Procédant ensuite à sa propre présentation des crédits, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a tenu à relativiser leur croissance formelle de 1,8 milliard d'euros, dans la mesure où elle résulte de l'addition, aux crédits budgétaires de la mission proprement dite, d'autres éléments qu'il a jugés plus discutables, tels que :
- le crédit d'impôt recherche (CIR) (+ 530 millions d'euros), qui profite au seul secteur privé et dont l'utilité est sujette à débat ;
- les crédits affectés aux partenariats public-privé (PPP) (+ 440 millions d'euros), qui s'analysent comme des emprunts sur une trentaine d'années, et non comme des ressources. De plus, la moitié de cette enveloppe est en réalité constituée de reports déjà comptabilisés lors du dernier exercice budgétaire pour atteindre l'augmentation affichée de 1,8 milliard d'euros de crédits, tandis que l'autre moitié serait inutilisable dans les délais, d'après la conférence des présidents d'université (CPU) ;
- et, enfin, les intérêts des 5 milliards d'euros du « plan campus » (+ 164 millions d'euros), à nouveau affectés au remboursement des emprunts liés aux PPP, qui risquent de ne pas être utilisés en 2010 du fait du faible montant des sommes à rembourser.
Par ailleurs, a-t-il poursuivi, cette augmentation formelle des crédits, si elle donne l'impression d'un effort prioritaire pour la recherche, ne permet pas en réalité au Gouvernement de respecter l'engagement pris en 2002 de consacrer 3 % du PIB à ce secteur. Les données de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), comme celles des documents budgétaires, montrent ainsi que l'effort consacré à la recherche n'a cessé, en part relative, de diminuer depuis 2002. Classée au quatorzième rang mondial à cet égard, la France a accentué son retard sur les premiers et se positionne désormais significativement en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE.
Puis, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a fait valoir quelques remarques sur l'affectation de ces crédits aux organismes de recherche.
L'Institut national de la recherche agronomique (INRA), avec une augmentation des transferts publics de 1,6 %, est le moins bien loti des organismes de recherche, à l'heure où un effort budgétaire substantiel devrait être mis en oeuvre dans le domaine de la recherche agronomique pour y attirer davantage de chercheurs. A titre d'exemple emblématique, la recherche sur la transgénèse, pourtant fondamentale dans la perspective des défis alimentaires à relever dans les décennies à venir, est aujourd'hui sinistrée et les vocations rares. Ainsi, l'Agence nationale pour la recherche (ANR) ne consacre plus aucun financement à la thématique des plantes génétiquement modifiées depuis 2007, laissant craindre une grave perte de compétence de la France en ce domaine.
Evoquant ensuite la politique d'appel à projets conduite par l'ANR, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis :
- a estimé opportun de faire porter certains d'entre eux sur les rapports entre science et société. Les débats d'actualité sur les effets sanitaires du développement des organismes génétiquement modifiés (OGM) et des nanotechnologies, ou encore de l'implantation d'antennes relais de téléphonie mobile, illustrent selon lui la difficulté d'une approche rationnelle par le grand public de problématiques à forte composante scientifique et technologique ;
- a souhaité voir davantage prise en compte par l'ANR une approche transversale des thématiques relatives aux nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives, dites NBIC. Ces technologies d'avenir, dont l'hybridation permettrait d'assurer la convergence entre le naturel et l'artificiel, font l'objet de travaux d'origine essentiellement anglo-saxonne, et la France a déjà pris du retard dans ce domaine stratégique. Il conviendrait donc d'accorder davantage de place à ces problématiques au sein des appels à projets de l'ANR, en coordination avec les programmes menés en la matière au niveau européen.
Puis, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a abordé la problématique du crédit impôt recherche (CIR). Créée en 1983, améliorée par la loi de finances 2004 et à nouveau modifiée par la loi de finances 2008, cette mesure fiscale consiste en un crédit d'impôt de 30 % des dépenses de R&D jusqu'à 100 millions d'euros et de 5 % au-delà de ce montant.
Le coût du CIR pour le budget national n'a cessé d'augmenter depuis sa création, au gré de ses réformes successives, et notamment de la dernière. Il est passé de 428 millions d'euros en 2003 à environ 2 milliards d'euros de créances fiscales en 2009. Il représente désormais 530 des 565 millions d'euros de dépenses fiscales en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche dans le projet de loi de finances pour 2010, soit pas moins de 94 % des sommes globalement budgétées à cet effet. En volume de financement, il constitue ainsi la deuxième des mesures fiscales de l'Etat.
Certes, ce mécanisme a sans doute joué un rôle d'amortisseur face à la crise. Ainsi, et malgré la conjoncture, l'effort privé de R & D est demeuré constant en 2008 à 15 milliards d'euros. Cette même année, si deux secteurs particulièrement touchés par la crise ont vu leurs dépenses de recherche diminuer (- 20 % pour l'automobile et l'aéronautique), l'ensemble des autres secteurs les a augmentées de 2 % en moyenne.
Cependant, le CIR prête le flanc à plusieurs critiques :
- la faiblesse relative de la part des financements profitant à l'industrie, dont on aurait pourtant pu penser qu'elle était la plus consommatrice de tels crédits. Comme le souligne un récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, c'est le secteur des services qui, avec près des deux tiers des créances, bénéficie de l'essentiel de la dépense fiscale découlant du CIR. Ainsi, les créances de l'Etat sont environ dix fois supérieures, dans les secteurs de l'assistance aux entreprises et des services financiers et d'assurance, à celles consenties à l'industrie automobile, navale, ferroviaire, aéronautique, ou pharmaceutique ;
- la concentration massive du dispositif sur les grandes entreprises. Comme le souligne le rapport récent de M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, dans l'application de la loi fiscale, le gain de la réforme, qui se traduit par une augmentation considérable du montant des créances de crédit d'impôt recherche à 4,13 milliards d'euros, sera concentré à près de 80 % sur les entreprises de plus de 250 salariés. Cette répartition du CIR selon la taille de l'entreprise, si elle ne fait en réalité que suivre la répartition des dépenses de recherche elles-mêmes, prête à discussion dans la mesure où le dispositif profite in fine aux entreprises ayant naturellement le plus de facilités à financer leur effort de recherche et où il en résulte pour certaines d'entre elles un effet d'aubaine ;
- l'absence d'un dispositif pérenne d'évaluation et l'insuffisance du dispositif de contrôle ;
- les doutes sur l'efficience du CIR. Pour la Cour des comptes, le choix d'utiliser le levier fiscal pour attirer les centres de recherche pourrait ne pas être le plus pertinent en termes d'attractivité. La portée du crédit d'impôt a sans doute été limitée par la forte instabilité des règles, le CIR ayant été modifié quasiment chaque année depuis sa création. La haute juridiction souligne par ailleurs une corrélation inversée entre l'évolution du montant du CIR entre 2002 et 2006, qui a plus que doublé, et celle de la part du financement privé de la R & D dans le PIB, qui a fortement baissé.
En conclusion, M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis, a fait part de son avis réservé vis-à-vis des crédits de la MIRES pour 2010, voyant dans les sommes allouées à la recherche et à l'enseignement supérieur par le « grand emprunt » la preuve de l'insuffisance des crédits y étant affectés dans le projet de loi de finances.