L'année passée nous avions, avec ma collègue Janine Rozier, présenté un rapport d'information intitulé : « Réforme de l'administration des anciens combattants : une campagne bien menée ». Celui-ci avait pour objectif d'analyser les conditions de mise en oeuvre de la suppression de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS) qui s'achèvera à la fin de l'année 2011 avec la fermeture des dernières directions interdépartementales des anciens combattants (DIAC) et de sa direction centrale. En conclusion de ce rapport, nous avions pris l'engagement d'exercer une vigilante attention sur le maintien d'un service d'offre d'appareillage de qualité au bénéfice des anciens combattants.
J'ai ainsi effectué une série d'auditions en ce début d'année afin de m'assurer des conditions dans lesquelles les anciens combattants, victimes de guerre mais également victimes civiles d'attentats peuvent continuer de bénéficier d'une juste réparation.
Avant la réforme, le réseau de l'appareillage s'appuyait sur les dix-neuf centres régionaux d'appareillage des directions interdépartementales des anciens combattants (DIAC) :
- des médecins spécialistes de l'appareillage, trente au total, examinaient les personnes handicapées et déterminaient le type d'appareil nécessaire ;
- des techniciens vérifiaient la conformité de l'appareil prescrit sur le plan technique et contrôlaient les factures ;
- enfin, des personnels administratifs saisissaient les données relatives aux prestations effectuées, établissaient les décisions d'accord ou de rejet de prise en charge, liquidaient et mandataient les créances pour le règlement des professionnels de santé.
Les consultations médicales d'appareillage, prévues pour les ressortissants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), et également pour ceux des régimes d'assurance maladie, étaient organisées soit au centre régional d'appareillage, soit dans des centres annexes - cent vingt lieux de consultation environ - soit au domicile du patient en cas de nécessité.
Il convient de souligner que l'activité d'appareillage s'exerçait majoritairement, à plus de 80 % de l'activité selon les DIAC, au profit des invalides civils, ressortissants des régimes d'assurance maladie. Ceci justifiait l'importance du nombre de lieux annexes de consultation.
Dans la nouvelle organisation, une répartition des tâches est opérée entre :
- d'une part, le service de santé des armées (SSA), qui effectue les consultations médicales et les réceptions médico-techniques d'appareillage ;
- d'autre part, la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) à Toulon, opérateur pour l'État, qui prend en charge le paiement des factures et les renouvellements d'appareillage et d'aides techniques.
Le service de santé des armées qui, dans un premier temps, a repris la mission d'appareillage au profit des seuls ressortissants du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, s'est appuyé sur les équipes médico-techniques en place, en rattachant les médecins volontaires exerçant au sein des DIAC (vingt-deux sur les trente) et les techniciens (douze sur dix-neuf) soit à un hôpital d'instruction des armées, soit à un autre établissement de soins ou de santé avec lequel a été signée une convention.
Le SSA s'est appuyé sur des centres médicaux des armées pour organiser des lieux de consultation secondaires et a maintenu le principe des visites à domicile en cas de nécessité.
Le service de santé des armées a repris l'ensemble de l'activité au 1er janvier 2011 pour un calendrier initial qui prévoyait novembre 2012 comme date butoir. Parallèlement, on constate que le SSA a réussi à préserver un maillage territorial efficace. Seul le cas de la Corse pose une difficulté avec deux tournées annuelles prévues pour pallier le manque de structures.
La difficulté à laquelle est confronté le service de santé des armées reste celle du départ en retraite des médecins et du déficit de praticiens dans les spécialités requises. En effet, à la date de l'organisation du transfert de la mission appareillage, le tiers de l'effectif des médecins avait entre soixante et soixante-cinq ans.
Il faut rappeler néanmoins que les consultations médicales peuvent toujours être effectuées dans le réseau hors Service de santé des armées. Ainsi, selon les données de la CNMSS, au 1er mars 2011, sur les douze derniers mois, les demandes d'appareillage étaient respectivement de 1 305 traitées par le réseau SSA, soit 35 % des demandes, et 2 408 hors réseau SSA. Cependant, lorsque l'on considère les demandes de gros appareillage, on constate que la tendance s'inverse puisque ces demandes viennent à 50,6 % du SSA (1 040 contre 1 016).
De son côté, la CNMSS a signé une convention de gestion avec la direction des ressources humaines du ministère de la Défense et des anciens combattants (DRH-MD) le 7 janvier 2010 pour déterminer les conditions dans lesquelles elle assure cette mission d'Etat.
Cette convention a été complétée par un premier avenant signé le 6 mai 2010 pour confier également la gestion médico-administrative et financière de l'appareillage à la CNMSS et affecter dix agents à la gestion spécifique de la question de l'appareillage.
Au sein de la CNMSS, le nombre de personnes travaillant spécifiquement sur les dossiers d'appareillage est de quatre au service du contrôle médical dont un médecin spécialiste, et six agents qui traitent et liquident les dossiers.
Comparativement, on constate donc une économie d'échelle réalisée en termes d'effectifs par la centralisation. Jusqu'alors, cette même activité était assurée par vingt-trois agents dans les DIAC, sans compter les agents des services de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) en outre-mer, à l'étranger et en administration centrale.
Cependant, pour l'heure, il n'est pas possible de chiffrer ces économies en raison de la proximité de la réforme.
Pour résumer, les mutations intervenues sur l'appareillage à l'occasion de la fermeture des DIAC n'ont, d'une part, pas remis en cause la qualité des soins et du maillage, la localisation des centres médicaux au sein des hôpitaux militaires ayant été très appréciée.
D'autre part, l'unité de gestion des dossiers au sein de la CNMSS permet une rationalisation des moyens tout en assurant une politique uniformisée du traitement des demandes.
Comment mesurer la réussite de la réforme ? D'une part, par les économies réalisées. Comme nous venons de le dire, les effets ne sont pas encore mesurables et les 8,5 millions d'euros de budget alloués, en diminution en 2011, s'expliquent par une baisse légère du nombre des prestations.
D'autre part, l'autre impératif de la réforme était la satisfaction du monde combattant. Parmi les associations d'anciens combattants auditionnées, sans oublier que la réforme n'est pas totalement terminée, et, sans nier parfois certaines craintes initiales, il a été souligné que la reprise de l'activité par le service de santé des armées s'était faite de façon intelligente puisque les médecins des DIAC ayant été repris, le lien personnel n'a pas été rompu.
Globalement les ressortissants semblent estimer que cette réforme n'a pas perturbé le service rendu. Paradoxalement peut-être, c'est sur la question du petit appareillage que la gestion centralisée de la CNMSS semble poser quelques difficultés en raison du manque de stocks de ces petits appareillages que les ressortissants avaient l'habitude d'obtenir assez facilement auprès des DIAC.
Il faut signaler que la CNMSS a adressé plus de 170 000 courriers aux ressortissants, médecins et fournisseurs, afin de leur expliquer la réforme. L'ONAC, service de proximité, a également joué un rôle pédagogique important.
Ainsi, autant qu'on puisse en juger, la réforme apparaît maitrisée vis-à-vis des populations bénéficiaires.
Au sein des structures relevant de l'appareillage, un organisme a une place à part : le centre d'étude et de recherche sur l'appareillage des handicapés (CERAH), situé à Woippy en Moselle, et dont une antenne est à Créteil. Considéré avant la réforme comme le centre médico technique de la DSPRS, il a été intégré au cours de 2010 à l'institution nationale des invalides (INI). Ceci a permis à l'INI de réaliser pleinement l'une de ses missions : l'étude et la recherche.
Le CERAH, ce sont cinquante-cinq agents qui ont été maintenus dans leur fonction et affectés par arrêté à l'INI, ce qui a permis de ne pas rencontrer de problèmes majeurs liés aux rémunérations.
Le CERAH est un centre proposant de l'information avec une base de données internet CERAHTEC qui permet aux personnes handicapés, médecins et fournisseurs de connaître les matériels compatibles avec les pathologies. Il apporte surtout des aides techniques aux handicapés, civils ou non, en traitant les cas les plus complexes. En 2010, il a délivré huit cent dix-neuf consultations.
Le CERAH agit également comme centre de recherche, d'amélioration et de développement de l'appareillage. Il réalise des essais (cinq cent soixante-quatre en 2010) permettant l'homologation d'appareillages, d'orthèses et de prothèses.
Il faut surtout noter que le changement de statut du CERAH, avec le rattachement à l'INI et son statut d'établissement public administratif, lui a permis de commencer à développer des partenariats sur financements européens et multilatéraux pour la recherche et la formation qui étaient jusqu'alors rendues difficiles par son rattachement à l'administration centrale.
Avec un budget de 3,8 millions d'euros pour 2010 dont 3,37 proviennent de la subvention accordée à l'INI, il faut encourager le CERAH, formidable outil du monde combattant au service de tous, à développer ses recettes propres tout en conservant sa politique d'excellence.
En conclusion, je veux souligner la qualité du suivi de la reprise de l'activité appareillage par les administrations concernées. Je souhaiterais, sans que la publication d'un rapport d'information s'impose, pouvoir communiquer, avec votre accord, nos conclusions au ministre. En marge du prochain rapport spécial annexé à la loi de finances, je pourrai, si la commission le souhaite, faire un nouveau point d'étape, sur la fermeture des services de la DSPRS.