Puis M. Nicolas Véron, revenant sur l'interrogation du rapporteur au sujet des fonds financiers, a indiqué, en complément de la réponse de M. Jean Pisani-Ferry, qu'en règle générale les entreprises détenues par ces fonds créaient un nombre comparativement élevé d'emplois. A cet égard, il a observé que le mode de gestion de ces acteurs financiers les plaçait sous une forte pression en matière de performance de gestion, ce qui poussait les entreprises qu'ils reprenaient vers la croissance économique.
A propos de l'efficacité, en termes d'emplois sur le territoire national, d'un patriotisme économique fondé principalement sur le critère de la nationalité des entreprises, il a également exprimé ses doutes. Il a ainsi cité le cas emblématique de l'industrie automobile, remarquant qu'alors que les constructeurs français supprimaient des emplois en France, un grand constructeur japonais en créait.
De manière générale, M. Nicolas Véron a constaté que, si M. Dominique de Villepin, Premier ministre, s'était placé en première ligne sur la question du patriotisme économique, en suggérant un alignement de l'intérêt national sur l'intérêt des entreprises, cette préoccupation était, dans les faits, partagée par de nombreux Etats. Se fondant sur les exemples allemands et italiens, il a relevé que cet interventionnisme étatique pouvait prendre des formes diverses.
a ensuite abordé la question de la légitimité des interventions de l'Etat visant à empêcher la prise de contrôle d'une entreprise nationale par une entreprise étrangère. Il a relevé la richesse de l'actualité en la matière, citant, à titre d'exemple, l'entrée, à hauteur de 5 %, de la banque russe Vnechtorgbank au capital d'EADS, ou encore le veto du Congrès des Etats-Unis à la prise de contrôle de la gestion de six ports américains par la société émiratie Dubai Ports World. Il a considéré que le principal enjeu était la définition des « limites de l'acceptable », estimant qu'il conviendrait, à cette fin, de se fonder sur deux éléments : la maîtrise de savoir-faire technologiques uniques et le « pouvoir de marché », qui permet à certaines entreprises d'imposer, du fait de leur puissance, leurs vues aux consommateurs. Il a jugé que la prise de contrôle de telles entreprises par des sociétés étrangères pouvait se révéler dangereuse, tout particulièrement si l'acheteur était susceptible d'avoir des visées politiques. Il a considéré que, dans ces circonstances, l'Etat était légitimement fondé à intervenir afin d'empêcher de tels rapprochements, remarquant toutefois que l'Etat reconnaissait, par là même, son échec à créer un marché efficace, sans acteur disposant d'un trop fort « pouvoir de marché ».
Sur le sujet spécifique des industries de technologie, M. Nicolas Véron a souligné que, plus que d'empêcher leur hypothétique prise de contrôle par des entreprises étrangères, le principal enjeu pour l'Europe consistait à faire se développer ce type de sociétés en son sein. Il a rappelé que là se situait le véritable écart entre l'Europe et les Etats-Unis puisqu'alors que 38 entreprises américaines du secteur figurent dans les 500 plus grandes entreprises mondiales, tel est le cas de seulement 8 sociétés européennes technologiques, seule une entreprise s'étant élevée à ce niveau par sa seule croissance organique au cours des dernières décennies.
Enfin, revenant sur une interrogation du rapporteur, il a constaté le découplage géographique de plus en plus fréquent entre direction générale et activités de recherche et développement. Il a expliqué cette évolution par le fait que les grandes entreprises allaient désormais « chercher les talents là où ils sont ». Se plaçant du point de vue de l'intérêt de l'Etat, il s'est refusé à hiérarchiser activités de direction et activités de recherche et développement, estimant que, du fait de leur forte valeur ajoutée, les deux revêtaient une grande importance.