Intervention de Michèle Alliot-Marie

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 novembre 2009 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2010 — Mission justice - Audition de Mme Michèle Alliot-marie ministre d'etat garde des seaux ministre de la justice et des libertés et de M. Jean-Marie Bockel secrétaire d'etat à la justice

Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux :

ministre d'Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, a rappelé que, au-delà de ses aspects techniques, la détermination d'un budget était un acte éminemment politique, car il consiste à attribuer les moyens nécessaires à la réalisation de missions claires, cohérentes et objectives qu'il convient de définir au préalable. Elle a marqué que ce budget s'inscrivait pleinement dans le cadre de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques élaborée à l'été 2008 et a précisé que, si les lettres-plafond avaient été adressées au ministère avant son entrée en fonctions, elle considérait que ce budget permettrait de répondre à l'objectif qu'elle s'est fixé de promouvoir une justice moderne, réactive, efficace, transparente et à l'écoute des citoyens.

a indiqué que la mission justice bénéficierait en 2010 d'une évolution globale de ses crédits de +3,42% et se verrait dotée de 1 030 emplois supplémentaires. Cette enveloppe permettra de financer les missions prioritaires du ministère de la justice que sont la mise en oeuvre de la loi pénitentiaire et la réforme de la carte judiciaire. Néanmoins, des contraintes devront être imposées aux autres missions.

a rappelé que la loi pénitentiaire prévoyait notamment l'augmentation du nombre de places en prison ainsi que le développement de solutions alternatives à l'emprisonnement (notamment par le recours aux bracelets électroniques de nouvelle génération). Concernant le nombre de places de prison, elle a indiqué que 153 millions d'euros seraient mobilisés en 2010 au profit du programme « 13 200 places », qui sera achevé en 2012. Elle a noté que ce programme avait permis la mise en service de 2 802 places avant 2009 et de 4 502 places en 2009, et a indiqué que 2 323 places supplémentaires seraient livrées en 2010. Elle a également indiqué que le programme consacré à l'administration pénitentiaire prévoyait la création de 1 113 emplois, dont 260 pour les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Elle a souligné que ces créations de postes de conseillers d'insertion et de probation répondaient au renforcement de leur rôle par la loi pénitentiaire et étaient conformes aux objectifs d'aide à la réinsertion et de lutte contre la récidive poursuivis par les pouvoirs publics.

a souhaité que ces créations de postes s'accompagnent d'une amélioration des modalités de gestion de l'administration, afin de dégager des moyens supplémentaires. A cet égard, elle a souhaité que les personnels de l'administration pénitentiaire, et, au-delà, l'ensemble des personnels relevant du ministère de la justice, se recentrent sur leur coeur de métier et exercent les fonctions pour lesquelles ils ont été formés. Elle a estimé qu'il était en contrepartie souhaitable de recourir à des prestataires extérieurs pour l'exercice de fonctions logistiques qu'une entreprise est susceptible d'exercer dans de meilleures conditions que l'administration. Elle a indiqué à ce sujet que l'administration pénitentiaire venait de passer un marché, attribué par lots régionaux, relatif à l'accueil des familles.

a regretté la méfiance parfois suscitée dans l'opinion publique par le recours aux bracelets électroniques et a insisté sur le fait qu'un placement sous surveillance électronique mobile constituait une modalité d'exécution d'une peine, et non une remise en liberté. Elle a noté qu'il était nécessaire de prévoir la surveillance effective et permanente du porteur du bracelet électronique afin de donner tout son sens à ce dispositif. Elle a déploré l'existence, à l'heure actuelle, de 32 000 condamnations non exécutées, considérant que ce nombre de peines non exécutées ne pouvait que nuire à la crédibilité de la justice. Elle a souhaité que ce stock de peines disparaisse dans un délai de trois à cinq ans. Par ailleurs, elle a estimé qu'il était nécessaire de mettre en oeuvre des dispositifs destinés à éviter les sorties « sèches » d'incarcération afin de mieux lutter contre la récidive. Dans ces conditions, elle a considéré que le développement des placements sous bracelet électronique pouvait contribuer à la fois à améliorer le taux d'exécution des condamnations et à mieux lutter contre la récidive. Elle a ainsi annoncé que 22 millions d'euros seraient consacrés en 2010 au financement de 7 000 bracelets dits « de nouvelle génération » (soit deux fois plus qu'en 2009), dans le cadre d'un marché notifié par l'administration pénitentiaire en août 2009.

a indiqué que la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire constituait la deuxième priorité du ministère de la justice. Elle a rappelé que quarante tribunaux de grande instance, tribunaux d'instance et greffes détachés avaient été ou seraient fermés en 2009 et a annoncé que le nombre de nouvelles fermetures serait porté à 286 en 2010. Soulignant qu'une réforme d'une telle ampleur nécessitait la mobilisation de crédits importants, elle a annoncé que 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et 30 millions d'euros en crédits de paiement seraient affectés à sa partie immobilière. Elle a également indiqué que la lettre-plafond accordait, en outre, au ministère de la justice des ressources au titre du compte d'affectation spéciale immobilière.

Par ailleurs, Mme Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, a marqué que la refonte de la carte judiciaire aurait des incidences sur l'activité de certains cabinets d'avocats et a annoncé que des moyens seraient mobilisés pour indemniser ces derniers. Elle a ainsi indiqué que sept millions d'euros étaient inscrits au budget 2010 pour permettre ces indemnisations, auxquels s'ajouteraient quatre millions d'euros non utilisés en 2009, quatre dossiers seulement ayant été déposés à ce jour devant la commission nationale chargée de statuer sur ces demandes. Par ailleurs, elle a indiqué que les moyens nécessaires à l'intégration des salariés d'avoués dans les effectifs des juridictions seraient mobilisés. Elle a rappelé qu'elle avait souhaité que le taux d'indemnisation des offices d'avoués prévu dans le projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel récemment adopté par l'Assemblée nationale et qui sera soumis au Sénat en décembre 2009 soit porté à 100%. Elle a également indiqué que 380 postes seraient proposés aux salariés de ces offices dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, ces postes se répartissant entre 19 de catégorie A, 139 postes de catégorie B et 222 postes de catégorie C. Ces postes seront ouverts dans les juridictions dès le printemps 2010 et permettront de soutenir l'activité des magistrats.

a indiqué que les autres missions relevant du ministère de la justice seraient, quant à elles, soumises à des contraintes. Évoquant la question des frais de justice, elle a estimé qu'une justice moderne avait besoin de disposer d'expertises de qualité et de pouvoir recourir aux analyses génétiques, lesquelles jouent un rôle essentiel en matière d'administration de la preuve. Relevant le coût parfois très élevé de ces expertises et analyses, elle a annoncé avoir engagé ou renouvelé des négociations, notamment avec les opérateurs de télécommunication et les laboratoires d'analyse génétique, afin de faire diminuer le prix des prestations délivrées. Enfin, elle a relevé que les frais de la justice commerciale avaient augmenté de 20% en un an et a annoncé l'adoption prochaine d'un décret en Conseil d'Etat destiné à encadrer cette évolution.

Par ailleurs, Mme Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, a rappelé que, si l'aide juridictionnelle devait permettre à chacun de défendre ses droits, il était nécessaire de veiller à ce que son attribution soit réservée aux personnes qui en ont réellement besoin. De ce fait, elle a demandé aux services du ministère de la justice de formuler un certain nombre de propositions afin que cet objectif puisse être mieux respecté. Elle a également estimé que les propositions relatives au développement de l'assurance de protection juridique et à la gestion de l'aide juridictionnelle formulées par la commission présidée par M. Jean-Michel Darrois devaient être examinées. Elle a indiqué avoir récemment chargé MM. Philippe Belaval et Jean-Louis Arnaud, respectivement conseiller d'Etat et magistrat de la Cour des comptes, d'approfondir ces propositions et de lui remettre des conclusions avant la fin du mois de décembre 2009.

a pris acte de la réduction, pour la troisième année consécutive, des crédits correspondant au fonctionnement des juridictions, cette baisse ne devant pas s'accompagner d'une moindre qualité du service public de la justice. A cet égard, elle a souhaité que l'augmentation de la masse salariale permise par la lettre plafond puisse être affectée à la création d'emplois de greffiers et de fonctionnaires des juridictions, afin de permettre aux magistrats de se recentrer sur leur coeur de métier. Abordant la question des assistants de justice, elle a souhaité qu'une réflexion soit engagée quant à la possibilité de mobiliser une « réserve judiciaire » qui serait chargée d'encadrer ces personnels.

En outre, elle a insisté sur la nécessité, pour les juridictions, d'optimiser les moyens de fonctionnement qui leur sont alloués. Elle a notamment indiqué qu'une circulaire relative aux frais postaux venait d'être adressée aux juridictions, estimant que, en cette matière, des démarches simples comme le regroupement ou l'utilisation de tarifs préférentiels permettaient de réaliser des économies.

Enfin, elle a considéré qu'il était essentiel que les juridictions, tout comme le ministère de la justice lui-même, disposent de moyens informatiques adaptés, et que le recours aux nouvelles technologies soit amélioré. A cet égard, elle a regretté que les applications Cassiopée, Harmonie et Chorus ne permettent pas, à ce jour, de doter la Justice de moyens technologiques à la hauteur de ses missions. En ce qui concerne plus particulièrement Chorus, dont elle a rappelé qu'il s'agissait d'un programme interministériel placé sous la responsabilité du ministère du Budget, elle a indiqué que le ministère de la justice figurait dans le premier lot destiné à être mis en oeuvre dès janvier 2010. Elle a estimé dans ces conditions qu'il était urgent que, face aux difficultés rencontrées, la maîtrise d'ouvrage et les prestataires assument toutes leurs responsabilités. Elle a indiqué, par ailleurs, qu'une soixantaine de juridictions étaient aujourd'hui dotées du programme Cassiopée, dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par le ministère de la justice, mais que ce programme n'était réellement opérationnel que dans un tiers d'entre elles. Elle a annoncé que des instructions avaient été données aux services concernés et au titulaire du marché pour que les difficultés soient rapidement résolues. Enfin, elle a souhaité que la recherche d'une meilleure efficacité et d'une modernisation guide l'action des juridictions au cours de l'année 2010.

En conclusion, Mme Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux, a rappelé que la mission « justice » s'inscrivait dans une stratégie de maîtrise des dépenses de l'Etat et que ce contexte appelait la mise en oeuvre de choix courageux et innovants.

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