auteur de la proposition de loi sur les délits non intentionnels, dont les effets sur la mise en jeu des responsabilités dans le dossier de l'amiante avaient fait l'objet d'un débat lors de l'audition du professeur Henri Got, a exprimé le souhait de pouvoir expliquer ultérieurement les enjeux de l'application de cette loi au cas spécifique de l'amiante, lors d'une brève communication devant la mission, ce que le président a volontiers accepté.
La mission a ensuite procédé à l'audition du Dr Ellen Imbernon, responsable du département santé-travail à l'Institut de veille sanitaire (InVS), et du Pr Marcel Goldberg, directeur de l'unité santé publique et épidémiologie sociale et économique de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), conseiller scientifique à l'InVS.
En tant que médecin épidémiologiste spécialisé dans les risques professionnels, Mme Imbernon a indiqué qu'elle travaillait principalement à l'élaboration de programmes permettant d'évaluer les effets de l'amiante sur la santé des populations.
Elle a estimé que les évaluations précédemment réalisées, notamment par l'INSERM, pour les plus récentes, permettaient d'établir des projections fiables pour les trente prochaines années.
Concernant les mésothéliomes pleuraux, elle a distingué la population masculine, touchée à raison de 900 cas par an, 90 % étant d'origine professionnelle, et la population féminine, dont la probabilité de développer ce type de cancer est estimée à 250 cas par an, qui résulteraient dans une moindre mesure d'une exposition à l'amiante.
Si elle a reconnu que les experts n'avaient pas encore précisément déterminé les raisons de cet écart, elle a évoqué différentes pistes et notamment la recherche d'autres facteurs de risques -professionnels ou non- pouvant être à l'origine du développement des mésothéliomes.
Concernant les cancers du poumon consécutifs à une exposition à l'amiante en milieu professionnel, elle a indiqué que le nombre de cas estimés était compris entre 2.000 et 3.000 par an. S'agissant des plaques pleurales, elle a reconnu ne pas disposer d'estimations fiables à ce jour.
Précisant que l'origine du développement de ces maladies remontait à des périodes d'exposition relativement anciennes, elle a insisté sur la grande diversité des secteurs d'activité concernés, les salariés touchés travaillant, ou ayant travaillé, bien entendu, dans les usines de transformation de l'amiante, mais également dans tous les secteurs professionnels comportant la mise en place de protections calorifiques, tels que le bâtiment et les travaux publics, la chimie, la construction ou les industries électriques.
A cet égard, elle a estimé qu'il fallait porter une attention toute particulière aux salariés exposés de façon « passive » à l'amiante, tout particulièrement ceux qui travaillaient dans des locaux floqués, puisque le risque de développer des cancers dus à l'amiante était encore, pour eux, sous-évalué.
Elle a souhaité que l'étude en cours, menée sur le personnel du campus de Jussieu, permette de fournir des informations plus précises sur ce sujet.
Confirmant les chiffres avancés par sa collègue, le Pr Marcel Goldberg a indiqué que les différentes études réalisées par des organismes indépendants et disposant de méthodes fiables permettaient d'avancer le chiffre de 50 à 100.000 décès dus à l'amiante pour les 20 années à venir, imputables, pour les deux tiers, à des mésothéliomes et, pour un tiers, à des cancers du poumon.
Il a rappelé, compte tenu du temps de latence relativement long, trente ans environ entre la période d'exposition et le développement du cancer, que le nombre de décès pour les trente prochaines années était prévisible. Il a cependant souligné le retard pris par la France pour mettre en place des mesures de prévention efficaces, trente ans après les Etats-Unis où l'on peut d'ores et déjà observer une baisse du nombre de décès par mésothéliomes.
Il a insisté, par ailleurs, sur le fait qu'après 2030, la mortalité due aux cancers provoqués par l'amiante dépendrait de la qualité des mesures de prévention mises en oeuvre aujourd'hui.
Soulignant qu'en France, les populations qui avaient fait l'objet d'observations étaient principalement les travailleurs exposés professionnellement à des concentrations élevées de fibres d'amiante, il a indiqué que le champ d'investigation avait progressivement été, d'une part, étendu de l'industrie de production ou de transformation de l'amiante vers les secteurs utilisateurs des produits contenant ce matériau, au nombre desquels le secteur du bâtiment pouvait être considéré comme un des plus touchés, et, d'autre part, élargi aux risques environnementaux « naturels », résultant par exemple des gisements situés en Corse.
Confirmant les propos du Dr Imbernon, il a insisté sur la nécessité d'évaluer aujourd'hui les risques encourus par les populations vivant et travaillant dans des bâtiments contenant de l'amiante, précisant que si les effets de ces expositions sur la santé s'avéraient importants, il faudrait alors largement revoir les chiffres, tant en ce qui concerne l'estimation du nombre de décès que les catégories de populations touchées par les pathologies dues à l'amiante.
La plupart des immeubles bâtis contenant de l'amiante datant, à l'instar du campus de Jussieu, des années 60 et 70, il a indiqué que les conséquences sur la santé de ces populations sont susceptibles d'apparaître dans les prochaines années, compte tenu du délai d'incubation de la maladie.
Il a conclu en soulignant les lacunes de notre pays en termes d'indemnisation professionnelle des victimes, notamment du fait de l'absence de reconnaissance de l'origine professionnelle de leurs pathologies et d'une forte disparité territoriale quant à leur prise en charge par la sécurité sociale.
Un large débat s'est ensuite instauré.
a souhaité savoir qui avait en charge, en France, l'évaluation des risques pesant sur la santé publique et l'alerte des pouvoirs publics, avant la mise en place en 1998 de l'Institut de veille sanitaire. Il s'est interrogé sur les causes du retard constaté entre la connaissance de la toxicité de l'amiante et son interdiction en 1997.
Il a enfin demandé si les risques professionnels et environnementaux étaient mieux pris en compte en France depuis 1998.
Sur le premier point, le Dr Ellen Imbernon a indiqué que la mise en place de l'Institut de veille sanitaire en 1998 répondait précisément à l'absence d'organisme indépendant chargé de surveiller l'état de santé de l'ensemble de la population et d'alerter les pouvoirs publics.
Elle a rappelé que le « Réseau national de santé publique », qui existait avant la mise en place de l'InVS, consacrait l'essentiel de ses travaux aux maladies infectieuses, sujet de préoccupation principal des pouvoirs publics à l'époque, et que l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS), constitué sous la forme d'une association de la loi de 1901 et doté d'un conseil d'administration paritaire, ne s'était jamais réellement saisi du problème de l'amiante.
Complétant les propos de sa collègue, le Pr Marcel Goldberg a souligné que l'INRS était un organisme privé et n'avait jamais eu pour mission d'alerter les pouvoirs publics, mais que les organismes qui avaient reçu délégation de compétence pour ce faire, à savoir le Conseil supérieur de la prévention des maladies professionnelles et le Comité d'hygiène publique de France, étaient restés inactifs, comme le prouve l'absence d'étude française sur la prévention de l'amiante jusqu'en 1996.
S'agissant de l'évolution de la prise en compte des risques professionnels et environnementaux en France depuis 1998, le Dr Ellen Imbernon a considéré que, même si beaucoup restait encore à faire, on pouvait néanmoins parler de progrès, l'affaire de l'amiante ayant agi comme un déclencheur.
Elle a estimé que la mise en place d'un département de santé-travail au sein de l'InVS, novation institutionnelle, reflétait une prise de conscience à cet égard.
S'agissant du retard pris par la France pour interdire l'amiante, alors même que les pouvoirs publics ne pouvaient ignorer les études étrangères sur la toxicité du produit, il lui a semblé que celui-ci était largement imputable à des problèmes institutionnels, aucune collaboration n'existant en France entre les autorités publiques en charge du travail et celles en charge de la santé, sous réserve de la création d'un petit bureau chargé de la santé à la direction des relations du travail. La direction générale de la santé ne dispose par ailleurs d'aucun département spécifique chargé de suivre les pathologies professionnelles.
a ensuite souhaité savoir si on pouvait estimer que les salariés étaient aujourd'hui suffisamment protégés contre les risques dus à l'amiante résiduel.
Indiquant que les mesures mises en oeuvre dans les entreprises devaient garantir l'information des salariés exposés, le Dr Ellen Imbernon a néanmoins reconnu que, lorsqu'on les interroge, la plupart ignorent le risque auquel ils sont soumis.
Elle a ensuite déploré qu'en dépit d'une réglementation très stricte imposée aux entreprises spécialisées dans le désamiantage, les enquêtes réalisées notamment par l'INRS révélaient que les procédures étaient loin d'être respectées.
s'est interrogé sur les risques induits par les matériaux de remplacement de l'amiante, en particulier les fibres céramiques réfractaires.
Le Pr Marcel Goldberg a indiqué qu'il fallait distinguer les matériaux en fonction des produits qu'ils étaient destinés à remplacer : si on peut aisément substituer à l'amiante-ciment des matières dont l'absence de toxicité est prouvée, en revanche, le remplacement de l'amiante utilisée pour l'isolation thermique et le calorifugeage est beaucoup plus problématique.
Il a estimé que les dangers présentés par les fibres céramiques réfractaires, qui ne relèvent pas de la même problématique que celle de l'amiante, devaient être appréhendés comme ceux d'autres produits cancérigènes utilisés dans l'industrie, tels que l'arsenic, le chrome, le benzène ou les substances ionisantes et appelaient des précautions particulières quant à leur utilisation.
Le rapporteur a ensuite soulevé le problème spécifique des mésothéliomes et de leur prise en charge insuffisante au titre des maladies professionnelles.
Confirmant l'insuffisante prise en compte de ces cancers dans notre pays, le Dr Ellen Imbernon a néanmoins souhaité fournir des éléments de comparaison avec d'autre pathologies, indiquant, par exemple, que la prise en charge des cancers de la vessie était encore plus déficiente, moins de 10 cas étant traités annuellement en tant que maladie professionnelle, alors que des études sérieuses évaluent de 400 à 500 cas le nombre de ces cancers d'origine professionnelle.
Si elle a indiqué qu'on pouvait, dans une certaine mesure, imputer cette sous-évaluation à l'attitude des médecins traitants, qui n'ont bénéficié d'aucune formation pour rechercher les maladies professionnelles, elle a néanmoins estimé que la principale explication tenait au fait que la responsabilité de la déclaration auprès de la caisse d'assurance maladie incombe au patient.
A l'instar des troubles musculo-squelettiques, que la plupart des personnes atteintes refusent de déclarer en maladie professionnelle de peur de perdre leur emploi, le défaut de déclaration des mésothéliomes lui a semblé constituer l'origine principale de leur sous-réparation. Elle a ajouté que l'autonomie des caisses d'assurance maladie aggravait les disparités régionales dans la prise en charge de ces cancers.
Confirmant les chiffres avancés par sa collègue, le Pr Marcel Goldberg a regretté que les pouvoirs publics n'associent pas les chercheurs à une réflexion sur l'évolution et la prise en charge des cas de mésothéliomes, à l'instar de ce qui se fait en Grande-Bretagne, par exemple.
a enfin souhaité connaître l'avis de ses interlocuteurs sur la part de responsabilité imputable aux chefs d'entreprise.
Se refusant à généraliser l'attitude des chefs d'entreprise, Mme Ellen Imbernon a également souligné les déficiences de la médecine du travail dans son rôle d'alerte, même si elle a reconnu, en se fondant sur son expérience personnelle, que ceux qui ont tenté le faire se sont souvent retrouvés dans des situations délicates.
Le Pr Marcel Goldberg a insisté sur les effets pervers induits par le système français, dans lequel la responsabilité de la santé des salariés repose sur l'employeur, secondé par la médecine du travail. Celle-ci pâtit d'une situation de sous-effectif et de l'absence d'un système permettant de coordonner les informations recueillies sur le terrain, avant la mise en place du département santé-travail au sein de l'InVS. Il a rappelé que ce département disposait de 30 personnes pour toute la France, effectif qu'il a estimé dérisoire eu égard à l'ampleur de enjeux.
Le Dr Ellen Imbernon a confirmé la difficulté à laquelle elle était confrontée pour organiser un réseau de médecine du travail, difficulté imputable, selon elle, outre au manque de moyens, à une culture d'indépendance des médecins du travail, en dépit de l'existence d'un corps d'inspection supposé contrôler leur activité, le statut de ses membres, contractuels de l'Etat, étant par ailleurs dérogatoire au droit de la fonction publique.
se sont interrogés sur la responsabilité des experts dans les années 50 et 60, notant leur incapacité à alerter les pouvoirs publics sur la réalité du risque.
a souhaité savoir à qui revenait la charge d'établir un lien entre la toxicité d'un produit et les risques induits sur une population professionnelle donnée.
s'est interrogée sur l'efficacité des mesures de protection mises en oeuvre, notamment dans les immeubles d'habitation.
enfin, est intervenue pour souligner la grande disparité observée dans le respect de la réglementation entre les grands chantiers publics, soumis au contrôle d'organismes publics relativement fiables et les petits chantiers.
En réponse à ces interrogations, le Dr Ellen Imbernon et le Pr Marcel Goldberg ont apporté les précisions suivantes :
- si les experts avaient depuis longtemps connaissance des effets de l'amiante, comme le prouve la publication d'études sur le cancer du poumon en 1952 et sur le mésothéliome en 1960, on ne peut leur reprocher de ne pas avoir alerté les pouvoirs publics, leurs multiples tentatives, à l'instar de celle du Pr Jean Bignon utilisant la télévision pour lancer un cri d'alarme, n'ayant pas été suivies d'effets ;
- les déficiences du système de santé publique en France apparaissent dans le retard de la réglementation française visant à protéger les salariés exposés à l'amiante, celle-ci n'ayant été mise en place qu'en 1977, alors que la Grande-Bretagne avait adopté un dispositif similaire en 1931 ;
- l'incapacité des pouvoirs publics à tirer les conséquences des signaux d'alerte émis par les chercheurs perdure, comme le montre l'absence de réactions aux révélations d'une mission d'enquête envoyée en 1993 en Nouvelle-Calédonie ;
- si l'InVS peut s'autosaisir d'un problème mis à jour par les différents acteurs de terrain, son rôle consiste à systématiser la surveillance de la santé des populations, et donc à déceler les phénomènes émergents et à contrôler l'efficacité des mesures de prévention. Telle est la raison pour laquelle une base de données informatique est en cours d'élaboration, s'appuyant sur des réseaux existants, comme ceux de l'INSEE ou du système d'information médicalisé ;
- s'il est trop tôt pour évaluer l'effet des mesures mises en oeuvre pour les immeubles d'habitation, on peut d'ores et déjà déplorer les déficiences dans le contrôle des entreprises de désamiantage.
La mission a ensuite entendu M. Henri Pézerat, toxicologue, directeur de recherche honoraire au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
a d'abord retracé à grands traits les étapes de la prise de conscience de la contamination par l'amiante à l'université de Jussieu. Il a indiqué que c'était en 1975 que l'intersyndicale représentant l'ensemble des personnels travaillant à l'université de Jussieu, qui s'occupait des problèmes de sécurité, nombreux sur ce campus pourtant récent, puisqu'il avait été construit en 1966, avait abordé le problème de la poussière d'amiante qui provenait des faux-plafonds détériorés. Il a précisé qu'à l'époque, grâce, notamment, aux travaux du Pr Jean Bignon, la communauté scientifique savait que l'amiante était cancérogène. La présence de poussière d'amiante à Jussieu n'a donc pas manqué de provoquer la stupeur parmi les personnels scientifiques de l'université qui ont pris la mesure de la gravité du problème. Il a ainsi indiqué que la « première affaire » de l'amiante était apparue au cours des années 1975 à 1980, période pendant laquelle l'amiante avait été confiné dans les salles du rez-de-chaussée, alors qu'aucune mesure de sécurité n'avait été prise dans les étages. Il a noté que l'intérêt pour cette affaire avait ensuite quasiment disparu jusqu'à la « deuxième affaire », en 1993.
a ensuite exposé les raisons du silence prolongé sur l'amiante entre 1980 et le milieu des années 1990. Il a indiqué qu'un décret de 1977 avait prévu un certain nombre de mesures de prévention en faveur des salariés exposés à l'amiante et que leurs syndicats avaient alors simplement demandé l'application effective de ces mesures. Il a estimé que la peur de la perte de l'emploi avait beaucoup joué chez les salariés et que les universitaires s'étaient alors retrouvés isolés.
Il a par ailleurs présenté à la mission des graphiques, dont la courbe des importations de l'amiante en France, qui ont atteint un pic en 1975, ce qui, selon lui, illustre les effets de la dénonciation des dangers de l'amiante sur la réduction des importations. Il a ensuite indiqué, sur la base de la courbe des maladies professionnelles dues à l'amiante, qui seraient toutefois inférieures à la réalité, que ces graphiques illustraient parfaitement le décalage de 20 à 30 ans entre l'exposition à l'amiante et l'apparition des premiers signes de la maladie.
a ensuite abordé le contexte de la « deuxième affaire » de l'amiante à Jussieu, apparue en 1993. Il a indiqué avoir eu personnellement connaissance du nombre de cas de mésothéliomes qui avaient augmenté régulièrement en France, jusqu'à provoquer environ 900 décès par an en 1991 et 1992. Il a ajouté que, s'inspirant des travaux du Pr Peto en Grande-Bretagne, l'un des plus grands spécialistes des pathologies liées à l'amiante, il avait infléchi son activité scientifique, passant d'une discipline physico-chimique à la toxico-chimie, qui tend à expliquer l'apparition des pathologies à partir des poussières minérales. Il a fait observer que l'équipe qu'il dirigeait alors avait été la première à prouver que l'amiante engendrait des radicaux oxygénés très agressifs et que ce matériau était à l'origine d'une agression oxydante. Ces travaux ont ainsi réaffirmé le caractère toxique de l'amiante et ont permis de montrer pourquoi tel type de cancer apparaissait dans un environnement professionnel déterminé. Participant à de très nombreux congrès scientifiques sur ce sujet et étant à l'origine de nombreuses publications, il a indiqué avoir constamment tiré la sonnette d'alarme sur les dangers de l'amiante.
a regretté que l'affaire de l'amiante n'ait pas conduit à une meilleure réparation des maladies professionnelles dues aux autres dérivés de l'amiante. Il a indiqué qu'aujourd'hui plus de 6.000 cas de maladies professionnelles reconnues chaque année étaient dus à l'amiante, dont de 1.400 à 1.500 cas de cancer.
Il a également déploré le faible développement de la prévention et a affirmé que de nombreuses sociétés de contrôle effectuaient des diagnostics rapides dans des conditions discutables, cette précipitation résultant, selon lui, de la médiatisation de l'affaire de l'amiante. Il a mis en évidence l'absence de contrôle de la législation, pourtant très détaillée, sur l'amiante relevé sur les immeubles et s'est inquiété de « l'énorme déficit » de contrôles et de sanctions pour absence de respect de cette législation en milieu professionnel et dans l'environnement.
a voulu savoir qui, avant la création de l'Institut de veille sanitaire (InVS) en 1998, avait la charge en France de l'évaluation des risques pesant sur la santé publique et l'alerte des pouvoirs publics. Puis il s'est demandé comment expliquer le retard pris par notre pays entre le moment de la connaissance de la toxicité de l'amiante et son interdiction en 1997. Il s'est enquis des conditions d'évaluation des risques induits par les matériaux de remplacement de l'amiante, en particulier les fibres céramiques réfractaires.
a précisé que le rôle d'alerte des pouvoirs publics en matière environnementale et sur le milieu de travail n'incombait à aucune instance avant la création de l'InVS. Il a ajouté que l'INRS aurait pu jouer ce rôle, mais qu'elle ne l'avait pas fait, sa composition paritaire ayant conduit, selon lui, au blocage et à l'immobilisme. Quant à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), il a estimé qu'il ne disposait quasiment d'aucun moyen. Du reste, il a noté que l'InVS ne comprenait quasiment que des épidémiologistes, mais peu de toxicologues, et que ses missions lui apparaissaient trop étroites. Il a regretté à ce propos que l'InVS ne soit pas en mesure d'effectuer des études épidémiologiques sur les fibres céramiques réfractaires et a exprimé sa crainte qu'un phénomène identique à celui de l'amiante ne se reproduise dans l'avenir.
Il a constaté que les problèmes de santé publique étaient aujourd'hui confiés aux seuls médecins, alors que leur formation scientifique lui paraît insuffisante. Il a estimé que de tels problèmes devaient être abordés de manière transversale par des collectifs réunissant différents spécialistes. Il a d'ailleurs déploré que le dossier de l'amiante soit resté trop longtemps fermé, en partie parce qu'il n'avait été traité que par des médecins et des statisticiens.
a voulu savoir si les risques professionnels et environnementaux étaient désormais mieux pris en compte en France.
a estimé que ces risques n'étaient pris en compte qu'« un tout petit peu mieux ». Il a évoqué le cas d'une usine d'aliments pour bétail, située dans l'Allier, qui, pour produire de la vitamine A, a mis au point de nouvelles molécules, et dont une vingtaine de salariés ont été victimes de cancer. Il a indiqué que, lorsque le comité d'hygiène, de sécurité, et des conditions de travail (CHSCT) sollicitait un avis scientifique, les médecins conseillaient le plus souvent à la direction de réfléchir à une solution de substitution, qui ne rencontrait que peu d'écho en raison du coût trop élevé d'une telle solution. Il a regretté qu'une logique de réparation se soit imposée à la place d'une logique de prévention et s'est étonné de ce que l'affaire de l'amiante soit considérée comme un cas unique.
s'est demandé si les salariés étaient aujourd'hui suffisamment protégés contre les risques dus à l'amiante résiduel.
a apporté une réponse nuancée. Il a ainsi noté que les inspecteurs du travail pouvaient aller jusqu'à retirer son agrément à une entreprise de désamiantage mais que, quelques mois plus tard, cette entreprise pouvait réapparaître sous un autre nom. Il a estimé que les entreprises ne respectant pas la législation devraient être plus sévèrement sanctionnées. Il a ajouté que certaines entreprises faisaient travailler leurs salariés dans des conditions encore trop dures, notamment en termes de durée d'exposition à l'amiante.
a voulu savoir quels étaient aujourd'hui les plus importants facteurs de risques au travail.
a souligné la forte croissance des troubles musculo-squelettiques liés aux exigences attendues des salariés en termes de cadences de travail. En matière de cancers professionnels, il a indiqué que la France comptait plusieurs équipes performantes de chercheurs et que ces dernières avaient mis en évidence les cancers provoqués par des expositions professionnelles, en particulier les multi-expositions.
s'est interrogée sur la façon d'obtenir des informations scientifiques sur le stress oxydant.
a indiqué que son ancienne équipe avait beaucoup travaillé sur ce sujet, mais qu'il existait peu d'études en français sur le stress oxydant. Il a qualifié de « scandaleuses » les déclarations du gouvernement québécois selon lesquelles, sous la pression des industriels, l'amiante produit au Québec serait inoffensif. Il a d'ailleurs fait remarquer que les Québécois n'utilisaient pas l'amiante qu'ils produisaient, préférant l'exporter vers les pays en voie de développement.
a voulu savoir le nombre de mésothéliomes aujourd'hui apparus parmi les personnes qui travaillaient à Jussieu en 1975.
a indiqué que le comité anti-amiante de Jussieu, créé en 1994, estimait à cinq le nombre de cas de mésothéliome et à une centaine les cas de fibromes dus à l'amiante. Il a néanmoins insisté sur la fiabilité incertaine de ces enquêtes, en raison de l'absence de suivi de très nombreux retraités, seule une minorité d'entre eux se soumettant à des examens réguliers.
a voulu connaître l'opinion du toxicologue sur les déclarations de Claude Allègre, pour qui l'amiante à Jussieu ne comporterait aucun risque.
a jugé « blessantes » les déclarations de Claude Allègre qui, selon lui, avait toujours traité par le mépris les problèmes liés à l'amiante à l'Institut de physique du globe. Il a qualifié l'attitude de l'ancien ministre de « négationniste » et considéré que sa position était idéologique et certainement pas scientifique.
a estimé qu'il existait un marché du diagnostic de l'amiante dans les immeubles. Elle a également noté que les fibres céramiques réfractaires ne constitueraient qu'un matériau de remplacement très subsidiaire de l'amiante. Elle a voulu savoir quelles étaient les conséquences de l'amiante sur la santé des étudiants de Jussieu.
a indiqué qu'environ 20.000 personnes étaient actuellement exposées aux fibres céramiques réfractaires, même si ce niveau d'exposition n'était évidemment pas comparable à celui de l'amiante. Il a noté l'existence d'un nombre réduit d'étudiants susceptibles d'être touchés par l'amiante, car l'immense majorité d'entre eux travaillait surtout dans les amphithéâtres qui n'étaient pas amiantés. Il a précisé que la tour centrale de Jussieu avait été floquée avec de l'amiante bleu, qui provoque des pathologies pleurales encore plus nombreuses.
a voulu savoir si l'on connaissait la durée d'exposition à l'amiante susceptible de provoquer un cancer.
a indiqué que, si tout le monde avait de l'amiante dans les poumons, l'apparition d'un cancer de la plèvre était liée à un environnement particulier. Il a estimé que les pics d'exposition à l'amiante étaient plus dangereux que l'accumulation d'expositions de faible importance, précisant que le mésothéliome était une pathologie d'un déséquilibre entre les défenses immunitaires et les agressions de l'organisme à un moment donné.
a fait remarquer que les fibres d'amiante n'agressaient pourtant pas directement la plèvre.
a expliqué que les fibres d'amiante pouvaient pénétrer dans les parois des alvéoles et passer par le système lymphatique, avec un phénomène de rétention de ces fibres dans le milieu intra-pleural, alors même que la plèvre est un organe très peu protégé. Il a ajouté que, bien que les fibres ne soient effectivement pas en contact direct avec la plèvre, ce sont bien elles qui sont responsables des mésothéliomes, en partie parce que leur épuration est extrêmement difficile.