Intervention de Luc Guyau

Commission des affaires économiques — Réunion du 6 février 2008 : 1ère réunion
Agriculture — Audition de luc guyau président de l'assemblée permanente des chambres d'agriculture apca

Luc Guyau, président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture :

En réponse à ces interventions, M. Luc Guyau a notamment apporté les précisions suivantes :

- il est exact que les agriculteurs n'ont pas bénéficié cette année de la flambée des prix des céréales, en raison du développement, qui devrait continuer malgré la conjoncture positive, des ventes contractualisées à terme ;

- la hausse des prix céréaliers a, par ailleurs, d'importantes conséquences pour les producteurs de viandes blanches. Les producteurs de volailles ont pu répercuter une partie de la hausse de leurs coûts de production sur les distributeurs, mais non les producteurs de porc, qui risquent de connaître une situation très difficile, ainsi que les producteurs de viande de lapin -production importante dans certaines régions- dont le prix de vente à la consommation, déjà élevé, ne pourra être augmenté. Si le prix des céréales devait se maintenir à un niveau aussi élevé, il faudrait sans doute envisager, comme cela avait été fait au moment de l'arrivée sur le marché d'aliments de substitution dans l'entre-deux-guerres, de recourir à des mécanismes de mutualisation et de solidarité permettant de faire baisser le prix des céréales incorporées dans l'alimentation du bétail, sauf à courir le risque de la disparition de beaucoup d'exploitations ;

- la production européenne d'éthanol ne peut certainement pas rivaliser avec la production brésilienne, mais il est important de tenir les engagements qui ont été pris vis-à-vis de l'industrie, d'une part parce que l'on ne passera pas à la deuxième ou troisième génération de biocarburants sans investissements industriels et, d'autre part, parce qu'il faut pouvoir satisfaire aux exigences d'incorporation d'éthanol dans l'essence fixées en France et en Europe sans être dépendant des importations. Rappelant qu'il y a moins d'un siècle un quart de la production agricole était consacré à des besoins énergétiques -à travers, par exemple, la traction animale-, M. Luc Guyau a souligné que le développement des usages énergétiques des huiles végétales dépendait aussi de l'évolution des prix du marché ;

- il convient effectivement de déployer des efforts de communication importants, à tous les niveaux, pour expliquer à l'opinion publique les rapports entre agriculture et environnement. L'APCA a créé, il y a quatre ans, une chaîne de télévision intitulée « Terre d'information », qui diffuse chaque année pendant deux mois des informations et des débats au moment du Salon de l'agriculture. Cette chaîne, dont les émissions seront reprises cette année sur Canal Sat, Free, Orange et la TNT Ile-de-France, est appelée à devenir une « télévision événementielle », qui permettra de s'adresser également au public lors d'autres manifestations, comme le Salon de l'alimentation. Mais il faut aussi que les médias ne déforment pas la réalité, comme cela s'est produit récemment, les journaux télévisés ayant annoncé que toute la Vendée était polluée, alors qu'un seul bassin versant était concerné par un problème de qualité de l'eau ;

- la meilleure façon de sécuriser le revenu des agriculteurs est de leur assurer des prix rémunérateurs, mais il est très important de sauvegarder les mécanismes régulateurs de la PAC, même si les institutions communautaires ne semblent pas prêtes à renforcer ces derniers au moyen d'une baisse des primes ;

- l'Europe ne dispose plus de l'instrument de « préférence communautaire ». Aussi il faut inventer des dispositifs alternatifs jouant le rôle de filtres régulateurs, tels que des exigences accrues sur les importations en termes de qualité sanitaire et de protection environnementale ;

- l'OMC compte aujourd'hui plus de 150 membres, contre 49 il y a une quinzaine d'années, et les décisions sont prises à l'unanimité. On a certainement besoin de certaines normes au niveau international, même si 11 % seulement de la production agricole mondiale est consommée en-dehors du pays de production. Cependant, il faut éviter tout accord règlementant les produits agricoles comme les produits manufacturés ;

- les quotas laitiers ont eu le mérite de maintenir la production laitière sur l'ensemble du territoire et il ne sert à rien de les supprimer progressivement tant qu'il n'y aura pas assez de vaches pour augmenter la production : il en faudrait en France 100.000 de plus pour produire le million de tonnes de lait qui manque pour remplir les quotas, sachant qu'il faut trois ans pour produire une vache laitière. Par ailleurs, compte tenu des contraintes qu'elle comporte, la production laitière ne se développera sans doute pas au niveau des exploitations individuelles, mais plutôt dans des structures sociétaires ;

- les jachères peuvent représenter un mécanisme de régulation potentielle et ont aussi fonctionné comme un moyen de reconnaissance environnementale de l'agriculture, avec le développement, par exemple, des jachères faunistiques et floristiques. Il faut, en outre, savoir que la suppression des jachères sur 10 % de la superficie ne se traduira pas par une augmentation de 10 % de la production, car ce ne sont évidemment pas les meilleures terres qui ont été « gelées » ;

- la diminution du nombre d'agriculteurs est préoccupante dans certaines régions où le seuil d'activité et la vie sociale ne sont plus à des niveaux suffisants pour les retenir. Cependant, on constate aussi que rentrent dans le métier de plus en plus de jeunes qui ne sont pas issus du milieu agricole : l'amélioration des revenus agricoles et la perception qu'a la société de l'agriculture sont en fait deux éléments essentiels pour favoriser l'installation des jeunes et le renouvellement des générations ;

- il serait normal que la hausse des petites retraites, annoncée récemment par le Gouvernement, bénéficie aux retraites agricoles.

S'agissant de l'examen au Sénat du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés dont le Sénat est saisi, M. Luc Guyau a tout d'abord rendu hommage au travail accompli, depuis plusieurs années, par la Haute assemblée sur ce dossier.

Il s'est félicité que le législateur soit appelé à intervenir, relevant toutefois que l'évolution du dossier des OGM dépendrait aussi des exigences européennes et de la mise en jeu de la clause de sauvegarde.

Relevant que les OGM ne constituaient pas à ses yeux « la solution », mais une parmi la panoplie de celles qui pourraient contribuer à adapter la production au développement de la demande, il a estimé essentiel de maintenir l'effort de recherche, y compris au niveau de la recherche fondamentale, pour ne pas devenir dépendant de la production étrangère de semences. Il a par ailleurs souligné que la recherche ne pourrait pas être conduite seulement en milieu confiné.

Il a enfin approuvé les positions prises par la commission pour organiser de manière réaliste la liberté de production ou de consommer avec ou sans OGM, et assurer à la fois la transparence de l'information sur ce sujet et la coexistence des différents types de cultures.

Il a enfin observé que l'interdiction éventuelle de produire en 2008 du maïs génétiquement modifié n'aurait pas de conséquence au niveau national, même si elle obligeait certains producteurs à produire du maïs en utilisant plus de produits phytosanitaires, mais qu'il était essentiel qu'elle ne se traduise pas par une interruption de la recherche cette année.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion