Intervention de Anne-Marie Payet

Mission d'information médicaments — Réunion du 6 juin 2006 : 1ère réunion
Examen du rapport d'information

Photo de Anne-Marie PayetAnne-Marie Payet, rapporteur :

Poursuivant la présentation du rapport, Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a indiqué que le système de mise sur le marché et de suivi des médicaments souffre également de sa trop grande dépendance à l'égard de l'industrie pharmaceutique. Cette dernière s'est, en effet, imposée comme le premier vecteur d'information des professionnels de santé. Or, la formation et l'information des médecins constituent les moyens les plus efficaces pour lutter contre les problèmes posés, notamment en France, par les prescriptions inadaptées, la surconsommation de médicaments et le risque d'accident résultant de mauvaises associations médicamenteuses.

Elle a d'abord jugé indispensable de redonner toute sa place à l'enseignement de la thérapeutique, car le nombre d'heures consacrées à l'enseignement de la pharmacologie n'a cessé de baisser dans le cursus universitaire.

Elle a également estimé essentiel de s'interroger sur le mode de financement et les modules de formation dispensés dans le cadre de la formation médicale continue. L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) a récemment proposé le recours à des rapporteurs indépendants dans la procédure d'agrément des formateurs et une sélection plus stricte des publications médicales dont les articles sont pris en compte dans la formation médicale continue du médecin.

a ensuite abordé la question de la visite médicale, premier moyen de promotion des médicaments pour l'industrie pharmaceutique, qui y consacre en moyenne 80 % de ses dépenses de marketing, soit l'équivalent de 8.500 euros par médecin.

Les abus de cette pratique commerciale ont été fréquemment dénoncés, notamment pour ce qui concerne les recommandations de prescription. La nouvelle charte de la visite médicale, signée entre les entreprises du médicament et le CEPS, a vocation à y remédier. Elle fixe, à cet effet, les missions et les obligations déontologiques des délégués médicaux, promeut la qualité de l'information délivrée et prévoit les moyens de contrôle du système grâce à la remise aux médecins de documents officiels sur les produits présentés : avis de la commission de la transparence et fiche technique sur les caractéristiques du produit réalisée par la Haute Autorité de santé. Toutefois, la complexité excessive de ces documents inciterait parfois à ne pas respecter cette obligation.

Par ailleurs, il est regrettable que cette charte ne s'applique pas à la visite à l'hôpital, alors qu'il s'agit d'un élément majeur dans l'acquisition d'habitudes de consommation d'un produit et que les prescriptions qui y sont faites ne sont pas exemptes d'abus. Il serait donc utile de développer, aux côtés de la visite médicale, le rôle des délégués médicaux de l'assurance maladie pour les charger d'une mission d'information spécifique, centrée sur les innovations thérapeutiques.

Enfin, il est à noter que les laboratoires contrôlent les journaux médicaux, ce qui justifierait qu'un contrôle plus important de la presse médicale soit opéré : d'abord, par la publication rapide du décret d'application de l'article 26 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, qui prévoit l'obligation d'informer les lecteurs des liens d'intérêts de l'auteur pour que l'on puisse juger de son objectivité ; ensuite, par un examen attentif du contenu des revues avant leur accréditation comme outil de formation médicale continue.

Enfin, Mme Anne-Marie Payet, rapporteur, a abordé le troisième volet du rapport, consacré à la surveillance de l'usage des produits de santé en vie réelle. Cette surveillance du risque et du bon usage des produits sanitaires constitue, avec l'évaluation du rapport bénéfice/risque, le coeur de la mission de l'Afssaps. Celle-ci gère ainsi un réseau de surveillance spécialisé par produit étudié : la pharmacovigilance concerne les médicaments et d'autres branches traitent de la collecte de sang, de l'utilisation de produits du corps humain, des substances psychoactives, des dispositifs médicaux ou destinés au diagnostic in vitro.

Le dispositif français de pharmacovigilance, né en 1974, repose sur le principe de la notification spontanée des professionnels de santé : médecins, pharmaciens et, dans une moindre mesure, sages-femmes et chirurgiens-dentistes. Elle est suivie, en cas de besoin, d'une enquête des organismes habilités aux niveaux régional et national et des mesures correctives nécessaires à un meilleur usage des produits.

Pour chaque signalement, le centre régional de pharmacovigilance concerné procède à la recherche de renseignements complémentaires : recueil des informations chronologiques et sémiologiques sur l'accident, recherche de précédents, etc. Les dossiers qui nécessitent un suivi approfondi sont ensuite étudiés par le comité technique de pharmacovigilance. Puis les résultats de l'enquête sont transmis à la commission nationale de pharmacovigilance de l'Afssaps, qui peut décider de modifier l'information sur le médicament, de préciser les contre-indications, voire de retirer l'AMM.

Parallèlement à ce dispositif, une seconde source d'information sur les effets indésirables d'un médicament provient du laboratoire pharmaceutique titulaire de l'AMM, qui a obligation de signaler dans les quinze jours tout effet grave ou inattendu lié à l'usage de son produit et de disposer d'un département de pharmacovigilance.

L'audit de l'Afssaps, conduit en 2002 par les inspections générales des finances et des affaires sociales, a porté une appréciation sévère sur l'activité de pharmacovigilance de l'agence. Celle-ci a, depuis lors, accompli un travail considérable pour remédier aux lacunes de son dispositif.

a considéré que des améliorations sont encore souhaitables pour corriger la sous-notification des effets indésirables : d'abord, en sensibilisant davantage les médecins de ville à la pharmacovigilance, notamment en les informant systématiquement des suites données à leurs signalements ; ensuite, en renforçant le rôle des pharmaciens ; enfin, en associant davantage les patients au système par l'intermédiaire d'associations de patients agréées.

La pharmacovigilance connaît aujourd'hui une profonde mutation et vient s'insérer dans la politique plus large de gestion des risques souhaitée par les autorités européennes. Son volet le plus innovant réside dans le développement des études post-autorisation de mise sur le marché (post-AMM), c'est-à-dire des études pharmaco-épidémiologiques qui sont menées après la commercialisation du produit.

Ces études sont effectuées sous l'égide des autorités publiques et doivent être distinguées des études menées par les seuls laboratoires, réalisées en vue d'élargir le champ de prescription d'un produit de santé. Elles correspondent à un changement d'optique dans le domaine de la sécurité sanitaire : il ne s'agit plus de se reposer sur les essais cliniques réalisés antérieurement à l'AMM et les notifications transmises au réseau de pharmacovigilance, mais de développer une politique volontariste fondée sur l'anticipation d'éventuels effets indésirables lors de l'utilisation des médicaments auprès d'une large population.

a souligné que les études post-AMM visent à éclairer les conditions réelles de prescription et d'utilisation du médicament ; elles comparent les résultats effectifs aux données des essais thérapeutiques et révèlent les risques non étudiés ou tardifs qui pourraient apparaître lors de l'utilisation d'un médicament, ainsi que son impact sur le système de soins.

Les premières études post-AMM, mises en oeuvre depuis 1997, ont donné des résultats mitigés : sur les 105 études commandées, seules, 7 % ont été menées à leur terme, tandis que 54 % n'ont pas encore débuté. Ce retard est en partie dû à la complexité des études à mener, dont la réalisation n'est envisageable que sur une période de plusieurs mois, voire de plusieurs années. Il s'explique aussi par la répartition des tâches entre les laboratoires et les autorités publiques, puisque le protocole de l'étude doit être validé par les commanditaires, alors que le laboratoire prendra en charge les dépenses afférentes.

Cette situation constitue bien évidemment un obstacle au développement des études post-AMM et surtout à leur mutation vers des études comparatives qui ne porteraient plus sur un produit mais sur l'analyse des stratégies thérapeutiques disponibles pour une pathologie donnée. Dans cet objectif, il serait souhaitable que des crédits publics soient prévus dans le cadre de l'agence nationale pour la recherche afin de faciliter le développement de ces études.

Le second obstacle rencontré pour le développement des études post-AMM concerne l'accès à la gestion des bases de données gérées par l'assurance maladie, dont les autorités sanitaires critiquent le caractère trop restrictif. L'assurance maladie s'est toutefois engagée, dans l'avenir, à faciliter la consultation de ces bases par les autres acteurs du système de santé.

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