Au cours d'une séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), et de M. Thierry Francq, secrétaire général.
a rappelé que cette audition intervient alors que le rapport annuel de l'AMF pour 2008 doit être prochainement présenté au Président de la République et publié. Il a indiqué que M. Jean-Pierre Jouyet, en tant que président de l'AMF depuis le 14 novembre 2008, et fort de sa connaissance des enjeux européens, a porté, dans une tribune libre publiée dans Le Monde du 26 mai dernier, une appréciation très critique sur l'Europe des marchés financiers. Il a ainsi estimé que celle-ci « est en passe de devenir une jungle de la finance », qu' « il y a un véritable hiatus entre l'intégration monétaire et la balkanisation financière » et qu'il faut se demander si « l'Europe peut se payer le luxe d'une telle pusillanimité dans la régulation financière ».
Ce véritable « signal d'alarme » contribue à mieux faire prendre conscience de l'ampleur des enjeux et des difficultés qui restent à résoudre, après que le G 20 de Londres a fixé les principes d'action. Les recommandations du rapport du groupe de travail présidé par M. Jacques de Larosière, reprises par la Commission européenne, marquent certes un progrès réel. Il a néanmoins considéré que, comme cela est souvent le cas, « le diable se niche dans les détails », de sorte que le processus de renforcement de la supervision et de la régulation financières pourrait être menacé par les divergences intergouvernementales. Il a ainsi rappelé que les discussions sur le renforcement du statut et des pouvoirs des comités sectoriels du processus Lamfalussy avaient achoppé sous la présidence française. La période actuelle est donc critique, et il appartient à l'Union européenne comme aux Etats-Unis d'Amérique de prendre leurs responsabilités pour éviter, en quelque sorte, que « tout redevienne comme avant ». L'Europe doit également se donner pour ambition d'appliquer sur son territoire les orientations du G 20.
Dès lors, il a estimé que cette audition prend un relief particulier et contribue à enrichir les réflexions du groupe de travail de la commission des finances sur la crise financière.
Après avoir rappelé que le rapport annuel de l'AMF pour 2008 concerne l'exercice qui a précédé son arrivée à la tête de l'AMF, M. Jean Pierre Jouyet, président de l'AMF, a souhaité axer son propos sur les risques actuels et les orientations qu'il conviendrait de privilégier en 2009, dans le cadre du renouvellement du Parlement européen et de la Commission européenne, et à la veille d'un Conseil européen qui devrait aborder les enjeux de régulation financière. Il a également considéré que la première préoccupation de l'AMF, en tant que régulateur, est de faire en sorte que l'épargne revienne vers des placements de long terme, seuls à même de financer l'économie et les retraites. Il a cependant constaté que la confiance des épargnants n'est pas encore revenue, et que les risques sont toujours là, même s'ils empruntent de nouvelles formes.
Le premier de ces risques, selon lui, est celui d'une dégradation généralisée de la qualité du crédit, la crise économique rétroagissant sur la crise financière par un « effet de second tour ». Le renforcement du suivi macro-économique des risques financiers suppose une collaboration renforcée entre les banques centrales, les autorités de régulation et les acteurs de l'industrie. Il a jugé que les travaux du nouveau Conseil de la stabilité financière, qui doit se réunir pour la première fois à Bâle à la fin de ce mois, seront à cet égard importants. Le projet de création d'un Conseil européen du risque systémique, éventuellement présidé par la Banque centrale européenne, s'inscrit dans la même démarche nécessaire de connaissance des risques et incite à trouver une solution pragmatique avec la Banque d'Angleterre.
a estimé que le deuxième risque est celui d'une mauvaise valorisation des actifs et de manipulations de marché liées à une forte incertitude sur les bilans et à la volatilité des marchés. Lutter contre ce risque implique, en premier lieu, que les sociétés fournissent une information aussi complète et transparente que possible, notamment sur les rémunérations. A cet égard, il a indiqué que l'AMF publierait courant juillet son appréciation sur les recommandations émises par l'Association française des entreprises privées (AFEP) et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF). En second lieu, la gouvernance des entreprises doit garantir une prise de décision conforme aux intérêts des investisseurs, ce qui suppose d'être particulièrement vigilant sur la transposition de la directive européenne relative aux droits des actionnaires. Dans ce cadre, le collège de l'AMF entend mieux prévenir les prises de contrôle rampantes et a soumis à consultation publique une proposition d'abaissement du seuil d'offre publique obligatoire de 33,33 % à 30 % du capital et des droits de vote, qui est aujourd'hui celui retenu dans vingt-cinq des vingt-sept Etats membres.
Le troisième risque a trait à la liquidité et tient à la fragmentation croissante des flux de transactions sur des plates-formes de négociations concurrentes des marchés réglementés, qui sont soumises à de moindres exigences d'information sur la formation des prix. Ce mouvement de déstructuration des marchés, engagé par la directive sur les marchés d'instruments financiers, procède certes d'une intention louable de concurrence entre marchés, vecteur de baisse des frais de transaction, mais crée désormais une opacité disproportionnée par rapport aux avantages de la concurrence.
Le quatrième risque est celui de la défaillance sur les marchés de gré à gré, qui représentent près de la moitié des transactions sur les marchés financiers mais n'offrent pas d'organisation fiable de la contrepartie, ce qui suscite également des inquiétudes chez les émetteurs eux-mêmes. M. Jean-Pierre Jouyet considère donc qu'il faut poursuivre l'extension du champ de la régulation aux produits et marchés aujourd'hui non régulés, conformément aux conclusions du sommet du G 20 à Londres. Des propositions ont ainsi été formulées par un groupe de travail constitué au sein de l'Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) et co-présidé par l'AMF. Il a également jugé nécessaire, dans ce domaine, que l'Europe n'accumule pas de retards par rapport aux Etats-Unis, alors que ce pays dispose déjà d'une avance technologique en matière d'organisation des plates-formes et témoigne d'une volonté plus affirmée de meilleure régulation des marchés de gré à gré.
Il a ensuite évoqué la régulation des agences de notation et des fonds alternatifs. Des progrès importants ont été accomplis puisqu'un règlement européen prévoit une procédure d'enregistrement des agences de notation, qui devront publier leurs méthodes et appliquer des règles de prévention des conflits d'intérêt. La mise en place d'une méthodologie commune de contrôle de ces agences impliquera un accord au sein du comité des régulateurs européens, mais il sera également nécessaire de renforcer le contrôle interne des risques dans les entreprises pour réduire leur dépendance à l'égard des agences de notation.
Les fonds d'investissement alternatifs, y compris les fonds spéculatifs (« hedge funds ») dont la crise a révélé les risques micro et macro-prudentiels, constituent en revanche un « point dur ». La Commission européenne a proposé une directive encadrant les gestionnaires de cette catégorie de fonds. Il a estimé nécessaire d'améliorer ce projet sur trois points :
- l'information sur le fonctionnement de ces fonds devrait aller au-delà du seul compte-rendu (« reporting ») réalisé par le gestionnaire ;
- la faculté pour les fonds domiciliés hors des frontières (« offshore ») de bénéficier, à l'issue d'une période de trois ans, du « passeport » européen et d'être ainsi librement commercialisés apparaît contradictoire avec les engagements pris lors du sommet du G 20 à Londres, car elle n'incite pas ces fonds à se localiser en Europe pour y être soumis à la procédure d'enregistrement ;
- il n'est guère cohérent de prévoir un traitement analogue pour les fonds spéculatifs et les fonds de capital-investissement, compte tenu de leurs caractéristiques différentes.
Le dernier risque dans la situation actuelle, selon M. Jean-Pierre Jouyet, est celui du comportement court-termiste des acteurs. Il se traduit notamment dans la concurrence réglementaire, le Royaume-Uni semblant enclin à privilégier le statu quo et une posture de moins-disant réglementaire pour préserver les avantages comparatifs de sa place financière, ainsi que dans le mode de fixation des rémunérations des opérateurs de marché, qui doivent être davantage indexés sur les moyen et long termes.
Il a donc jugé essentiel de réorienter le modèle de régulation et de faire revenir les investisseurs. Aujourd'hui, ceux-ci privilégient légitimement la sécurité et la liquidité de court terme, les dépôts bancaires ayant drainé 49,3 % des flux financiers en 2008. La restauration de la confiance des épargnants doit cependant conduire, selon lui, à s'interroger au niveau européen sur le contrôle de la commercialisation des produits financiers, le système actuel étant organisé par catégorie de distributeurs. Les régulateurs doivent donc se coordonner pour garantir que le produit vendu est bien conforme à l'agrément délivré en amont. A cet égard, il a approuvé les recommandations formulées dans le rapport de M. Bruno Delétré, inspecteur des finances, sur l'organisation et le fonctionnement de la supervision des activités financières en France, et a appelé à une harmonisation et à une simplification européennes de la présentation commerciale des produits d'épargne comparables.
De même, il s'est félicité de l'intention récente de la Commission européenne tendant à préciser la responsabilité des dépositaires, à la suite de « l'affaire Madoff », et a rappelé le caractère plus protecteur de la réglementation française, qui prévoit que le dépositaire est responsable de la restitution des fonds en cas de faute du gestionnaire.
a enfin déclaré souscrire sans réserve aux conclusions du rapport du groupe de travail présidé par M. Jacques de Larosière. Il a souligné que ce rapport doit être appliqué en Europe dans son intégralité, dans la mesure où il constitue déjà un compromis entre les thèses britanniques et celles de l'Europe continentale. La mise en place d'un comité de régulateurs européens, dont la Commission européenne assurerait le secrétariat et qui contribuerait à arbitrer les différends entre régulateurs nationaux, permettrait de réduire le « hiatus » entre une intégration économique et monétaire approfondie, les principes de libre-circulation des produits et prestataires (cette dernière étant renforcée par la quatrième directive sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, dite « OPCVM IV ») et la surveillance consolidée des risques micro et macro-prudentiels.
Après avoir souligné l'utilité des compétences acquises par M. Jean-Pierre Jouyet dans ses fonctions antérieures, M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les perspectives relatives à trois domaines :
- l'harmonisation et la pérennisation, aux niveaux européen et international, de la réglementation sur les ventes à découvert, qui ont récemment fait l'objet de mesures de suspension temporaires et d'un rapport d'un groupe de travail de l'AMF, publié le 23 février 2009 ;
- la standardisation et la compensation centralisée des produits dérivés de gré à gré, notamment des dérivés de crédit qui se sont révélés complexes et opaques ;
- une refonte éventuelle du régime européen des dépositaires de fonds, abordé dans la première directive « OPCVM » de 1985 mais dont l'urgence de la modernisation a été accrue par les récentes difficultés rencontrées par les banques HSBC et UBS sur deux fonds, Thema et Luxalpha, domiciliés respectivement en Irlande et au Luxembourg.
Concernant les ventes à découvert, M. Jean-Pierre Jouyet a précisé que le collège de l'AMF souhaite mettre en oeuvre un régime permanent applicable aux valeurs tant financières que non financières et portant sur le délai de livraison des titres en J+3, la transparence des opérations et les moyens d'éviter une procyclicité en période de baisse. Les réflexions actuellement menées au sein du Comité européen des valeurs mobilières (CEVM) et de l'OICV tendent à se limiter aux enjeux de transparence, mais les Etats-Unis se montrent désireux d'aller plus loin. En tout état de cause, l'AMF, à l'instar du régulateur allemand, va maintenir son régime d'interdiction des ventes à découvert sur les valeurs financières.
Il a ensuite déclaré que l'AMF partage pleinement l'objectif de standardisation et de compensation des produits complexes échangés de gré à gré, qui sont à l'origine de la volatilité et des phénomènes systémiques. Les progrès sont néanmoins lents car les grandes banques d'investissement réalisent l'essentiel de leur chiffre d'affaires et de leurs marges sur ce type d'instruments. Il a fait valoir, en revanche, que la standardisation, si elle tend à réduire les marges des opérateurs, pourrait accroître la sécurité et la profondeur des marchés et donc soutenir les volumes de transactions.
La question du lieu de la compensation des produits dérivés est également importante : selon lui, une compensation au sein de la zone euro - qui n'a pas l'assentiment du Royaume-Uni - présenterait les meilleures garanties de compétitivité pour la place de Paris et de sécurité des transactions en euros, la Banque centrale européenne pouvant alors agir en tant que prêteur en dernier ressort en cas d'incident sur un marché.
Concernant l'affaire Madoff, il a indiqué qu'un groupe de travail a été constitué au sein du CEVM et que la Commission européenne travaille sur une meilleure harmonisation de la responsabilité des dépositaires. En revanche, l'AMF nourrit toujours des inquiétudes sur la situation au Luxembourg. Le fonds Luxalpha a en effet été liquidé ; les autorités luxembourgeoises s'en remettent aux procédures contentieuses en cours, ce qui allonge les délais, et la banque UBS fait preuve d'une mauvaise volonté manifeste. L'AMF souhaite donc que les établissements dépositaires concernés en France informent correctement leurs clients. Elle a lancé des contrôles de certains établissements et des sociétés de gestion qui ont commercialisé le fonds Luxalpha, et soutient les procédures judiciaires en cours.
Revenant sur les ventes à découvert, M. Thierry Francq, secrétaire général de l'AMF, a considéré que les régulateurs européens trouveront vraisemblablement un accord sur la publicité des positions excédant un certain seuil, mais que l'harmonisation du respect des délais de livraison constitue un sujet plus complexe, compte tenu des pratiques en vigueur sur certaines places financières. Il a rappelé que le non-respect de ce délai est passible de sanctions en France, la commission des sanctions ayant récemment eu à se prononcer. En tout état de cause, un suivi spécifique de tous les ordres de vente à découvert ne se conçoit qu'au niveau européen.
S'agissant des marchés de gré à gré, il a déclaré que la compensation permettrait de réduire le risque systémique et d'améliorer la transparence, mais que les régulateurs devront également disposer d'un compte-rendu (« reporting ») détaillé des opérations de gré à gré, ce qui requerra des investissements importants. Une telle vision, à la fois globale et détaillée, des marchés de gré à gré, est nécessaire pour mieux détecter les abus de marché qui semblent y avoir lieu. A ce titre, la Commission européenne a récemment annoncé une révision de la directive communautaire relative à l'abus de marché, qui tend à confirmer l'interprétation extensive de l'AMF, selon laquelle cette directive a vocation à s'appliquer aux transactions de gré à gré.
Il a ajouté que l'AMF a récemment rappelé aux établissements français dépositaires de la société d'investissement à capital variable (SICAV) Luxalpha leurs devoirs fiduciaires à l'égard des porteurs de parts. En réponse à une question de M. Philippe Marini, rapporteur général, il a précisé que les sanctions encourues en cas de non-respect de ces obligations relèvent du droit commun des sanctions disciplinaires et pécuniaires de l'AMF, ces dernières étant plafonnées à 10 millions d'euros. Le régime luxembourgeois présente, quant à lui, la particularité qu'il est difficile de faire reconnaître par la justice le simple fait d'être actionnaire de cette SICAV. Ces porteurs ont donc besoin du concours des dépositaires pour faire valoir leurs droits.
Puis, en réponse à M. Jean Arthuis, président, qui s'est demandé si cette difficulté est caractéristique d'un Etat non-coopératif, il a estimé qu'elle vaut a priori pour tous les investisseurs au Luxembourg, mais qu'il est délicat d'interpréter le droit luxembourgeois en l'absence de jurisprudence sur cette question. Cette difficulté devrait toutefois être rapidement résolue, et l'enjeu prioritaire est, actuellement, pour les liquidateurs de la SICAV, de récupérer les sommes dues par le dépositaire UBS.
a confirmé que le problème principal se situe davantage au niveau des liquidateurs et des tribunaux luxembourgeois qu'à celui de l'Etat. Il a cependant jugé que les autorités luxembourgeoises se sont « habilement défaussées » sur ces acteurs pour ne pas être accusées de non-coopération.
s'est interrogé sur la portée des discussions entre les banques centrales pour améliorer le contrôle des agences de notation, qui sont au coeur des prescriptions du sommet du G 20 et ont repris leur activité de notation de produits structurés aux Etats-Unis. Il s'est également demandé si les investisseurs chinois et japonais disposent de leur propre référentiel de notation ou se réfèrent aux grandes agences américaines.
a précisé que le système européen d'enregistrement qui doit être finalisé avant le début 2010 devrait se traduire par une sorte de délégation aux régulateurs nationaux les plus concernés. Cet enregistrement ne saurait mobiliser les vingt-sept Etats membres, mais il s'agit d'éviter que la Financial Services Authority britannique ait une compétence exclusive sur ces agences, du fait de la domiciliation de leur siège social au Royaume-Uni, et de trouver un accord permettant de prendre en compte les intérêts des régulateurs des pays dans lesquelles ces agences sont également implantées. Par ailleurs, les grands pays asiatiques souhaitent effectivement favoriser le développement de leurs propres agences de notation et bénéficier d'une égalité de traitement par rapport aux grandes agences américaines. Il a ajouté que si la notation demeure utile, considérant notamment l'ampleur des déficits publics, il est nécessaire d'ouvrir le marché et de permettre aux opérateurs de disposer d'un système d'évaluation interne des risques performant et reconnu.
a souhaité obtenir davantage de précisions sur le régime de responsabilité des dépositaires. Il a rappelé que cette fonction a été traitée par la première directive sur les OPCVM en 1985, mais non par la directive « OPCVM IV », ce qui appelle une prise de position claire de la France, voire des améliorations législatives, sur cet enjeu conceptuel et de compétitivité pour la place financière de Paris, plutôt que des réflexions techniques au sein de divers groupes de travail européens. Il s'est interrogé sur la portée réelle du droit français et du règlement général de l'AMF en la matière, dans la mesure où aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit explicitement une obligation de restitution des actifs à la demande du client.
Il a également souhaité connaître l'appréciation de l'AMF sur deux thèmes relatifs aux droits des actionnaires minoritaires :
- dans le cadre de l'examen de la nouvelle procédure de transfert de titres du marché réglementé Euronext vers le marché organisé Alternext, prévue par une proposition de loi sur l'accès des PME au crédit, le Sénat a adopté un amendement tendant à prévoir que l'assemblée générale des actionnaires se prononce sur ce transfert. Il a cependant observé que, dans une apparente contradiction, une consultation de place est en cours et propose notamment d'introduire un régime d'offre publique sur Alternext, analogue à celui en vigueur sur Euronext ;
- s'agissant des fusions transfrontalières de sociétés, il a évoqué le cas d'une société française cotée qui a récemment fait l'objet d'une fusion-absorption par son actionnaire de contrôle sans que les voix de ce dernier aient été neutralisées lors des assemblées générales des deux sociétés. Il s'est dès lors demandé si, bien que la directive sur les fusions transfrontalières ait été transposée, il ne serait pas nécessaire de prévoir des adaptations du droit français tendant à renforcer les droits des actionnaires minoritaires.
Après avoir affirmé ses convictions européennes, M. Jean-Pierre Jouyet a réitéré avec fermeté son voeu d'une législation européenne sur le régime des dépositaires. L'obligation de restitution des actifs en droit français résulte quant à elle de la combinaison des textes législatifs et réglementaires, et a été récemment confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris, qui a fait droit à la position de l'AMF. L'Autorité ne pourrait que conforter l'éventuelle volonté du législateur d'apporter des précisions dans la loi.
S'agissant des fusions transfrontalières et du cas évoqué par M. Philippe Marini, rapporteur général, il a admis que, en l'absence de progrès européens, il pourrait être opportun de prévoir une obligation législative de déposer une offre publique d'acquisition.
a précisé que, du fait de la faillite de Lehman Brothers, l'AMF a enjoint trois établissements dépositaires de restituer des actifs à des OPCVM français. Cette injonction, contestée par les établissements concernés, a été confirmée en appel et a été suivie d'une seconde injonction avec astreinte à l'encontre d'un établissement « récalcitrant ». Il a relevé que cet outil de l'injonction fait manifestement défaut chez d'autres régulateurs européens.
Concernant la procédure de transfert d'Euronext vers Alternext, il a expliqué que les PME éprouvent avant tout des difficultés à remplir leurs obligations relatives à l'information financière et comptable et aux déclarations des transactions effectuées par les dirigeants ; en revanche le droit des offres ne constitue pas un obstacle dirimant. Selon lui, le Gouvernement comme le collège de l'AMF envisagent de manière tout à fait ouverte l'hypothèse de l'introduction d'une procédure d'offre publique sur Alternext, qui relève d'un point d'équilibre à trouver entre les intérêts des investisseurs et des émetteurs. Il s'est également félicité que la loi prévoie désormais le principe de l'approbation de l'assemblée générale, qui vient confirmer l'interprétation des textes.
Faisant référence à une table ronde organisée le 11 mars 2009 par la commission des lois, Mme Nicole Bricq a relevé que l'AMF, et auparavant la Commission des opérations de bourse (COB), effectue depuis 2002 un suivi précis des questions de gouvernance et de rémunération des dirigeants, conforté par une loi de 2008. Elle a rappelé que le groupe de travail conjoint de l'Assemblée nationale et du Sénat a établi un lien entre la crise et les modes de rémunération des dirigeants et des opérateurs de marché. Elle s'est demandé si les prochaines conclusions de l'AMF tiendront compte de l'évolution constatée depuis 2002 et des conclusions d'une étude sur les dernières assemblées générales des sociétés cotées, selon lesquelles les thèmes de la gouvernance et des rémunérations revêtent désormais une plus grande importance, aux yeux des actionnaires, que les résultats financiers.
Elle s'est également interrogée sur la nature des changements qu'a récemment connus Bluenext, marché des quotas de CO2 exploité par Euronext.
a confirmé que la COB puis l'AMF suit depuis 2002 les enjeux de gouvernance et de rémunération, mais ce travail était jusqu'à présent plutôt « notarial ». Il souhaite que l'AMF dispose désormais d'une approche non seulement quantitative, mais surtout qualitative sur l'application et la portée des recommandations de l'AFEP et du MEDEF, formule le cas échéant des propositions d'améliorations juridiques, et établisse un relevé des bonnes et mauvaises pratiques sur des points tels que le cumul du mandat et du contrat de travail, la précision des critères d'évaluation de la performance, ou la rémunération des fonctions exécutives ou non exécutives. Il a également indiqué que le législateur aura à se prononcer sur l'étendue des pouvoirs des actionnaires en matière de contrôle des rémunérations, dans le cadre de la transposition de la directive sur les droits des actionnaires.
Il a souligné l'importance du marché naissant des quotas de CO2, qui justifie, compte tenu des mouvements des investisseurs entre marchés, de le placer dès maintenant dans un cadre régulé au niveau européen. En réponse à une observation de M. Jean Arthuis, président, il a indiqué que l'AMF est prête à assumer une telle mission de régulation de ce marché.
a ensuite précisé que, à sa connaissance, Bluenext n'est pas coté mais a vu son actionnariat évoluer récemment. En tant que plate-forme alternative de négociation, son fonctionnement est contrôlé mais le marché des quotas de CO2 n'est pas en lui-même régulé ni soumis aux dispositions sur l'abus de marché car il s'agit d'un marché de contrats « spot », qui à la différence des actions ou des produits dérivés ne sont juridiquement pas considérés comme des instruments financiers. En réponse à Mme Nicole Bricq, il a estimé préférable qu'une future législation en la matière soit établie au niveau européen plutôt que dans le seul cadre national.
a ajouté que le débat européen sur ces marchés ne devrait guère avancer avant le début 2010, compte tenu du règlement européen en cours de préparation. Il importe donc que les contributions françaises mettent en exergue une qualification juridique des échanges de quotas qui permette aux régulateurs financiers d'agir et de rechercher les abus de marché. Après que Mme Nicole Bricq eut plaidé en faveur d'un régulateur et d'un marché européens, il a estimé que, si cette dimension européenne est effectivement nécessaire et justifiée, les régulateurs n'en doivent pas moins disposer de la base juridique pour intervenir.
Abordant les suites du G 20 et du rapport de M. Jacques de Larosière, M. François Marc a relevé une appréciation de M. Jacques Attali, selon lequel la question des fonds domiciliés dans des places hors des frontières (« offshore ») n'aurait pratiquement enregistré aucune avancée. Dès lors, il s'est interrogé sur les propositions que la France pourrait formuler, sous la présidence suédoise de l'Union européenne, pour accélérer l'encadrement de ces fonds.
a rappelé que, avant même la présidence suédoise, le Conseil européen doit se réunir à la fin de cette semaine pour prendre position sur la mise en oeuvre du rapport de M. Jacques de Larosière. Des progrès substantiels ont également été accomplis sous la pression des pairs européens, en particulier sur le plan fiscal, en matière de relations avec les juridictions non coopératives, et l'actuelle administration américaine se montre plus volontariste que la précédente. En outre, il a estimé que les Suédois sont traditionnellement vigilants sur cette question ; ils devraient donc vraisemblablement amplifier ce mouvement et exercer une pression politique sur la mise en oeuvre détaillée du nouveau dispositif de supervision. De même, la réforme de la supervision financière aux Etats-Unis, les échanges entre superviseurs et la première réunion du Conseil de la stabilité financière pourraient conforter la tendance. Il a enfin appelé à ce que la vigilance s'exerce plus particulièrement sur les propositions législatives que la Commission européenne devrait formuler à l'automne 2009.
a sollicité l'appréciation de M. Jean-Pierre Jouyet :
- d'une part, sur le rapport de M. Bruno Delétré, qui recommande de fusionner la Commission bancaire, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), et de consolider le rôle de l'AMF en matière de surveillance de la commercialisation des produits financiers, parmi lesquels les contrats d'assurance-vie ;
- d'autre part, sur le rapport de M. Jean-Marie Coulon, dont la proposition de transférer au parquet une partie des compétences de l'AMF en matière de répression des abus de marché avait suscité une forte désapprobation de M. Michel Prada, prédécesseur de M. Jean-Pierre Jouyet.
S'exprimant à titre personnel, M. Jean-Pierre Jouyet a considéré que l'AMF serait aujourd'hui prête à exercer de nouvelles responsabilités en matière de commercialisation de produits d'épargne présentés sur des supports différents mais de nature similaire, tout en relevant que certaines compagnies d'assurance conçoivent un lien indissoluble entre la surveillance prudentielle et la surveillance commerciale des contrats d'assurance-vie. Il est en tout cas nécessaire de sortir de la situation actuelle, le cas échéant en améliorant la coopération entre l'AMF, l'ACAM et la Banque de France. Sur le plan budgétaire, la rationalisation de l'architecture de régulation permet également de renforcer l'efficacité du dispositif à moyens constants. Il a ajouté qu'il serait paradoxal que la France reste immobile, alors que les Etats-Unis s'apprêtent à mettre en place une autorité de surveillance de la commercialisation des produits financiers.
S'agissant des propositions du rapport de M. Jean-Marie Coulon, il a déclaré partager l'appréciation de son prédécesseur et souligné le flux croissant de demandes d'enquêtes de dimension internationale auxquelles prend part l'AMF. Ces enquêtes relèvent de l'entraide administrative, comparable à celle qui prévaut dans le domaine douanier, de sorte que priver l'AMF de ses moyens de sanctionner les manquements boursiers pourrait nuire à sa crédibilité internationale. Il a également relativisé le constat de la double sanction administrative et pénale et souligné que le risque de double enquête, préoccupation légitime, peut être levé par une meilleure coopération en amont avec les autorités judiciaires, que l'AMF souhaite.