J'espère que l'on ne brandira pas le drapeau de l'inconstitutionnalité contre les langues régionales, qui sont une richesse et non une menace pour la République et la nation. Paris, les gouvernements et la nation protègent les vins, les cuisines régionales, le patrimoine architectural ou naturel, mais ce patrimoine immatériel que sont les langues régionales survit à peine ! Depuis la loi Deixonne de 1951 les nombreuses propositions présentées depuis lors ont été systématiquement retoquées. Après la guerre, dans les années soixante-dix, dans les années quatre-vingt, il y a eu des sursauts, un renouveau de la musique, de la danse, de la culture régionales et un élan militant pour faire reconnaître la langue et les noms originels des lieux. L'article 75-1 de la Constitution a été introduit en 2002, mais il ne sert à rien, il est purement décoratif, car aucune loi n'organise son application concrète. Nous avons pourtant besoin d'un statut des langues de France. Cela donnerait un sens à la signature de la France aux documents de l'Unesco et du Conseil de l'Europe sur tout ce qui concerne les langues régionales et minoritaires.
Mme Mélot l'a dit, les collectivités se sont saisies de la question. En Bretagne, nous avons 112 000 brittophones, terme que je préfère à celui de « bretonnants ». Ils sont plus nombreux dans le Finistère qu'ailleurs. Nous avons 6 000 jeunes dans l'enseignement bilingue, dans le public et le privé, hors réseau associatif Diwan. Il existe aujourd'hui 75 000 locuteurs de 60 ans et plus : la langue est un outil d'utilité sociale, car les personnes qui souffrent d'Alzheimer retournent souvent à leur langue maternelle et ne parviennent plus à communiquer dans une autre langue. Au sein du conseil général, nous avons même créé des formations pour le personnel des établissements concernés.
La transmission familiale a fait défaut, quand la contrainte de l'État français n'a pas joué un rôle essentiel. Mes parents n'ont jamais voulu me parler en breton, par conséquent je ne le parle pas - mais je le comprends ! Les livres de Claude Hagège -L'enfant aux deux langues- et de Mona Ozouf montrent l'importance du bilinguisme pour parvenir au multilinguisme. Bref, la reconnaissance des langues régionales s'impose. Les élèves qui suivent un enseignement bilingue ont d'excellents résultats en français !
Nous avons eu à Quimper la visite de journalistes de CNN et d'Al Jazira, qui venaient étudier le problème de l'extinction des langues régionales ! Le reportage réalisé en décembre dernier était excellent. Aujourd'hui, les parlementaires ont le choix : accompagner la disparition de cette richesse en se limitant à des soins palliatifs ou accorder une réelle reconnaissance aux langues.