Au cours d'une première réunion tenue le matin, la commission entend tout d'abord une communication de M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial, sur le réseau d'appareillage au service des anciens combattants.
L'année passée nous avions, avec ma collègue Janine Rozier, présenté un rapport d'information intitulé : « Réforme de l'administration des anciens combattants : une campagne bien menée ». Celui-ci avait pour objectif d'analyser les conditions de mise en oeuvre de la suppression de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS) qui s'achèvera à la fin de l'année 2011 avec la fermeture des dernières directions interdépartementales des anciens combattants (DIAC) et de sa direction centrale. En conclusion de ce rapport, nous avions pris l'engagement d'exercer une vigilante attention sur le maintien d'un service d'offre d'appareillage de qualité au bénéfice des anciens combattants.
J'ai ainsi effectué une série d'auditions en ce début d'année afin de m'assurer des conditions dans lesquelles les anciens combattants, victimes de guerre mais également victimes civiles d'attentats peuvent continuer de bénéficier d'une juste réparation.
Avant la réforme, le réseau de l'appareillage s'appuyait sur les dix-neuf centres régionaux d'appareillage des directions interdépartementales des anciens combattants (DIAC) :
- des médecins spécialistes de l'appareillage, trente au total, examinaient les personnes handicapées et déterminaient le type d'appareil nécessaire ;
- des techniciens vérifiaient la conformité de l'appareil prescrit sur le plan technique et contrôlaient les factures ;
- enfin, des personnels administratifs saisissaient les données relatives aux prestations effectuées, établissaient les décisions d'accord ou de rejet de prise en charge, liquidaient et mandataient les créances pour le règlement des professionnels de santé.
Les consultations médicales d'appareillage, prévues pour les ressortissants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), et également pour ceux des régimes d'assurance maladie, étaient organisées soit au centre régional d'appareillage, soit dans des centres annexes - cent vingt lieux de consultation environ - soit au domicile du patient en cas de nécessité.
Il convient de souligner que l'activité d'appareillage s'exerçait majoritairement, à plus de 80 % de l'activité selon les DIAC, au profit des invalides civils, ressortissants des régimes d'assurance maladie. Ceci justifiait l'importance du nombre de lieux annexes de consultation.
Dans la nouvelle organisation, une répartition des tâches est opérée entre :
- d'une part, le service de santé des armées (SSA), qui effectue les consultations médicales et les réceptions médico-techniques d'appareillage ;
- d'autre part, la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) à Toulon, opérateur pour l'État, qui prend en charge le paiement des factures et les renouvellements d'appareillage et d'aides techniques.
Le service de santé des armées qui, dans un premier temps, a repris la mission d'appareillage au profit des seuls ressortissants du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, s'est appuyé sur les équipes médico-techniques en place, en rattachant les médecins volontaires exerçant au sein des DIAC (vingt-deux sur les trente) et les techniciens (douze sur dix-neuf) soit à un hôpital d'instruction des armées, soit à un autre établissement de soins ou de santé avec lequel a été signée une convention.
Le SSA s'est appuyé sur des centres médicaux des armées pour organiser des lieux de consultation secondaires et a maintenu le principe des visites à domicile en cas de nécessité.
Le service de santé des armées a repris l'ensemble de l'activité au 1er janvier 2011 pour un calendrier initial qui prévoyait novembre 2012 comme date butoir. Parallèlement, on constate que le SSA a réussi à préserver un maillage territorial efficace. Seul le cas de la Corse pose une difficulté avec deux tournées annuelles prévues pour pallier le manque de structures.
La difficulté à laquelle est confronté le service de santé des armées reste celle du départ en retraite des médecins et du déficit de praticiens dans les spécialités requises. En effet, à la date de l'organisation du transfert de la mission appareillage, le tiers de l'effectif des médecins avait entre soixante et soixante-cinq ans.
Il faut rappeler néanmoins que les consultations médicales peuvent toujours être effectuées dans le réseau hors Service de santé des armées. Ainsi, selon les données de la CNMSS, au 1er mars 2011, sur les douze derniers mois, les demandes d'appareillage étaient respectivement de 1 305 traitées par le réseau SSA, soit 35 % des demandes, et 2 408 hors réseau SSA. Cependant, lorsque l'on considère les demandes de gros appareillage, on constate que la tendance s'inverse puisque ces demandes viennent à 50,6 % du SSA (1 040 contre 1 016).
De son côté, la CNMSS a signé une convention de gestion avec la direction des ressources humaines du ministère de la Défense et des anciens combattants (DRH-MD) le 7 janvier 2010 pour déterminer les conditions dans lesquelles elle assure cette mission d'Etat.
Cette convention a été complétée par un premier avenant signé le 6 mai 2010 pour confier également la gestion médico-administrative et financière de l'appareillage à la CNMSS et affecter dix agents à la gestion spécifique de la question de l'appareillage.
Au sein de la CNMSS, le nombre de personnes travaillant spécifiquement sur les dossiers d'appareillage est de quatre au service du contrôle médical dont un médecin spécialiste, et six agents qui traitent et liquident les dossiers.
Comparativement, on constate donc une économie d'échelle réalisée en termes d'effectifs par la centralisation. Jusqu'alors, cette même activité était assurée par vingt-trois agents dans les DIAC, sans compter les agents des services de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) en outre-mer, à l'étranger et en administration centrale.
Cependant, pour l'heure, il n'est pas possible de chiffrer ces économies en raison de la proximité de la réforme.
Pour résumer, les mutations intervenues sur l'appareillage à l'occasion de la fermeture des DIAC n'ont, d'une part, pas remis en cause la qualité des soins et du maillage, la localisation des centres médicaux au sein des hôpitaux militaires ayant été très appréciée.
D'autre part, l'unité de gestion des dossiers au sein de la CNMSS permet une rationalisation des moyens tout en assurant une politique uniformisée du traitement des demandes.
Comment mesurer la réussite de la réforme ? D'une part, par les économies réalisées. Comme nous venons de le dire, les effets ne sont pas encore mesurables et les 8,5 millions d'euros de budget alloués, en diminution en 2011, s'expliquent par une baisse légère du nombre des prestations.
D'autre part, l'autre impératif de la réforme était la satisfaction du monde combattant. Parmi les associations d'anciens combattants auditionnées, sans oublier que la réforme n'est pas totalement terminée, et, sans nier parfois certaines craintes initiales, il a été souligné que la reprise de l'activité par le service de santé des armées s'était faite de façon intelligente puisque les médecins des DIAC ayant été repris, le lien personnel n'a pas été rompu.
Globalement les ressortissants semblent estimer que cette réforme n'a pas perturbé le service rendu. Paradoxalement peut-être, c'est sur la question du petit appareillage que la gestion centralisée de la CNMSS semble poser quelques difficultés en raison du manque de stocks de ces petits appareillages que les ressortissants avaient l'habitude d'obtenir assez facilement auprès des DIAC.
Il faut signaler que la CNMSS a adressé plus de 170 000 courriers aux ressortissants, médecins et fournisseurs, afin de leur expliquer la réforme. L'ONAC, service de proximité, a également joué un rôle pédagogique important.
Ainsi, autant qu'on puisse en juger, la réforme apparaît maitrisée vis-à-vis des populations bénéficiaires.
Au sein des structures relevant de l'appareillage, un organisme a une place à part : le centre d'étude et de recherche sur l'appareillage des handicapés (CERAH), situé à Woippy en Moselle, et dont une antenne est à Créteil. Considéré avant la réforme comme le centre médico technique de la DSPRS, il a été intégré au cours de 2010 à l'institution nationale des invalides (INI). Ceci a permis à l'INI de réaliser pleinement l'une de ses missions : l'étude et la recherche.
Le CERAH, ce sont cinquante-cinq agents qui ont été maintenus dans leur fonction et affectés par arrêté à l'INI, ce qui a permis de ne pas rencontrer de problèmes majeurs liés aux rémunérations.
Le CERAH est un centre proposant de l'information avec une base de données internet CERAHTEC qui permet aux personnes handicapés, médecins et fournisseurs de connaître les matériels compatibles avec les pathologies. Il apporte surtout des aides techniques aux handicapés, civils ou non, en traitant les cas les plus complexes. En 2010, il a délivré huit cent dix-neuf consultations.
Le CERAH agit également comme centre de recherche, d'amélioration et de développement de l'appareillage. Il réalise des essais (cinq cent soixante-quatre en 2010) permettant l'homologation d'appareillages, d'orthèses et de prothèses.
Il faut surtout noter que le changement de statut du CERAH, avec le rattachement à l'INI et son statut d'établissement public administratif, lui a permis de commencer à développer des partenariats sur financements européens et multilatéraux pour la recherche et la formation qui étaient jusqu'alors rendues difficiles par son rattachement à l'administration centrale.
Avec un budget de 3,8 millions d'euros pour 2010 dont 3,37 proviennent de la subvention accordée à l'INI, il faut encourager le CERAH, formidable outil du monde combattant au service de tous, à développer ses recettes propres tout en conservant sa politique d'excellence.
En conclusion, je veux souligner la qualité du suivi de la reprise de l'activité appareillage par les administrations concernées. Je souhaiterais, sans que la publication d'un rapport d'information s'impose, pouvoir communiquer, avec votre accord, nos conclusions au ministre. En marge du prochain rapport spécial annexé à la loi de finances, je pourrai, si la commission le souhaite, faire un nouveau point d'étape, sur la fermeture des services de la DSPRS.
Cette communication délivre un message d'apaisement sur les conséquences de cette réforme, la population directement concernée est prise en charge dans des conditions satisfaisantes.
Permettez-moi de remercier le rapporteur pour cette communication fort utile et d'apporter une information complémentaire concernant la CNMSS située à Toulon qui est le seul régime, à ma connaissance, parfaitement en équilibre et est une maison extrêmement bien gérée allant parfois jusqu'à susciter des convoitises. Des tentatives d'intégration au régime général ont d'ailleurs eu lieu.
Il est vrai que la CNMSS a agi avec une grande réactivité et même en avance sur ce qui était envisagé pour reprendre cette gestion et qu'elle a dû faire face aux nombreux demandes et appels des anciens combattants.
L'intérêt de ces institutions de dimension réduite est également d'avoir une réelle réactivité. Ces observations de notre rapporteur spécial pourraient être utilement transmises à monsieur le ministre de la défense et des anciens combattants maintenant ou à l'occasion de la discussion budgétaire.
La commission entend ensuite une communication de M M. Pierre Bernard-Reymond et Philippe Dallier, rapporteurs spéciaux, sur l'hébergement des demandeurs d'asile et son financement.
Les deux missions dont nous sommes les rapporteurs spéciaux - « Ville et logement » et « Immigration, asile et intégration » - gèrent des crédits budgétaires destinés à l'hébergement des demandeurs d'asile. Ce sont aussi deux missions abonnées aux abondements budgétaires en cours d'année. Il était donc intéressant de voir comment nous pouvions, sur un sujet commun, faire en sorte que le Gouvernement améliore sa prévision budgétaire.
Le problème de l'hébergement des demandeurs d'asile connaît une acuité particulière en raison de la forte augmentation, ces dernières années, du flux de la demande d'asile en France. Cette progression a mis sous pression les structures d'hébergement chargées de les prendre en charge pendant la durée de l'instruction de leurs dossiers.
Examinons, dans un premier temps, la place de l'hébergement des demandeurs d'asile dans chacune des deux missions concernées.
C'est un des principaux postes de dépenses de la mission « Immigration, asile et intégration ». Pour l'année 2011, 199 millions d'euros ont été prévus pour financer les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) et 40 millions d'euros supplémentaires au titre de l'hébergement d'urgence. En effet, le nombre de places en CADA, bien qu'ayant fortement augmenté, est insuffisant pour accueillir l'ensemble des demandeurs, qui se reportent donc vers les structures classiques d'hébergement d'urgence.
Au total, 239 millions d'euros de crédits figurent au sein de la mission « Immigration, asile et intégration » pour l'hébergement des demandeurs d'asile, soit plus de 45 % du total de ses crédits.
En outre, les crédits liés à l'accueil et à l'hébergement de ces populations font régulièrement l'objet de sous-budgétisations en loi de finances initiale, phénomène qui se reproduit d'ailleurs en 2011 puisque le prochain projet de loi de finances rectificative que nous examinerons propose encore d'ouvrir 50 millions d'euros supplémentaires sur ces actions.
Le parc de places en CADA a connu une forte augmentation entre 2001 et 2005, passant de 5 282 places à 17 470 places, soit une croissance de 231 %. Entre 2006 et 2010, il n'y a eu que 3 940 places supplémentaires, soit une augmentation de 23 %. En 2011, le parc doit se stabiliser sur le chiffre de 21 410 places.
Quelle est, parallèlement, la situation du parc d'hébergement dit généraliste ?
Celui-ci comptait au 31 décembre 2009 : 39 442 places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), 13 487 places en centres d'hébergement d'urgence (CHU), 4 048 places en centres de stabilisation (hors CHRS) et environ 13 025 places dans les hôtels, soit 70 002 places au total (hors places hiver, résidences sociales et maisons-relais). Il a connu, depuis cinq ans, une très forte croissance liée au PARSA, le Plan d'action renforcé pour les sans abri, décidé par le Gouvernement le 8 janvier 2007.
En outre, dans l'hébergement d'urgence généraliste s'applique le principe de l'inconditionnalité de l'accueil, qui prévoit que l'hébergement est offert à toute personne présentant une situation de détresse, quel que soit son statut. En revanche, en CHRS, il n'y a en principe que des personnes en situation régulière.
C'est donc naturellement sur ce parc, en expansion et ouvert à tous, que se reporte la demande d'hébergement de la part des demandeurs d'asile, qui suit un rythme d'augmentation rapide ces dernières années.
Comment mesurer le report des CADA vers le dispositif généraliste ?
Une enquête a été conduite fin 2009 par les services de l'Etat au niveau local dans les centres d'hébergement généralistes. D'après ses résultats, au 1er octobre 2009, les demandeurs d'asile étaient 1 662 dans le dispositif d'hébergement d'urgence généraliste, pris en charge par le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Ville et logement », et occupaient donc 6 % des places disponibles.
Cette prise en charge correspond à une dépense annuelle chiffrée par le Gouvernement à 20 millions d'euros sur le programme 177.
Rapportée à des crédits de 248 millions d'euros en loi de finances initiale pour l'hébergement d'urgence, la prise en charge des demandeurs d'asile stricto sensu représente 8 % de la dotation initiale du programme.
Cela peut paraître modeste mais cette dépense « indue » a aussi comme caractéristique d'être très peu maîtrisable, puisque, comme le souligne un rapport réalisé par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le Contrôle général économique et financier (CGEFI), elle « joue, au fil des trimestres, le rôle de variable d'ajustement en fonction de l'afflux des demandeurs d'asile et du nombre de dossiers de demande d'asile traités ».
Or, le programme 177 se caractérise, de manière répétée, par une sous-budgétisation et, en conséquence, des réabondements budgétaires en cours d'année.
Sur l'exercice 2010, les crédits de loi de finances initiale du programme 177 ont été complétés par des reports (2,9 millions d'euros), des ouvertures en décret d'avance (110 millions d'euros) et en loi de finances rectificative (83,5 millions d'euros). Au total, 196,4 millions d'euros, sur 1 milliard d'euros, soit près de 20 % supplémentaires, pour l'action 2 « Actions en faveur des plus vulnérables » qui regroupe tous les crédits d'hébergement.
Ces réévaluations faisaient suite à celles des années précédentes : pour 2009, 180 millions complémentaires avaient abondé ce programme à l'occasion de trois décrets d'avances et de la loi de finances rectificative relative au plan de relance.
Quel bilan peut-on dresser de la gestion actuelle du dispositif ?
Le partage de fait de la responsabilité du dispositif d'hébergement entre les deux missions « Ville et logement » et « Immigration, asile et intégration » ne favorise pas une bonne gestion, du fait du cloisonnement des objectifs et des budgets.
Les auditions que nous avons tenues ont mis en évidence des lacunes très importantes s'agissant de la connaissance des parcs comme de leur occupation et une absence quasi-totale de coordination entre les administrations concernées.
Aucun critère ne semble présider à l'imputation des crédits sur le programme 303 plutôt que sur le programme 177, et inversement. Les dotations sont définies par rapport aux consommations des années précédentes et non en fonction de calculs effectués en vue d'une répartition cohérente de la charge de la demande d'asile.
Aucun système d'information fiable ne permet de recenser les effectifs de demandeurs d'asile présents dans les dispositifs d'hébergement d'urgence ou hébergés par leurs propres moyens. Les chiffres dont dispose l'administration sont déclaratifs et sont qualifiés « d'approximations ». Le rapport de l'IGAS et du CGEFI indique qu'un nombre indéterminé de demandeurs d'asile étaient accueillis en structures d'urgence financées sur les programmes 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration » ou 177 et que la répartition des autres demandeurs d'asile, hors CADA, entre les différentes situations en matière d'hébergement n'est pas connue.
Par ailleurs, l'absence d'unité de gestion entre les CADA, d'une part, et l'hébergement d'urgence, d'autre part, nuit à l'efficacité du dispositif global d'hébergement : des places en CADA peuvent être libres sans être rendues disponibles pour les autres publics à héberger tandis que le programme 177 subit des transferts de charge du fait de l'hébergement des demandeurs d'asile.
Les CADA étant traités à part, ils sont en outre exclus de certains dispositifs comme le financement de la rénovation et de l'humanisation des centres d'hébergement gérés par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).
La seule marque de collaboration entre les deux ministères concernés - intérieur et écologie - s'est manifestée par une circulaire en date du 31 janvier 2011 relative à la coopération entre les services intégrés pour l'accueil et l'orientation (SIAO) et les plates-formes régionales d'accueil et d'accompagnement des demandeurs d'asile.
S'agissant des CADA, nous nous sommes aperçus au cours des entretiens que nous avons menés que leur mode de gestion et de financement ne faisait l'objet d'aucune harmonisation. Ces structures sont gérées par différentes associations (notamment Adoma, l'AFTAM et France Terre d'asile) qui proposent des prestations différentes dans chaque établissement sans qu'aucune analyse des coûts ne permette d'ajuster les subventions accordées par l'Etat aux services effectivement dispensés, au préjudice de la bonne gestion des crédits.
C'est la raison pour laquelle le rapport réalisé par l'IGAS et le CGEFI indique, s'agissant de la répartition des enveloppes financières entre les CADA, qu'en l'absence d'outil d'analyse fonctionnelle et de références comparatives, il n'y a pas de juste allocation des ressources, révélant une dotation limitée pour certains centres, relativement généreuse pour d'autres.
Plusieurs pistes sont ouvertes pour améliorer la situation actuelle en modifiant la gestion du dispositif d'hébergement.
En premier lieu, comme le recommande le rapport de l'IGAS et du CGEFI, il faut compléter le système d'information en liaison avec les préfectures, afin de recenser les effectifs de demandeurs d'asile présents dans d'autres dispositifs à financement public ou hébergés par leurs propres moyens, afin notamment de leur fournir l'assistance juridique adéquate. Il s'agit de se donner les moyens de rétablir une égalité de traitement entre ceux qui ont eu la chance de disposer de places en CADA, avec l'accompagnement social et juridique, et ceux qui sont hébergés en CHU et en hôtels et qui en sont exclus.
Ensuite, il conviendrait d'unifier ou au moins de coordonner la gestion des différents dispositifs d'hébergement des demandeurs d'asile afin de garantir une optimisation des places disponibles, notamment par une territorialisation intelligente des centres. L'Ile-de-France concentre 45 % des demandes d'asile mais seulement 16,5 % des places de CADA.
L'amélioration de la prévision budgétaire doit permettre de remédier aux sous-budgétisations récurrentes du programme 303 et du programme 177.
S'agissant maintenant exclusivement des CADA, il nous semble qu'il convient de continuer la politique, menée ces dernières années, d'accroissement du nombre de places. En effet, en raison de l'importance du flux des demandeurs d'asile, au 31 décembre 2010, seuls 31,4 % de ceux éligibles à une entrée en CADA y sont effectivement hébergés. Or, nous avons vu que le suivi juridique était plus facile et plus efficace en CADA, notamment lorsqu'ils ne sont pas en structure éclatée, que dans des dispositifs d'hébergement d'urgence.
Il faut aussi progresser vers une meilleure gestion des CADA, à travers la définition d'un référentiel de coûts par fonction et utiliser ce référentiel comme outil de détermination des dotations de financement. Nous sommes également favorables à la proposition avancée par la mission de l'IGAS et du CGEFI de signer des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens avec les trois grands opérateurs gérant les CADA.
Autre piste d'amélioration de la gestion des CADA : d'après les informations que nous avons recueillies auprès du Gouvernement, 7,8 % des personnes qui y étaient hébergées au 31 décembre 2010 s'y trouvaient en présence indue, soit parce qu'elles avaient dépassé le délai de six mois autorisé après l'octroi du statut de réfugié, soit parce qu'elles avaient dépassé celui d'un mois laissé aux déboutés de la demande d'asile. Une meilleure gestion des CADA impliquerait de mettre à fin à ces situations, afin de rendre les places de CADA disponibles aux demandeurs d'asile qui constituent le public que les CADA ont vocation à accueillir.
Enfin, il faut poursuivre les actions de plus long terme pour réduire le nombre de personnes en attente d'une décision relative à leur demande d'asile. Pour cela, il faut notamment s'assurer que les efforts supplémentaires déployés en faveur de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), conformément aux conclusions d'un contrôle que j'ai effectué conjointement avec notre collègue Jean-Claude Frécon l'année dernière, fournissent des résultats en matière de réduction des délais de traitement des demandes.
En conclusion, on peut souligner que les défaillances de gestion que nous avons relevées et la confusion qui existe entre l'hébergement des demandeurs d'asile, d'une part, et l'hébergement généraliste, d'autre part, ne datent pas d'hier mais qu'elles étaient sans doute moins apparentes.
En effet, avant 2007, ces deux politiques étaient réunies au sein de la mission « Solidarité et intégration », qui accueillait les deux programmes : le programme 177, qui s'intitulait « Politiques en faveur de l'inclusion sociale », pour l'hébergement d'urgence généraliste, et le programme 104, « Accueil des étrangers et intégration », pour les CADA. Les transferts de charges s'effectuaient donc au sein d'une même mission. Puis, le programme 104 a été rattaché à la nouvelle mission « Immigration, asile et intégration » au moment de la création du ministère de l'immigration en 2007 et le programme 177 a rejoint, en 2009, la mission « Ville et logement ».
Ces restructurations de la maquette budgétaire ont renforcé la complexité de la gestion des crédits.
Il est regrettable que l'entrée en vigueur de la Lolf n'ait pas été l'occasion d'une optimisation de la gestion des crédits et que ceux-ci continuent à suivre les réorganisations ministérielles, sans cohérence d'ensemble.
On constate donc que le ministère de l'intérieur prend en charge les CADA, mais que la variable d'ajustement de l'hébergement des demandeurs d'asile est le programme 177, dont la responsabilité incombe au ministère chargé du logement, ce qui traduit le caractère perfectible du pilotage de cette politique.
En effet, la principale piste d'économies pour le budget de l'Etat est la réduction des délais de traitement des demandes d'asile, sans évidemment remettre en cause l'exercice de leurs droits par les demandeurs.
A l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), les délais ont fortement augmenté l'année dernière, tandis que la CNDA continue de faire face à un « stock » de dossiers important. Il y a quelques années, le renforcement des moyens de l'Ofpra avait permis de réduire les délais de manière significative. Le même objectif doit pouvoir être atteint pour la CNDA.
Le délai moyen actuel de traitement des dossiers est aujourd'hui de dix-neuf mois, si l'on inclut l'Ofpra et la CNDA. Or, nous avions estimé qu'il pourrait, sans porter préjudice à la qualité de la procédure, être réduit à dix mois.
N'a-t-on pas mis en place des procédures excessivement complexes qui rallongent ces délais ?
Non, les textes sont équilibrés, le problème est vraiment relatif aux moyens des juridictions.
A l'initiative de la commission des finances, nous avons déjà inscrit dans la loi de finances pour 2011 un dispositif réduisant le délai pendant lequel un demandeur d'asile peut solliciter l'aide juridictionnelle devant la CNDA. Cela devrait permettre de réduire le nombre de renvois prononcés en audience publique, facteur évident d'allongement des délais de procédure.
Nous avons pointé d'autres lacunes : le faible nombre d'avocats plaidant devant la CNDA, en raison de la faiblesse de leurs rétributions au titre de l'aide juridictionnelle, et la sévérité des décisions de l'Ofpra qui conduit mécaniquement à reporter, en appel, devant la CNDA, un nombre important de demandes.
Quelles sont les économies qui peuvent être espérées d'une réduction des délais de traitement des dossiers ?
Nous avons chiffré à environ quinze millions d'euros le coût d'un mois supplémentaire de procédure devant la CNDA.
Je souligne toutefois la nécessité que les déboutés de la demande d'asile soient effectivement reconduits à la frontière et que les réfugiés puissent trouver un logement. Dans le cas contraire, la réduction des délais de traitement des dossiers par la CNDA ne fera que reporter la charge de l'hébergement de ces personnes de la mission « Immigration, asile et intégration » vers la mission « Ville et logement ».
Je remercie les rapporteurs spéciaux pour leurs travaux, qui montrent que les besoins en matière d'accueil des demandeurs d'asile ne diminuent pas. Je souhaiterais savoir comment le Gouvernement ajuste l'offre d'hébergement aux besoins. Fait-il des efforts de prévisions ? Est-ce que, par exemple, les conséquences de la situation politique actuelle dans plusieurs pays du Maghreb font l'objet d'une anticipation ?
S'agissant du nombre de places en CADA, malgré les efforts conséquents qui ont été fournis ces dix dernières années, force est de constater qu'ils ne sont pas à la hauteur de la progression de la demande d'asile. Malheureusement, les besoins ne font pas l'objet d'une prévision fine par le Gouvernement qui, chaque année, sous-évalue de manière évidente les dotations consacrées à l'hébergement des demandeurs d'asile.
Plus de 117 millions d'euros ont ainsi dû être ouverts en cours de gestion, à ce titre, sur l'exercice 2010.
S'agissant du programme 177, la prévision n'est pas meilleure, l'hébergement d'urgence souffre chaque année des mêmes sous-budgétisations.
Deux phénomènes risquent de résulter de la situation actuelle au Maghreb : une immigration « économique », qui sera prise en charge par la mission « Ville et logement », et un afflux de demandeurs d'asile, dont l'accueil pèsera principalement sur la mission « Immigration, asile et intégration ». La gestion de ces phénomènes pose la question globale du pilotage de notre politique d'immigration.
Prévoir les flux d'immigration est complexe. Néanmoins, il serait déjà très satisfaisant qu'en loi de finances pour 2012 nous ouvrions des crédits à hauteur de ceux consommés en 2011 pour l'hébergement des demandeurs d'asile et l'hébergement d'urgence.
Une hausse de 50 % des crédits dans la situation actuelle des finances publiques est pourtant peu probable...
En conclusion, si vous connaissez des bailleurs sociaux qui disposent de places libres, ils savent à qui s'adresser.
Il faut toutefois, pour bénéficier des logements sociaux, que les bénéficiaires se trouvent en France en situation régulière.
Je rappelle que les demandeurs d'asile se voient accorder, du fait de leur demande, un titre de séjour les autorisant à résider provisoirement sur le territoire français.
A l'issue de ce débat, la commission, à l'unanimité, donne acte de leur communication à MM. Pierre Bernard-Reymond et Philippe Dallier, rapporteurs spéciaux, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Puis, la commission entend une communication de M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial, sur les participations transférées au Fonds stratégique d'investissement (FSI).
Nous entendons Jean-Pierre Fourcade sur les participations transférées au FSI, qui proviennent de l'Etat et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).
Après un démarrage un peu difficile, le FSI est aujourd'hui une institution qui fonctionne bien mais qui requiert quelques ajustements. Je formulerai cinq principales observations au gré des transparents qui vous seront projetés.
Le FSI est tout d'abord un outil original et qui a démontré son utilité. Il ne s'est pas transformé en « infirmerie de campagne » en 2009 et 2010 et a joué son rôle de renforcement de la compétitivité des entreprises. Est-il pour autant un fonds souverain ? Les actionnaires et dirigeants du Fonds estiment que c'est le cas, mais pour la commission des finances, il paraît difficile de le considérer comme tel lorsqu'on a un déficit budgétaire de 7 % du PIB et 1 500 milliards d'euros de dette publique ! C'est ma première observation.
Ainsi que le rappelle la nouvelle lettre de mission assignée au directeur général du FSI, adressée le 9 mai dernier et d'ailleurs concomitante avec ma mission de contrôle, le FSI est un investisseur avisé soucieux de l'intérêt collectif, minoritaire et de long terme. Il intervient en fonds propres et quasi-fonds propres auprès d'entreprises de toutes dimensions, pour contribuer à leur développement lorsqu'elles sont en bonne position concurrentielle, accompagner leur transformation dans la mondialisation ou renforcer et arrimer leur actionnariat de long terme.
Ce fonds a été doté de 20 milliards d'euros et est détenu à 51 % par la CDC et à 49 % par l'Etat. De manière originale, cette dotation a été constituée par 14 milliards d'euros d'apports de titres cotés ou non et 6 milliards d'euros d'apports en numéraire, dont une fraction de 3,6 milliards n'est pas encore libérée, ce qui illustre la difficulté de trouver des fonds propres pour ce fonds. L'Etat a apporté trois participations, pour un montant de 6,86 milliards d'euros, dans Aéroports de Paris, France Télécom et STX France Cruise, mais le FSI n'est pour l'heure pas en mesure de les céder. Là réside donc ma deuxième observation : le Fonds a « démarré doucement » et est contraint par un certain manque de liquidité lié aux apports reçus de l'Etat et à la fraction non libérée de l'apport en numéraire. Les apports de la CDC ont été plus variés, avec vingt participations cotées et onze participations dans des structures non cotées, essentiellement des fonds de capital-investissement. Les participations cotées sont plus liquides et le FSI en a d'ailleurs cédé certaines d'entre elles en 2010.
La gouvernance du Fonds est assez sophistiquée mais m'apparaît efficace. Elle comprend un conseil d'administration, auquel participent les deux actionnaires et trois administrateurs indépendants issus du secteur privé, et un comité d'orientation stratégique (COS) auquel sont notamment représentées les organisations syndicales. Le secrétaire général de la CGT m'a d'ailleurs récemment confié qu'il attachait beaucoup d'importance à ce comité, qui est présidé par une personnalité marquante, Jean-François Dehecq. Les rapports élaborés par le COS en 2009 et 2010 m'ont ainsi été très utiles. Le FSI est également une structure assez légère, dont le coût est modéré. Elle emploie cinquante-sept collaborateurs et ses charges d'exploitation s'élèvent à environ 20 millions d'euros, ce qui représente, en incluant les honoraires externes, seulement 0,3 % des actifs sous gestion.
En revanche, les modes d'intervention sont beaucoup plus complexes. Le FSI investit en direct dans des entreprises, mais aussi de manière indirecte, dans des fonds, à travers deux principaux canaux :
- des fonds spécialisés qu'il a contribué à créer et qu'il cofinance avec des partenaires publics ou privés, en particulier dans une logique de filière. Il finance ainsi les fonds de modernisation des équipementiers automobile de rang 1 et 2, Innobio et le Fonds Bois ;
- le programme généraliste FSI France Investissement, hérité de la CDC et géré par CDC Entreprises, dans le cadre duquel il investit aujourd'hui dans 191 fonds nationaux et régionaux. La CDC justifie cette organisation par un principe de subsidiarité, et entre janvier 2009 et mars 2011, ces fonds partenaires sont entrés au capital d'environ 670 entreprises, pour environ un milliard d'euros.
Sur la même période, le FSI a investi au total 3,82 milliards d'euros, dont, outre les fonds que j'ai mentionnés, 2,4 milliards d'euros en direct dans 42 entreprises (en incluant le Fonds de co-investissement direct), et 419 millions d'euros dans 86 entreprises au travers des fonds spécialisés. L'effet a été très important dans le secteur de la sous-traitance automobile, mais plus limité dans la filière bois. L'objectif d'engagements pour 2011 est d'environ deux milliards d'euros, dont un gros investissement de près de 700 millions d'euros dans STMicroélectronics.
La crise a suscité un afflux de demandes et le Fonds a ainsi reçu près de deux mille dossiers en 2009 et 2010, dont peu ont été traités par prospection directe. Le FSI a conclu un partenariat avec le fonds souverain Mubadala, mais qui n'a pour l'instant donné lieu à aucun co-investissement. Ceci conforte mon constat sur la distinction entre le FSI et les fonds souverains tels qu'on les entend habituellement.
La situation financière du FSI est tout à fait convenable. Au 31 décembre 2010, la valeur nette comptable des titres était de 16,4 milliards d'euros, ce qui témoigne d'une bonne valorisation des actifs, le total de bilan de 21,8 milliards d'euros et le résultat net de 646 millions d'euros.
J'en viens ici à ma troisième observation : une fraction de 60 % de ce résultat, soit 387 millions d'euros, a été distribuée aux deux actionnaires, alors qu'au même moment le Gouvernement annonçait un renforcement des moyens du Fonds, au travers d'un prêt du fonds d'épargne de la CDC. Un tel niveau de dividende me paraît incohérent, même s'il vient abonder le budget de l'Etat en recettes non fiscales. Il aurait été préférable, durant les premières années d'existence du Fonds, de conserver une plus grande part de ces profits plutôt que de mobiliser des ressources d'emprunt issues de la collecte de l'épargne réglementée.
L'augmentation des moyens du FSI est en tout cas nécessaire à terme, compte tenu du repositionnement en cours. Les dirigeants du Fonds souhaitent logiquement qu'elle provienne en priorité de la libération du capital non encore versé.
Néanmoins le Fonds fonctionne plutôt bien. La nouvelle lettre de mission précise que le FSI doit être prioritairement orienté vers les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les PME, sans exclure la consolidation ou la protection du capital de grandes entreprises, et le rapport d'activité pour 2010 - au demeurant excellent - expose clairement les axes d'investissement du FSI.
S'agissant à présent des ajustements, je constate tout d'abord que l'Etat se veut un actionnaire « normal ». Le FSI n'est ni aux ordres du politique, comme on l'a vu avec le dossier Heuliez, ni totalement autonome, car il demeure à la disposition des pouvoirs publics. Une des difficultés, qui tend cependant à s'apaiser, a trait au fait que la Caisse des dépôts, qui aide déjà un grand nombre de PME, joue un jeu un peu compliqué en étant à la fois actionnaire principal du Fonds, co-investisseur et co-gestionnaire.
C'est ma quatrième observation : tout le monde s'occupe des PME ! On trouve ainsi le FSI, la CDC, le Programme d'investissements d'avenir et Oséo, qui intervient en bas de bilan et entretient des rapports parfois conflictuels avec le Fonds. Cet édifice d'une grande complexité témoigne d'une politique industrielle active, mais le FSI reste un outil de taille modeste. Je relève aussi que sa notoriété auprès des chefs d'entreprises est nettement inférieure à celle de CDC Entreprises et d'Oséo. Il importe donc de faire émerger la marque « FSI » et de renforcer sa visibilité en région.
Passée la crise, beaucoup moins de dossiers sont transmis au Fonds. Celui-ci a donc engagé, sur instruction de ses actionnaires, un travail d'étude des filières pour identifier leurs difficultés et les entreprises les plus dynamiques.
Ma dernière observation concerne l'intégration de la démarche d'investissement socialement responsable (ISR), tant par le FSI que par l'Agence des participations de l'Etat (APE). Une grille d'analyse fondée sur plusieurs critères a été mise en place par le Fonds et un conseiller social recruté en 2010, ce qui va dans le bon sens, mais il faut aller plus loin en matière de promotion des bonnes pratiques de gouvernance et de politiques de rémunération responsables dans les entreprises dont le FSI ou l'Etat est un actionnaire de référence. Les représentants des deux instances m'ont assuré que de tels principes étaient bien mis en oeuvre, mais si on considère ce qui se passe dans les entreprises, ces interventions me paraissent encore timides sur le plan social.
Au plan régional, la lettre de mission du 9 mai dernier souligne que le FSI doit jouer un rôle actif « de structuration des filières sectorielles et du tissu économique régional » et qu'il serait « utile de renforcer la coordination entre l'ensemble des acteurs publics du financement des PME en région, notamment entre le FSI et Oséo », ce qui correspond à mes souhaits. Le Fonds a engagé des études de filières, mais le vrai problème est bien que les chefs d'entreprises sachent, au plan local, que le FSI existe, a une vocation stratégique et n'est pas un simple « sous-produit » de la CDC. Après avoir affirmé sa singularité, le FSI doit donc conquérir une visibilité auprès des acteurs économiques.
Qualifier le FSI de fonds souverain peut paraître abusif, dans un pays qui se caractérise surtout le poids de ses dettes souveraines... Par ailleurs, je crois que lorsque le concours de la puissance publique est apporté via des prises de participations du FSI, cela doit impliquer que les dirigeants et mandataires sociaux respectent des règles déontologiques strictes, en particulier s'agissant des rémunérations.
Je remercie le rapporteur de ses travaux, qui constituent un point d'étape utile. Les débats que nous avions eus en séance, à l'initiative notamment de notre collègue Nathalie Goulet, avaient trahi certaines inquiétudes, notamment au niveau local, sur les modes d'intervention du Fonds.
Pour ma part, j'ai assisté à la naissance du FSI, qui a suscité beaucoup de débats, parfois heurtés, entre l'Etat et la Caisse des dépôts. Au demeurant, des difficultés subsistent et la coexistence de ces deux actionnaires n'est pas toujours paisible ! Par ailleurs, je persiste à me demander ce que l'on met derrière le « S » de FSI : en quoi ses prises de participations sont-elles stratégiques ? Dans certains cas concrets, le Fonds n'a-t-il pas subi des pressions politiques ?
Le politique serait donc antinomique du stratégique ! Ce serait inquiétant...
La création du FSI aura néanmoins incité la CDC à opérer une revue de l'ensemble de ses participations et interventions dans les PME et à les rationaliser. Le rapporteur estime que l'articulation des financements demeure complexe, ce qui est exact, mais elle l'est moins qu'auparavant. Le représentant de la CDC en région fait véritablement figure d'interlocuteur unique.
Enfin, à titre personnel, je reproche au FSI de privilégier une intervention par filière un peu classique et colbertiste, et de ne pas s'intéresser suffisamment au développement des réseaux d'entreprises. Plus généralement, s'agissant de la conduite de la politique industrielle, une clarification de l'articulation du FSI et de l'Agence des participations de l'Etat serait bienvenue.
L'approche par réseaux peut être complémentaire de l'approche par filières et les actionnaires ont récemment invité le FSI à mieux fédérer les actions à destination du tissu industriel régional.
Le versement de 60 % de dividendes s'apparente à une pratique d'actionnaire « glouton » que l'on reproche par ailleurs aux investisseurs privés...
Ce versement est d'autant moins compréhensible que l'on s'apprête à mettre à disposition du Fonds une ligne de crédit de 1,5 milliard d'euros, et que l'ensemble des apports initiaux n'ont pas encore été libérés.
Le prêt de 1,5 milliard d'euros n'est pas une affaire réglée ! Les fonds d'épargne ne doivent pas servir à tout et n'importe quoi.
Je partage l'avis du rapporteur selon lequel on ne comprend pas grand-chose à l'articulation des différents fonds et outils. Par ailleurs, je m'interroge sur le caractère stratégique de certaines participations directes, dans les vignobles de champagne par exemple, comme cela a été récemment envisagé.
Il faut distinguer les participations transférées, qui n'avaient pas nécessairement un caractère stratégique, des prises de participation. Sur ce second point, les actionnaires ont demandé au FSI d'affiner sa doctrine d'investissement dans une optique de sélectivité.
Le positionnement respectif de l'APE, du FSI et de la CDC n'apparaît pas toujours clairement.
L'articulation de l'APE et du FSI est une vraie question, que j'aborde dans le rapport, et le rôle de l'APE dans la conduite de la politique industrielle est un sujet en soi, qui mériterait un rapport entier !
Ce pourrait être l'occasion de s'interroger sur la doctrine de l'Etat actionnaire en ce qui concerne la rémunération des dirigeants des entreprises à participations publiques.
Cet effort de clarification est particulièrement bienvenu. Je siège au conseil d'orientation de France Investissement, qui peine aujourd'hui à exercer son effet de levier sur les financements privés compte tenu du durcissement des normes prudentielles. De fait, France Investissement semble se rabattre sur les fonds régionaux, ce qui ne me semble pas de nature à renforcer la dimension stratégique de son action. France Investissement est-il inclus dans le bilan des prises de participation que vous avez évoqué ?
Par ailleurs, la lettre de mission adressée par les actionnaires du FSI à son directeur général me paraît brouiller sa doctrine. Est-ce renforcer le caractère stratégique du Fonds que de l'encourager à structurer les filières ? N'est-ce pas, au contraire, un facteur de banalisation et ne risque-t-on pas de passer à côté d'un des objectifs initiaux, qui consistait à renforcer notre tissu d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) ?
Cette lettre était nécessaire. Elle assigne d'ailleurs au FSI un objectif de doublement du volume annuel des investissements en direction des ETI, si les conditions de marché le permettent.
Vous diagnostiquez un échec relatif des partenariats avec les fonds souverains étrangers. Est-ce irrémédiable ?
Les gestionnaires de fonds souverains avec lesquels j'ai pu m'entretenir sont clairement à la recherche d'emplois pour leurs fonds. Il n'est cependant pas impossible que le caractère public du FSI et son implication de long terme suscitent une certaine méfiance à l'étranger.
La commission remercie vivement le rapporteur spécial de sa communication, qui prend un relief tout particulier car il s'agit vraisemblablement de la dernière.
En effet, Monsieur le Président, j'ai décidé de ne pas me représenter lors du prochain renouvellement sénatorial.
(Applaudissements des commissaires)
A l'issue de ce débat, la commission, à l'unanimité, donne acte de sa communication à M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
- Présidence de M. Yann Gaillard, vice-président -
Enfin, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M M. Jean Arthuis et Philippe Marini, rapporteurs pour avis, sur le projet de loi constitutionnelle n° 499 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'équilibre des finances publiques.
EXAMEN DU RAPPORT POUR AVIS
Vous avez confié au rapporteur général et à moi-même la responsabilité d'élaborer le rapport pour avis sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques. Ce choix n'était pas injustifié, compte tenu de nos participations aux travaux de la commission Camdessus mise en place après les conférences sur le déficit du début 2010.
Le président de la République a fait part de son souhait de doter la France d'une règle constitutionnelle d'équilibre des finances publiques, ce qui était rendu nécessaire par la pression des marchés comme par la référence allemande. La loi pluriannuelle des finances publiques 2011-2014 a été l'occasion de mettre en pratique les préconisations du rapport Camdessus - on peut parler de répétition grandeur nature. De ce point de vue, les amendements du Sénat ont été déterminants, qui ont notamment permis que les objectifs soient exprimés en milliards d'euros courants pour chacune des années de la programmation, et non en pourcentages d'évolution sur l'ensemble de la période de programmation.
La réflexion a été nourrie, aussi bien au groupe Camdessus qu'au sein de la commission des finances du Sénat. Dès février 2010, le rapport de notre commission sur le projet de loi de finances rectificative envisageait une règle dont les grands principes sont ceux qui nous sont aujourd'hui proposés.
Pourquoi une révision constitutionnelle ? La France ne manque pas de règles, d'objectifs et d'outils de programmation : le programme de stabilité, désormais au sommet de la hiérarchie des normes financières ; la programmation pluriannuelle annexée aux lois de finances, les lois de programmation des finances publiques ; un objectif constitutionnel, l'équilibre des comptes publics ; une règle européenne, le respect de ratios de solde nominal (3 % du PIB) et de dette publique (60 % du PIB) ; des règles de gouvernance nationales, en dépenses et en recettes, la norme de dépense, la programmation triennale des plafonds de dépense de l'Etat, l'ONDAM, la règle de gage des niches et la règle de gage global des mesures nouvelles, d'ailleurs abandonnées dans la loi pluriannuelle 2011-2014.
Si les règles ne manquent pas, la volonté fait parfois défaut. Les trajectoires de solde n'ont pas été respectées, et les outils existants n'ont pas marché. Il faut par conséquent essayer autre chose. L'écart entre les projections et la réalité de l'exécution invite à fixer les premières avec une relative lucidité et une vraie conviction.
Il y a urgence à rompre avec certaines pratiques. Les plus récentes prévisions de solde public publiées par la Commission européenne font apparaître qu'en 2012, la France serait tout près de monter sur le podium du déficit : elle arriverait juste après la Grèce, l'Irlande et l'Espagne. Elle n'a plus le droit à l'erreur alors que l'Italie se retrouve à un niveau sensiblement inférieur. La récente mise sous perspective négative de la capacité des États-Unis à rembourser leur dette montre qu'aucun État n'est à l'abri d'une dégradation de sa notation financière, avec les conséquences que l'on imagine sur le coût de sa dette - sans parler, s'agissant des Etats européens, des conséquences sur l'euro et sur le mécanisme européen de stabilité dont le Conseil européen va approuver le régime lors de sa réunion du 24 juin prochain.
La France n'est pas la seule à engager une réforme institutionnelle destinée à endiguer la dette publique. Le débat sur le « frein à la dette » est présent dans toute l'Europe. La règle allemande est exprimée en termes de solde structurel, une notion incompréhensible par le commun des citoyens, et très subjective - la commission Camdessus a convenu de la difficulté à en faire un élément pédagogique. Mieux vaut donc retenir chez nous une règle plus rustique et, surtout, juridiquement contraignante. Le type de règles dont la France a choisi de se doter, issu des propositions du groupe Camdessus, consistant à créer un nouveau type de loi à valeur supérieure à la loi ordinaire, et à créer un monopole de certaines lois sur certaines matières, rend nécessaire une révision constitutionnelle.
Nos précédents travaux ont permis de définir les critères d'une bonne règle : qu'elle impose au Gouvernement des contraintes quantitatives claires, qu'elle soit suffisamment souple pour ne pas enfermer l'action politique dans un chemin unique, qu'elle ne suscite pas le risque de polémiques avec un comité d'experts indépendants comme un panel d'économistes ou la Cour des comptes, ce qui ruinerait sa légitimité, qu'elle ne soit pas manipulable par les gouvernements et, enfin, qu'elle soit compréhensible par l'opinion.
Les trois volets du projet de loi constitutionnelle reprennent les principaux éléments des préconisations que nous avions faites, le rapporteur général et moi, et que nous avions largement traduits dans la loi pluriannuelle des finances publiques 2011-2014. Le premier reconnaît la nécessité d'améliorer la légitimité démocratique du programme de stabilité adressé aux autorités de l'Union européenne, qui engage désormais les finances publiques de la France. A cette fin, le texte initial prévoit une transmission de ce programme aux Assemblées avant son envoi aux autorités communautaires. L'Assemblée nationale a rétabli les acquis de la loi pluriannuelle des finances publiques : la transmission au moins quinze jours avant l'envoi à Bruxelles ; un vote du Parlement, à la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire. Enfin, un ajout est indispensable : la possibilité pour une Assemblée d'adopter une résolution sur le projet de programme de stabilité, qui permettrait une expression plus nuancée que l'adoption ou le rejet d'une déclaration du Gouvernement.
La règle d'équilibre est nécessaire pour que les engagements pluriannuels ne restent pas lettre morte. Il faut prévoir un dispositif interne assurant la cohérence entre la trajectoire pluriannuelle et les lois financières annuelles. Aujourd'hui, la trajectoire pluriannuelle qui engage la France est celle qui figure dans le programme de stabilité. Cela étant, même en l'absence de programme de stabilité ou de pacte de stabilité européen, la situation de nos finances publiques commanderait que l'on se dote d'une règle favorisant la convergence budgétaire. Qu'on ne dise pas que l'Europe nous y oblige, c'est un impératif absolu !
Le principe est de subordonner les lois financières annuelles à une trajectoire pluriannuelle. Les programmes de stabilité portant sur une période de quatre ans (l'année en cours et les trois suivantes), la question du caractère glissant ou non de la loi-cadre relève de la loi organique. Il importe cependant de préciser dès aujourd'hui dans quel état d'esprit le constituant envisage ces textes. Sur ce point, deux options sont possibles. Ou bien il s'agit de voter la loi-cadre, une fois pour toutes, pour toute la durée de la programmation ; c'est le modèle des actuelles lois de programmation des finances publiques (LPFP), qui présente l'inconvénient de porter en germe une déconnexion entre la trajectoire de la loi-cadre et celle figurant dans le programme de stabilité qui, lui, est actualisé chaque année. Ou bien il s'agit d'actualiser chaque année la loi-cadre, pour tenir compte du contenu du dernier programme de stabilité transmis aux institutions de l'Union européenne. C'est évidemment ce deuxième schéma qui permet le mieux d'éradiquer le double langage et qui est politiquement le plus lisible. Il serait bon d'orienter la loi organique et de dire très clairement que le programme de stabilité et les lois cadres seront parfaitement concordants.
La LPFP 2011-2014 préfigure la règle constitutionnelle. Elle fixe pour chacune des années de la programmation le montant maximal des dépenses de l'État et, dans un article distinct, celui des dépenses de la sécurité sociale. Elle fixe de même le montant minimal des augmentations de prélèvements obligatoires à inscrire dans les lois financières (dans la LPFP 2011- 2014 : 11 milliards en 2011 et 3 milliards pour chacune des années suivantes). Les économistes qualifient d'effort structurel l'action discrétionnaire sur le déficit, c'est-à-dire celle qui résulte du niveau des dépenses et des mesures nouvelles sur les recettes.
La trajectoire de mesures nouvelles en recettes ne distingue pas entre l'État et la sécurité sociale : l'effort global en recettes devra être réparti chaque année entre les deux lois financières. La loi organique organisera la fongibilité entre mesures de recettes et mesures de dépenses, et entre mesures relevant de l'État et de la sécurité sociale : la LPFP 2011-2014 prévoit déjà, à l'initiative du Sénat, une telle fongibilité. Les mesures coûteuses devront être compensées par des mesures nouvelles ou des baisses de dépenses de même montant, de façon à ne pas s'écarter de la trajectoire : la règle a donc pour effet d'obliger le Gouvernement à gager toutes ses mesures coûteuses.
Le contrôle de conformité à la loi-cadre sera nécessairement automatique et conjoint. Le contrôle du Conseil constitutionnel consistera à comparer les montants figurant dans la loi-cadre à ceux figurant dans les lois annuelles. Le texte initial du projet de loi ne précise pas les modalités du contrôle de conformité. L'Assemblée nationale a prévu un contrôle automatique, de façon à assurer que le Conseil se prononcera sur l'impact, sur la trajectoire, de chaque disposition affectant l'équilibre budgétaire. La commission des lois du Sénat propose un contrôle conjoint, avant le 31 décembre, des deux lois financières initiales, de façon à permettre au Conseil constitutionnel d'apprécier effectivement le respect du plafond de dépenses et du plancher de mesures nouvelles en recettes, mis en oeuvre par des dispositions partagées entre les deux textes. Contrôle automatique et conjoint : les deux propositions de la commission des finances du Sénat sont à présent prises en compte.
Qu'advient-il en cas de censure ? Nous vous proposerons un amendement ayant pour objet de prévoir dans la Constitution un renvoi à la loi organique pour la définition des conséquences d'une non-conformité. Quel pourrait-être le contenu de la future disposition organique ? Pour lancer le débat, le rapport écrit évoque plusieurs pistes selon lesquelles, par exemple, en cas de non-conformité à la loi-cadre : le Gouvernement ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés conformément au quatrième alinéa de l'article 47 de la Constitution ; les mesures nouvelles réduisant les recettes sont annulées ; les mesures nouvelles tendant à les accroître sont maintenues ; le solde nécessaire pour compenser l'effort manquant est financé par une augmentation prédéterminée d'un certain prélèvement, par exemple du taux normal de la TVA, sauf si le Gouvernement prend les mesures nécessaires dans un certain délai.
Une condition du succès de la règle, c'est de calculer les objectifs en fonction d'hypothèses économiques prudentes. L'article 4 de la proposition de directive, que doit définitivement adopter le Conseil européen du 24 juin 2011, dispose notamment que la planification budgétaire repose sur le scénario macro-budgétaire le plus probable ou sur un scénario plus prudent qui met en évidence, de manière détaillée, les écarts par rapport au scénario le plus probable. Cet article 4 dispose aussi que les prévisions macroéconomiques et budgétaires établies aux fins de la planification budgétaire incluent des scénarios macroéconomiques alternatifs permettant d'étudier la trajectoire des variables budgétaires dans différentes conditions économiques. On se prend à rêver d'une autorité indépendante, comme le Bureau central de planification que nous avons approché aux Pays-Bas.
La règle n'impose pas aux gouvernements une trajectoire budgétaire plutôt qu'une autre, elle n'impose pas une politique budgétaire plutôt qu'une autre ; la seule chose qu'elle impose est la cohérence entre la trajectoire pluriannuelle annoncée à nos partenaires européens et sa déclinaison annuelle dans les lois financières. La sagesse des prévisions annuelles sera transcrite dans la trajectoire pluriannuelle. Au total, c'est une règle souple et indifférente aux majorités politiques.
Pour assurer la cohérence, un monopole des lois financières est nécessaire en matière de prélèvements obligatoires, comme l'ont recommandé notre commission et le groupe Camdessus. C'est une discipline que le Gouvernement s'impose déjà à lui-même : la circulaire Fillon du 4 juin 2010 a pour but de mettre un terme à la dispersion des mesures relatives à ces prélèvements - une dispersion qui est source de contournement des procédures budgétaires, d'une insuffisante protection des recettes fiscales et sociales et génératrice d'instabilité et de complexité pour les acteurs économiques. C'est aussi une mesure annoncée par le président de la République au président du Conseil européen, dans le cadre de la mise en oeuvre du « Pacte euro + ». Il y va donc de notre crédibilité au plus haut niveau.
Cette disposition a provoqué de nombreux débats à l'Assemblée nationale, les députés craignant une atteinte à l'initiative parlementaire. La solution retenue par l'Assemblée nationale consiste, d'une part, en une nouvelle irrecevabilité permettant non seulement le dépôt de dispositions relatives aux prélèvements obligatoires à tout moment, mais également leur adoption définitive, sous réserve de l'invocation de l'irrecevabilité par le Gouvernement ou le président d'une Assemblée et, d'autre part, en l'obligation pour le Conseil constitutionnel de censurer toute mesure relative à ces prélèvements adoptée en dehors d'une loi financière. Cette compétence liée a choqué nos collègues de la commission des lois. Toutefois, la jurisprudence du Conseil constitutionnel étant assez libérale s'agissant du partage entre le domaine de la loi et celui du règlement, il a paru nécessaire, en quelque sorte, de lui tenir la main. On s'oriente néanmoins vers une suppression par le Sénat du dispositif issu de l'Assemblée nationale parce que les objections juridiques sont assez difficilement surmontables.
Que propose donc notre commission des lois ? Elle a considéré que le monopole aboutissait à une présentation parcellaire des principales réformes. Elle s'est également livrée à un historique sur lequel il est préférable de ne pas revenir - évitons les polémiques entre commissions. Elle a proposé un dispositif selon lequel les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires adoptées en cours d'année devraient, pour entrer en vigueur, être approuvées par une loi financière. La technique de la « voiture balai » n'emporte pas notre adhésion pour deux raisons. D'abord, il y aurait déconnexion entre les décisions agréables et les décisions désagréables. Ensuite, il serait très difficile de revenir, plusieurs mois après, sur un avantage accordé : si le Parlement crée un droit, il lui est difficile de se dédire dans le cadre d'une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Or, si les dépenses fiscales ou les diminutions de contributions sociales ne sont pas remises en cause par les lois financières, celles-ci devraient trouver des ressources nouvelles afin de respecter les trajectoires pluriannuelles.
Nous avons recherché un point d'équilibre, parce que les différentes solutions proposées pour assouplir ou, à vrai dire, contourner le monopole ne sont pas pleinement satisfaisantes. La méthode la plus cohérente serait, lorsque le volet relatif aux prélèvements obligatoires d'une réforme sectorielle est véritablement indissociable de l'objet de la réforme elle-même, que le Gouvernement dépose simultanément un projet de loi de finances (ou de financement de la sécurité sociale) rectificative, qui cheminerait parallèlement à l'autre texte, et où figurerait un tableau d'équilibre. Préservant l'initiative parlementaire, cette solution garantit aussi le travail en commun des commissions. En revanche, ni le Gouvernement, ni les parlementaires, ne pourraient plus créer, par voie d'amendement, de nouvelles niches dans des textes sectoriels, à l'exemple de cette loi sur le tourisme à l'occasion de laquelle a été voté le nouveau régime de TVA pour la restauration.
C'est une loi nécessaire, mais je ne vois pas comment on pourra l'appliquer.
D'abord, qu'appelle-t-on équilibre budgétaire, et le situe-t-on à un déficit de zéro ou de 3 % ? Que fait-on de la dette ? Quant à la disparition de l'initiative parlementaire, c'est déjà une réalité avec l'article 40, article que le Gouvernement ne se soucie jamais de s'appliquer à lui-même, sauf pour l'ISF. Je ne vois pas comment on pourra stopper la dérive de la dette. Aujourd'hui égale à 85 % du PIB, elle augmentera encore cette année de 120 milliards, et sans doute d'autant en 2012. Or, nos recettes diminuent - avec la quasi-absence d'impôt sur le revenu, elles ne reposent plus que sur la TVA, l'impôt sur les sociétés, les taxes sur le pétrole ou le tabac, tandis que nos dépenses augmentent. On pourrait diminuer les budgets sociaux (ce serait difficilement acceptable) ou les dépenses administratives, les dépenses de personnel (on y touche peu). Comment bouclera-t-on le budget 2012 ? Non, je ne vois vraiment pas comment un gouvernement quel qu'il soit, et surtout s'il est socialiste, pourra appliquer cette loi excellente et nécessaire.
Allons, allons, il ne faut pas partir battus.
Nous ne pouvons pas avoir cette réflexion ab abstracto. Nous devrions avoir en main le texte de la Commission européenne sur notre programme de stabilité. J'ai seulement lu dans la Correspondance économique que pour elle, « le programme français est basé sur un scénario macro-économique trop favorable ».
L'Allemagne a choisi d'exprimer sa règle en termes de solde structurel. Pour M. Camdessus, « on ne sait pas ce qu'est un solde structurel » ; la France, elle, a choisi la notion d'« effort structurel », et le rapporteur général propose de prendre en compte une hypothèse de croissance potentielle. En outre, les Allemands ont mis en place un compte de contrôle. Pourquoi ne pas adopter le même mécanisme ? Nous sommes vraiment assez loin d'une règle d'or. Nous risquons surtout d'avoir une règle de plomb.
Je loue l'ingéniosité et la capacité d'innovation de nos co-rapporteurs, mais je voudrais bien mesurer la faisabilité de leur proposition, qui confère à la commission des finances une nouvelle charge de travail. A-t-on évalué le nombre de textes supplémentaires qu'aurait cette année imposé d'examiner le double dépôt de projets de loi ?
Monsieur Dassault, pour moi, l'équilibre, c'est l'équilibre, c'est « zéro » ! N'ouvrons pas ce débat.
Dans le texte de l'Assemblée nationale, il faudrait supprimer, à l'article 12, les mots « A la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire ».
Cela donnerait plus de crédibilité à ce débat et à ce vote, et nous permettrait de nous concentrer davantage sur le contenu du projet.
Tout en saluant moi aussi l'effort d'imagination de nos rapporteurs, je m'interroge sur ce qui en résulterait pour l'organisation de nos travaux en séance. Cette loi de finances rectificative serait discutée tout de suite après le vote du texte sectoriel. C'est un peu compliqué. Comment cela se passera-t-il en séance ?
Un gouvernement mis en place après une élection a envie de faire une loi de programmation, comme on l'a fait pour la défense, la sécurité ou la justice. Comment s'articulera-t-elle avec la loi-cadre d'équilibre des finances publiques ? D'autre part, il faudrait faire un sort particulier aux prélèvements obligatoires concernant les collectivités territoriales ; le texte présenté est trop général.
Il faut garder à l'esprit la situation de nos finances publiques et s'interroger sur les sanctions encourues par la France. Bien sûr, nous voulons tous exercer nos prérogatives parlementaires ; il faut pourtant se rappeler que nous avons voté un déficit de 92 milliards pour l'État, et de 30 milliards pour la sécurité sociale. La souveraineté d'un État endetté n'est plus grand-chose quand il ne peut plus faire appel au marché, et la notion de frein à la dette s'impose dans toute l'Europe. Au parlement allemand on ne dit plus déficit, mais augmentation de la dette publique, ce qui est plus parlant.
L'équilibre, monsieur Dassault, c'est celui des recettes et des dépenses. Pour la première fois - c'est historique ! - le Gouvernement veut s'imposer un « article 40 », avec un plafond de dépenses et un plancher de mesures nouvelles en recettes. Lorsqu'on fait coïncider loi de programmation pluriannuelle et programme de stabilité, on est sur le bon chemin. On peut diminuer la dette en se fixant une trajectoire. A faire une programmation pluriannuelle avec une prévision optimiste - même le parti socialiste reprend le chiffre de 2,5 % -, on s'interdit de freiner la dette...
Monsieur Bourdin, qu'aurait donné notre proposition en 2010 ? D'abord nous aurions peut-être pu faire moins de lois en 2010... Ensuite, le Gouvernement se serait interdit d'inscrire dans ces lois de nouvelles dépenses, sauf à prévoir de les compenser par ailleurs. C'est vraiment d'une rupture, d'une saine rupture dans les comportements qu'il s'agit. Reconnaissons que la plupart des propositions de lois déposées au Sénat sont irrecevables au regard de l'article 40. On ne peut pas continuer ainsi, avec une pratique qui confine à l'irresponsabilité.
Quant au solde structurel, ce n'est pas une notion plus simple ou plus claire que celles de dépenses et de recettes. Il faut tenir compte du produit intérieur brut potentiel, d'un potentiel proche de la réalité. Et, lorsqu'on retient une estimation très élevée de ce PIB potentiel, quelles conséquences en tire-t-on pour le solde structurel ? C'est pourquoi la commission Camdessus a préféré un indicateur un peu plus robuste.
Croyez-vous vraiment que l'on va tirer les conséquences de ce projet de loi ?
Chacun prendra ses responsabilités. Il me paraît plus simple de décider comment on finance les dépenses supplémentaires et à quelles recettes renoncer pour revenir à l'équilibre des finances publiques.
Il y a trois approches possibles : nominale, en termes de solde structurel, ou en termes d'effort structurel. La première peut séduire, elle est la plus simple, mais les chiffres mélangent données conjoncturelles et non conjoncturelles. Et il faut tenir compte de la phase du cycle : ce n'est pas parce que l'on traverse une période de forte croissance que l'on doit oublier la vertu. Cette première solution ne peut donc être retenue. La deuxième, à l'allemande, fonctionne ... en Allemagne, dans un pays où l'on respecte les économistes, où les hypothèses sur lesquelles les lois de finances initiales sont bâties résultent mécaniquement du consensus des économistes - il faut tenir compte des données culturelles !
Reste la troisième approche, celle qu'ont adoptée le Gouvernement et l'Assemblée nationale, et, avant eux, le groupe de travail Camdessus et nous-mêmes. Elle conserve la possibilité de mesures discrétionnaires, préserve la liberté de décider des recettes ou des dépenses nouvelles. La responsabilité politique demeure.
Ne nous cachons pas qu'une règle, quelle qu'elle soit, n'exonère pas de la prudence - en l'occurrence, elle ne sera utile que si l'on retient des hypothèses macro-économiques prudentes. Les extraits que Mme Bricq a lus coïncident avec nos appréciations.
Oui, nous convergeons sur certains sujets.
Nous avons eu un exemple de la méthode préconisée par la commission des lois dans le passé. La loi sur la réforme des retraites a été votée, puis les conséquences financières en ont été tirées en loi de financement et loi de finances. Mais, à nos yeux, il eût été préférable d'examiner l'ensemble dans une même séquence temporelle.
Quant à la procédure, la loi organique et les règlements des Assemblées en préciseront les modalités. Une discussion générale commune s'impose, je crois : du reste, la Conférence des présidents peut toujours la décider, cette organisation est facile à mettre en oeuvre, même si, ne l'oublions jamais, le diable se niche parfois dans les détails...
M. Badré s'interroge sur les conditions de mise en oeuvre de la résolution : si un débat est organisé à la demande d'un groupe ou du Gouvernement, il aura bien lieu, systématiquement ! Je précise à M. Fourcade que, bien sûr, les lois sectorielles devront elles aussi respecter la loi-cadre. Cela se pratique déjà, du reste : la Loppsi II a été rectifiée pour tenir compte de la loi de programmation des finances publiques. La Constitution prévoyant une primauté d'examen pour le Sénat sur les textes concernant l'organisation des collectivités locales, il faudra préciser que le nouveau dispositif respecte cette disposition de l'article 39 de la Constitution. Est-ce une redondance ? Elle me semble utile, elle est une garantie de paix et de sérénité pour les commissions du Sénat.
Auparavant, chaque ministre faisait sa loi de programmation, et l'on se gardait bien de consolider les textes, afin que le total, irréaliste, insoutenable, n'apparaisse pas. Nous marchons donc dans la bonne direction. Certes, le travail parlementaire deviendra moins ludique, plus contraignant pour les ministres, mais c'est que le pays est en quasi-redressement judiciaire ! N'oublions pas que passé un certain stade, les décisions sont prises par le FMI, l'Union européenne et les prêteurs, mais plus par les autorités politiques du pays...
Sur le compte de contrôle, Mme Bricq trouvera dans le rapport écrit une analyse de ce qui devrait figurer dans la loi organique. Les dérapages, ou les écarts, devront être compensés dans la plus prochaine loi de finances ou de financement qui suit. La correction, a déclaré le ministre du budget, passera par le compte de contrôle, comme en Allemagne. La méthode sera aussi rigoureuse qu'outre-Rhin.
La règle européenne qui pose une limite (3 % du PIB pour le déficit et 60 % pour la dette) n'est pas respectée...
Nous affrontons un risque de dette perpétuelle. C'est bien pour cela qu'il nous faut nous imposer une règle. Le couteau, qui peut être l'instrument d'un crime, sert à préparer le repas familial...
Le système proposé est intéressant. Mais qu'adviendra-t-il si les mesures de financement d'une loi sectorielle ne sont pas votées en loi de finances ou de financement de la sécurité sociale ?
Mais une loi qui ne reçoit pas le feu vert de la loi financière devient-elle sans objet, tombe-t-elle, est-elle promulguée ou non ?
Les mesures assorties de financements s'appliquent, les autres resteront en carafe !
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement n° 1 tend à lever toute ambiguïté sur la règle d'équilibre : le contrôle du Conseil constitutionnel portera uniquement sur le montant des dépenses et le montant des mesures nouvelles en recettes.
La charge de la dette n'est pas comprise dans la notion d'administration publique : modifions l'intitulé.
L'Etat est une administration publique. La charge de sa dette est bien prise en compte dans ses dépenses.
Ce débat a eu lieu à l'Assemblée nationale, nous y reviendrons en séance publique. La durée pose problème...
Non, c'est un amendement purement politique. Une élection présidentielle interviendra l'an prochain, une nouvelle législature de cinq ans s'ouvrira, peut-être avec un contrat de législature.
Au sein du groupe de travail Camdessus, il y avait consensus sur cette orientation.
Avant M. Camdessus, il y a eu M. Pébereau, relisez ce qu'il a écrit. Et que n'avez-vous édicté cette règle en 2007 !
Vous avez le problème inverse : votre mémoire flanche.
L'amendement n° 1 est adopté.
Article additionnel après l'article 2
La concomitance entre un projet de loi qui nécessite pour son application des mesures relatives aux prélèvements obligatoires et un projet de loi de finances ou de financement me paraît souhaitable : tel est l'objet de l'amendement n° 2.
La concomitance permet une vision globale. Le Gouvernement devra consolider PLF et PLFSS.
Article 2 bis
Article 9
Les conséquences d'une non-conformité prononcée par le Conseil constitutionnel doivent être définies quelque part, notre quatrième amendement tend à prévoir que la loi organique y pourvoit.
Sinon, c'est Standard & Poor's qui s'en chargera.
L'amendement n° 4 est adopté.
Article 9 bis
L'amendement de coordination n° 5 est adopté.
Article 12
Ce que le projet de loi prévoit pour le vote sur le programme de stabilité est insuffisant, car le Parlement ne pourra pas exprimer une position nuancée. Il doit pouvoir assortir son vote de considérants et de voeux : la résolution est mieux adaptée. C'est le sens de notre amendement n° 6. Comme pour les résolutions de l'article 88-4, les conditions d'élaboration relèvent du Règlement de chaque Assemblée.
Je n'approuve pas cet amendement de commodité, certes utile pour un groupe politique...
Si un programme de stabilité est sérieux, il engage la France sur une trajectoire des finances publiques, alors qu'une proposition de résolution n'est pas contraignante. Le vote du Parlement doit exprimer un choix clair : on est pour ou contre la programmation de nos finances publiques.
Pour M. Trichet, l'Union européenne gagnerait à se doter d'un ministre des finances. Un ministre sans budget ! Quoi qu'il en soit, l'envoi du programme et le retour du document dûment tamponné par la Commission appellent un débat au Parlement, sinon, c'est un abandon de souveraineté des parlements nationaux.
Mais non ! Faculté est donnée aux commissions permanentes de présenter une proposition de résolution !
Article 13
L'amendement de coordination n° 7 est adopté.
La loi constitutionnelle vise à la disparition du déficit budgétaire. Et la dette : fait-elle partie de l'objectif ?
Nous avons suffisamment d'indicateurs. Et nous nous fixons un cadre soutenable, un objectif que nous pouvons tenir !
Si, les 3 % et les 60 % s'imposent à nous, mais ils sont dans le traité !
La rédaction de la loi constitutionnelle est une invite à nous projeter dans l'avenir. C'est un instrument de lucidité.
La commission donne un avis favorable au projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle soumet au Sénat, les groupes socialistes et CRC-SPG votant contre.
Présidence de M. Jean Arthuis, président -