Intervention de Henri Pézerat

Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante — Réunion du 2 mars 2005 : 1ère réunion
Audition de M. Henri Pézerat toxicologue directeur de recherche honoraire au centre national de la recherche scientifique cnrs

Henri Pézerat, toxicologue, directeur de recherche honoraire au Centre national de la recherche scientifique (CNRS :

La mission a ensuite entendu M. Henri Pézerat, toxicologue, directeur de recherche honoraire au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

a d'abord retracé à grands traits les étapes de la prise de conscience de la contamination par l'amiante à l'université de Jussieu. Il a indiqué que c'était en 1975 que l'intersyndicale représentant l'ensemble des personnels travaillant à l'université de Jussieu, qui s'occupait des problèmes de sécurité, nombreux sur ce campus pourtant récent, puisqu'il avait été construit en 1966, avait abordé le problème de la poussière d'amiante qui provenait des faux-plafonds détériorés. Il a précisé qu'à l'époque, grâce, notamment, aux travaux du Pr Jean Bignon, la communauté scientifique savait que l'amiante était cancérogène. La présence de poussière d'amiante à Jussieu n'a donc pas manqué de provoquer la stupeur parmi les personnels scientifiques de l'université qui ont pris la mesure de la gravité du problème. Il a ainsi indiqué que la « première affaire » de l'amiante était apparue au cours des années 1975 à 1980, période pendant laquelle l'amiante avait été confiné dans les salles du rez-de-chaussée, alors qu'aucune mesure de sécurité n'avait été prise dans les étages. Il a noté que l'intérêt pour cette affaire avait ensuite quasiment disparu jusqu'à la « deuxième affaire », en 1993.

a ensuite exposé les raisons du silence prolongé sur l'amiante entre 1980 et le milieu des années 1990. Il a indiqué qu'un décret de 1977 avait prévu un certain nombre de mesures de prévention en faveur des salariés exposés à l'amiante et que leurs syndicats avaient alors simplement demandé l'application effective de ces mesures. Il a estimé que la peur de la perte de l'emploi avait beaucoup joué chez les salariés et que les universitaires s'étaient alors retrouvés isolés.

Il a par ailleurs présenté à la mission des graphiques, dont la courbe des importations de l'amiante en France, qui ont atteint un pic en 1975, ce qui, selon lui, illustre les effets de la dénonciation des dangers de l'amiante sur la réduction des importations. Il a ensuite indiqué, sur la base de la courbe des maladies professionnelles dues à l'amiante, qui seraient toutefois inférieures à la réalité, que ces graphiques illustraient parfaitement le décalage de 20 à 30 ans entre l'exposition à l'amiante et l'apparition des premiers signes de la maladie.

a ensuite abordé le contexte de la « deuxième affaire » de l'amiante à Jussieu, apparue en 1993. Il a indiqué avoir eu personnellement connaissance du nombre de cas de mésothéliomes qui avaient augmenté régulièrement en France, jusqu'à provoquer environ 900 décès par an en 1991 et 1992. Il a ajouté que, s'inspirant des travaux du Pr Peto en Grande-Bretagne, l'un des plus grands spécialistes des pathologies liées à l'amiante, il avait infléchi son activité scientifique, passant d'une discipline physico-chimique à la toxico-chimie, qui tend à expliquer l'apparition des pathologies à partir des poussières minérales. Il a fait observer que l'équipe qu'il dirigeait alors avait été la première à prouver que l'amiante engendrait des radicaux oxygénés très agressifs et que ce matériau était à l'origine d'une agression oxydante. Ces travaux ont ainsi réaffirmé le caractère toxique de l'amiante et ont permis de montrer pourquoi tel type de cancer apparaissait dans un environnement professionnel déterminé. Participant à de très nombreux congrès scientifiques sur ce sujet et étant à l'origine de nombreuses publications, il a indiqué avoir constamment tiré la sonnette d'alarme sur les dangers de l'amiante.

a regretté que l'affaire de l'amiante n'ait pas conduit à une meilleure réparation des maladies professionnelles dues aux autres dérivés de l'amiante. Il a indiqué qu'aujourd'hui plus de 6.000 cas de maladies professionnelles reconnues chaque année étaient dus à l'amiante, dont de 1.400 à 1.500 cas de cancer.

Il a également déploré le faible développement de la prévention et a affirmé que de nombreuses sociétés de contrôle effectuaient des diagnostics rapides dans des conditions discutables, cette précipitation résultant, selon lui, de la médiatisation de l'affaire de l'amiante. Il a mis en évidence l'absence de contrôle de la législation, pourtant très détaillée, sur l'amiante relevé sur les immeubles et s'est inquiété de « l'énorme déficit » de contrôles et de sanctions pour absence de respect de cette législation en milieu professionnel et dans l'environnement.

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