Après avoir fait part du plaisir qu'il avait à se rendre devant la commission, M. Jean Peyrelevade a indiqué en préambule que son essai effectuait la synthèse de points de vue développés dans ses livres antérieurs. Se disant surpris des 27 000 tirages réalisés, comparés aux 4 000 à 5 000 habituels, il s'est dit également étonné de l'absence de réactions et de critiques de fond à son égard, à une exception près. Rapportant toutefois le grand intérêt d'un public vis-à-vis de son ouvrage, il a annoncé qu'il allait animer de très nombreuses conférences dans la France entière afin de le présenter.
Décrivant la thèse centrale du livre comme la transition vers un capitalisme triomphant, dissocié et autocentré, il a tenu à souligner qu'il n'était en rien anticapitaliste, voyant au contraire dans ce système d'organisation économique le seul propre à créer de la richesse et de la prospérité. Remarquant toutefois que le mot « capitalisme » revêtait une consonance péjorative dans notre pays, il a fait état d'un sondage réalisé récemment par l'université du Maryland auprès de 20 000 personnes dans 20 pays, dont une majorité importante dans 19 d'entre eux souscrivait à l'idée que le capitalisme était le mode d'organisation de l'économie le plus efficient, seuls, les Français ayant une opinion globalement contraire.
Evoquant d'abord le caractère « triomphant » du capitalisme, il l'a illustré par sa mise en oeuvre à une échelle mondiale et par l'absence de contrepouvoirs politiques efficaces du fait de leur territorialisation sur des espaces nationaux. Faisant état du reproche qui lui avait été fait de ne prendre en compte que les sociétés cotées sur les marchés financiers, au détriment des sociétés familiales de petite et moyenne taille, il l'a expliqué par l'absence de statistiques sur la part de valeur ajoutée créée respectivement par chacun de ces deux types d'entreprises.
Abordant le caractère « dissocié » du capitalisme, il a rappelé que ce dernier s'incarnait, lors de sa naissance au XIXe siècle, dans des créateurs de sociétés et de groupes (Ford, Wendel, Rockfeller ...) dont la richesse était la contrepartie de l'esprit d'entreprise. Il a opposé cette version historique du capitalisme à celle, contemporaine, où les fonctions de dirigeant et de propriétaire de société sont dissociées, les premiers étant des gestionnaires d'entreprises, les seconds d'actifs. Il a observé qu'on dénombrait, pour 15 000 à 20 000 sociétés cotées dans le monde, 300 000 actionnaires, soit 5 % de la population mondiale, concentrés dans les pays développés, où ils représentent une partie importante de la population (environ 50 % aux Etats-Unis, 20 % France et au Japon). Notant qu'il s'agissait d'une population âgée, aisée et éduquée, il s'est interrogé sur sa représentativité et sa légitimité démocratique. Faisant état du recul de l'actionnariat direct, il a observé la montée en puissance des intermédiaires financiers (fonds de pension, SICAV, compagnies d'assurance, caisses de retraite ...) sur un marché extrêmement concurrentiel. Anticipant une augmentation à venir de la masse d'épargne, du fait de l'inquiétude des travailleurs quant au financement de leur retraite, il a vu, dans la promesse et l'obtention par leurs gestionnaires d'un rendement important, le moyen pour eux de se l'approprier.
S'agissant enfin de l'aspect « autocentré », il a analysé le système capitaliste comme capable de toutes les autorégulations nécessaires dès lors qu'elles concouraient à améliorer la situation des actionnaires, mais inapte à se réformer pour mettre fin aux externalités négatives qu'il produit en matière sociale ou environnementale.
En conclusion, il a considéré que le modèle capitaliste actuel n'était pas soutenable, tant du fait de ses effets externes que de la norme annuelle de rentabilité y ayant cours (15 % environ), largement supérieure au taux de croissance moyen de l'économie (3 ou 4 %). Analysant cette inadéquation comme une faille dans un système qu'il a jugé toutefois irremplaçable, il a laissé craindre un réajustement plus ou moins brutal en l'absence de prise en considération de ces évolutions au niveau politique.