, a jugé la réforme suédoise riche d'enseignements, car elle a organisé la transition entre l'ancien et le nouveau système, renforcé la confiance des actuels cotisants et conservé leur place aux avantages non contributifs. De plus, le mécanisme des comptes notionnels n'est guère plus complexe que celui des annuités, car ses principes sont simples et la politique d'information des assurés sociaux particulièrement développée. Enfin, si le niveau des pensions peut constituer, en complément de l'âge de fin d'activité, une variable d'ajustement au cours des prochaines décennies, cette éventualité n'a été contestée par aucun des interlocuteurs de la Mecss, y compris les partenaires sociaux.
La souplesse et l'efficacité de ces mécanismes de gouvernance sont des atouts pour cette réforme dont les débuts sont prometteurs. En définitive, le seul risque majeur consisterait à ce que les pouvoirs publics modifient des règles du jeu censées être désormais fixées une fois pour toutes.
Ce système pourrait être transposé en France, ne serait-ce que partiellement, dans la mesure où les différences entre les deux pays n'apparaissent pas insurmontables. L'ancien système de retraite suédois était par ailleurs assez proche du régime général français et plusieurs autres pays européens de tailles très diverses (Italie, Lettonie, Pologne) se sont inspirés, au cours des dernières années, de la réforme suédoise pour adapter leur régime de retraite. La France pourrait aussi utilement s'inspirer de l'exemple suédois pour améliorer le taux d'emploi des seniors : l'âge moyen de cessation d'activité est, en effet, de soixante-trois ans en Suède, soit cinq ans plus tard qu'en France.
Enfin, M. Alain Vasselle, rapporteur, a souligné la pertinence du cadre de réflexion global et prospectif adopté par les pouvoirs publics suédois : la France aurait intérêt de la même façon à appréhender l'avenir de la protection sociale dans sa totalité sur un horizon à très long terme, par exemple quarante ans, en envisageant les dépenses, les recettes, les besoins de financement de chacune des branches de la sécurité sociale, mais aussi la charge des politiques du handicap et de la dépendance. Il serait alors possible de déterminer la protection sociale à mettre en oeuvre, les priorités à dégager et les moyens financiers à mobiliser dans ces objectifs.
Ce rapport, dont il juge à titre personnel les conclusions parfois un peu timides, témoigne de la recherche d'un compromis avec son collègue Bernard Cazeau. Il contribuera en tout cas utilement à l'information du Parlement, dans la perspective du rendez-vous de 2008. S'exprimant à nouveau à titre personnel, il a estimé qu'à l'avenir, on devra sans doute, comme en Suède, abandonner une approche paramétrique et envisager une réforme structurelle de l'assurance vieillesse. Cela supposerait toutefois un minimum de consensus politique.