La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a tout d'abord remercié MM. Jean Pisani-Ferry et Nicolas Véron, pour leur venue devant la mission commune d'information. Il a rappelé que Bruegel était un centre de réflexion qui avait été porté sur les fonts baptismaux par le président Jacques Chirac et le chancelier Gerhard Schroeder dans leur déclaration commune à l'occasion du quarantième anniversaire du traité de l'Elysée le 22 janvier 2003, relevant que ces deux hauts dirigeants avaient alors évoqué la nécessité de créer un centre européen d'économie internationale. Puis il a remarqué que Bruegel comptait parmi ses membres aussi bien 15 des 25 Etats de l'Union européenne que 27 grands groupes internationaux privés, très majoritairement, mais pas exclusivement, européens. Il a ensuite indiqué que Bruegel, présidé par l'ancien commissaire européen Mario Monti avait été véritablement lancé le 17 janvier 2005 et avait adopté son premier programme de recherche au mois d'octobre de la même année.

A l'issue de cette introduction, M. Philippe Marini, président, a invité les intervenants à s'exprimer sur la notion de nationalité d'entreprise, sur la définition des centres de décision économique, ainsi que sur le rôle de l'Etat pour optimiser l'implantation desdits centres.

Debut de section - Permalien
Jean Pisani-Ferry

s'est tout d'abord déclaré très heureux d'avoir, pour la première fois, l'occasion d'intervenir devant une mission d'information du Parlement français sous la bannière de Bruegel.

S'agissant de la question de la nationalité des entreprises, il a insisté sur le fait que cette question était débattue depuis longtemps dans de nombreux pays, citant notamment deux articles à l'appui de son propos :

- d'une part, un article titré « Who Is Us ? » (1990) de M. Robert Reich, universitaire puis secrétaire américain au travail, montrait que les intérêts des Etats-Unis pouvaient diverger de ceux des grandes entreprises américaines ;

- d'autre part, un article en date de mai 2006 de Samuel Palmisano, président-directeur général d'un grand groupe informatique américain, tendant à prouver qu'au fur et à mesure de leur internationalisation, les entreprises possédaient de moins en moins de nationalité propre.

Indiquant qu'il avait recherché, pour sa part, à partir d'éléments empiriques, les principaux facteurs de différentiation des entreprises étrangères par rapport aux entreprises nationales, M. Jean Pisani-Ferry a constaté que, sur un territoire donné, les entreprises étrangères dégageaient généralement une meilleure productivité, offraient de meilleurs salaires et avaient une plus grande intensité de recherche que les entreprises nationales. Cependant ces traits distinguent moins les entreprises nationales et les entreprises étrangères que les entreprises internationalisées (quelle que soit leur nationalité) et celles qui ne le sont pas. Il en a déduit que l'internationalisation des entreprises était porteuse d'efficacité, modérant toutefois son propos en admettant que les effets de taille et les effets sectoriels pouvaient constituer un biais.

Puis évoquant les sièges sociaux des entreprises, il a constaté que certaines activités leur étaient intrinsèquement liées, comme la direction générale, la direction financière, la direction des ressources humaines, ou la direction juridique, ajoutant que lesdites activités ne représentaient que peu d'emplois. En revanche, il a observé que d'autres fonctions, plus pourvoyeuses d'emplois, comme les achats ou la recherche et le développement, traditionnellement exercées au siège social, étaient de plus en plus souvent décentralisées, notamment dans les pays émergents.

a ensuite relevé que les déplacements de sièges sociaux étaient de plus en plus fréquents, qu'il s'agisse d'actions délibérées des entreprises ou, le plus souvent, la conséquence d'un rachat. A ce sujet, il a reconnu que, du fait du manque de données pertinentes et disponibles, il était presque impossible de mesurer de façon systématique les implications d'un tel déménagement, précisant que l'attitude de l'acquéreur dépendait de sa nature et de sa nationalité.

Debut de section - Permalien
Nicolas Véron

est revenu sur les propos de M. Jean Pisani-Ferry concernant la nationalité des entreprises, s'appuyant pour cela sur une étude récemment publiée par Bruegel, intitulée Farewell National Champions (« Adieu champions nationaux »). Ladite étude a mesuré la part du chiffre d'affaires que les cent plus grandes entreprises européennes d'une part, et américaines d'autre part, réalisaient sur le territoire où est implanté leur principal centre de direction, ainsi que la proportion de leurs effectifs qu'elles employaient sur ce même territoire. Il a révélé que, si l'étude montrait une très grande diversité de profils d'entreprise, la moyenne indiquait que, pour la « grande entreprise type », les emplois suivaient les ventes, autrement dit qu'à l'internationalisation des ventes correspondait l'internationalisation des emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Répondant à une question de M. Philippe Marini, président, M. Nicolas Véron a confirmé que les entreprises allemandes, suisses ou scandinaves avaient une proportion plus élevée d'emplois dans leur pays d'origine, en moyenne, que la proportion correspondante de leurs ventes, ce qui n'est pas (ou moins) le cas pour les entreprises d'autres pays. Il a toutefois souligné que l'effet sectoriel était, de ce point de vue, encore plus important que l'effet de la nationalité. Puis, après une remarque de M. Aymeri de Montesquiou, il a confirmé la grande hétérogénéité des entreprises étudiées, insistant cependant sur la pertinence de la moyenne des données obtenues.

Debut de section - Permalien
Nicolas Véron

Orientant ensuite son propos vers la puissance comparée des entreprises américaines et européennes, M. Nicolas Véron a constaté que l'écart de capitalisation entre les entreprises de ces deux continents était essentiellement dû à la différence de valeur cumulée des entreprises technologiques, particulièrement des entreprises actives dans le domaine des technologies de l'information et de la communication.

Il a enfin déclaré que le mouvement de mondialisation des entreprises s'effectuait parallèlement en Europe et aux Etats-Unis, soulignant que le caractère européen des entreprises européennes était en moyenne aussi marqué que le caractère américain des entreprises américaines. Il a observé, en revanche, qu'au sein de l'Europe, la nationalité des entreprises était de moins en moins marquée, notant qu'en d'autres termes, les grands groupes européens pouvaient se définir de moins en moins comme, par exemple, français ou allemands, mais de plus en plus comme européens. Il a considéré que les pouvoirs publics devaient intégrer cette évolution dans leur réflexion, notamment dans le cadre de la conception de leur politique de soutien aux entreprises. En outre, il a estimé que le caractère de plus en plus insaisissable de la nationalité des grandes entreprises européennes accentuerait, à terme, la mobilité des sièges sociaux et la concurrence territoriale au sein de l'Europe pour les attirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

A M. Philippe Marini, président, qui se demandait s'il y avait une corrélation entre les recettes fiscales des Etats et la performance de leurs entreprises nationales, M. Nicolas Véron a répondu que les données à sa disposition ne permettaient pas d'éclaircir ce point.

Debut de section - Permalien
Christian Gaudin rapporteur

après avoir constaté que de plus en plus d'achats d'entreprises étaient effectués par des fonds financiers, s'est interrogé sur les conséquences de la montée en puissance de ces acteurs pour les centres de décision économique. Puis il a demandé aux intervenants ce qu'ils pensaient du concept de patriotisme économique. Enfin, il a souhaité savoir si les centres de recherches étaient assimilables à des centres de décision économique, ou s'il ne fallait les considérer que comme des services « comme les autres ».

Debut de section - Permalien
Jean Pisani-Ferry

a tout d'abord répondu à la question du rapporteur concernant les fonds financiers. Il a indiqué que, si ce type d'acquisition pouvait susciter des inquiétudes quant au comportement de ces acteurs à l'égard des entreprises cibles, il ne comportait, le plus souvent, que peu de conséquences en termes de déplacement de centres de décisions économiques. Il n'en était pas de même lorsque l'opération avait une dimension industrielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Au sujet du patriotisme économique, il a estimé que le débat ne portait pas sur la notion elle-même, puisque les responsables de la politique économique ont un devoir à l'égard des citoyens, mais sur son point d'application : ce patriotisme doit-il être orienté vers les entreprises nationales, ou bien vers le territoire national et les facteurs de production (capital et travail) nationaux ? Interrogé par M. Philippe Marini, président, il a confirmé, que, selon lui, un bon patriotisme économique devait s'attacher à valoriser, avant tout, le territoire national et les hommes qui l'habitent. Après une demande de précision de Mme Nicole Bricq, M. Jean Pisani-Ferry a souligné que les personnes restaient moins mobiles et plus attachées à leur territoire que les entreprises. Il en a conclu qu'une approche politique ne considérant que le seul critère de la nationalité des entreprises pouvait parfois prendre le contre-pied de l'intérêt des citoyens, dont les pouvoirs publics sont responsables au premier chef.

s'est alors demandé si le patriotisme économique ne devait pas s'exercer sur un nombre limité d'activités structurantes, susceptibles d'entraîner la création de nombreux emplois induits.

Debut de section - Permalien
Jean Pisani-Ferry

En réponse, M. Jean Pisani-Ferry a indiqué qu'il s'agissait d'un point débattu par les économistes. Exprimant son sentiment personnel, il a jugé que les choix publics, par exemple en matière d'infrastructures, de formation ou de fiscalité, orientaient l'avantage comparatif sectoriel d'un pays. Il a insisté sur le fait qu'il ne saurait y avoir de neutralité de ce point de vue, expliquant, pour illustrer son propos, que la façon de traiter les amortissements encourageait, ou non, les activités à forte intensité capitalistique.

Debut de section - Permalien
Nicolas Véron

Puis M. Nicolas Véron, revenant sur l'interrogation du rapporteur au sujet des fonds financiers, a indiqué, en complément de la réponse de M. Jean Pisani-Ferry, qu'en règle générale les entreprises détenues par ces fonds créaient un nombre comparativement élevé d'emplois. A cet égard, il a observé que le mode de gestion de ces acteurs financiers les plaçait sous une forte pression en matière de performance de gestion, ce qui poussait les entreprises qu'ils reprenaient vers la croissance économique.

A propos de l'efficacité, en termes d'emplois sur le territoire national, d'un patriotisme économique fondé principalement sur le critère de la nationalité des entreprises, il a également exprimé ses doutes. Il a ainsi cité le cas emblématique de l'industrie automobile, remarquant qu'alors que les constructeurs français supprimaient des emplois en France, un grand constructeur japonais en créait.

De manière générale, M. Nicolas Véron a constaté que, si M. Dominique de Villepin, Premier ministre, s'était placé en première ligne sur la question du patriotisme économique, en suggérant un alignement de l'intérêt national sur l'intérêt des entreprises, cette préoccupation était, dans les faits, partagée par de nombreux Etats. Se fondant sur les exemples allemands et italiens, il a relevé que cet interventionnisme étatique pouvait prendre des formes diverses.

a ensuite abordé la question de la légitimité des interventions de l'Etat visant à empêcher la prise de contrôle d'une entreprise nationale par une entreprise étrangère. Il a relevé la richesse de l'actualité en la matière, citant, à titre d'exemple, l'entrée, à hauteur de 5 %, de la banque russe Vnechtorgbank au capital d'EADS, ou encore le veto du Congrès des Etats-Unis à la prise de contrôle de la gestion de six ports américains par la société émiratie Dubai Ports World. Il a considéré que le principal enjeu était la définition des « limites de l'acceptable », estimant qu'il conviendrait, à cette fin, de se fonder sur deux éléments : la maîtrise de savoir-faire technologiques uniques et le « pouvoir de marché », qui permet à certaines entreprises d'imposer, du fait de leur puissance, leurs vues aux consommateurs. Il a jugé que la prise de contrôle de telles entreprises par des sociétés étrangères pouvait se révéler dangereuse, tout particulièrement si l'acheteur était susceptible d'avoir des visées politiques. Il a considéré que, dans ces circonstances, l'Etat était légitimement fondé à intervenir afin d'empêcher de tels rapprochements, remarquant toutefois que l'Etat reconnaissait, par là même, son échec à créer un marché efficace, sans acteur disposant d'un trop fort « pouvoir de marché ».

Sur le sujet spécifique des industries de technologie, M. Nicolas Véron a souligné que, plus que d'empêcher leur hypothétique prise de contrôle par des entreprises étrangères, le principal enjeu pour l'Europe consistait à faire se développer ce type de sociétés en son sein. Il a rappelé que là se situait le véritable écart entre l'Europe et les Etats-Unis puisqu'alors que 38 entreprises américaines du secteur figurent dans les 500 plus grandes entreprises mondiales, tel est le cas de seulement 8 sociétés européennes technologiques, seule une entreprise s'étant élevée à ce niveau par sa seule croissance organique au cours des dernières décennies.

Enfin, revenant sur une interrogation du rapporteur, il a constaté le découplage géographique de plus en plus fréquent entre direction générale et activités de recherche et développement. Il a expliqué cette évolution par le fait que les grandes entreprises allaient désormais « chercher les talents là où ils sont ». Se plaçant du point de vue de l'intérêt de l'Etat, il s'est refusé à hiérarchiser activités de direction et activités de recherche et développement, estimant que, du fait de leur forte valeur ajoutée, les deux revêtaient une grande importance.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

lui ayant demandé de préciser s'il estimait que le patriotisme économique devrait s'attacher plus à l'intérêt du territoire national et des hommes qui y vivent qu'à celui des entreprises nationales, M. Jean Pisani-Ferry a confirmé que telle était bien sa vision. M. Nicolas Véron a ajouté que la correspondance entre l'intérêt de l'entreprise et le développement de son territoire national apparaissait de moins en moins vérifiée dans le cas des grandes entreprises. Il a, en outre, considéré que, si cette correspondance demeurait plus forte pour ce qui concerne les petites et moyennes entreprises, elles suivaient le même chemin que le grandes entreprises, notamment du fait des possibilités que leur offraient les nouvelles technologies.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

a interrogé les intervenants au sujet d'une analyse de Mme Nicole Notat, présidente de Vigeo, selon laquelle les entreprises ne sauraient rester « apatrides » à long terme.

Debut de section - Permalien
Jean Pisani-Ferry

En réponse, M. Jean Pisani-Ferry a indiqué que les entreprises étaient amenées à raisonner sur trois catégories de « marchés » :

- ceux où elles réalisent leur chiffre d'affaires ;

- ceux où se trouvent leurs actionnaires ;

- ceux où se trouvent leurs effectifs.

Il a estimé que les entreprises développaient une culture propre sous l'influence de l'environnement au sein duquel elles évoluaient sur chacun de ces marchés, la notion de responsabilité sociale des entreprises, par exemple, différant sensiblement dans le monde anglo-saxon ou dans un pays comme la France. Il a insisté sur l'importance, aux yeux des entreprises, du « marché » constitué par le territoire où se trouvent leurs effectifs, du fait de la nécessité croissante pour elles d'attirer les « talents ».

Debut de section - Permalien
Nicolas Véron

A propos de ce dernier aspect, M. Nicolas Véron a ajouté que lesdits « talents » les plus rares ou qualifiés étaient, en règle générale, beaucoup plus mobiles que les autres travailleurs. Puis, s'appuyant sur les résultats de l'étude annuelle de ressources humaines « The great place to work », qui prend en compte des critères de satisfaction des salariés et l'opinion de l'encadrement, il a souligné que les entreprises françaises obtenant les meilleurs résultats sont des filiales de groupes d'origine nord-américaine, parmi lesquelles un important groupe agroalimentaire américain. A partir de là, il s'est demandé si la reprise d'une grande entreprise agroalimentaire française par ledit groupe, à laquelle le gouvernement avait fait connaître son opposition au nom du patriotisme économique, aurait été réellement néfaste du point de vue de ses salariés français.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

a remarqué qu'alors qu'une expatriation pouvait, dans le passé, constituer un frein pour le développement d'une carrière, elle semblait, à présent, être devenue une étape indispensable afin de progresser dans la hiérarchie de nombreuses entreprises. Puis, à propos du patriotisme économique, il a estimé qu'il conviendrait de définir des secteurs économiques stratégiques, au sein desquels l'Etat serait légitimement fondé à intervenir, en cas de nécessité. Enfin, s'appuyant sur le cas de Péchiney, il a souligné que la localisation du siège social d'une entreprise avait une réelle incidence en termes d'emplois.

Debut de section - Permalien
Nicolas Véron

a nuancé cette dernière réflexion, relevant que Péchiney avait fermé des usines dans les vallées alpines françaises du temps de son indépendance, Alcan, son acquéreur canadien, n'ayant fait que poursuivre cette politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

après avoir constaté qu'une conséquence certaine du déménagement d'un centre de décision économique était la difficulté, pour des élus français, de s'adresser à la nouvelle direction, a remercié MM. Jean Pisani-Ferry et Nicolas Véron pour la grande qualité de leur intervention.

La mission commune d'information a ensuite procédé à l'audition de M. Patrick Artus, directeur de la recherche et des études économiques et financières d'Ixis Corporate Investment Bank.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a rappelé le parcours professionnel de M. Patrick Artus et salué son acuité et son indépendance d'esprit. Il lui a ensuite demandé d'exposer à la mission d'information ses réflexions sur la nationalité des entreprises, le contenu de la notion de centre de décision économique et le rôle qui revenait à l'Etat pour valoriser les atouts du territoire français.

Debut de section - Permalien
Patrick Artus

a tout d'abord indiqué que la France demeurait le pays industrialisé où l'écart économique entre grandes sociétés cotées et entreprises moyennes était le plus grand. Il a ainsi relevé qu'il n'existait pas de corrélation dans l'évolution des caractéristiques et des résultats financiers des sociétés composant l'indice CAC 40, d'une part, et de l'ensemble des sociétés tels que les retracent les statistiques de l'INSEE, d'autre part. Cette situation était notamment tributaire, selon lui, de la répartition géographique des chiffres d'affaires et des profits, 85 % des bénéfices des sociétés du CAC 40 ayant, par exemple, été réalisés à l'étranger en 2005.

Abordant la notion de centre de décision économique, il a rappelé que les définitions en étaient multiples et relevaient du critère juridique du siège social, du lieu de cotation, ou de la localisation des profits et des effectifs. Se fondant sur une étude remise aux membres de la mission d'information et sur les critères de localisation de l'emploi et des activités de recherche et développement, il a souligné que l'examen de la période récente ne permettait pas de conclure à des différences de comportement économique ou de décisions de gestion des entreprises selon la proportion de leur capital détenue par des investisseurs non-résidents. Cette absence d'impact de la nationalité des actionnaires se vérifiait aussi si l'on considérait la qualité de ces derniers, qu'ils fussent par exemple des compagnies d'assurance ou des fonds spéculatifs.

Cependant, M. Patrick Artus a fait part de sa conviction que le processus était lent et qu'on ne se trouvait qu'au début d'un phénomène massif et violent, lié à l'afflux futur de capitaux en provenance des pays émergents, qu'il estimait à 14.000 milliards de dollars au cours des dix prochaines années, dont 3.000 milliards de dollars pour la Chine. Ces capitaux pourraient être investis à hauteur de 4.000 à 6.000 milliards de dollars en actions, compte tenu de la déréglementation en cours dans ces pays, et plus particulièrement en Chine, concernant l'accès aux titres étrangers. On constatait ainsi une accélération récente des acquisitions d'entreprises occidentales par des sociétés asiatiques.

Il a également relevé que la nature même des investisseurs était en train d'évoluer. Ainsi la frontière entre les investisseurs en capital (« private equity ») et les fonds spéculatifs tendait à s'estomper, du fait de la prépondérance, de part et d'autre, des opérations de rachat avec effet de levier et des stratégies d'investissement dites « distressed » et « event driven », consistant en des positions à court terme sur les titres obligataires ou de capital de sociétés en situation compromise. Il a ajouté que les prochains flux de capitaux des pays émergents seraient avant tout le fait de fonds publics ou para-publics, ou de l'utilisation de réserves monétaires, dont la banque centrale chinoise, par exemple, disposait en abondance.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a résumé ces propos en relevant que la croissance de la part des investisseurs étrangers dans le capital des sociétés occidentales et françaises ne se traduisait pas, pour l'heure, par une modification réelle de la consistance économique de ces dernières, à l'exception éventuelle de « situations spéciales », telles que celle à laquelle se trouvait aujourd'hui confrontée une société telle qu'Euronext. Cette relative innocuité actuelle des investisseurs étrangers pourrait cependant ne pas se confirmer avec l'expansion du capital en provenance des pays émergents.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Gaudin

a posé deux questions. Se référant au récent ouvrage que M. Patrick Artus avait co-écrit avec Mme Marie-Paule Virard, intitulé « Le capitalisme est en train de s'autodétruire », il a rappelé que les deux auteurs considéraient que c'était au moment même où le capitalisme n'avait jamais été aussi prospère qu'il apparaissait le plus vulnérable, dans la mesure où il était dénué de projets et soumis à des exigences de rendement des fonds propres économiquement absurdes. Il s'est demandé dans quelle mesure le comportement des grands investisseurs exerçait un impact sur la localisation des centres de décision et menaçait les implantations françaises, et quelles réformes les régulateurs internationaux devaient mettre en place pour assurer une plus grande indépendance des directions d'entreprise ainsi qu'une épargne moins focalisée sur le court terme.

Puis il s'est interrogé sur la position et les politiques de l'Union européenne en matière de localisation des centres de décision, et sur les marges de manoeuvre dont les Etats membres disposaient. Il a également souhaité connaître l'opinion de M. Patrick Artus sur la notion de patriotisme économique.

Debut de section - Permalien
Patrick Artus

En réponse, M. Patrick Artus a considéré que l'évolution majeure du capitalisme au cours de la période récente consistait en un raccourcissement des horizons de programmation des entreprises, soumises à un biais commun des investisseurs français comme étrangers. Il était manifeste, selon lui, que la part des investisseurs à court terme avait augmenté, notamment celle des fonds spéculatifs dont l'horizon d'investissement s'établissait en moyenne à trois mois, contre quatre ans pour les fonds d'assurance-vie. Il a estimé que cette tendance était, en outre, renforcée par les normes comptables internationales IAS et la pratique des résultats financiers trimestriels, et que les régulateurs européens avaient commis une erreur majeure en s'attachant à harmoniser les règles comptables et prudentielles pour des sociétés dont les horizons et caractéristiques étaient fondamentalement différents.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a indiqué que cette appréciation tendait à rejoindre les propos tenus par M. Francis Mayer, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, lors de son audition par la commission des finances le mercredi 11 octobre 2006. Ce dernier avait jugé, en effet, que les nouvelles normes prudentielles des banques, dites de « Bâle II », risquaient de conduire à une diminution des placements en actions des investisseurs institutionnels, notamment des compagnies d'assurance. Il s'est dès lors demandé quel lien ces normes, et leur transposition par deux directives communautaires du 14 juin 2006, entretenaient avec les investisseurs non bancaires.

Debut de section - Permalien
Patrick Artus

a rappelé que le dispositif communautaire des nouvelles normes prudentielles applicables aux compagnies d'assurance, dénommé « Solvency II », n'était pas encore définitivement arrêté, mais qu'il tendait à fixer le capital réglementaire de ces entreprises en fonction de l'écart de duration moyenne constaté entre l'actif et le passif. Il a ainsi expliqué que la duration moyenne du passif des compagnies d'assurance française était de douze ans, alors que celle des actions était nulle, de telle sorte que la minoration du capital réglementaire induisait une prime à la détention de titres obligataires de duration longue et de faible risque.

Il a ajouté que les normes de « Bâle II » exerçaient un effet procyclique pour les banques, en ce qu'elles les incitaient à restreindre l'octroi de crédit en bas de cycle. Il a confirmé l'appréciation portée par M. Francis Mayer et a indiqué que les futures normes applicables aux assureurs les conduiraient à acquérir davantage de titres de créances publics, à moins de « surprovisionner » le passif, ce qui apparaissait improbable. L'inversion de cette tendance escomptée supposait donc, selon lui, de disposer de grands investisseurs domestiques en actions.

Puis en réponse à M. Philippe Marini, président, qui se demandait s'il était encore possible de corriger cette évolution, il a estimé qu'il était vraisemblablement un peu tard et que l'ensemble de ces normes prudentielles et comptables, quel que soit leur secteur d'application, formaient un tout cohérent reposant sur les principes de valeur de marché et d'une adéquation aussi proche que possible de l'actif au passif. Cette évolution avait été dénoncée par un certain nombre de dirigeants de compagnies d'assurance, dont M. Henri de Castries, président d'Axa. Il a ajouté que l'insuffisante couverture dont disposaient les fonds de pension américains et britanniques pour assurer le financement de prestations définies avait accru l'aversion au risque des régulateurs, les conduisant à introduire une quasi-logique de répartition dans les bilans de ces organismes.

Puis revenant sur la notion de patriotisme économique, M. Patrick Artus a jugé qu'il serait impossible de protéger tous les secteurs de l'intrusion des capitaux des pays émergents. De fait, près du tiers des capitaux chinois placés à l'étranger étaient déjà constitués de dépôts bancaires. Il a également considéré que ces investissements pouvaient comporter des aspects positifs, dès lors qu'ils contribuaient à pallier le manque d'investisseur en capital en France, et in fine, à soutenir le tissu économique. Il a ajouté que la France serait sans doute contrainte à faire preuve de sélectivité sur les secteurs destinés à être protégés, et à établir des principes clairs de définition des industries et services stratégiques, qui ne correspondraient pas nécessairement aux critères privilégiés par les pays émergents, et notamment la Chine, qui considérait les télécommunications comme un secteur déterminant.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Puis en réponse à une question de Mme Nicole Bricq, il a précisé que l'Inde disposait de très peu de réserves de change susceptibles d'être investies à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a considéré qu'il importait de se placer du point de vue du prédateur pour cerner la notion de secteur stratégique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Après que Mme Nicole Bricq eut fait référence aux objectifs récemment manifestés par la Russie, M. Patrick Artus a estimé que la question de la gouvernance de la société acheteuse devait également être prise en considération. Il a rappelé que l'essentiel des réserves pétrolières de la Russie étaient épargnées et non investies ; il en résultait une augmentation des prix et un comportement monopolistique, non seulement à l'égard des clients étrangers, mais également des nationaux, ainsi que l'illustrait l'exemple des fortes hausses de tarif appliquées par Gazprom à la société d'électricité russe.

Il a ajouté que les critères de protection des secteurs stratégiques français pourraient également s'inspirer du principe de réciprocité, tel qu'il figurait dans la directive communautaire sur les offres publiques d'acquisition.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

s'est interrogé sur la capacité des entreprises européennes à adapter leur gouvernance pour prendre pleinement en compte cette dimension de la réciprocité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Se référant à la note qui avait été remise en début d'audition, M. Michel Teston s'est demandé si l'attachement de la Commission européenne à la préservation de la concurrence intra-européenne n'était pas de nature à faciliter l'entrée des investisseurs des pays émergents, et s'il ne serait pas plus opportun de constituer des « champions » à l'échelle du continent.

Debut de section - Permalien
Patrick Artus

a souligné que la doctrine de la Commission en matière de droit de la concurrence reposait notamment sur une approche restrictive du concept de marché pertinent, qui n'était pas placé au niveau de l'Union européenne dans son ensemble, mais à celui des Etats membres. Cette approche éclairait plus particulièrement les exigences à l'égard de Suez et Gaz de France, qui représentaient un acteur de taille moyenne à l'échelle de l'Europe, mais pas à celle de la Belgique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a promu une démarche en deux étapes qui consisterait, en premier lieu, à établir des mesures défensives pour l'ensemble des Etats membres, puis à constituer des « champions » européens offensifs. Une telle approche se heurterait cependant à la conception du marché pertinent défendue par la Commission européenne.

Debut de section - Permalien
Patrick Artus

a souligné l'urgence d'une stratégie européenne, compte tenu de la probable augmentation à court terme des acquisitions par des entreprises asiatiques. Il a ainsi évoqué les maisons de titres chinoises, qui développaient actuellement une réflexion avancée sur de telles acquisitions, et les courtiers du même pays, qui débutaient la commercialisation de nouvelles gammes de fonds investis en actions, leur permettant, le cas échéant, d'acheter des blocs d'actions de sociétés occidentales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Puis il a confirmé les doutes de M. Philippe Marini, président, quant à la capacité du processus décisionnel communautaire à mener à bien une telle stratégie de défense, et a estimé que la réflexion en la matière devait en premier lieu être menée au niveau national. Pour autant, la Banque centrale européenne avait déjà fait part de son opposition à certaines perspectives d'offres publiques d'acquisition hostiles portant sur des banques des Etats membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

a évoqué un récent article de M. Michel Rocard, dans lequel ce dernier promouvait la mise en place d'une défense juridique dans les sociétés européennes.

Debut de section - Permalien
Patrick Artus

s'est déclaré défavorable aux « pilules empoisonnées » susceptibles de figurer dans les statuts des sociétés cibles, en raison des incertitudes qui entouraient leur caractère juridiquement opérationnel. Il a considéré qu'il était préférable d'établir des critères légaux ou réglementaires précis, plutôt que d'affermir le « bricolage » des défenses actionnariales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

a souligné que les mesures réglementaires n'offraient pas nécessairement la sécurité juridique attendue, ainsi que l'illustrait l'exemple du récent décret français sur les secteurs protégés.

Puis, après que Mme Nicole Bricq eut insisté sur la pertinence du concept de réciprocité au regard de la législation en vigueur dans les pays émergents, M. Patrick Artus a indiqué qu'il n'était pas toujours aisé, dans un pays tel que la Chine, de déterminer si la gouvernance réelle des entreprises était conforme aux préceptes officiels. Il a également estimé que les dossiers relatifs à des litiges ou difficultés opposant certaines sociétés françaises à leurs homologues chinois n'étaient pas réellement instruits au niveau gouvernemental.

a constaté que la notion de patriotisme économique ne se révélait finalement pas « ringarde » et avait sa légitimité dans certains secteurs sensibles.

Relevant l'exemple des velléités d'acquisition d'une banque européenne par la banque américaine Citigroup, M. Patrick Artus a considéré que les interrogations sur le caractère stratégique ou non du secteur bancaire plaidaient en faveur d'une doctrine stable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

a évoqué, parmi les solutions déjà envisagées dans le passé, la constitution de « noyaux durs » par des participations croisées entre entreprises françaises et européennes, permettant de conserver la maîtrise du capital. Le dénouement de certaines de ces participations pour des opérations d'investissement avait cependant contribué, dans certains cas, à affaiblir les sociétés concernées.

Debut de section - Permalien
Patrick Artus

a souligné que les « noyaux durs » avaient implosé, car ils conduisaient à une double stérilisation des fonds propres, fonctionnaient mal du fait de mésententes entre dirigeants, et n'avaient guère d'impact sur le terrain. Ce type d'opérations, selon lui, était voué à l'échec s'il n'était pas légitimé par une stratégie industrielle, et créait de surcroît des difficultés au regard de la concurrence commerciales entre les parties concernées. Evoquant d'autres solutions, il a estimé que la création de fonds de pension permettait certes de disposer de capacités d'investissement en capital, mais que la lente montée en régime de ces fonds, en moyenne sur une durée de trente ans, induisait une désynchronisation par rapport aux besoins. L'action d'un grand investisseur tel que la Caisse des dépôts et consignations pouvait être bénéfique, mais risquait de se heurter rapidement à un problème de taille critique insuffisante. La promotion de l'épargne salariale était également une voie judicieuse, pour autant qu'elle fût investie en actions. Il a rappelé qu'il importait bien, selon lui, d'annoncer clairement quels seraient les secteurs et entreprises protégés, à l'instar de ce que faisaient les Etats-Unis, notamment dans un domaine tel que le pétrole.

Puis il a abordé la question de la valorisation des territoires et a jugé que les pôles de compétitivité représentaient une réelle avancée, mais qu'une gestion régionale se révélerait sans doute plus adaptée, ainsi que le faisaient déjà l'Italie et l'Espagne. Les montants concernés étaient également encore insuffisants, de l'ordre d'1,5 milliards d'euros, alors que l'Espagne avait mobilisé près de 10 milliards d'euros. Il a ensuite développé le dispositif de rapatriement des chercheurs en Catalogne, qui s'était révélé efficace, via un comité de sélection et de recrutement et la garantie du paiement du différentiel de salaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

En réponse à M. Philippe Marini, président, qui se demandait si les universités françaises étaient en mesure de mettre en place un tel système, il a relevé l'exemple de l'université de Toulouse, qui était parvenue à faire revenir un professeur reconnu du Massachusetts Institute of Technology. Il a enfin déploré l'état de délabrement de certains locaux de l'université de la Sorbonne, après que Mme Nicole Bricq eut plaidé en faveur d'une gestion régionale des universités.

La mission commune d'information a enfin procédé à l'audition de M. Jean-Michel Charpin, directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

après avoir remercié M. Jean-Michel Charpin de sa venue devant la mission d'information du Sénat, a ouvert le débat en demandant si l'INSEE a réalisé ou engagé des travaux intéressant le maintien et l'attraction sur le territoire national des centres de décision économique, et si l'Institut dispose d'outils permettant d'évaluer les atouts et les handicaps de notre pays à cet égard. Il a aussi souhaité que M. Jean-Michel Charpin puisse préciser les critères de détermination de la nationalité d'une entreprise.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Charpin

a tout d'abord indiqué que si l'INSEE travaille essentiellement sur les comptes sociaux des sociétés recensées dans le fichier SUSE (système unifié de statistiques d'entreprises), la statistique publique s'intéresse depuis longtemps aux groupes d'entreprises, qu'elle identifie depuis les années 1980 au moyen d'une enquête destinée à repérer les liens capitalistiques entre sociétés, dans la mesure où les comptes consolidés des groupes ne constituent pas, actuellement, une source d'information pertinente. L'INSEE identifie donc et mentionne dans ses publications les groupes étrangers opérant en France, ceux dont le centre de décision est installé à l'étranger. La détermination de la nationalité d'un groupe apparaît dans la plupart des cas comme une évidence, alors que la fixation ex ante d'une liste de critères de nationalité poserait des problèmes difficiles. Le seul cas douteux est celui d'EADS, dont les publications de l'INSEE indiquent qu'il s'agit d'un groupe considéré comme français par convention. A l'exception de ce cas, la détermination pragmatique de la nationalité des groupes ne pose pas de problème. S'il fallait dresser une liste de critères, la propriété du capital n'en serait pas l'élément le plus pertinent.

a ensuite évoqué plusieurs publications récentes de l'INSEE intéressant le sujet de la nationalité des entreprises. Près de deux millions de Français travaillent dans des groupes étrangers, a-t-il indiqué. Ce chiffre est supérieur à ceux de l'Allemagne, du Royaume-Uni et des Pays-Bas, et a augmenté de 80 % en dix ans. Des informations ont aussi été publiées sur la ventilation des entreprises étrangères par nationalité - les Etats-Unis figurent au premier rang, suivis par l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas - ainsi que sur la répartition par secteur de la valeur ajoutée produite par les groupes étrangers. Autre information fournie par les publications récentes : les groupes étrangers ne se distinguent pas des groupes français en ce qui concerne la part des effectifs affectés à la recherche, aux études et à l'informatique. On constate par ailleurs que les emplois de management, les emplois de gestion et ceux liés à la stratégie de l'entreprise se développent principalement dans le pays où le centre de décision est installé. Enfin, les délocalisations ont touché dans l'industrie 13.500 emplois en moyenne annuelle de 1995 à 2001.

Evoquant la dimension politique du problème de la nationalité des entreprises, M. Jean-Michel Charpin a estimé qu'il ne s'agissait ni d'un débat archaïque ni spécifiquement français, qui a eu un rôle important lors de la dernière campagne présidentielle aux Etats-Unis. En outre, il n'existe pas de règles universelles de gestion, comme le montrent les travaux de Philippe d'Iribarne en matière de management des entreprises, qui identifient, entre autres spécificités, l'influence en France d'une « logique de l'honneur ».

a aussi noté que la forte présence d'étrangers dans le capital des entreprises françaises cotées en bourse suscite la crainte d'un passage des entreprises concernées sous contrôle étranger, ce qui débouche sur des interrogations concernant le rôle de l'Etat face à ce risque.

Pour autant, la définition d'une politique « nationaliste » de l'entreprise ne serait pas souhaitable, dans la mesure où elle entrerait en contradiction avec le droit européen si des dispositifs de protection contre les investissements étrangers visaient les entreprises européennes, dans la mesure où elle favoriserait la dissémination d'un esprit de repli dans les entreprises françaises, dans la mesure aussi où d'autres pays pourraient prendre des mesures de rétorsion défavorables à la compétitivité des entreprises françaises, dans la mesure enfin où les groupes français, déresponsabilisés par la certitude de bénéficier de la protection de l'Etat, auraient tendance à ne pas se prémunir efficacement contre les tentatives de prise de contrôle. Il importe essentiellement, en définitive, que les groupes se préoccupent eux-mêmes de la stabilité de leur actionnariat.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Gaudin

a demandé si les travaux de l'INSEE permettent d'appréhender les critères de localisation des centres de décision économique et si des travaux sont en cours afin d'améliorer ou d'affiner la qualité de l'information produite par l'INSEE sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Charpin

a répondu que l'INSEE a commencé à travailler sur l'exploitation de l'information fournie par les comptes consolidés des groupes. Ce projet est encore à l'étape de la réflexion menée dans le cadre du conseil national de l'information statistique. Par ailleurs, une réflexion sur les critères de localisation des centres de décision économique n'entre pas dans le champ des missions de l'INSEE. Enfin, l'information dispensée par l'Institut paraît appréciée par les groupes français. Un indice en est le fait que la réticence aux enquêtes apparaît plus modérée en France que ce peut être le cas dans d'autres pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Dussaut

a demandé si le nombre de salariés étrangers, spécialement en provenance de l'Asie, travaillant dans des entreprises françaises, était connu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

a demandé si le nombre de créations d'emplois ayant éventuellement compensé les 13.500 emplois perdus chaque année du fait des délocalisations, avait été évalué.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

a souhaité avoir un avis sur le périmètre de la notion de patriotisme économique.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Charpin

a indiqué qu'une telle définition ne relève pas de la statistique. Sous ces réserves, il n'apparaît pas anormal que les pouvoirs publics se préoccupent, en la matière, de ce qui peut être utile aux revenus et à l'emploi des Français, dans un esprit non agressif à l'égard des autres pays et non démotivant à l'égard des entreprises, tout en laissant aux états-majors le soin d'organiser eux-mêmes la stabilité de leur capital.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

A une question de M. Philippe Marini, président, sur le rapport entre le patriotisme économique et les politiques de compétitivité du territoire, il a répondu que les conséquences d'un rachat d'entreprise par des étrangers peuvent de ce point de vue être variées. Par ailleurs, le rachat d'une entreprise française peut ne pas entraîner le déplacement du centre de décision. C'est ainsi que les AGF restent, selon lui, une entreprise française et que Nissan demeure japonaise.

Revenant ensuite sur les statistiques disponibles, il a indiqué que le nombre des étrangers travaillant dans des entreprises françaises hors de France n'était pas évalué par l'INSEE, que seul le stock de Français employés dans des entreprises étrangères était connu et qu'il avait augmenté de 800.000 emplois en dix ans, que le nombre des emplois supprimés par les délocalisations, significatif en termes de souffrance sociale et de finances locales, était faible du point de vue macro-économique.

A une question de M. Philippe Marini, président, sur la définition de la délocalisation, il a répondu que la notion recouvrait les pertes d'emploi résultant du déplacement vers l'étranger d'une activité économique dont la production est ensuite importée en France par le même groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

A une question de M. Michel Teston sur l'évaluation quantitative des délocalisations de centres de décision, il a répondu qu'il ne s'agissait pas d'un travail statistique et que cette mesure pourrait sans doute être effectuée en examinant les conditions de gestion d'entreprises passées sous contrôle étranger, le cas type étant celui de Péchiney.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il a ensuite précisé à M. Philippe Marini, président, qu'une enquête menée en 2005 sur les investissements immatériels dans les groupes avait nécessité l'envoi de questionnaires à l'étranger, les décisions étant prises en la matière, et spécialement en ce qui concerne la promotion de la marque, au niveau du centre de décision des groupes. Cette centralisation touche aussi le pilotage stratégique et financier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

a alors évoqué, en rappelant l'évolution du rapprochement entre BASF et Rhône-Poulenc, la fragilité des engagements portant sur la localisation des centres de décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

A M. Daniel Raoul, qui demandait si la localisation des centres de recherche était liée à celle des centres de décision, M. Jean-Michel Charpin a enfin répondu que celle-ci est probablement corrélée à la localisation des unités de production. Seules, les fonctions stratégiques sont systématiquement installées en France dans le cas des multinationales françaises, il en va sans doute de même pour les groupes étrangers.