Dans le projet de loi de finances pour 2012, les cinq programmes relevant de l'éducation nationale sont dotés d'un peu plus de 61 milliards d'euros, soit une progression globale de 0,86 % par rapport à l'an dernier. L'augmentation en euros courants et à structure courante, sur l'ensemble de la législature, n'est que de 6 % en cinq ans. Il s'agit en réalité d'une baisse de crédits puisque l'inflation n'est pas compensée.
En outre, l'augmentation en trompe-l'oeil des crédits résulte essentiellement du glissement mécanique des dépenses de personnel. Ce sont ainsi très exactement, 548 millions d'euros supplémentaires par rapport au budget 2011 qui sont consacrés à l'augmentation de la participation au CAS pensions. Il ne s'agit donc pas de moyens supplémentaires affectés au service public de l'éducation, dont bénéficieraient les élèves et leurs apprentissages.
Il convient également de souligner la baisse des crédits hors titre 2 répondant à des missions pédagogiques : - 18,14 % en un an dans le premier degré. Cet assèchement des moyens matériels est très inquiétant parce qu'il amplifie les effets de la restriction des ressources humaines et pèse directement sur la vie des classes. Il ne peut que freiner la modernisation de la pédagogie, le développement des innovations et la personnalisation des parcours, dont le ministre se fait pourtant l'avocat paradoxal.
Dans la masse des crédits de personnel, il faut souligner l'importance prise par les heures supplémentaires. Sur l'année 2010-2011, plus de 1,3 milliard d'euros ont été consacrés à leur financement. C'est 10 % de plus qu'en 2008-2009 et cela équivaut aux sommes nécessaires pour couvrir le remplacement des enseignants dans le second degré ou pour financer l'ensemble de l'enseignement technique agricole.
Ces crédits auraient pu être mieux employés, en revenant sur des suppressions de postes de titulaires sur zone de remplacement (TZR), en renforçant le taux d'encadrement dans l'éducation prioritaire ou encore en consolidant l'accueil à l'école maternelle. Je suis donc convaincue, que même dans un contexte budgétaire très difficile, les moyens sont là pour mener une autre politique avec des priorités éducatives plutôt que gestionnaires et financières.
Sur l'ensemble des crédits d'heures supplémentaires, 320 millions d'euros devraient être consacrés aux seules exonérations de la loi TEPA. A titre de comparaison, sont inscrits moins de 130 millions d'euros pour financer 30 200 emplois de vie scolaire (EVS), soit une baisse de 5,5 millions d'euros et une perte de près de 8 000 contrats par rapport à 2011.
Or, les EVS s'adressent surtout à des personnes éloignées de l'emploi pour préparer leur réinsertion. Dans un contexte économique dégradé, marqué par un chômage élevé, restreindre le contingent d'EVS ne peut que détériorer encore la situation générale de l'emploi. Par ailleurs, parmi les EVS, ceux qui servent d'assistants aux directeurs d'école pour les décharger de tâches administratives sont les plus touchés par les non-renouvellements. Le fonctionnement des écoles primaires, dans lesquelles on ne cesse d'appeler à plus de pilotage et à un élargissement des missions des directeurs, en sera nécessairement dégradé.
Les choix financiers du Gouvernement se retournent directement à la fois contre la politique de l'emploi et contre l'accompagnement des élèves. La construction du budget privilégie l'optimisation de la gestion et confond la performance financière avec la performance éducative.
Le schéma d'emplois de la mission Enseignement scolaire pour 2012 résulte d'un arbitrage entre les heures supplémentaires et les postes. L'ampleur du recours aux heures supplémentaires, au fur et à mesure de la poursuite des suppressions des postes, est le signe clair d'une tension grandissante entre les besoins et les moyens, entre les missions demandées aux personnels et les ressources humaines qui y sont consacrées.
En cinq ans, si le PLF 2012 est voté en l'état, 70 600 postes auront été supprimés dans l'éducation nationale, dont 68 000 enseignants. Le premier degré public aura connu exactement 27 637 suppressions. L'apurement des finances publiques ne peut pourtant se substituer à une véritable politique éducative, qui aurait la même considération pour l'école que pour l'université.
En collaboration avec l'inspection générale des finances, le ministère a identifié une série de « leviers d'efficience ». Aux recteurs ensuite de choisir les modalités de suppressions effectives de postes pour remplir le quota qui leur a été notifié. Je m'interroge sur l'articulation entre le rôle des recteurs et de l'administration centrale. En effet, le ministère de l'éducation nationale a tenu à préciser que la répartition des suppressions de postes « relève d'une démarche locale, rendant ainsi difficile une identification précise, pour chaque levier et pour chaque académie de l'impact de telle ou telle mesure prise. »
Il paraît étonnant que l'administration centrale ne soit pas informée de l'utilisation de tel ou tel levier dans telle ou telle proportion dans chaque académie. Il est encore plus étonnant qu'elle ne semble pas se soucier de l'être ! Comment sans ces informations peut-on améliorer la gestion pour l'année prochaine ? Comment modifier en conséquence les quotas affectés à chaque académie ? Comment mesurer l'effet sur les résultats scolaires des élèves dans chaque académie ? A quoi sert alors de prétendre comme le ministère l'a fait que le dialogue avec les recteurs a été « fructueux » ?
Il y a là un triple problème à la fois :
- pour la transparence et l'efficacité de la gestion ;
- pour la garantie de l'équité sur l'ensemble du territoire national alors que les inégalités sociales et territoriales se renforcent ;
- et pour l'évaluation de l'impact pédagogique des mesures décidées.
Il faut noter qu'à aucun moment dans la construction du budget ou dans le dialogue de gestion avec les recteurs les élus locaux ne sont consultés. Tous leurs représentants se sont plaints de ne pas être traités comme des partenaires à part entière par le ministère.
Pour la réalisation du schéma d'emplois présenté dans le projet de loi de finances pour 2012, il est à prévoir que les recteurs poursuivront l'augmentation du nombre d'élèves par classe, pousseront aux regroupements d'écoles et diminueront encore le stock des postes « hors classes », qui sont pourtant essentiels au bon fonctionnement des écoles primaires.
Aucune de ces orientations ne peut être interprétée en soi comme favorisant les apprentissages des élèves, alors même que les évaluations nationales et internationales demeurent défavorables. La proportion d'élèves très en difficulté en fin de primaire et en fin de collège augmente encore et le poids des inégalités sociales tend à s'alourdir.
Devant l'absence d'ambition éducative, d'une part, l'incohérence et l'opacité de la gestion, d'autre part, je vous propose de rendre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».