Commission des affaires économiques

Réunion du 3 mai 2005 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • capitalisme
  • interopérabilité
  • jugé
  • logiciel

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord entendu la communication de M. Bruno Retailleau sur les aspects économiques du projet de loi n° 269 (2005-2006) relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.

a d'abord souhaité faire trois précisions :

- il a rappelé que le projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information avait pour objet de transposer la directive communautaire 2001/29/CE du 22 mai 2001 ;

- il a ensuite évoqué le compromis, qu'il a jugé équilibré, auquel avait abouti l'Assemblée nationale, assurant à la fois la protection du droit d'auteur, la liberté de l'internaute et une réponse pénale graduée à l'accès illicite aux oeuvres disponibles en ligne ;

- enfin, il a souligné la dimension économique évidente de ce texte, d'une part parce que les oeuvres de l'esprit visées n'étaient pas seulement artistiques et, d'autre part, parce qu'étaient en jeu l'économie globale des industries culturelles et le développement du secteur informatique.

Il a alors présenté le principe général qui sous-tendait le texte et qui avait déjà pu être invoqué par Beaumarchais : la personnalisation du droit d'auteur, c'est-à-dire le droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous, de tout auteur sur son oeuvre.

Il a jugé que ce principe avait, fort opportunément, justifié le rejet de la licence globale fondée sur une rémunération collective des oeuvres téléchargées.

Il a expliqué que ce principe de personnalisation du droit d'auteur trouvait une traduction technique en deux temps : d'une part, par l'instauration de mesures techniques visant à protéger l'oeuvre -dites mesures techniques de protection ou MTP- d'autre part, par la protection juridique de ces MTP, qu'il a définies comme tout moyen technique permettant de limiter l'usage de l'oeuvre et, notamment, d'en conditionner l'accès à l'acquittement de droits.

Ne remettant nullement en cause la légitimité de la protection juridique -d'ailleurs consacrée par la directive communautaire de 2001- des MTP, dont le contournement est passible d'amendes, M. Bruno Retailleau a jugé que le principe général de personnalisation du droit d'auteur ainsi que sa traduction technique et juridique ne pouvaient être entendus de manière absolue. Il a rappelé qu'il convenait en effet de prendre aussi en compte :

- le droit pour l'utilisateur de lire librement l'oeuvre acquise licitement ;

- l'équilibre concurrentiel des marchés informatique et industriel ;

- la stratégie de sécurité économique de la France, dont les systèmes d'information sont menacés par l'insertion de logiciels espions associés aux mesures de protection des oeuvres.

Il a indiqué que la clef résidait dans le concept d'interopérabilité, qu'il a présenté comme la juste contrepartie des MTP. Il a défini l'interopérabilité comme la possibilité, pour deux systèmes différents, de communiquer entre eux, ce qui, en pratique, permettait de lire toute oeuvre sur tout matériel ou logiciel.

Il a ensuite tenu à écarter deux fausses idées : l'une apparentant la promotion de l'interopérabilité au collectivisme, alors même que ce concept ne porte pas atteinte à la propriété intellectuelle, mais rend simplement possible le dialogue entre systèmes ; l'autre dénonçant l'anti-américanisme des partisans de l'interopérabilité, alors même que le magazine américain Wired avait salué l'initiative de l'Assemblée nationale en faveur de l'interopérabilité en déclarant que « la France sauvait la civilisation ».

Puis M. Bruno Retailleau a présenté les effets positifs de l'interopérabilité, laquelle garantit une plus large diffusion des oeuvres, permet de lutter contre la pratique des ventes liées et les dérives monopolistiques et soutient le développement économique du secteur des logiciels libres, dont le marché a crû en France de 46 % en 2004 (contre 7 % pour le logiciel propriétaire), de grandes entreprises françaises telles Thalès, Renault ou Airbus recourant largement aux logiciels libres.

Après avoir fait observer que l'amendement garantissant une interopérabilité de principe avait été voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, il a estimé que, sur cette question essentielle, sa position divergeait de celle adoptée par la commission des affaires culturelles du Sénat.

Il s'est, en effet, prononcé pour l'inscription, dans la loi, d'une interopérabilité de principe, qui serait garantie, comme l'avait d'ailleurs suggéré le Gouvernement à l'Assemblée nationale, par le Conseil de la concurrence auquel les députés avaient finalement préféré le tribunal de grande instance. Estimant que la proposition de la commission des affaires culturelles de créer une nouvelle autorité administrative indépendante ne pouvait être soutenue en raison du foisonnement de telles autorités, il a insisté sur la nécessité d'imposer l'interopérabilité et de prévoir, en ultime recours, la possibilité de recourir à la décompilation. Il a également insisté sur l'importance d'un accès gratuit à l'interopérabilité, sous réserve de la prise en charge des « frais logistiques » correspondant aux frais d'impression, de stockage et de transport du support physique sur lequel seraient transmises les informations essentielles. Dans cette optique, il a considéré que les informations essentielles à l'interopérabilité n'étaient pas le code source de la mesure technique et n'avaient donc pas de coût propre pour l'auteur des MTP.

Après avoir brièvement évoqué la nécessité de préserver l'exception pour copie privée, notamment afin de préserver un mode de financement du spectacle vivant, il a abordé la question des logiciels dits « espions ». Il a considéré qu'il convenait de conserver, sur ce sujet, l'article 7 bis adopté par l'Assemblée nationale pour interdire les mesures techniques de protection intégrant ce type de logiciels permettant le contrôle à distance de plusieurs fonctionnalités ou l'accès à des données personnelles.

Invoquant le respect impératif de la liberté individuelle et les enjeux en termes d'intelligence économique, il a déclaré que, contrairement à la proposition de la commission des affaires culturelles du Sénat, il lui paraissait opportun de soumettre à déclaration préalable et à contrôle l'importation, le transfert, la fourniture ou l'édition de tels logiciels et d'assujettir l'utilisation de ces logiciels à la loi du 6 janvier 1978 relative à l'information, aux fichiers et aux libertés. En outre, il a fait observer que la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information (DCSSI) possédait un réel savoir-faire en matière de surveillance de ces logiciels « espions ».

Enfin, M. Bruno Retailleau a fait part d'une dernière divergence qu'il avait avec la commission des affaires culturelles concernant l'article 12 bis du texte relatif aux logiciels de téléchargement. Il a jugé que, s'il était légitime de lutter contre les téléchargements illégaux, il convenait de maintenir hors du champ de la répression les logiciels permettant des échanges de fichiers « pair à pair » destinés au travail collaboratif, à la recherche ou à l'échange de fichiers ou d'objets non soumis à la rémunération des droits d'auteur. En effet, a-t-il rappelé, il ne faut pas confondre la technique du « pair à pair » et les éventuelles utilisations illicites qui peuvent en être faites.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Après avoir établi un parallèle avec le débat sur la loi n° 2004-575 pour la confiance dans l'économie numérique, dont il avait été le rapporteur avec son collègue Bruno Sido, M. Pierre Hérisson s'est félicité des échanges fructueux que cette réunion permettait d'avoir sur le sujet de la protection des droits d'auteur dans le contexte du développement des technologies de l'information, sujet aux implications autant industrielles que strictement culturelles à l'heure de la convergence entre les secteurs des télécommunications, des médias et des technologies de l'information.

Il a rappelé que, conformément à nos obligations communautaires, le texte consacrait effectivement le régime juridique des mesures techniques de protection (MTP) afin de permettre au titulaire du droit d'auteur de contrôler l'usage qui était fait de son oeuvre, et notamment d'en maîtriser la diffusion. Toutefois, abondant dans le sens de son collègue M. Bruno Retailleau, il a jugé tout aussi légitime de vouloir assurer la liberté de choix du consommateur, ce dernier devant pouvoir lire sur n'importe quel support la reproduction numérique d'une oeuvre qu'il a légalement acquise. A cet égard, il a déploré le cloisonnement vertical du marché qui aboutissait à la formation d'oligopoles fondés sur des systèmes propriétaires détenus par Microsoft, Apple ou Sony.

Evoquant la tension entre les intérêts commerciaux des grands groupes et les exigences croissantes et tout aussi légitimes des consommateurs, il a estimé qu'au coeur de cette tension, se trouvait la notion d'interopérabilité, qu'il a définie comme la capacité, pour un système, à communiquer avec d'autres, grâce au respect d'une norme commune et qu'il a présentée comme la pierre angulaire du réseau Internet, lequel s'appuyait sur un protocole permettant des échanges d'informations entre des systèmes différents. Il a fait observer que la directive communautaire, alors qu'elle imposait la protection juridique des MTP, ne comportait aucune disposition précise pour assurer l'interopérabilité. Puisqu'il revenait au législateur national d'organiser la mise en oeuvre effective de l'interopérabilité, il a affirmé son soutien à la proposition de la commission des affaires culturelles du Sénat de confier à une autorité de régulation le soin de statuer sur la fourniture des informations essentielles à l'interopérabilité.

S'agissant de la proposition de M. Bruno Retailleau de revenir à la rédaction qu'avait retenue l'Assemblée à l'issue de sa première délibération, c'est-à-dire de faire du Conseil de la Concurrence, plutôt que du Tribunal de grande instance, le gardien de l'interopérabilité, il a jugé que cette position se défendait parfaitement et qu'il était en effet plus naturel de renvoyer des entreprises subissant des pratiques anticoncurrentielles vers le juge de la concurrence, plutôt que de permettre à tout un chacun de prendre connaissance des informations nécessaires à l'interopérabilité. Toutefois, il a rappelé que le Conseil de la Concurrence, dans sa décision de novembre 2004 relative à Apple, avait considéré qu'il ne devait tenir compte de l'intérêt du consommateur qu'en cas de pratique anticoncurrentielle avérée et, pour ce motif, n'avait donc pas fait droit à une demande d'interopérabilité.

Il a donc plaidé pour asseoir sur l'expertise et l'indépendance d'une autorité de régulation la garantie d'une interopérabilité raisonnée. Néanmoins, il s'est interrogé sur la multiplication des autorités de régulation dans le domaine de la communication, proposant de créer une passerelle entre cette autorité de régulation et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), qui, a-t-il relevé, traite déjà de l'interopérabilité entre réseaux, désignée sous le nom d'interconnexion, définie comme la liaison physique et logique des réseaux permettant aux utilisateurs de communiquer entre eux ou bien d'accéder à des services.

Enfin, M. Pierre Hérisson a conclu en congratulant M. Bruno Retailleau pour le travail considérable qu'il avait accompli sur le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

a, à son tour, félicité M. Pierre Hérisson. Il a insisté sur l'importance qu'il y avait à reconnaître l'exigence d'interopérabilité qui figurait au considérant 50 de la directive de 2001 transposée par le texte, établissant un parallèle entre ce considérant et l'article 6 de la directive 91/250/CEE de 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur.

S'agissant de l'autorité de régulation, il a jugé qu'effectivement le recours aux autorités existantes -Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou Conseil de la concurrence- méritait d'être envisagé sérieusement. Il a, en effet, fait valoir que la création d'une autorité nouvelle nécessitait la mise en place de moyens considérables, des services pléthoriques étant nécessaires pour traiter des contentieux du type de celui impliquant Microsoft, lequel représentait un dossier de milliers de pages et avait duré sept ans. A l'inverse, a-t-il observé, une autorité nouvelle conçue pour être légère risquait, à ses yeux, d'être inefficace.

Debut de section - Permalien
Jean Peyrelevade, ancien président-directeur général du Crédit Lyonnais

Ensuite la commission a procédé à l'audition de M. Jean Peyrelevade, ancien président-directeur général du Crédit Lyonnais, sur son ouvrage Le capitalisme total.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Après avoir remercié M. Jean Peyrelevade de sa venue, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé sa grande expérience dans le secteur de la finance et l'a invité à présenter son dernier ouvrage, soulignant que la commission des affaires économiques s'intéressait de près à ces problématiques.

Debut de section - Permalien
Jean Peyrelevade, ancien président-directeur général du Crédit Lyonnais

Après avoir fait part du plaisir qu'il avait à se rendre devant la commission, M. Jean Peyrelevade a indiqué en préambule que son essai effectuait la synthèse de points de vue développés dans ses livres antérieurs. Se disant surpris des 27 000 tirages réalisés, comparés aux 4 000 à 5 000 habituels, il s'est dit également étonné de l'absence de réactions et de critiques de fond à son égard, à une exception près. Rapportant toutefois le grand intérêt d'un public vis-à-vis de son ouvrage, il a annoncé qu'il allait animer de très nombreuses conférences dans la France entière afin de le présenter.

Décrivant la thèse centrale du livre comme la transition vers un capitalisme triomphant, dissocié et autocentré, il a tenu à souligner qu'il n'était en rien anticapitaliste, voyant au contraire dans ce système d'organisation économique le seul propre à créer de la richesse et de la prospérité. Remarquant toutefois que le mot « capitalisme » revêtait une consonance péjorative dans notre pays, il a fait état d'un sondage réalisé récemment par l'université du Maryland auprès de 20 000 personnes dans 20 pays, dont une majorité importante dans 19 d'entre eux souscrivait à l'idée que le capitalisme était le mode d'organisation de l'économie le plus efficient, seuls, les Français ayant une opinion globalement contraire.

Evoquant d'abord le caractère « triomphant » du capitalisme, il l'a illustré par sa mise en oeuvre à une échelle mondiale et par l'absence de contrepouvoirs politiques efficaces du fait de leur territorialisation sur des espaces nationaux. Faisant état du reproche qui lui avait été fait de ne prendre en compte que les sociétés cotées sur les marchés financiers, au détriment des sociétés familiales de petite et moyenne taille, il l'a expliqué par l'absence de statistiques sur la part de valeur ajoutée créée respectivement par chacun de ces deux types d'entreprises.

Abordant le caractère « dissocié » du capitalisme, il a rappelé que ce dernier s'incarnait, lors de sa naissance au XIXe siècle, dans des créateurs de sociétés et de groupes (Ford, Wendel, Rockfeller ...) dont la richesse était la contrepartie de l'esprit d'entreprise. Il a opposé cette version historique du capitalisme à celle, contemporaine, où les fonctions de dirigeant et de propriétaire de société sont dissociées, les premiers étant des gestionnaires d'entreprises, les seconds d'actifs. Il a observé qu'on dénombrait, pour 15 000 à 20 000 sociétés cotées dans le monde, 300 000 actionnaires, soit 5 % de la population mondiale, concentrés dans les pays développés, où ils représentent une partie importante de la population (environ 50 % aux Etats-Unis, 20 % France et au Japon). Notant qu'il s'agissait d'une population âgée, aisée et éduquée, il s'est interrogé sur sa représentativité et sa légitimité démocratique. Faisant état du recul de l'actionnariat direct, il a observé la montée en puissance des intermédiaires financiers (fonds de pension, SICAV, compagnies d'assurance, caisses de retraite ...) sur un marché extrêmement concurrentiel. Anticipant une augmentation à venir de la masse d'épargne, du fait de l'inquiétude des travailleurs quant au financement de leur retraite, il a vu, dans la promesse et l'obtention par leurs gestionnaires d'un rendement important, le moyen pour eux de se l'approprier.

S'agissant enfin de l'aspect « autocentré », il a analysé le système capitaliste comme capable de toutes les autorégulations nécessaires dès lors qu'elles concouraient à améliorer la situation des actionnaires, mais inapte à se réformer pour mettre fin aux externalités négatives qu'il produit en matière sociale ou environnementale.

En conclusion, il a considéré que le modèle capitaliste actuel n'était pas soutenable, tant du fait de ses effets externes que de la norme annuelle de rentabilité y ayant cours (15 % environ), largement supérieure au taux de croissance moyen de l'économie (3 ou 4 %). Analysant cette inadéquation comme une faille dans un système qu'il a jugé toutefois irremplaçable, il a laissé craindre un réajustement plus ou moins brutal en l'absence de prise en considération de ces évolutions au niveau politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

a fait état de données précises concernant le sondage de l'université du Maryland, chiffrant les personnes favorables au capitalisme à 74 % en Chine et 70 % en Inde, contre 36 % seulement en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Après avoir questionné l'intervenant sur la signification de l'intitulé de l'ouvrage, M. Charles Revet a suggéré de distinguer deux formes de capitalisme, l'un d'entreprise, véritablement générateur d'activité, l'autre financier, à la recherche de profits. Par ailleurs, il s'est interrogé sur les moyens d'action du politique pour réguler cette nouvelle forme de capitalisme, appuyé sur ce point par M. Dominique Mortemousque.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Se disant interpellé par le décalage entre l'évolution des revenus du travail, de 1 à 1,5 % chaque année environ, et celle du capital, de l'ordre de 10 à 15 %, mais aussi par le scandale lié au groupe Enron, M. Paul Raoult a pointé la contradiction consistant, en légiférant afin de prévenir ces dérives, à complexifier et opacifier un peu plus encore l'environnement normatif des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Darniche

Evoquant les multiples rapports concluant qu'il revenait au politique d'encadrer le capitalisme et de prévenir ses excès, M. Philippe Darniche a fait observer que les gouvernants avaient besoin, pour ce faire, d'éclairages et de conseils provenant de la sphère économique. Rapportant les propos de la présidente du Medef, Mme Laurence Parisot, insistant sur l'importance des PME et de la création d'entreprise, il a déploré la difficulté à convaincre les jeunes de faire preuve d'initiative en ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

a souligné l'accroissement de l'écart entre l'enrichissement des entreprises, très rapide, et celui des nations, bien plus lent. Il a fait état de la prédiction de l'économiste Patrick Artus, anticipant une autodestruction du capitalisme du fait de la priorité donnée à la rentabilité à court terme, au détriment d'investissement de moyen et long terme nécessaires à la croissance. Il s'est demandé dans quelle mesure le développement de l'actionnariat populaire constituerait un moyen de régulation dès lors que l'épargne serait recueillie et gérée par des fonds de pension.

Debut de section - Permalien
Jean Peyrelevade, ancien président-directeur général du Crédit Lyonnais

S'agissant du capitalisme familial, M. Jean Peyrelevade a souscrit à l'idée de son nécessaire développement, tout en répétant qu'il ne pourrait être mesuré qu'après la collecte d'informations et de statistiques précises sur son périmètre actuel. De la même façon, en ce qui concerne le partage de la valeur ajoutée entre les revenus du travail et ceux du capital, il a souligné l'absence de connaissance sur la part des profits réalisés respectivement en France et à l'étranger. Intégrant dans les revenus liés au capital l'amortissement, le revenu net, les intérêts et le profit net, il a fait remarquer que ce dernier élément représentait moins de 10 % de l'ensemble. Il a fait état des travaux de Michel Didier mettant en évidence un mouvement de transfert financier des prêteurs aux actionnaires, du fait de la diminution des taux d'intérêt réels depuis une quinzaine d'années.

Il a estimé que la France se singularisait par une double tradition rédemptrice vis-à-vis de l'argent (en raison du poids historique du catholicisme et du marxisme) et par de plus faibles opportunités d'ascension sociale, notamment au bas de l'échelle des revenus. Il a suggéré la mise au point de législations globales génératrices de contrepouvoirs, citant le développement de l'actionnariat salarié, qu'il a préconisé d'augmenter de 4 % à 6 ou 8 %, tout en reconnaissant qu'il n'était pas encore perçu de façon assez dynamique. Il a également proposé de regrouper les salariés actionnaires dans des associations auxquelles seraient délégués leurs droits de vote, ainsi qu'une incitation à l'augmentation de la durée de détention des titres, actuellement de 7 mois en moyenne pour les investisseurs institutionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

a rappelé que le rapport Cornu-Gentille le proposait d'obliger les entreprises du CAC 40 à posséder 5 % d'actionnaires salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

s'est demandé dans quelle mesure les banquiers ne pourraient pas jouer un rôle plus important pour assurer la stabilité des entreprises en prenant en considération d'autres éléments que leur seule rentabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Saunier

Après avoir fait remarquer, en faisant allusion au sondage de l'université de Maryland, que le fait d'avoir un avis minoritaire n'emportait pas nécessairement celui d'avoir tort, M. Claude Saunier a estimé que la contribution de l'intervenant s'inscrivait dans la lignée de celle d'autres auteurs et praticiens, tels que Joseph Stiglitz ou des membres de l'école de Chicago, qui avaient transformé les politiques économiques américaine ou britannique dans les années 80. Désireux que soit redéfini le périmètre de l'économie de marché lors de débats de fond à l'occasion des échéances politiques à venir, il a fait observer que les services de distribution d'eau et de transport de Cagliari n'étaient pas assurés par le marché.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Après avoir remercié l'intervenant pour son exposé, M. Jean-Marc Pastor a dessiné le clivage entre l'espace de l'économie de marché et celui de la fourniture de services au public, en se demandant s'il n'existerait pas de plus larges alternatives. Il s'est également interrogé sur les domaines et l'extension qu'il était envisageable de donner à la notion de service avec péréquation.

Debut de section - PermalienPhoto de Benoît Huré

Après avoir également remercié l'intervenant, M. Benoît Huré a considéré l'actionnariat salarié comme une solution appréciable, dès lors qu'il s'inscrivait dans une démarche participative et se trouvait réellement associé aux décisions sociétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Jugeant timides les préconisations de l'intervenant en matière de développement de l'actionnariat salarié, M. Gérard Bailly lui a suggéré d'aller plus avant.

Debut de section - Permalien
Jean Peyrelevade, ancien président-directeur général du Crédit Lyonnais

En réponse à ces différentes interventions, M. Jean Peyrelevade a indiqué :

- qu'il paraissait difficilement envisageable, comme il l'expliquait dans un article de la revue Commentaire du mois de mai, de dépasser le taux de 7 ou 8 % d'actionnaires salariés :

- que les banquiers, avec la fin du capitalisme rhénan, n'avaient plus d'influence directe sur les sociétés cotées, celles-ci se finançant désormais essentiellement sur les marchés. Il a ajouté que les banquiers étaient d'ailleurs eux-mêmes constitués en sociétés cotées soumises à des exigences de rentabilité ;

- qu'il était nécessaire, avant de réformer le capitalisme, d'en accepter la légitimité en tant que meilleur mode d'organisation économique. Disant comprendre la distinction entre service marchand et service public gratuit, tels que les services régaliens, dont le financement implique la reconnaissance d'un monopole, il a dit en revanche ne pas souscrire aux formes mutualistes, du fait que la concurrence dans laquelle elles se trouvaient vis-à-vis de services marchands les incitaient à fonctionner comme eux et donc à abandonner leurs spécificités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

a remercié l'intervenant pour sa contribution au débat et à la réflexion, annonçant qu'il requerrait du ministre en charge de l'économie les renseignements dont il avait souligné les carences, concernant la part respective de valeur ajoutée issue des sociétés cotées et des sociétés familiales, ainsi que la valeur respective des résultats tirés par l'ensemble de ces sociétés d'une activité réalisée sur le territoire français.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

Enfin, la commission a poursuivi l'examen des amendements au projet de loi n° 188 (2005-2006) portant engagement national pour le logement, dont M. Dominique Braye est rapporteur.

a indiqué qu'à la suite de concertations qu'il avait menées, de concert avec le président Jean-Paul Emorine, il était apparu opportun de proposer une initiative législative pour renforcer les performances énergétiques des logements locatifs sociaux. A cet effet, il a rappelé que la France était désormais contrainte de limiter ses émissions de gaz à effet de serre, tout en précisant que des quotas d'émission étaient alloués à chaque pays de l'Union européenne, chacun d'entre eux devant ensuite les répartir entre les différents secteurs émetteurs de tels rejets. Après avoir souligné que ces nouvelles contraintes pouvaient être lourdes à gérer pour certains secteurs industriels, il a relevé que le secteur des logements était fortement émetteur de gaz à effet de serre, malgré les efforts récents réalisés par les différents acteurs du logement.

Dans le droit fil de ces orientations, M. Dominique Braye, rapporteur, a donc indiqué qu'il proposait à la commission d'adopter un amendement ayant pour objectif de renforcer le nombre de constructions répondant à des caractéristiques exigeantes en matière environnementale.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

a souligné que cette idée était intéressante, mais s'est inquiété du surcoût pour les opérations de construction lié à cette mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

a noté que cette proposition avait pour objectif de stimuler les constructions présentant de hautes performances environnementales, certains architectes lui ayant fait savoir que les surcoûts pouvaient être très faibles. Il a également considéré que les politiques environnementales relevaient souvent essentiellement de l'incantation sur la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais qu'elles ne se traduisaient que trop peu souvent par des réalisations concrètes.

Il a toutefois estimé que si le Ministre indiquait que les surcoûts occasionnés par cet amendement se révélaient trop importants, il conviendrait d'être attentif à ne pas ralentir le mouvement de hausse de la construction locative sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

a rappelé que la promotion des bâtiments faiblement consommateurs d'énergie faisait partie des priorités affichées par le Président de la République, que la diffusion des techniques « haute qualité environnementale » était de nature à réduire les surcoûts liés à leur utilisation et qu'il s'agissait bien là d'investissements à long terme. Il a souligné que les logements sociaux construits en 2006 ne seraient pas concernés par l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Tout en se déclarant favorable à la promotion des constructions « haute qualité environnementale », M. Daniel Dubois a jugé que la multiplication des objectifs assignés au parc locatif social risquait de réduire l'efficacité du plan de cohésion sociale. Il a relevé que les organismes HLM étaient déjà contraints d'affecter une partie de leurs fonds propres pour les opérations locatives sociales. Puis il a estimé que la multiplication des normes reposant sur la construction au cours des dix dernières années avait occasionné un surcoût variant entre 4 et 8 %. Il s'est enfin interrogé sur l'opportunité de prévoir dans l'amendement que ces contraintes de haute qualité environnementale reposent sur les logements sociaux réalisés au cours des dernières années du plan de cohésion sociale et sur les modalités de financement de cette nouvelle contrainte.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

a indiqué partager l'opinion de Daniel Dubois et s'est inquiété des effets financiers liés à l'adoption d'un tel amendement. Il a considéré que, même limités, les surcoûts entraînés par cet amendement seraient de nature à freiner le rattrapage de la construction locative sociale. En conséquence, il a jugé qu'il serait opportun de disposer d'une étude d'impact sur les effets de cet amendement avant de l'adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Braye

En réponse, M. Dominique Braye, rapporteur, a souligné qu'il ne souhaitait pas non plus multiplier les contraintes et que la première des priorités assignées au parc locatif social restait le développement de l'offre de logements. En outre, il a proposé à la commission de rectifier l'amendement pour tenir compte des remarques de Daniel Dubois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

En conclusion, M. Jean-Paul Emorine, président, a souligné que cet amendement posait une vraie question environnementale et qu'il était nécessaire de prendre date.

La commission a ainsi adopté un amendement portant article additionnel après l'article 16 prévoyant que les logements locatifs sociaux financés en 2007, 2008 et 2009 en application du plan de cohésion sociale devront répondre à des critères de haute qualité environnementale définis par décret en Conseil d'Etat.