Nous sommes en effet à un carrefour de l'Histoire, et l'on peut regretter que les monuments nationaux ne demeurent pas, comme les oeuvres appartenant au patrimoine national, inaliénables. L'article 52 de la loi de finances, que le Conseil constitutionnel n'a invalidé que comme cavalier, et qui permet de brader tous les monuments, sans exception, avait hélas été voté par le Sénat. L'enquête menée par Mme Férat est donc opportune. J'ai regretté certains termes de son rapport ; compte en a été en partie tenu, mais la proposition de loi qui nous est soumise n'est hélas pas tout à fait dans la même ligne...
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'aujourd'hui, ce n'est plus le ministère de la culture, mais France Domaines, sous la coupe de Bercy, qui décide. Voir ce que disait un certain M. Woerth de la désormais célèbre vente de l'hippodrome de Compiègne, part de la forêt domaniale : la vente s'inscrit pleinement, disait-il, dans un cadre qui veut que France Domaines soit le bras armé d'une politique visant un produit de vente des domaines à hauteur de 1,2 milliard pour 2009... Vision confirmée par le tout nouveau conseiller à la culture de M. Sarkozy, après avoir été celui de M. Frédéric Mitterrand, qui n'évoque dans un article récent, cela est proprement effarant, les « deux décennies placées sous le signe du partenariat avec les collectivités et les opérateurs de l'État » que pour les ranger au registre du passé, le présent étant pour lui le temps des « industries culturelles ». Moyennant quoi, il n'est plus nulle part question d'inaliénabilité, mais seulement de principe de précaution : à cette règle, votre proposition de loi ne déroge, hélas, pas. Pour moi, je n'hésite pas à déroger : j'aime le chant de l'Internationale, mais il est un de ses vers que je réprouve : « Du passé, faisons table rase » !
Les conventions cadre passées entre la culture et le tourisme suivent la logique des temps : si l'opération est juteuse, allons-y ! Et sinon, passons la patate chaude aux collectivités, même si l'on sait bien qu'elles ne pourront pas tenir et devront vendre.
Je trouve le dispositif bien timoré au regard de ce que l'on voit advenir : l'Hôtel de la Marine, mais aussi le Mont Saint-Michel, le Parc de Saint-Cloud... De quoi se faire du souci, même si l'article 3 va dans le bon sens - au vrai, la directrice du CMN aurait aimé qu'il aille plus loin encore.
On a un peu le sentiment que nous ne tenons plus la clé, et qu'une fois la chevillette tirée... C'est pourquoi nous ne souscrivons pas pleinement à toutes vos propositions. Vous relancez le transfert des monuments historiques dans une logique certes différente de celle qui a prévalu avec la loi de 2004, et qui devait prévaloir encore avec la loi de finances pour 2010. Mais sous couvert de mieux encadrer les choses, vous ne posez en réalité que quelques bornes à l'aliénation du patrimoine, sans vous y opposer. Sans compter que le flou de certaines des dispositions que vous préconisez peut donner lieu à des interprétations contraires à l'intérêt général - je pense notamment au périmètre retenu.
Et dire que nous n'aurons chacun que sept minutes, en séance, pour exprimer nos inquiétudes ! M. Dauge a raison de dire qu'un bail emphytéotique n'est pas autre chose qu'une cession. Et le recours croissant aux partenariats public-privé ? « Après moi, le déluge » : ils ne répondent à aucune autre logique. La veine est la même que celle du rapport Levy-Jouyet, sur l'économie de l'immatériel.