Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Paul Bailly, président du groupe La Poste.
a annoncé qu'il s'exprimait, en tant que dirigeant d'une entreprise publique, avec pour seul objectif de créer les meilleures conditions possibles pour en assurer l'avenir et le développement. Rappelant que le projet de loi comporte deux grands titres distincts, l'un relatif au changement de statut de La Poste et à ses missions de service public, l'autre à la transposition de la troisième directive postale, il a souligné que, bien que le premier retienne toute l'attention, le second, qui traite du système de régulation, est tout aussi essentiel pour les équilibres économiques de La Poste.
Il a fait observer que La Poste s'est déjà beaucoup transformée au cours des dernières années, en engageant une modernisation complète de son outil de gestion du courrier et en introduisant de nouvelles technologies, indispensables pour pouvoir offrir aux entreprises des services nouveaux. En revanche, les systèmes d'information ne sont plus à niveau, et des investissements importants seront nécessaires, dans le multicanal notamment. L'évolution du réseau s'est faite dans le sens d'une légère augmentation, jusqu'à atteindre aujourd'hui 17 100 bureaux, parmi lesquels 6 200 sont actuellement mutualisés, dont un tiers avec des commerces et le reste avec des communes. La modernisation a porté sur 3 000 bureaux depuis 2005, l'objectif étant de rénover l'ensemble des bureaux d'ici à 2015. Le rythme de renouvellement serait ainsi d'une rénovation tous les douze ou quinze ans en moyenne, ce qui est le minimum pour un service public de qualité.
s'est félicité du succès que constitue la création de la Banque postale. Celle-ci, grâce à une gestion raisonnable, a surmonté la crise bancaire pour se positionner comme une banque de confiance et de référence, qui compte près de dix millions de clients actifs et continue de gagner des parts de marché. Elle disposera en 2010 d'une gamme de produits complète, y compris les crédits à la consommation et l'assurance IARD (incendie, accidents et risques divers).
Evoquant l'activité des colis express, il a indiqué que La Poste est le deuxième opérateur en Europe et qu'elle gagne des parts de marché. Ce marché, qui mettait traditionnellement surtout en relation des entreprises, évolue vers davantage de distribution directe au consommateur final. Des investissements lourds sont nécessaires pour accompagner cette évolution et consolider la position de la Poste en Europe.
a observé que le modèle postal s'est inversé en moins d'une décennie. En 2000, La Poste était juste à l'équilibre, avec une rente de monopole sur le courrier et un déficit sur les colis express et les services financiers. En 2007, meilleure année avant le début de la crise actuelle, La Poste a dégagé plus d'un milliard d'euros de résultat d'exploitation, avec une capacité d'autofinancement suffisante. Tous les métiers contribuaient au résultat d'exploitation à proportion de leur chiffre d'affaires. Aujourd'hui, la donne est en train de changer, en raison de la crise et de l'accélération du phénomène Internet et, demain, de l'ouverture des marchés. Alors que le volume du courrier a diminué environ de 1 % par an entre 2002 et 2007, cette baisse a été de 3 % en 2008 et est tendanciellement de 6 % en 2009. Dans ce contexte, les innovations et les développements sont absolument vitaux. Les nouveaux services réclament des investissements substantiels, sur un marché qui va devenir totalement européen.
a souligné que, sans ces évolutions, La Poste ne serait pas en mesure de préserver un résultat positif encore significatif pour 2009. Il a estimé essentielle l'unité du groupe et s'est déclaré défavorable, à titre personnel, à l'ouverture du capital de ses filiales, qui ne permet pas une remontée des fonds ainsi collectés vers l'établissement principal. Il a considéré que La Poste avait besoin d'un portefeuille d'activités équilibré, et constaté que les opérateurs ayant fait le choix de la mono-activité se trouvaient aujourd'hui en difficulté.
Rappelant que le rapport de M. François Ailleret sur le développement de La Poste avait estimé le besoin d'investissement de celle-ci à 2,7 milliards d'euros, M. Jean-Paul Bailly a exclu aussi bien le recours à l'endettement, dans la mesure où la dette du groupe est déjà deux fois supérieure à ses fonds propres, que l'ouverture du capital de ses filiales, qui comporterait un risque d'éclatement du groupe. Il a observé que l'Etat ne pouvait pas non plus apporter un tel montant à un établissement public en situation de concurrence, sans enfreindre la législation communautaire sur les aides publiques. A l'inverse, l'évolution vers un statut de société anonyme permet une recapitalisation par l'Etat et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) justifiée par la perspective d'un retour sur investissement, et c'est à cette condition seulement que La Poste pourra obtenir les 2,7 milliards d'euros nécessaires à son développement. Le projet de loi précise bien que le capital de la nouvelle société anonyme La Poste sera à 100 % public, et sa qualité de service public national au sens de la Constitution implique qu'elle demeure sous le contrôle de l'Etat.
Evoquant les solutions de type relais postal ou agence postale communale, M. Jean-Paul Bailly a affirmé que cette mutualisation des moyens, qui concerne environ 6 200 points de présence, n'entraîne pas une dégradation du service public mais constitue, au contraire, une solution d'avenir. En outre, le changement de statut de La Poste ne remettra pas en cause les agences postales communales, et sera tout à fait neutre juridiquement.
Evoquant les questions de personnel, il a indiqué que les syndicats s'interrogeaient sur le maintien de l'affiliation des salariés de La Poste à l'Ircantec. Ce point n'est pas évoqué dans le projet de loi initial, mais une disposition législative pourrait être nécessaire pour confirmer cette affiliation, qui est utile à la fois pour les salariés et pour l'équilibre du régime. Les institutions représentatives du personnel, telles qu'elles résultent de la loi de 2005, donnent satisfaction, et aucune évolution n'est envisagée pour l'instant en ce qui les concerne. Enfin, une convention collective est en cours de négociation, qui, si un accord est trouvé avec les partenaires sociaux, nécessitera une dérogation par voie législative pour préciser que le principe de l'activité principale s'applique aux salariés et non à l'entreprise.
abordant la transposition de la troisième directive qui concerne l'achèvement du marché intérieur des services postaux, a estimé que la loi du 20 mai 2005 était parvenue à un équilibre satisfaisant. Il a mis en garde contre les effets de la crise et de la diminution continue des volumes de courrier, alimentant la problématique du financement du service universel. Il s'est inquiété du fait que le texte du projet de loi semble imposer au régulateur une obligation de résultat pour assurer une concurrence effective, et a contesté l'extension du contrôle exercé par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) à des services se situant en dehors du champ du service universel, tels que les colis en nombre. Il a également attiré l'attention sur les conséquences économiques de l'exonération de TVA et de paiement de la taxe sur les salaires.
En conclusion, M. Jean-Paul Bailly a appelé les sénateurs à être attentifs au volet du projet de loi relatif à la transposition de cette directive, et a souligné que la régulation ne pouvait s'exercer de manière identique dans des secteurs porteurs comme l'énergie ou les télécommunications, et dans un secteur en décroissance comme les services postaux.