Intervention de Jean-Pierre Plancade

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 22 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Mission recherche et enseignement supérieur - examen des rapports pour avis

Photo de Jean-Pierre PlancadeJean-Pierre Plancade, rapporteur pour avis des crédits de la recherche :

Je me réjouis de l'adoption de mon amendement, qui s'était l'an dernier heurté à un refus sévère de la commission des finances et je tiens à vous remercier de l'avoir présenté en séance publique.

Le volet « recherche» de la mission comporte ses ombres et ses lumières.

A périmètre constant, les crédits de paiement de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » augmenteront en 2012 de 0,96 % par rapport à cette année. Cette évolution recouvre une baisse de 0,79 % des crédits de la recherche (qui représentent environ les deux tiers des crédits) et une hausse de 2,17 % des crédits destinés à l'enseignement supérieur. Les autorisations d'engagement de la mission enregistrent une hausse de 0,4 %. Les crédits diminuent donc en euros constants.

Des économies de fonctionnement (à hauteur de 23 millions d'euros) sont demandées aux organismes de recherche, qui subissent aussi une reprise des crédits reçus au titre du plan de relance 2009-2010 (pour 18,2 millions d'euros).

La dotation de certains organismes baisse, par exemple de 0,5 % pour l'institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) et de 0,9 % pour Universcience. Comme l'an dernier, je suis préoccupé par la nouvelle baisse des crédits alloués à l'institut français du pétrole (IFP)-Énergies nouvelles, dont la dotation diminue de 40 % en 10 ans. Je propose d'interroger le ministre sur ce point car il faut assurer un équilibre entre les subventions récurrentes aux organismes et les ressources supplémentaires qu'ils peuvent obtenir sur projet après des agences de moyens.

Je suis également préoccupé par la baisse de 1,6 % des crédits d'intervention de l'Agence nationale de la recherche (ANR). Le fait qu'elle soit le principal opérateur des appels à projet dans le cadre du programme des investissements d'avenir ne justifie pas que les moyens consacrés à ses propres appels à projets soient diminués.

Grâce aux agences de moyens, telle l'ANR, l'écosystème de la recherche a été puissamment stimulé. Les projets scientifiques se multiplient et si l'on veut continuer à financer l'excellence, il faudra conforter ces moyens dans le temps. Il faut que l'ANR dispose de crédits suffisants pour conserver un taux de sélection des projets de 25 % à 30 %, alors que l'on est tombé aujourd'hui en-dessous de 20 %. Je regrette aussi la nouvelle diminution des autorisations d'engagement de l'ANR, de 771,9 millions en 2011 (827,8 millions d'euros en 2010) à 759,8 millions en 2012, au risque de décourager des équipes d'excellence. Après une montée en charge assez lente, l'agence tourne à plein régime, mais souffre d'un effet « ciseaux » : elle doit examiner de plus en plus de projets, sans disposer de ressources supplémentaires.

Outre les subventions récurrentes, les organismes de recherche bénéficient de crédits complémentaires importants au titre du programme des investissements d'avenir (PIA), destinés aux investissements qui ne pourraient être réalisés sans une aide publique, à hauteur de 21,9 milliards d'euros.

15 à 20 milliards d'euros auront été engagés à ce titre fin 2011. 3 milliards d'euros devraient être décaissés en 2012, et entre 3 et 4 milliards par an entre 2013 et 2015. Le comité de surveillance a cependant mis en garde contre les décalages de calendrier. En tant que principal opérateur, l'ANR doit faire face à un surcroît de travail considérable, mais elle n'a pu recruter que 30 personnes pour y faire face, auxquelles se joindront prochainement 12 autres. Cela me paraît peu... Je m'inquiète de sa capacité à assumer pleinement ses missions, compte tenu de la grande complexité de ces projets multi-partenariaux, dans des délais compatibles avec les besoins de notre pays.

Le principe de sélection du PIA ne retient que le critère d'excellence et ne préjuge d'aucune thématique a priori. Ce système a permis de faire émerger des domaines novateurs. Mais ne risque-t-il pas de manquer les objectifs stratégiques prioritaires, voire de créer des dissonances avec les politiques nationales ? Je propose d'interroger le ministre, car il est nécessaire de coordonner au mieux le programme des investissements d'avenir et la stratégie nationale de recherche et d'innovation.

Je relève que notre commission des finances a évalué les moyens nouveaux réellement consacrés à l'enseignement supérieur et à la recherche de 2007 à 2012, à 5,6 milliards d'euros et non à 9 milliards comme indiqué récemment par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mais tout n'est pas sombre : après les ombres, j'évoque les lumières.

La hausse des moyens budgétaires peut paraître limitée, mais dans le contexte de crise actuelle, ce secteur apparaît préservé par rapport à d'autres. Les dotations de certains organismes s'accroissent sensiblement : celles du commissariat à l'énergie atomique (CEA) de 2,7 %, du centre national de la recherche scientifique (CNRS) de 0,5 %, de l'institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) de 7,5 %, du centre national d'études spatiales (CNES) de 1 %. Les crédits destinés aux opérations relevant des très grandes infrastructures de recherche augmentent de 19,6 millions d'euros.

Les emplois sont également préservés : depuis 2006, les établissements d'enseignement supérieur et de recherche sont exclus du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Ils peuvent créer des emplois hors plafond d'emplois de la mission, à condition de les rémunérer sur leurs ressources propres. Cela explique que le plafond global d'emplois de la mission augmente de 448 équivalents temps plein (ETP).

Comme les années précédentes, le taux de mise en réserve des crédits des organismes est dérogatoire au taux de droit commun, puisqu'il est divisé par deux.

Un équilibre doit être trouvé entre subventions récurrentes aux organismes de recherche et financements sur projets. Ces derniers concernent cependant à hauteur de 30 % des projets dits « blancs », qui permettent de soutenir la recherche fondamentale, et une partie des sommes sont censées couvrir une partie des charges structurelles des établissements. Mais il serait souhaitable que le périmètre des dépenses prises en compte par l'ANR soit évalué en fonction des coûts complets assumés par les organismes de recherche. Nous en prenons le chemin, le préciput étant porté de 11 % à 20 % dès lors que les projets sont financés en coûts complets. C'est fondamental, car cela permet de limiter le risque d'une répartition inégale des moyens entre équipes d'un même laboratoire.

Il faut relativiser la part de la recherche sur projet dans notre pays : en 2010, elle était estimée à seulement 11 % du budget des organismes publics, contre 60 % aux États-Unis et de 25 % à 35 % pour le Royaume-Uni, l'Allemagne ou la Suède.

Au-delà du renforcement des moyens depuis 2006, les professionnels reconnaissent que la restructuration majeure du paysage institutionnel de la recherche était indispensable, même s'il est devenu très complexe. J'évoque dans mon rapport écrit les grandes améliorations du pilotage stratégique de la recherche que permettent les « Alliances » et les instituts thématiques du CNRS et de l'INSERM, qui permettent de clarifier le rôle des acteurs.

Le soutien de la recherche privée est essentiel car il s'agit d'un « maillon faible » dans notre pays. La réforme du crédit d'impôt recherche (CIR) en 2008 a permis sa montée en puissance. Le coût du dispositif pour 2012 est évalué à 2,3 milliards d'euros, en hausse de 1,1 % par rapport à 2011.

Un rapport de l'inspection générale des finances d'août 2011 a conféré à cette mesure le score maximal de 3. Elle pourrait entraîner d'ici à 15 ans une hausse du PIB de 0,3 point. Il estime nécessaire de conduire une étude économétrique en 2013, lorsque l'on disposera du recul nécessaire sur la période 2008-2010 ; d'ici là, il préconise la stabilité du dispositif.

Ce crédit d'impôt devra être davantage ciblé sur les PME et les entreprises de taille intermédiaire.

Il ne suffit pas de se satisfaire d'un pourcentage de bénéficiaires, quel que soit le montant du chèque, au regard de l'écart entre ce que perçoit une PME et une grande entreprise disposant de son propre service de recherche. L'amendement qui a été adopté, grâce à Mme Blandin, sur les jeunes entreprises innovantes, a supprimé l'article 175 de la loi de finances pour 2011 qui avait - contre l'avis de notre commission - fortement diminué le soutien public en leur faveur.

Je vous renvoie à mon rapport écrit sur le défi majeur du renforcement de la valorisation et de la diffusion de la culture scientifique et technique, chère à notre commission.

Le programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » enregistre une baisse de 1,48 % des autorisations d'engagement et de 0,75 % des crédits de paiement. Si les crédits de recherche stagnent, ceux alloués à Universcience diminueront. Près de la moitié de cette baisse s'explique par le transfert d'un poste d'Universcience vers l'université Paris Est-Créteil, qui donne lieu à un transfert interne à la mission. L'unification interne d'Universcience étant achevée, des économies d'échelle sur le fonctionnement des deux établissements devraient être réalisées.

La prise de conscience de la nécessité de mieux coordonner et de mieux diffuser les savoirs s'est traduite en 2011 par des changements structurels importants, avec l'hybridation entre le Palais de la découverte et la Cité des sciences, favorisant les synergies entre la recherche d'une part et la valorisation et la diffusion d'autre part.

Universcience, quatrième établissement culturel le plus visité de France, chef de file de cette nouvelle gouvernance, a pour mission de coordonner le réseau national des acteurs de la culture scientifique. L'enjeu pour 2012 consiste à consolider cette structure fédérale et à la décliner, grâce à un réseau de plateformes territoriales, en lien étroit avec les collectivités. Ces plateformes constitueront à terme une quinzaine de pôles scientifiques d'excellence, construits à partir de centres de culture scientifique, technique et industrielle innovants, capables de fédérer progressivement les acteurs de leur territoire chers à notre coeur.

Universcience devra prendre en compte les inquiétudes et attentes de ces plateformes, en vue approfondir la réflexion sur leur financement, leurs missions et l'échelle des regroupements.

Le risque d'une régression scientifique existe et les actions en faveur de l'information des jeunes doivent être confortées. Ce travail de fond doit irriguer nos territoires et ce travail en réseau devrait y contribuer.

Notre pays n'a jamais autant investi dans sa recherche, en ayant le courage d'apporter des réformes de structures. Celles-ci sont dans l'ensemble saluées par les professionnels. Les critiques portent davantage sur certaines modalités des réformes, bien sûr perfectibles, que sur leurs principes mêmes.

Bien sûr, le budget 2012 s'inscrit dans un contexte de crise que nous ne pouvons nier. C'est faire preuve de responsabilité que d'en tenir compte. Compte tenu de cette conjoncture, ce budget m'apparaît honorablement acceptable. C'est pourquoi, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » pour 2012.

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