On ne saurait prétendre qu'il n'y a pas eu de nombreuses tentatives pour éradiquer les patois, depuis l'abbé Grégoire en 1794 : ce dernier ne s'est pas privé de dire qu'il fallait anéantir les patois au nom de l'universalité de la langue française, de l'unilinguisme au sein de la nation. Et ceux qui parlaient « ces jargons lourds et grossiers qui défendent des idées superstitieuses » étaient culpabilisés, accusés de résister au progrès social. Les dialectes vulgaires, disait-on encore, ne se prêtent pas à traduction : on voit pourtant en Suisse que le multilinguisme fonctionne !
En France, la reconnaissance des langues régionales a été tardive et leur renaissance est intervenue au moment où, moribondes, elles ne menaçaient plus l'unité nationale - si elles ne l'avaient jamais fait... Une reconnaissance réelle, qui ne soit pas soumise à l'arbitraire d'un recteur, est indispensable. Il ne s'agit pas de remettre en cause la place prépondérante du français, mais de donner un peu d'oxygène aux langues locales, un peu de dignité aussi, après deux siècles d'arrogance francophone.
Ni Balzac ni Montesquieu n'ont écrit dans la langue de leur région d'origine mais j'apprécie aussi la lecture de Bernard de Ventadour. On peut admirer le français sans dénigrer les cultures de moindre rayonnement. Mais que l'on n'agite pas le spectre du babélisme, comme le font volontiers les opposants aux langues régionales ! Je souhaite que ce texte de loi instaure un respect plus réel et un cadre culturel et juridique adapté.