Intervention de Jean-Paul Bailly

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 12 avril 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Paul Bailly candidat à la présidence du groupe la poste

Jean-Paul Bailly, président du groupe La Poste :

Je suis venu deux fois devant votre commission au cours de l'année 2010 ; j'ai eu l'occasion de vous présenter les défis que rencontre La Poste. Il y a bien sûr l'ouverture des marchés : libéralisation du courrier depuis le 1er janvier 2011, banalisation de la distribution du livret A depuis 2009... Tout euro de chiffre d'affaires est désormais issu d'une activité en concurrence. Il y a ensuite l'émergence de la société numérique et les défis et les menaces qui l'accompagnent. En France comme dans tous les grands pays européens et aux États-Unis, le volume du courrier est en forte diminution. Nous avons prévu une décroissance de 30 % entre 2008 et 2015, nous nous situons actuellement exactement sur cette trajectoire. Mais le numérique offre aussi des opportunités : je songe à l'internet dit « de confiance », à l'activité de Colis express qui se nourrit de l'e-commerce...

Nous avons mis en place une organisation efficace sur tous les grands métiers et activités. La Banque postale a été créée en 2006 : elle a acquis une part déterminante dans notre équilibre financier et dans le maintien d'une activité économique sur tout le territoire. Notre outil logistique pour le courrier est aujourd'hui le plus moderne d'Europe ; notre réseau de colis express est leader européen. Quant à la présence postale, nous avons signé un nouveau contrat tripartite État, l'Association des maires de France (AMF) et La Poste. Nous avons progressé dans l'accueil et l'attente a beaucoup diminué dans les bureaux urbains. Grâce à l'augmentation de capital, nous disposons des ressources suffisantes pour nous développer sans nous endetter davantage.

Notre ambition demeure la même : devenir le groupe européen leader sur les services de proximité, grâce à nos savoir-faire postaux, la qualité du service et des relations de confiance. Certains de nos grands compétiteurs ont choisi de se développer plutôt dans la logistique industrielle, non dans les services de proximité.

Dans notre plan stratégique figure d'abord la parfaite exécution des quatre missions de service public : courrier, présence territoriale, accessibilité bancaire, distribution de la presse. Il y a aussi la qualité des relations et des services ; et l'innovation et le développement, que nous poursuivons tout en conservant notre modèle social : garantie de l'emploi, qualité des emplois, développement des compétences, accompagnement des salariés dans le courant des réorganisations. En matière de développement durable, nous avons pris des initiatives : transport, quantité de papier utilisé...

Qu'y a-t-il de neuf depuis ma dernière audition par votre commission, au mois de décembre dernier ? L'augmentation de capital a eu lieu et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) est entrée dans notre « tour de table »; depuis le 6 avril, l'opération est une réalité. Les accords définitifs entre l'État et la Caisse sont intervenus en février, les autorisations de toutes les autorités, prudentielles ou chargées du respect de la concurrence, nous ont été délivrées. La Commission européenne dûment informée n'a pas émis d'objection. Sur un apport total de 2,7 milliards d'euros, 1,05 milliard d'euros ont été versés immédiatement, une nouvelle tranche le sera en 2012, puis une autre en 2013.

Des représentants de la CDC, dont son directeur général, M. Augustin de Romanet, sont entrés au conseil d'administration, aux côtés des huit représentants de l'État. Quelles synergies exploiter avec la Caisse ? Nous allons créer des groupes de travail afin de valoriser les coopérations naturelles, l'actionnariat salarié, l'administration de l'économie numérique, les collaborations territoriales, les activités de financement, notamment de l'immobilier.

Les résultats 2010 ont été supérieurs aux prévisions et à la trajectoire qui a servi de base à la valorisation. L'intéressement qui a été versé correspond au maximum prévu. Un accord salarial a été signé par quatre organisations syndicales fin 2010 pour l'amélioration de la qualité des conditions de travail. En début d'année, l'indice de qualité du service de courrier a dépassé 86 %, taux jamais atteint auparavant. Tous les départements sont parvenus à une qualité de service intra départementale supérieure à 90 %. Le temps d'attente, la satisfaction des clients sont en hausse. La réactivité est bonne sur le service colis express. Le courrier a reculé de 3 %, contre 4 % prévus. La remontée des taux est favorable pour la Banque postale, puisqu'elle prête mais aussi place de l'argent ; la collecte s'est améliorée sur le livret A grâce au relèvement du taux d'intérêt versé. Nous sommes préoccupés par la décollecte en assurance-vie, qui recule, comme dans les autres établissements, d'environ 25 à 28 % en raison de l'incertitude fiscale.

J'en viens au développement stratégique. Nous avons lancé Digiposte, « l'internet de confiance », boîte aux lettres électronique permettant des échanges sécurisés de documents. Nous l'avons lancé début mars et nous comptons déjà 40 000 adhérents, 1 000 à 2 000 de plus chaque jour. Nous progressons aussi en Europe dans le marketing direct non adressé, qui est géré par Mediapost. Nous lancerons en mai prochain La Poste mobile, devenant ainsi opérateur de téléphonie mobile : notre offre, développée avec SFR, sera simple et transparente. C'est une diversification importante, source d'emploi, d'activité dans le réseau ; nous en attendons 500 millions de chiffre d'affaires et 2 millions de clients à l'horizon 2015.

Nous avons déposé notre demande d'agrément, après approbation du conseil d'administration le 7 avril dernier, pour la distribution de crédit aux personnes morales ; nous visons en priorité les petites entreprises, les artisans, les associations, bref l'économie locale. Les premiers financements se feront avant la fin de l'année.

Nous continuons à étendre notre réseau en Europe en ce qui concerne Colis express, et nous poursuivons notre réflexion sur les acquisitions.

La Poste possède le premier parc français de véhicules électriques. A quoi s'ajoutent 8 000 vélos à assistance électrique et 110 quads électriques. Nous entendons supprimer les deux-roues d'ici 2015 car les accidents sont trop nombreux. La Poste a également piloté le travail mené avec les propriétaires de flottes captives, entreprises publiques, privées, collectivités, administrations. Nous visons une capacité d'achat de 30 000 véhicules. Les entreprises lauréates seront connues avant la fin de l'année.

Début 2011 est entré en vigueur le nouveau contrat de présence territoriale 2011-2013, élargi aux zones urbaines sensibles et aux départements d'outre-mer (DOM). Les financements ont été portés de 135 à 170 millions d'euros. L'accord des maires est obligatoire pour les transformations de bureaux. Un rapport formalisé est en outre nécessaire avant la modification des horaires d'un bureau, aucune nouvelle réduction d'horaire ne pouvant conduire à une ouverture de moins de 12 heures par semaine. Les nouveaux moyens permettront de financer les remplacements, d'installer de nouveaux distributeurs de billets... Nous avons conclu un accord avec l'Association des maires de France (AMF) et augmenté de 10 % la rémunération des agences postales communales, des points postaux. Le montant de 170 millions d'euros doit recevoir une validation législative. Nous attendons la publication du décret sur la méthode de calcul. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) procédera au calcul et le publiera ; une loi de finances rectificative devra alors fixer l'abattement fiscal correspondant. La négociation est en cours avec l'État concernant un avenant au contrat de missions de service public, pour tirer les conséquences des dispositions de la loi du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales, et des évolutions intervenues dans la qualité des services.

Nous accordons une constante attention aux questions de santé et de relations sociales dans l'entreprise. Les demandes traitées au guichet étant en recul de 3 à 5 %, des changements d'organisation sont nécessaires, mais ils créent des inquiétudes et c'est le devoir des dirigeants d'en tenir compte. Une modernisation équilibrée doit se faire dans le respect des personnes et de leur santé, et en préservant les valeurs de proximité, de solidarité, d'accessibilité. Nous mettons un point d'honneur à veiller à une parfaite exécution des missions de service public : jamais elles n'ont été si bien accomplies ! Nous entendons préserver le modèle social. Garantie de l'emploi, qualité du service, forte réduction de la part des contrats à durée déterminée (CDD) et du temps partiel imposé, absence de mobilité obligatoire au-delà de 30 kilomètres...

Plus de 1 300 personnes sont chargées de ces questions : médecins du travail, assistantes sociales, infirmières... Nous portons une grande attention à l'ergonomie des équipements. L'accord sur le logement social a été signé par toutes les organisations syndicales : il se monte à 20 millions d'euros et nous logerons 3 000 familles par an. Il y aussi les accords sur l'égalité des hommes et des femmes ou sur l'intéressement en cas d'amélioration des performances. Les recrutements passeront cette année de 2 500 à 4 000. Nous allons créer un comité du dialogue au sein du groupe. Et nous travaillerons au cours de l'année 2011 sur l'actionnariat salarié.

Localement, toute réorganisation est concertée, plusieurs options sont proposées aux facteurs. En cas de changement, une prise en charge personnelle est assurée. Toute transition se fait non pas brutalement, mais dans la durée. Aucun agent ne reste sans activité, il est en formation ou en mission. Chaque établissement aura bientôt son responsable des ressources humaines. Et nous travaillons avec les syndicats sur un projet de qualité de vie au travail.

Je crois nos choix pertinents par rapport à ceux de nos concurrents. Il est vital de nous moderniser, sans nous renier. Nous conservons le socle essentiel. La continuité de la stratégie en fait partie : la même politique est poursuivie depuis huit, neuf ans, ce qui est un élément rassurant pour les postiers. Développer et innover, nous en avons les moyens grâce à l'augmentation de capital. Nous voulons nous transformer, pour que La Poste demeure La Poste.

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