Intervention de Nicole Bricq

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 juin 2011 : 1ère réunion
Contrôle budgétaire de la fonction immobilière de l'etat en europe — Communication

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, rapporteure spéciale :

J'ai cherché à comparer l'organisation française de la gestion du parc immobilier de l'Etat avec celle de plusieurs autres pays européens. Pour mener cette étude de la « fonction immobilière » de l'Etat, je me suis rendue en Espagne, en Italie et en Suède, où j'ai rencontré les gestionnaires concernés, et j'ai pris l'attache de Detlev Hamman, sous-directeur au ministère fédéral des finances allemand. En outre, l'Inspection générale des finances (IGF) et le conseil de l'immobilier de l'Etat (CIE) m'ont communiqué leurs rapports respectifs traitant de ce thème. Pour la présentation de ces travaux, j'ai auditionné Philippe Dumas, inspecteur général des finances, et Jean-Pierre Lourdin, alors secrétaire général du CIE.

Ma communication sera l'occasion de dresser un bilan de notre politique en la matière. À cet effet, j'ai également auditionné Daniel Dubost, chef du service France Domaine.

Aujourd'hui, tous les Etats européens, confrontés à la contrainte qui pèse sur les finances publiques, ont mis en place une gestion active de leur patrimoine immobilier. Après avoir, souvent, négligé peu ou prou celui-ci, ils l'ont envisagé comme un actif mobilisable, dans la perspective de réduire les déficits. Bien sûr, le mouvement s'est enclenché plus ou moins tôt, d'un pays à l'autre par exemple, en Suède, dès 1993 et la réorganisation a été plus ou moins poussée.

Suivant une logique d'ordre quantitatif, les Etats ont d'abord procédé à la vente des immeubles recensés comme inutiles, source de recettes et, à la fois, d'économies des coûts d'occupation. L'Italie, en ce domaine, a en outre réalisé des opérations de titrisation : des immeubles de l'Etat ont été cédés à des sociétés « véhicules », lesquelles, à partir de cet actif, ont émis des obligations, à hauteur de 8 milliards d'euros à ce jour. La formule a présenté l'avantage de dégager très rapidement les recettes attendues de la cession des immeubles, mais il s'agit d'une stratégie budgétaire de court terme. Par ailleurs, sur le fondement d'une loi de juillet 2010, la République italienne s'est engagée dans un vaste processus de dévolution aux collectivités territoriales d'une partie du patrimoine immobilier de l'Etat. Près de 19 000 biens, évalués à 3,2 milliards d'euros au total, doivent ainsi être transférés, sous réserve de l'accord des collectivités ; à défaut, ces immeubles seront mis en vente.

Cependant, la politique immobilière d'un Etat ne peut se limiter à un programme de cessions. De fait, les Etats européens ont rapidement ajouté une démarche qualitative à leur approche quantitative initiale : ils ont entrepris de rationaliser et de valoriser leur parc immobilier. Or cette démarche supposait une meilleure connaissance des immeubles en cause ; elle imposait donc de développer les outils de cette connaissance, ainsi que la professionnalisation de la gestion.

À ce point de l'exposé, il est utile de procéder à quelques rappels sur la situation française.

Notre politique immobilière de l'Etat, en tant que telle, est encore récente. Longtemps, cette gestion s'est trouvée dépourvue de stratégie. Ce n'est qu'à partir de 2005, d'ailleurs sous l'impulsion des travaux du Parlement, que le Gouvernement a mis en place, progressivement, les règles et les outils d'une véritable gestion.

Ainsi, en 2005, le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » a été créé pour retracer, en recettes, les produits des cessions immobilières de l'Etat et, en dépenses, la part de ces produits consacrée à des investissements immobiliers et au désendettement de l'Etat. Cette création a été accompagnée d'une politique de cessions dynamique : depuis 2005, plus de 3,6 milliards d'euros de produits ont été encaissés par l'Etat, dont plus de 500 millions en 2010. Sur ce total, plus de 500 millions d'euros ont été affectés au désendettement, soit 13,9 % contribution modeste...

Les « loyers budgétaires » ont été introduits, de façon expérimentale, dès 2006, puis généralisés peu à peu, de sorte que le dispositif couvre tous les immeubles de l'Etat depuis 2010. Le montant de ces loyers est représentatif du coût d'occupation domaniale des ministères, auxquels il s'agit ainsi d'en faire prendre conscience. Au total, ces loyers correspondent à 1,2 milliard d'euros dans la loi de finances pour 2011.

Les « schémas prévisionnels de stratégie immobilière » (SPSI) ont été mis en place à partir de 2006, afin de décrire l'état du parc immobilier des administrations et de fixer les orientations de sa gestion sur plusieurs années. Ces documents ont été étendus, en 2007, à l'ensemble des administrations centrales soit 11 schémas et, en 2009, à l'ensemble des administrations déconcentrées soit 97 schémas. Ils se trouvent également en cours de finalisation pour les opérateurs de l'Etat, comme j'y reviendrai.

On peut encore mentionner la détermination de normes d'occupation, notamment le ratio rapportant la surface utile nette au poste de travail, fixé par le Gouvernement à 12 mètres carrés par agent. Au 1er janvier 2010, le ratio effectif s'établissait à 17,7 mètres carrés par agent, le prochain calcul devant être effectué au 1er janvier 2012.

Au demeurant, certaines mesures pourtant fondamentales pour la gestion du parc immobilier de l'Etat s'avèrent encore très récentes, voire embryonnaires.

Par exemple, ce n'est qu'en 2009 qu'un programme budgétaire spécifiquement dédié à l'entretien des bâtiments de l'Etat est entré en vigueur. Ce programme, logé au sein de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », est géré par le ministère chargé du budget et doté de crédits prélevés sur les différents programmes des autres ministères. Il permet de « sanctuariser », non tous les budgets d'entretien immobilier, mais une partie des dépenses requises : la dotation a été inscrite à hauteur de 215 millions d'euros dans la loi de finances pour 2011. C'est, évidemment, très insuffisant à l'aune des besoins issus du Grenelle de l'environnement...

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