Intervention de Jean-Patrick Courtois

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 2 juin 2010 : 1ère réunion
Loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois, rapporteur :

Nous examinons enfin ce projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure dite LOPPSI II : il succède à la LOPPSI I, qui concernait les moyens de la police et de la gendarmerie pour 2003-2007. La longue préparation, le dépôt tardif à l'Assemblée nationale font que la LOPPSI II couvre la période 2009-2013 - elle est donc déjà appliquée depuis deux ans dans les lois de finances. Certaines dispositions constituent des adaptations nécessaires à de nouvelles formes de délinquance, par exemple sur Internet, mal prises en compte dans notre législation. Si les résultats obtenus en matière de sécurité depuis plusieurs années sont positifs, les forces de police et de gendarmerie et la justice rencontrent toujours des difficultés particulières pour contrer certaines formes de délinquance, telles que les cambriolages ou les violences commises à l'encontre des personnes vulnérables. La LOPPSI offre de nouveaux instruments pour lutter contre ces délits que je proposerai d'améliorer. Les nombreux responsables de la politique de sécurité, les magistrats et les personnalités qualifiées que j'ai entendus m'ont éclairé, suggéré des améliorations. Nous avons reçu également M. Brice Hortefeux, qui porte ce texte, élaboré à l'origine par Mme Alliot-Marie, alors ministre de l'intérieur.

La programmation budgétaire englobe les missions Sécurité et Sécurité civile ; elle prévoit un montant de crédits évoluant de 11,8 milliards d'euros en 2009 à 12,2 milliards en 2013. Les ressources spécialement dédiées à la modernisation et à l'accroissement de l'efficacité de la police et de la gendarmerie seront en forte augmentation, de 251 millions d'euros en 2010 à 608 millions en 2013. Les dépenses d'investissement et de fonctionnement au profit de la police et de la gendarmerie nationale ne seront pas sacrifiées sur l'autel de la RGPP.

Le présent projet de loi vise à prendre en compte l'environnement technologique actuel, qui offre un nouveau terrain à la délinquance, mais aussi de nouveaux moyens aux forces de police et de gendarmerie. Les fournisseurs d'accès à Internet auront l'obligation d'empêcher l'accès aux sites diffusant des images pédopornographiques signalés par l'autorité administrative. L'Assemblée nationale a subordonné cette notification à l'accord de l'autorité judiciaire - cela ne me paraît pas nécessaire.

La LOPPSI instaure également un délit d'usurpation d'identité sur Internet, lorsque cette usurpation est commise dans le but de troubler la tranquillité ou de porter atteinte à l'honneur ou à la considération de l'intéressé. Cette mesure va dans le sens des travaux de notre commission destinés à mieux protéger la vie privée et les données à caractère personnel sur Internet - je veux parler du rapport d'information Escoffier-Détraigne et de la proposition de loi qui a suivi. Je vous proposerai quelques précisions techniques.

Le texte autorise une utilisation accrue de la vidéosurveillance sur la voie publique, pour la prévention et la répression. Les articles 17 et 17 bis du projet de loi étendent l'utilisation de la vidéosurveillance sur la voie publique par les personnes morales de droit privé, notamment par délégation des personnes publiques. Je vous soumettrai un amendement visant à garantir les compétences et la moralité des délégataires privés. Afin d'améliorer la protection des libertés publiques, je vous proposerai de confier à la CNIL le contrôle des systèmes vidéo. La commission nationale pourra ainsi à la fois conseiller les collectivités et demander au préfet de sanctionner les manquements qu'elle constatera.

Le texte autorise le recours à l'identification par empreintes génétiques hors procédure judiciaire, pour découvrir l'identité de personnes décédées inconnues - victimes de catastrophe naturelle, militaires tués en opération, personnes disparues faisant l'objet d'une recherche administrative. Je vous proposerai de renforcer les garanties, afin d'éviter toute utilisation des données non conforme à la finalité pour laquelle elles ont été recueillies ; il convient aussi de prévoir leur effacement lorsque les recherches cessent.

Le Gouvernement propose la validation législative des logiciels de rapprochement judiciaire ; utilisés pour établir les similitudes de modes opératoires, ils renforcent les capacités d'élucidation. « Corail » et « Lupin », mis en place par la préfecture de police de Paris, qui ont démontré leur efficacité. Les députés ont introduit de sérieuses garanties. Je vous proposerai cependant d'y ajouter un accès direct à ces logiciels pour le procureur de la République, au titre de ses fonctions de contrôle.

Faute de moyens, le recueil d'empreintes génétiques ou digitales dans le cadre des enquêtes sur les cambriolages est aujourd'hui rarement effectué. Les auteurs sont condamnés pour le dernier vol qu'ils ont commis. Je vous proposerai la création d'un fonds dédié à la police technique et scientifique, alimenté par une taxe sur les conventions d'assurance. En effet, les assureurs sont les bénéficiaires directs lorsque les biens sont retrouvés, puisqu'ils ne versent pas d'indemnités aux victimes.

En matière de prévention de la délinquance, les députés ont voté un amendement du Gouvernement complété par deux sous-amendements du rapporteur de la commission des lois, qui confient au préfet la faculté de prendre une mesure de couvre-feu à l'encontre des mineurs de treize ans. La mesure serait soit de portée générale, visant alors tous les mineurs de treize ans, soit de portée individuelle, prononcée par le préfet à l'encontre d'un mineur de treize ans ayant déjà fait l'objet de sanctions éducatives et dont les parents ont signé un contrat de responsabilité parentale.

Le couvre-feu de portée générale peut déjà être décidé par le maire. Quant au couvre-feu individuel, il pose de nombreux problèmes d'application pratique et constituerait une quasi-peine complémentaire, qui relève davantage du tribunal pour enfants que d'une autorité administrative.

Un article introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale prévoit que le président du conseil général sera informé des infractions commises par les mineurs dans le département : il pourra ainsi proposer aux parents un contrat de responsabilité parentale. Cette obligation d'information systématique posant de nombreux problèmes pratiques et théoriques, j'ai souhaité replacer ce dispositif dans les échanges d'information au sein du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Nous avons là l'occasion de renforcer la prévention de la délinquance telle que rénovée par la loi du 5 mars 2007, encore trop peu appliquée.

Autre sujet abordé à l'initiative de la commission des lois de l'Assemblée nationale: le renforcement des pouvoirs de la police municipale. Les policiers municipaux pourront désormais procéder à des contrôles d'identité, et non plus seulement des relevés d'identité, et effectuer des contrôles d'alcoolémie routiers préventifs. Sur ce point, je me bornerai à vous proposer un encadrement juridique renforcé.

S'agissant de la lutte contre l'insécurité routière, le texte prévoit la mise en oeuvre des éthylotests anti-démarrage, des peines obligatoires de confiscation du véhicule ainsi qu'un meilleur dépistage de l'usage d'alcool et de stupéfiants. Je ne vous proposerai pas de modification majeure.

La gestion et la conservation des biens saisis dans le cadre de procédures judiciaires sont actuellement très insatisfaisantes. Le Sénat a récemment adopté une proposition de loi visant à les améliorer. La LOPPSI II donne un rôle plus important au préfet et aux services de police et de gendarmerie. Désormais, les biens saisis susceptibles d'être confisqués pourraient être affectés, sur décision de l'autorité judiciaire, aux services de police, de gendarmerie et des douanes. Si, au terme de la procédure, la confiscation n'est pas prononcée, les biens seraient restitués à leur propriétaire, accompagnés d'une indemnité compensant l'éventuelle perte de valeur. En outre, le préfet sera informé par le procureur de la République de l'ensemble des saisies réalisées dans le cadre de procédures judiciaires. Il pourra alors faire procéder à la vente anticipée, si les biens conservés risquent de se dégrader fortement. Je vous proposerai des modifications afin de veiller au respect des principes d'indépendance de l'autorité judiciaire, de droit de propriété et de secret de l'enquête et de l'instruction.

Le texte issu de l'Assemblée nationale crée de nouveaux délits - telle la distribution d'argent à des fins publicitaires sur la voie publique - et renforce les sanctions dans divers cas, falsification de moyens de paiement commise en bande organisée, vols commis à l'encontre d'une personne vulnérable, cambriolages, infractions au droit de la propriété intellectuelle commises sur Internet. Je vous proposerai divers ajustements.

En revanche, je ne vous soumettrai pas d'amendement sur les ventes à la sauvette. Le texte crée un délit de vente à la sauvette et un autre d'exploitation de la vente à la sauvette, calqué sur le délit de proxénétisme ou d'exploitation de la mendicité. Or la proposition de loi de notre collègue Jacqueline Panis aborde également la question de la revente au marché noir des tickets d'entrée à des manifestations culturelles, sportives ou commerciales. Notre rapporteur, M. Christophe-André Frassa, a commencé ses auditions. Nous pouvons laisser la proposition de loi suivre son cours, quitte, si elle n'est pas inscrite à l'ordre du jour, à réintroduire ses dispositions dans la LOPPSI en septembre ; ou conserver les dispositions dans la LOPPSI. Les problèmes sont aigus autour de la Tour Eiffel ou dans le quartier Montparnasse.

Une approche globale de la sécurité a été promue par le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en 2009. Dans cet esprit, la LOPPSI couvre également le champ de la sécurité extérieure et rénove le statut juridique des agents de renseignement. Serait punie la « désignation» d'une source. Cette incrimination est trop large, je vous proposerai de lui substituer la notion de « révélation » déjà retenue ailleurs.

Pour finir, je vous propose de prendre position sur six propositions de loi portant sur des thèmes traités par la LOPPSI, dont cinq modifient le code de la route. La proposition de loi de notre collègue Jean-Claude Carle vise à ce qu'un avis de suspension du permis de conduire soit adressé systématiquement à toute entreprise ou autorité administrative employant des conducteurs de véhicules à moteur. Bien que légitime, cette proposition présente de nombreuses difficultés d'application : je vous propose donc de ne pas l'intégrer au texte à ce stade. La proposition de loi de notre collègue Alain Vasselle tend à instaurer un examen de la vue préalable à la délivrance du permis de conduire. De telles dispositions relèvent du pouvoir réglementaire. Je demanderai donc au ministre ce qu'il envisage. La proposition de M. Raffarin rend obligatoire le port de la ceinture de sécurité dans les autocars transportant des enfants dès 2012 : là encore, j'interrogerai le ministre. La proposition de M. Alduy, pour les seuls professionnels de la route, et la proposition de Mme Sylvie Goy-Chavent, pour tous les conducteurs, visent à réduire le délai de récupération des points perdus. Toutefois, il semble prématuré de diminuer les sanctions alors que le nombre de blessés graves et de tués dans des accidents de la route a cessé de baisser dans la période récente. Je vous proposerai donc de ne pas intégrer ces dispositions au texte.

Enfin, la proposition de loi Panis instaure un délit d'usurpation d'identité sur Internet, qui reprend en substance la proposition de loi de feu notre collègue Dreyfus-Schmidt. Ce texte est satisfait par l'article 2 de la LOPPSI.

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