Intervention de Eneko Landaburu

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 28 janvier 2009 : 1ère réunion
Relations extérieures de l'union européenne — Audition de M. Eneko Landaburu directeur général des relations extérieures de la commission européenne dg relex

Eneko Landaburu, directeur général des relations extérieures de la Commission européenne :

a tout d'abord souhaité faire le point sur la présence actuelle de l'Union européenne dans le monde.

Il a rappelé que l'Union européenne était la première puissance commerciale mondiale, qu'elle était en tête dans le domaine de l'aide au développement, que, en soixante ans, plus de 700 accords avaient été conclus avec des partenaires extérieurs, que l'euro constituait la deuxième monnaie de réserve au niveau mondial et que l'Europe jouait un rôle clef dans un certain nombre de domaines, comme la lutte contre les changements climatiques et la réduction des gaz à effet de serre.

La Commission européenne dispose d'un réseau de 130 délégations, auprès de pays tiers ou d'organisations internationales, qui réunissent plus de 5 000 collaborateurs. Cependant, s'il est incontestable que l'Union européenne est aujourd'hui un acteur mondial, elle n'est pas encore devenue un acteur politique global, a estimé M. Eneko Landaburu, car elle n'a développé à l'extérieur que ce qui relève des politiques communautaires, celles qui font l'objet d'un partage de compétences entre les Etats membres et les institutions européennes et qui concernent prioritairement le domaine économique. C'est pourquoi on parle souvent du « soft power » de l'Union européenne.

Il n'existe pas encore de véritable politique extérieure commune ni de politique de défense européenne, parce que les Etats membres, à tort ou à raison, n'ont pas voulu partager leur souveraineté dans ces domaines régaliens, qui continuent de relever de mécanismes intergouvernementaux, dans le cadre du deuxième pilier. La politique extérieure de l'Union n'a donc pas atteint un degré de maturité suffisant à ce stade pour que l'Europe puisse jouer le rôle qu'elle devrait assumer, a estimé M. Eneko Landaburu, car elle a des mécanismes de décision et de fonctionnement trop intergouvernementaux pour atteindre une véritable capacité d'influence.

a ensuite présenté les actions que la Commission européenne s'est efforcée de réaliser durant le mandat de la Commission Barroso.

La Commission européenne a d'abord voulu adapter la politique d'élargissement. Si l'Union européenne a rencontré de grandes difficultés pour « digérer » l'élargissement à l'est, car on ne passe pas sans conséquences de quinze à vingt-sept membres, notamment en termes d'organisation et de prise de décision, cet élargissement était nécessaire, car, comme le disait M. Jacques Delors : « L'histoire n'attend pas ». De plus, ses résultats ne sont pas négatifs, puisque l'entrée de ces pays dans l'Union européenne n'a pas fondamentalement perturbé son fonctionnement, même s'il l'a compliqué. Cela explique pourquoi la Commission européenne mène actuellement une politique d'élargissement plus réduite, plus réaliste et moins ambitieuse. Aujourd'hui, l'élargissement est limité à certains pays des Balkans, et personne ne souhaite accélérer le processus en cours.

En ce qui concerne le cas de la Turquie, ce qui est dangereux, a estimé M. Eneko Landaburu, c'est d'avancer dans la négociation sans en connaître le résultat final, sans en avoir clairement annoncé l'issue à nos interlocuteurs. Cette attitude risque de créer une tension politique majeure avec ce pays qui négocie de bonne foi, qui s'adapte aux exigences de l'Union européenne et qui pourrait être déçu.

Parallèlement à l'élargissement, une des priorités de l'action extérieure de l'Union a été le développement de la politique européenne de voisinage au Sud et à l'Est, a indiqué M. Eneko Landaburu. Il s'agit de permettre aux pays situés dans ces régions de se rapprocher le plus possible de l'Union, sans en adopter les institutions, de créer avec eux un espace de sécurité, de démocratie partagée et de prospérité, ce que M. Romano Prodi a appelé « l'intégration sans les institutions », même si la réalité est un peu plus complexe.

Quoiqu'il soit encore un peu tôt pour tirer des conclusions définitives, le bilan de la politique de voisinage est plus ou moins mitigé selon les pays. Avec certains, l'Union européenne est allée très loin. Par exemple, l'Union est actuellement en train de finaliser un important accord d'association avec l'Ukraine. De même, avec le Maroc, des progrès importants ont été réalisés à travers le « statut avancé », qui lui a été octroyé récemment. Il en va de même avec Israël. Au contraire, peu d'avancées ont été réalisées avec l'Égypte.

S'agissant de l'Union pour la Méditerranée (UPM), M. Eneko Landaburu a reconnu que la Commission européenne avait rencontré certaines difficultés avec le gouvernement français lors du lancement de ce projet, mais que la situation s'était aujourd'hui apaisée. L'initiative du Président de la République française s'est avérée bénéfique, car elle a apporté une valeur ajoutée au Processus de Barcelone, sans pour autant remettre en cause ce qui existait auparavant. La Commission a oeuvré pour que cette initiative concerne tous les pays de l'Union et pas seulement les pays riverains de la Méditerranée, car il fallait absolument maintenir l'unité politique de l'Europe.

L'Union européenne a également consolidé ses relations avec les partenaires stratégiques que sont les Etats-Unis d'Amérique, la Fédération de Russie, le Japon et la Chine, même si cela ne s'est pas toujours fait sans difficultés, en particulier avec la Russie. L'Union européenne existe aujourd'hui aux yeux de ces Etats, qui, pour la plupart, sont favorables à l'émergence de l'Europe comme acteur international dans un monde multipolaire.

De plus, depuis 2004, l'Union européenne a développé des coopérations stratégiques avec de grands pays émergents comme le Brésil ou l'Inde. Ainsi, l'Union européenne a instauré des sommets annuels au plus haut niveau, notamment avec le Brésil, ce qui permet de faire le point sur les relations bilatérales, de lancer des initiatives politiques et d'échanger sur les questions internationales.

Sous le mandat de la Commission Barroso, il y a eu également un développement spectaculaire des aspects externes de certaines politiques communautaires, par exemple en matière de transports, avec Galileo ou dans le domaine de la recherche. Dans le domaine de l'environnement, l'Europe a pris l'initiative grâce à une initiative de la Commission pour lutter contre le réchauffement climatique.

a également souhaité insister sur les valeurs de l'Union européenne. L'Union européenne n'a eu de cesse, dans les enceintes internationales et dans le cadre du dialogue avec les Etats tiers, de mettre en avant le concept du multilatéralisme comme élément essentiel du règlement des conflits et des crises internationales. Il en va de même pour la défense des droits de l'homme et la promotion de la démocratie. Ainsi, l'Union européenne est la première puissance qui conditionne la conclusion d'accords économiques et commerciaux à un dialogue sur le respect des droits de l'homme. Certes, cela ne donne pas toujours les résultats escomptés, notamment avec la Chine, mais est bien présente la volonté affirmée de promouvoir les principes et les valeurs qui fondent l'identité européenne.

La Commission européenne a également beaucoup oeuvré depuis 2004 pour soutenir les initiatives qui ont été prises dans les domaines de la politique de défense et de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), notamment par le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, M. Javier Solana. La Commission européenne a contribué à la définition d'une stratégie européenne de sécurité, et surtout au financement de la PESC et de certaines opérations, par exemple à Aceh en Indonésie, en Afrique et dans les Balkans.

Enfin, M. Eneko Landaburu a souhaité présenter quelques réflexions plus institutionnelles. Il a estimé qu'il ne pourra pas y avoir d'amélioration notable de la politique extérieure de l'Union européenne tant que le traité de Lisbonne ne sera pas ratifié et mis en oeuvre. Certes, ce traité ne règlera pas tous les problèmes, mais il permettra à l'Union européenne d'être plus visible, plus cohérente dans son action extérieure et d'avoir plus d'influence, avec un président stable du Conseil européen, qui assurera la représentation de l'Union à l'extérieur, et un vice-président de la Commission, qui sera en même temps le Haut représentant pour les questions extérieures. Ces améliorations ne signifient pas que, s'il y avait une nouvelle guerre en Irak, l'Union ne serait pas à nouveau divisée, mais elles mettent sur la voie du consensus et d'une capacité d'expression commune qui n'existent pas aujourd'hui. De ce point de vue, le service d'action extérieure commun prévu par le traité de Lisbonne serait un instrument de poids. Comme le Conseil des ministres des affaires étrangères n'a pas le temps de s'arrêter pour réfléchir à des stratégies à moyen terme vis-à-vis de la Russie ou du monde musulman, il faut donc créer une boîte à outils pour la politique extérieure, qui soit aussi efficace que celle qui a fonctionné pour le marché intérieur, et qui se rapproche de la méthode communautaire. Cependant, pour être réaliste, M. Eneko Landaburu a estimé que les Etats membres n'accepteront pas du jour au lendemain que les décisions dans les domaines régaliens de la défense ou de la politique extérieure se prennent à la majorité qualifiée.

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