L'amiral Alain Oudot de Dainville, chef d'état-major de la marine, a tout d'abord rappelé que l'intérêt stratégique des espaces maritimes se renforçait du fait de l'urbanisation côtière croissante, du développement des échanges par mer de biens et de ressources énergétiques, de l'augmentation des trafics illicites sur mer et de la sensibilité accrue pour l'environnement. Il a estimé qu'au vu de sa façade maritime, la deuxième au monde, et de ses responsabilités internationales, la France se devait de disposer d'une stratégie maritime globale supposant, pour son volet militaire, une marine couvrant un large spectre de missions, de la dissuasion à la sécurité des personnes en mer.
L'amiral Alain Oudot de Dainville a ensuite présenté les principales activités de la marine au cours de l'année 2007.
Au titre des opérations militaires tout d'abord, la posture de dissuasion a été tenue sans discontinuité par les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE).
En matière de lutte contre le terrorisme et l'insécurité dans le nord de l'océan Indien, la France est le deuxième contributeur naval à l'opération Enduring Freedom/Héraclès-mer, avec le déploiement permanent de deux bâtiments et d'un avion de patrouille maritime. En outre, un bâtiment français escortera dorénavant les navires du Programme alimentaire mondial aux abords des côtes somaliennes, où la piraterie a crû de plus de 50 % en un an.
Le groupe aéronaval s'est déployé dans l'océan Indien pour la deuxième année consécutive, dans le cadre de l'opération Héraclès-Air/indien, de soutien à la force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) opérant en Afghanistan. Durant ses trente jours d'opérations au-dessus du territoire afghan, le groupe aérien a réalisé 370 missions aériennes de reconnaissance et d'appui au sol, y compris plusieurs engagements offensifs conduits, pour la première fois, par le Rafale marine dans sa version F2 (assaut contre la terre). La France a exercé le commandement de la force maritime multinationale (Task Force 150) opérant entre la mer Rouge et le détroit d'Ormuz d'avril à août 2007. A ce moment là, sa présence a été renforcée par un bâtiment de commandement et un état-major embarqué.
Dans le golfe de Guinée, une capacité permanente de soutien, d'intervention et d'évacuation de ressortissants est maintenue. Les commandos marine sont intervenus en Afrique en 2007 dans le cadre d'opérations spéciales. Un aéronef de patrouille maritime a également été déployé au Tchad jusqu'en mai 2007 en soutien des opérations terrestres.
Depuis l'été 2006, au cours duquel elle a procédé à l'évacuation du Liban de près de 8 000 ressortissants, la marine maintient une frégate en permanence en Méditerranée orientale. Travaillant en étroite coopération avec la force maritime des Nations unies et les forces navales libanaises, ce navire permet de conserver une capacité d'évaluation autonome de la situation et se tient prêt à toute extraction de personnalités ou de ressortissants.
L'aptitude à coopérer avec les marines alliées a également été entretenue avec l'intégration d'une frégate pendant deux mois au groupe aéronaval espagnol et le déploiement d'un groupe d'action maritime composé de deux autres frégates et d'un sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) au large des côtes américaines, dans le cadre de la mise en condition opérationnelle du porte-avions américain Truman. Enfin, fin juillet, deux Rafale et un Hawkeye ont apponté avec succès sur le porte-avions américain Enterprise, signe très fort de notre interopérabilité. L'interopérabilité de la marine française avec l'OTAN est d'ailleurs complète depuis la certification obtenue en 2006, l'admission au service actif des bâtiments de projection et de commandement (BPC) Mistral et Tonnerre ayant permis à la France d'accéder au tour de commandement de la force de réaction de l'OTAN (Nato Response Force - NRF).
Au titre des missions de surveillance des zones maritimes, la marine déploie en moyenne quotidiennement 35 navires à la mer, dont 28 à plus de 300 nautiques de leur port d'attache pendant une durée supérieure à sept jours. En moyenne, quatre aéronefs de patrouille ou de surveillance maritime sont présents sur des théâtres extérieurs.
En matière de sauvegarde maritime, la marine apporte au dispositif interministériel des moyens permettant d'agir dans la profondeur dans les opérations de lutte contre les trafics, à proximité du point de départ de ces derniers. L'approche française, qui fédère les capacités des administrations agissant en mer s'avère pertinente et économe par son décloisonnement et l'élimination des doublons. Les actions restent cependant fréquemment entravées par des problèmes de juridiction tels que le droit du pavillon, le statut des migrants naufragés en mer ou la problématique de leur lieu de débarquement. La France doit être sur ces sujets une force de proposition, tout particulièrement dans la perspective de sa présidence de l'Union européenne.
Les trafics d'êtres humains donnent lieu à de véritables drames, un nombre important de candidats à l'exil périssant en mer. En mai dernier, la frégate La Motte-Picquet a ainsi récupéré dix-huit cadavres en Méditerranée centrale, qu'elle a ramenés à Toulon.
Sur les côtes françaises, l'immigration clandestine par voie maritime concerne particulièrement la Guadeloupe et Mayotte. La marine a également accru sa coopération avec l'agence européenne FRONTEX en s'engageant résolument dans des opérations « coup de poing » au profit d'Etats membres confrontés à l'immigration par voie de mer. Depuis octobre 2006, des avions de patrouille maritime ont participé à six opérations aux Canaries, à Malte, en Grèce et en Sardaigne.
Dans le domaine de la lutte contre le narcotrafic, la coopération interministérielle et internationale a permis de mener plusieurs opérations en Atlantique, Méditerranée et Manche. Les luttes contre la pêche illicite et contre la pollution se poursuivent.
Les opérations de recherche et de sauvetage ont permis de protéger plus de 215 personnes depuis janvier. En Polynésie, la marine a apporté un concours très actif aux opérations liées au crash du Twin-Otter cet été. Une catastrophe maritime majeure a été évitée de justesse en début d'année en Manche, lors de l'échouement du MSC Napoli.
Enfin, les marins et les moyens de la marine sont régulièrement engagés sur le territoire national dans le cadre des missions Vigipirate et Vigimer.
L'amiral Alain Oudot de Dainville a ensuite évoqué les efforts menés en vue d'améliorer la disponibilité des moyens. Le taux moyen de disponibilité technique des bâtiments est passé de 65 % en 2004 à 74 % en 2006 et devrait se maintenir à ce niveau cette année. Ce bon résultat est la conséquence de la réorganisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) ces dernières années, avec la création du service de soutien de la flotte (SSF) en 2000 et le changement de statut de DCN en 2003. Ces évolutions ont permis de mettre en oeuvre une politique de contractualisation associant pluri-annualité, mise en concurrence et responsabilisation des titulaires sur les résultats. La prochaine étape de modernisation de la maintenance doit porter sur deux axes : l'amélioration de la disponibilité des armes et des équipements et la poursuite de la mise en conformité des bâtiments avec la réglementation relative à l'environnement.
La première indisponibilité pour entretien et réparation (IPER) du porte-avions Charles-de-Gaulle vient de démarrer. C'est une opération très lourde et la durée de mise à disposition de l'industriel (15 mois) ne peut être réduite en raison des contraintes liées au respect de la sécurité nucléaire. Sa marge pour aléas (cinq semaines) est très faible au regard de ce qui est généralement pratiqué pour des chantiers qui sont réputés plus simples.
Pour le soutien des matériels de l'aéronautique navale, la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) poursuit ses efforts afin de réduire le coût et la charge de maintenance des aéronefs. En dépit d'une flotte vieillissante et des difficultés techniques et logistiques sur le moteur M88 du Rafale, la disponibilité des appareils de l'aéronautique navale est passée, en moyenne, de 52 % en 2004 à 57 % au deuxième trimestre 2007. On assiste cependant à une diminution des stocks de rechanges qui, au vu des ressources allouées pour 2008, ne devrait pas être enrayée. A moyen terme, l'activité aérienne et la disponibilité des aéronefs ne pourront donc être maintenues à leur niveau actuel.
En ce qui concerne les équipements, l'année 2007 a vu la livraison du BPC Tonnerre, après celle du Mistral fin 2006. D'ici à la fin de l'année, sept Rafale de type F2 (capacités air/air et air/sol) seront livrés, ainsi que 50 missiles PAAMS, 10 missiles Scalp/EG et 75 torpilles MU 90. Parmi les commandes passées, la première tranche conditionnelle du SMA de type Barracuda (pour 883 millions d'euros) est la plus importante.
Le chef d'état-major de la marine a ensuite abordé le projet de loi de finances pour 2008.
S'agissant des actions intéressant la marine incluses dans le programme « Préparation et emploi des forces », la masse salariale atteindra 2,7 milliards d'euros, dont 900 millions d'euros pour les pensions. Les crédits de rémunération et de charges sociales sont en augmentation de 57 millions d'euros par rapport à 2007, alors même que le budget a été construit avec des réductions d'effectifs. L'augmentation est principalement liée (pour 33 millions d'euros) aux corrections d'erreurs constatées après la construction budgétaire de 2006, premier budget construit en régime LOLF. Les réductions d'effectifs décidées pour 2008 résultent d'une part d'un transfert de personnel (432 civils et 436 militaires) et de crédits (35 millions d'euros) lié à la transformation du service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) en établissement public administratif, et d'autre part de suppressions de postes (52 civils et 305 militaires) qui devraient générer une économie en masse salariale de 7,7 millions d'euros. Les mesures catégorielles en faveur du personnel militaire s'élèvent, quant à elles, à 12 millions d'euros, dont 4 millions d'euros pour la dernière tranche du plan de la revalorisation de la condition militaire.
Les crédits alloués pour le fonctionnement et l'activité des forces navales représenteront 442 millions d'euros en 2008, soit une baisse de 12 millions d'euros par rapport à 2007. Un objectif de gains de productivité de l'ordre de 3 % est fixé. En fonction de l'évolution des cours des carburants et des coûts des prestations pour le fonctionnement courant, il pourra être nécessaire de réduire encore les dépenses de fonctionnement pour préserver l'activité des forces. La part relative des dépenses liées aux produits pétroliers augmente. Elle est passée de 12 % des crédits de fonctionnement en 2004 à 20 % en 2008, avec une hausse sur cette période de près de 140 % du cours du baril. Cependant, la marine a tiré parti de la fluctuation des cours du baril pour reconstituer ses réserves à coût maîtrisé. Alors qu'en 2006 ses stocks de gazole de navigation en métropole étaient revenus à un niveau bas, à près de 42 000 tonnes, la baisse des cours a été mise à profit début 2007 pour rehausser, à moindre coût, les niveaux des stocks à environ 70 000 tonnes. Cependant, les cours actuels du baril et les crédits prévus pour 2008 (63 millions d'euros) devraient affecter à nouveau les stocks.
Le chef d'état major de la marine a ensuite précisé que les crédits consacrés à l'entretien des équipements représenteront, en 2008, 1 078 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1 117 millions d'euros en crédits de paiement. La dotation en crédits de paiement diminue très légèrement, de 10 millions d'euros, par rapport à 2007. L'entretien de la FOST (Force océanique et stratégique) nécessitera moins de crédits en 2008 du fait de l'achèvement, en ce mois d'octobre, de l'IPER du SNLE-NG Le Téméraire. En ce qui concerne l'entretien de la flotte, la principale opération prévue en 2008 concerne l'IPER du porte-avions qui a débuté en septembre 2007. L'année prochaine verra également les arrêts techniques majeurs ou intermédiaires (d'une durée limitée à six mois) de trois SNA (Perle, Rubis et Emeraude).
L'amiral Alain Oudot de Dainville a ensuite estimé que les crédits du programme « Equipement des forces » (146) permettraient la poursuite du renouvellement des moyens de la marine. Le budget 2008 a été construit de manière à assurer le déroulement normal des principaux programmes d'armement, en attendant les éventuelles inflexions déduites des travaux actuellement menés. Les opérations d'équipement de la marine sont ainsi dotées de 4 066 millions d'euros en autorisations d'engagement, dont 3 000 millions d'euros prévus et réservés pour le programme du deuxième porte-avions.
Dans le domaine de la dissuasion, la construction du quatrième SNLE/NG Le Terrible progresse normalement. Sa présentation aux essais est toujours programmée début 2009. Hors dissuasion, la moitié des programmes de la marine est conduite en coopération européenne. Pour le deuxième porte-avions, la volonté est clairement affichée de réaliser ce bâtiment en commun avec le Royaume-Uni ; les études conduites ont permis de faire converger les besoins opérationnels des deux pays sur un dessein commun. Afin de maintenir une cohérence de calendrier entre ces deux programmes et de faciliter les accords entre industriels, il importe d'obtenir une décision rapidement. Par ailleurs, les catapultes ont été commandées au printemps 2007.
L'année 2008 verra l'admission au service actif de la première frégate de défense aérienne de type Horizon, Le Forbin. Sept Rafale de type F2 seront livrés et la transformation de la flotte de Rafale F2 au standard F3 sera engagée.
En ce qui concerne enfin le programme « Soutien politique de défense », 174 millions d'euros d'autorisations d'engagement seront destinés aux investissements de la marine en infrastructures, pyrotechnies comprises. Participant à la cohérence globale de la marine, la politique d'infrastructure justifie une stabilisation des dotations budgétaires et d'une visibilité pluriannuelle. Plusieurs opérations sont liées à l'arrivée d'équipements nouveaux. C'est le cas de l'adaptation des installations de l'Ile-Longue aux futurs missiles M51 ou de la réalisation des équipements destinés aux hélicoptères NH 90. Par ailleurs, les travaux de rénovation et d'adaptation du casernement seront poursuivis, afin d'offrir des hébergements aux standards de confort actuels dans les bases navales de Brest et de Toulon pour les célibataires. Le programme « Soutien politique de défense » consacre également 11 millions d'euros aux systèmes d'information et de gestion de la marine.
Le chef d'état-major de la marine a conclu en soulignant la nécessité pour la marine de mettre en oeuvre une politique de ressources humaines trouvant le juste équilibre entre recrutement, formation, fidélisation et reconversion. Il a insisté sur les efforts qu'elle implique en matière d'attractivité des carrières et de formation. Il a considéré que le moral des marins était satisfaisant. Le moral, a-t-il ajouté, dépend avant tout de l'activité opérationnelle des unités, elle-même liée à la disponibilité et à l'entretien des équipements, ainsi qu'à leur modernisation. Il a également souligné l'importance du soutien apporté à la famille et celle du pouvoir d'achat, approuvant les recommandations effectuées en ce sens par le haut comité d'évaluation de la condition militaire.