a estimé que le deuxième risque est celui d'une mauvaise valorisation des actifs et de manipulations de marché liées à une forte incertitude sur les bilans et à la volatilité des marchés. Lutter contre ce risque implique, en premier lieu, que les sociétés fournissent une information aussi complète et transparente que possible, notamment sur les rémunérations. A cet égard, il a indiqué que l'AMF publierait courant juillet son appréciation sur les recommandations émises par l'Association française des entreprises privées (AFEP) et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF). En second lieu, la gouvernance des entreprises doit garantir une prise de décision conforme aux intérêts des investisseurs, ce qui suppose d'être particulièrement vigilant sur la transposition de la directive européenne relative aux droits des actionnaires. Dans ce cadre, le collège de l'AMF entend mieux prévenir les prises de contrôle rampantes et a soumis à consultation publique une proposition d'abaissement du seuil d'offre publique obligatoire de 33,33 % à 30 % du capital et des droits de vote, qui est aujourd'hui celui retenu dans vingt-cinq des vingt-sept Etats membres.
Le troisième risque a trait à la liquidité et tient à la fragmentation croissante des flux de transactions sur des plates-formes de négociations concurrentes des marchés réglementés, qui sont soumises à de moindres exigences d'information sur la formation des prix. Ce mouvement de déstructuration des marchés, engagé par la directive sur les marchés d'instruments financiers, procède certes d'une intention louable de concurrence entre marchés, vecteur de baisse des frais de transaction, mais crée désormais une opacité disproportionnée par rapport aux avantages de la concurrence.
Le quatrième risque est celui de la défaillance sur les marchés de gré à gré, qui représentent près de la moitié des transactions sur les marchés financiers mais n'offrent pas d'organisation fiable de la contrepartie, ce qui suscite également des inquiétudes chez les émetteurs eux-mêmes. M. Jean-Pierre Jouyet considère donc qu'il faut poursuivre l'extension du champ de la régulation aux produits et marchés aujourd'hui non régulés, conformément aux conclusions du sommet du G 20 à Londres. Des propositions ont ainsi été formulées par un groupe de travail constitué au sein de l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) et co-présidé par l'AMF. Il a également jugé nécessaire, dans ce domaine, que l'Europe n'accumule pas de retards par rapport aux Etats-Unis, alors que ce pays dispose déjà d'une avance technologique en matière d'organisation des plates-formes et témoigne d'une volonté plus affirmée de meilleure régulation des marchés de gré à gré.
Il a ensuite évoqué la régulation des agences de notation et des fonds alternatifs. Des progrès importants ont été accomplis puisqu'un règlement européen prévoit une procédure d'enregistrement des agences de notation, qui devront publier leurs méthodes et appliquer des règles de prévention des conflits d'intérêt. La mise en place d'une méthodologie commune de contrôle de ces agences impliquera un accord au sein du comité des régulateurs européens, mais il sera également nécessaire de renforcer le contrôle interne des risques dans les entreprises pour réduire leur dépendance à l'égard des agences de notation.
Les fonds d'investissement alternatifs, y compris les fonds spéculatifs (« hedge funds ») dont la crise a révélé les risques micro et macro-prudentiels, constituent en revanche un « point dur ». La Commission européenne a proposé une directive encadrant les gestionnaires de cette catégorie de fonds. Il a estimé nécessaire d'améliorer ce projet sur trois points :
- l'information sur le fonctionnement de ces fonds devrait aller au-delà du seul compte-rendu (« reporting ») réalisé par le gestionnaire ;
- la faculté pour les fonds domiciliés hors des frontières (« offshore ») de bénéficier, à l'issue d'une période de trois ans, du « passeport » européen et d'être ainsi librement commercialisés apparaît contradictoire avec les engagements pris lors du sommet du G 20 à Londres, car elle n'incite pas ces fonds à se localiser en Europe pour y être soumis à la procédure d'enregistrement ;
- il n'est guère cohérent de prévoir un traitement analogue pour les fonds spéculatifs et les fonds de capital-investissement, compte tenu de leurs caractéristiques différentes.
Le dernier risque dans la situation actuelle, selon M. Jean-Pierre Jouyet, est celui du comportement court-termiste des acteurs. Il se traduit notamment dans la concurrence réglementaire, le Royaume-Uni semblant enclin à privilégier le statu quo et une posture de moins-disant réglementaire pour préserver les avantages comparatifs de sa place financière, ainsi que dans le mode de fixation des rémunérations des opérateurs de marché, qui doivent être davantage indexés sur les moyen et long termes.
Il a donc jugé essentiel de réorienter le modèle de régulation et de faire revenir les investisseurs. Aujourd'hui, ceux-ci privilégient légitimement la sécurité et la liquidité de court terme, les dépôts bancaires ayant drainé 49,3 % des flux financiers en 2008. La restauration de la confiance des épargnants doit cependant conduire, selon lui, à s'interroger au niveau européen sur le contrôle de la commercialisation des produits financiers, le système actuel étant organisé par catégorie de distributeurs. Les régulateurs doivent donc se coordonner pour garantir que le produit vendu est bien conforme à l'agrément délivré en amont. A cet égard, il a approuvé les recommandations formulées dans le rapport de M. Bruno Delétré, inspecteur des finances, sur l'organisation et le fonctionnement de la supervision des activités financières en France, et a appelé à une harmonisation et à une simplification européennes de la présentation commerciale des produits d'épargne comparables.
De même, il s'est félicité de l'intention récente de la Commission européenne tendant à préciser la responsabilité des dépositaires, à la suite de « l'affaire Madoff », et a rappelé le caractère plus protecteur de la réglementation française, qui prévoit que le dépositaire est responsable de la restitution des fonds en cas de faute du gestionnaire.
a enfin déclaré souscrire sans réserve aux conclusions du rapport du groupe de travail présidé par M. Jacques de Larosière. Il a souligné que ce rapport doit être appliqué en Europe dans son intégralité, dans la mesure où il constitue déjà un compromis entre les thèses britanniques et celles de l'Europe continentale. La mise en place d'un comité de régulateurs européens, dont la Commission européenne assurerait le secrétariat et qui contribuerait à arbitrer les différends entre régulateurs nationaux, permettrait de réduire le « hiatus » entre une intégration économique et monétaire approfondie, les principes de libre-circulation des produits et prestataires (cette dernière étant renforcée par la quatrième directive sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, dite « OPCVM IV ») et la surveillance consolidée des risques micro et macro-prudentiels.