Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 28 janvier 2009 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • extérieure
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La réunion

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Lors d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a d'abord procédé à l'examen du rapport de M. André Dulait sur le projet de loi n° 422 (2007-2008) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

a tout d'abord souligné qu'après les turbulences traversées par la relation bilatérale en 1995 suite à la reprise des essais nucléaires français dans le Pacifique, la France et l'Australie avaient renoué une relation de confiance et de qualité traduite par une coopération active dans de nombreux domaines.

Par les collectivités françaises du Pacifique et de l'océan indien (Nouvelle-Calédonie et Kerguelen), la France assume sa part de la stabilité et du développement de la région.

C'est principalement via les Forces Armées en Nouvelle-Calédonie, les FANC, qu'est mise en oeuvre cette coopération en matière de défense sous la forme d'exercices communs, d'échanges d'informations et d'escales.

De son côté, l'Australie souhaite élargir son champ d'intervention au-delà de la région et s'affirmer comme un acteur de la sécurité globale. Elle est ainsi présente en Afghanistan où son contingent de 1 800 hommes est la première contribution à la Force Internationale d'Assistance et de Sécurité (FIAS) d'un pays non membre de l'OTAN.

Elle constitue donc un interlocuteur de qualité en matière de défense.

a indiqué que l'accord soumis au Sénat visait à donner un cadre juridique au développement de la coopération de défense. Il comporte onze articles et deux annexes relatives au statut des forces et au règlement des dommages. L'accord énumère les activités concernées par la coopération. Il exclut toute participation des personnels à la préparation ou à la conduite d'opérations de guerre. Il prévoit qu'un accord de soutien logistique mutuel sera signé.

Il précise également que chaque partie supporte ses propres coûts lors des activités de coopération.

Pour ce qui concerne le statut des forces, l'accord pose le principe de l'application de la législation et de la règlementation locales. Il prévoit toutefois un monopole de l'État d'envoi en matière disciplinaire et une priorité de juridiction pour certains types d'infractions qui ne concernent que les biens, la sécurité ou les personnels de l'État d'envoi.

L'accord prévoit certaines facilités en matière d'entrée et de séjour et renvoie à la convention fiscale entre les deux pays pour le régime d'imposition. En matière de règlement des dommages, l'annexe énumère les cas dans lesquels chaque partie renonce à toute demande d'indemnités à l'encontre de l'autre partie : pour les dommages survenus dans le cadre des fonctions officielles et ne résultant pas d'une faute lourde ou intentionnelle, pour le sauvetage maritime. Les conditions des demandes d'indemnités doivent être déterminées en commun.

a considéré en conclusion que cet accord était proche d'accords du même type conclus avec d'autres pays ; il se réfère, chaque fois que c'est possible, aux cadres juridiques existants, qu'il s'agisse de la législation applicable dans le pays d'accueil ou d'accords bilatéraux, comme en matière de fiscalité ou d'informations classifiées.

Il a été ratifié par l'Australie à la fin de l'année 2008.

A la suite de l'exposé du rapporteur et suivant l'avis du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur le projet de loi n° 142 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

a rappelé que la France et la Suisse avaient conclu, le 11 mai 1998, un accord relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière, et que ce texte avait conduit à la création d'un Centre de coopération policière et douanière (CCPD), puis de patrouilles mixtes en zone frontalière.

Elle a donc souligné que le présent accord, signé à Paris le 9 octobre 2007, s'inscrivait dans le contexte d'une coopération déjà active entre les deux pays, et visait à adapter les bases juridiques de cette coopération à la situation nouvelle induite par l'association de la Suisse à l'acquis de Schengen. En effet, un accord, signé le 26 octobre 2004 entre l'Union européenne et la Suisse, avait concrétisé cette association.

Elle a rappelé que l'espace Schengen regroupait 22 des 27 Etats membres de l'Union européenne et trois Etats associés qui sont l'Islande, la Norvège et la Suisse. L'« acquis de Schengen » a été intégré, en 1999, dans les textes régissant l'Union européenne par un protocole annexé au traité d'Amsterdam ; il est fondé sur deux axes de coopération, reposant sur l'harmonisation des contrôles aux frontières extérieures et sur le renforcement de la coopération policière et judiciaire.

Elle s'est félicitée que le présent texte élargisse le domaine géographique et fonctionnel de cette coopération, qui était auparavant limitée à la zone frontalière. Cette coopération pourra désormais s'étendre à l'ensemble du territoire de chacun des deux Etats signataires, pour l'exercice du droit de poursuite, ou l'assistance en cas d'événements importants comme les manifestations sportives ; les administrations compétentes de chacun des pays pourront également échanger des agents de liaison, qui constituent les meilleurs relais de communication entre des ministères aux traditions différentes.

Elle a précisé que le Centre de coopération policière et douanière (CCPD) voyait ses compétences fortement élargies, puisqu'il associera désormais l'ensemble des services chargés des missions de police et de douane de chacun des deux pays, alors qu'il était jusqu'à présent dévolu à de simples échanges d'informations.

Elle a rappelé que la France avait déjà conclu plusieurs accords de coopération policière et douanière avec ses partenaires frontaliers visant à la mise en place de tels CCPD, pour remédier à l'absence de contrôles fixes aux frontières internes dans l'espace Schengen.

Elle a estimé que la situation de la Suisse, située géographiquement au coeur de l'Europe, rendait ce pays vulnérable aux activités criminelles, en dépit de l'efficacité de ses services policiers et douaniers. Son exposition aux menaces conduit ce pays à développer des coopérations avec ses voisins dans le but de renforcer la lutte contre les dangers transfrontaliers ainsi que contre la criminalité internationale au moyen d'un système de sécurité fondé sur la coopération. Elle a rappelé que l'accord définissait les services chargés de la mise en oeuvre de cette coopération, qui sont, pour la France, la police, la gendarmerie, les douanes, ainsi que les autorités judiciaires, la compétence de ces dernières étant limitée aux seules infractions aux prescriptions sur la sécurité routière, évoquées au titre VIII de l'accord. Pour la Suisse, les services impliqués sont les autorités fédérales de police, d'immigration, de douane, ainsi que le corps des gardes frontières, les polices cantonales, et les autorités judiciaires de la Confédération et des cantons, limitées également à la mise en oeuvre du titre VIII.

Les dispositions du présent accord permettront, lorsqu'elles seront appliquées, de mieux garantir la qualité d'espace de liberté et de sécurité que la zone Schengen s'efforce d'être. Sa ratification rapide par le Parlement français constituera un signe positif important pour notre partenaire helvétique, dont la vie politique intérieure est marquée par une initiative de l'Union démocratique du Centre (UDC), la formation politique populiste, qui appelle à récuser, par votation populaire, le 8 février prochain, l'accord de libre circulation des personnes entre la Suisse et l'Union européenne, conclu en 2004, au motif que la Bulgarie et la Roumanie n'appartenaient alors pas à l'Union européenne, et que ces deux pays feraient peser des risques migratoires inacceptables sur la population helvétique.

En conclusion, elle a donc recommandé l'adoption du présent accord.

Puis un débat s'est instauré au sein de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

s'est interrogé sur l'impact de l'accord en matière de réduction de la fraude fiscale qui trouve refuge en Suisse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Berthou

a évoqué la porosité de la frontière entre les deux pays, permettant à des trafiquants de se déplacer facilement entre Lyon et Genève.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachel Mazuir

a fait état de l'action très efficace des patrouilles de sécurité routière composées de personnels suisses et français dans la région de Haute-Savoie, et a rappelé que l'application du présent accord était très attendue par la France, qui en espérait une répression accrue des trafics en provenance des pays d'Europe centrale.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

En réponse, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a précisé que l'accord instaurait des possibilités accrues de surveillance de tous les trafics, quelle que soit leur nature. Le droit de poursuite de délinquants passant d'un État à l'autre est ainsi instauré, dans le respect du cadre juridique déterminé par l'accord.

En conclusion, suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi, et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'approbation simplifiée en séance publique.

Présidence commune de M. Robert del Picchia, vice-président, et de M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes -

Debut de section - Permalien
Eneko Landaburu, directeur général des relations extérieures de la Commission européenne (DG Relex)

Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission, conjointement avec la commission des affaires européennes, a procédé à l'audition de M. Eneko Landaburu, directeur général des relations extérieures de la Commission européenne (DG Relex) sur les relations extérieures de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

a souhaité que le directeur général dresse un état des lieux et présente les évolutions futures de la politique étrangère de l'Union européenne, notamment dans la perspective de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

Debut de section - Permalien
Eneko Landaburu, directeur général des relations extérieures de la Commission européenne

a tout d'abord souhaité faire le point sur la présence actuelle de l'Union européenne dans le monde.

Il a rappelé que l'Union européenne était la première puissance commerciale mondiale, qu'elle était en tête dans le domaine de l'aide au développement, que, en soixante ans, plus de 700 accords avaient été conclus avec des partenaires extérieurs, que l'euro constituait la deuxième monnaie de réserve au niveau mondial et que l'Europe jouait un rôle clef dans un certain nombre de domaines, comme la lutte contre les changements climatiques et la réduction des gaz à effet de serre.

La Commission européenne dispose d'un réseau de 130 délégations, auprès de pays tiers ou d'organisations internationales, qui réunissent plus de 5 000 collaborateurs. Cependant, s'il est incontestable que l'Union européenne est aujourd'hui un acteur mondial, elle n'est pas encore devenue un acteur politique global, a estimé M. Eneko Landaburu, car elle n'a développé à l'extérieur que ce qui relève des politiques communautaires, celles qui font l'objet d'un partage de compétences entre les Etats membres et les institutions européennes et qui concernent prioritairement le domaine économique. C'est pourquoi on parle souvent du « soft power » de l'Union européenne.

Il n'existe pas encore de véritable politique extérieure commune ni de politique de défense européenne, parce que les Etats membres, à tort ou à raison, n'ont pas voulu partager leur souveraineté dans ces domaines régaliens, qui continuent de relever de mécanismes intergouvernementaux, dans le cadre du deuxième pilier. La politique extérieure de l'Union n'a donc pas atteint un degré de maturité suffisant à ce stade pour que l'Europe puisse jouer le rôle qu'elle devrait assumer, a estimé M. Eneko Landaburu, car elle a des mécanismes de décision et de fonctionnement trop intergouvernementaux pour atteindre une véritable capacité d'influence.

a ensuite présenté les actions que la Commission européenne s'est efforcée de réaliser durant le mandat de la Commission Barroso.

La Commission européenne a d'abord voulu adapter la politique d'élargissement. Si l'Union européenne a rencontré de grandes difficultés pour « digérer » l'élargissement à l'est, car on ne passe pas sans conséquences de quinze à vingt-sept membres, notamment en termes d'organisation et de prise de décision, cet élargissement était nécessaire, car, comme le disait M. Jacques Delors : « L'histoire n'attend pas ». De plus, ses résultats ne sont pas négatifs, puisque l'entrée de ces pays dans l'Union européenne n'a pas fondamentalement perturbé son fonctionnement, même s'il l'a compliqué. Cela explique pourquoi la Commission européenne mène actuellement une politique d'élargissement plus réduite, plus réaliste et moins ambitieuse. Aujourd'hui, l'élargissement est limité à certains pays des Balkans, et personne ne souhaite accélérer le processus en cours.

En ce qui concerne le cas de la Turquie, ce qui est dangereux, a estimé M. Eneko Landaburu, c'est d'avancer dans la négociation sans en connaître le résultat final, sans en avoir clairement annoncé l'issue à nos interlocuteurs. Cette attitude risque de créer une tension politique majeure avec ce pays qui négocie de bonne foi, qui s'adapte aux exigences de l'Union européenne et qui pourrait être déçu.

Parallèlement à l'élargissement, une des priorités de l'action extérieure de l'Union a été le développement de la politique européenne de voisinage au Sud et à l'Est, a indiqué M. Eneko Landaburu. Il s'agit de permettre aux pays situés dans ces régions de se rapprocher le plus possible de l'Union, sans en adopter les institutions, de créer avec eux un espace de sécurité, de démocratie partagée et de prospérité, ce que M. Romano Prodi a appelé « l'intégration sans les institutions », même si la réalité est un peu plus complexe.

Quoiqu'il soit encore un peu tôt pour tirer des conclusions définitives, le bilan de la politique de voisinage est plus ou moins mitigé selon les pays. Avec certains, l'Union européenne est allée très loin. Par exemple, l'Union est actuellement en train de finaliser un important accord d'association avec l'Ukraine. De même, avec le Maroc, des progrès importants ont été réalisés à travers le « statut avancé », qui lui a été octroyé récemment. Il en va de même avec Israël. Au contraire, peu d'avancées ont été réalisées avec l'Égypte.

S'agissant de l'Union pour la Méditerranée (UPM), M. Eneko Landaburu a reconnu que la Commission européenne avait rencontré certaines difficultés avec le gouvernement français lors du lancement de ce projet, mais que la situation s'était aujourd'hui apaisée. L'initiative du Président de la République française s'est avérée bénéfique, car elle a apporté une valeur ajoutée au Processus de Barcelone, sans pour autant remettre en cause ce qui existait auparavant. La Commission a oeuvré pour que cette initiative concerne tous les pays de l'Union et pas seulement les pays riverains de la Méditerranée, car il fallait absolument maintenir l'unité politique de l'Europe.

L'Union européenne a également consolidé ses relations avec les partenaires stratégiques que sont les Etats-Unis d'Amérique, la Fédération de Russie, le Japon et la Chine, même si cela ne s'est pas toujours fait sans difficultés, en particulier avec la Russie. L'Union européenne existe aujourd'hui aux yeux de ces Etats, qui, pour la plupart, sont favorables à l'émergence de l'Europe comme acteur international dans un monde multipolaire.

De plus, depuis 2004, l'Union européenne a développé des coopérations stratégiques avec de grands pays émergents comme le Brésil ou l'Inde. Ainsi, l'Union européenne a instauré des sommets annuels au plus haut niveau, notamment avec le Brésil, ce qui permet de faire le point sur les relations bilatérales, de lancer des initiatives politiques et d'échanger sur les questions internationales.

Sous le mandat de la Commission Barroso, il y a eu également un développement spectaculaire des aspects externes de certaines politiques communautaires, par exemple en matière de transports, avec Galileo ou dans le domaine de la recherche. Dans le domaine de l'environnement, l'Europe a pris l'initiative grâce à une initiative de la Commission pour lutter contre le réchauffement climatique.

a également souhaité insister sur les valeurs de l'Union européenne. L'Union européenne n'a eu de cesse, dans les enceintes internationales et dans le cadre du dialogue avec les Etats tiers, de mettre en avant le concept du multilatéralisme comme élément essentiel du règlement des conflits et des crises internationales. Il en va de même pour la défense des droits de l'homme et la promotion de la démocratie. Ainsi, l'Union européenne est la première puissance qui conditionne la conclusion d'accords économiques et commerciaux à un dialogue sur le respect des droits de l'homme. Certes, cela ne donne pas toujours les résultats escomptés, notamment avec la Chine, mais est bien présente la volonté affirmée de promouvoir les principes et les valeurs qui fondent l'identité européenne.

La Commission européenne a également beaucoup oeuvré depuis 2004 pour soutenir les initiatives qui ont été prises dans les domaines de la politique de défense et de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), notamment par le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, M. Javier Solana. La Commission européenne a contribué à la définition d'une stratégie européenne de sécurité, et surtout au financement de la PESC et de certaines opérations, par exemple à Aceh en Indonésie, en Afrique et dans les Balkans.

Enfin, M. Eneko Landaburu a souhaité présenter quelques réflexions plus institutionnelles. Il a estimé qu'il ne pourra pas y avoir d'amélioration notable de la politique extérieure de l'Union européenne tant que le traité de Lisbonne ne sera pas ratifié et mis en oeuvre. Certes, ce traité ne règlera pas tous les problèmes, mais il permettra à l'Union européenne d'être plus visible, plus cohérente dans son action extérieure et d'avoir plus d'influence, avec un président stable du Conseil européen, qui assurera la représentation de l'Union à l'extérieur, et un vice-président de la Commission, qui sera en même temps le Haut représentant pour les questions extérieures. Ces améliorations ne signifient pas que, s'il y avait une nouvelle guerre en Irak, l'Union ne serait pas à nouveau divisée, mais elles mettent sur la voie du consensus et d'une capacité d'expression commune qui n'existent pas aujourd'hui. De ce point de vue, le service d'action extérieure commun prévu par le traité de Lisbonne serait un instrument de poids. Comme le Conseil des ministres des affaires étrangères n'a pas le temps de s'arrêter pour réfléchir à des stratégies à moyen terme vis-à-vis de la Russie ou du monde musulman, il faut donc créer une boîte à outils pour la politique extérieure, qui soit aussi efficace que celle qui a fonctionné pour le marché intérieur, et qui se rapproche de la méthode communautaire. Cependant, pour être réaliste, M. Eneko Landaburu a estimé que les Etats membres n'accepteront pas du jour au lendemain que les décisions dans les domaines régaliens de la défense ou de la politique extérieure se prennent à la majorité qualifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

a souhaité évoquer trois sujets.

Tout d'abord, concernant le rôle de l'Union européenne au Proche Orient, il s'est demandé si, après le cessez-le-feu intervenu dans la bande de Gaza, l'Union européenne était prête à s'impliquer plus fortement, et pas seulement en matière d'aide humanitaire, pour favoriser un plan de paix durable dans la région.

Il a également souhaité avoir des précisions au sujet des relations transatlantiques, en soulignant que si l'investiture de M. Barack Obama avait suscité beaucoup d'espoirs, il avait été frappé, à la lecture du compte rendu de l'audition de Mme Hillary Clinton devant le Sénat américain, de constater que l'Union européenne n'avait été pratiquement pas mentionnée en tant que telle par la nouvelle Secrétaire d'État.

Enfin, il s'est demandé si l'Union pour la Méditerranée ne connaissait pas actuellement une panne.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

a également souhaité évoquer les relations transatlantiques, en estimant que si l'Europe attend beaucoup des Etats-Unis, sur l'énergie, sur le climat, sur le conflit du Proche-Orient ou encore sur la crise financière, elle devait aussi montrer au nouveau Président américain qu'elle peut être un partenaire efficace.

Debut de section - Permalien
Eneko Landaburu, directeur général des relations extérieures de la Commission européenne

En réponse, M. Eneko Landaburu a apporté les précisions suivantes :

- sur le Proche-Orient, la situation était déjà difficile et compliquée mais, après ce qui s'est passé à Gaza, elle est tellement terrible que l'on voit mal comment s'en sortir. Il faut s'interroger sur les raisons pour lesquelles la politique antérieure, celle du Quartet, qui rassemble les Etats-Unis, la Russie, l'Union européenne et les Nations-Unies, n'a pas fonctionné. En réalité, l'Union européenne était persuadée que les Etats-Unis pouvaient influencer Israël pour l'obliger à faire des concessions dans le sens de la paix sur un certain nombre de questions : la coexistence de deux Etats avec les frontières de 1967, le statut de Jérusalem, le retour des réfugiés. Or, les Etats-Unis n'ont pas pu ou n'ont pas voulu influer sur Israël, et, par là-même, ils n'ont fait que renforcer des aspects inacceptables pour les Palestiniens et le monde arabe : l'installation des colons en Cisjordanie, le mur, la fermeture de Gaza. En outre, le Quartet présupposait aussi que l'Europe pouvait influencer le monde arabe afin que celui-ci limite les capacités de terrorisme des extrémistes. Mais l'Europe n'a pas su le faire et le terrorisme a prospéré.

Aujourd'hui, l'Union européenne se trouve dans une position de faiblesse car elle est relativement divisée. En effet, certains Etats membres comme la République tchèque, la Hollande et, avec un peu plus de distance, le Royaume-Uni, soutiennent la politique israélienne. À l'inverse, il y a ceux qui sont plus proches de la défense des positions du monde arabe, comme l'Espagne et la France. Et puis il y a l'Allemagne qui, sur ce sujet, est toujours culpabilisée. Comme il n'y a pas d'unité européenne, il ne peut y avoir de capacité d'entraînement ou d'influence de la part de l'Union européenne, a estimé M. Eneko Landaburu.

Il s'est dit convaincu que le règlement du conflit israélo-palestinien passerait par le développement d'une politique américaine plus conciliante à l'égard de l'Iran. La question essentielle est en effet de savoir comment traiter l'Iran, et si ce pays peut être sensible à un discours plus conciliant et rassurant qui l'obligerait, en contrepartie, à adopter une attitude responsable dans la région. Il faut donc créer une rupture par rapport à la situation actuelle, et cette rupture ne peut venir que d'un dialogue avec les Etats-Unis.

Concernant l'Union pour la Méditerranée, M. Eneko Landaburu a indiqué que, si la Commission européenne avait initialement critiqué l'initiative du Président de la République, c'est parce qu'elle lui semblait utopique et susceptible par là-même de conduire à des effets négatifs, en créant de la déception et de la désillusion. Ainsi, par son discours de Marseille, M. Nicolas Sarkozy proposait aux pays de la rive Sud de la Méditerranée une Union semblable à l'Union européenne. Or, il est difficile d'imaginer une telle union entre des pays dont les frontières sont fermées et qui ne se parlent pas. M. Hubert Védrine a donc parlé à juste titre de chimère, a indiqué M. Eneko Landaburu. De plus, pour la Commission européenne, il était primordial que l'ensemble des Etats membres soient concernés, même s'ils ne sont pas riverains de la Méditerranée, car il fallait maintenir l'unité européenne, comme l'a souligné la Chancelière Angela Merkel. Néanmoins, la proposition du Président Nicolas Sarkozy de mettre en oeuvre un certain nombre de grands projets structurants et visibles, pour améliorer la coopération entre les deux rives de la Méditerranée, est pertinente. Ces projets représentent, en effet, la valeur ajoutée de l'Union pour la Méditerranée par rapport au Processus de Barcelone. Le budget communautaire financera d'ailleurs en partie ces grands projets dans le domaine de l'énergie, du transport et de l'environnement. En outre, l'Union pour la Méditerranée instaure une réunion tous les deux ans au niveau des chefs d'État et de Gouvernement, ce qui donnera une visibilité et une impulsion politique qui n'existaient pas avec le Processus de Barcelone. Le grand mérite de l'approche française a donc été de replacer la Méditerranée au coeur de l'agenda politique de l'Europe, a souligné M. Eneko Landaburu. Malheureusement, à la suite des événements de Gaza, les pays arabes ont décidé de cesser toutes les discussions en cours sur la mise en oeuvre les conclusions du Sommet de Paris. Finalement, il doit être constaté que l'Union pour la Méditerranée ne peut pas du jour au lendemain régler les contradictions du Processus de Barcelone, dont l'échec s'explique en partie par l'incapacité européenne à régler le conflit israélo-palestinien, a estimé M. Eneko Landaburu.

La Méditerranée est probablement, avec les Balkans, la priorité de la politique extérieure de l'Union européenne. La population d'une partie du pourtour méditerranéen croît fortement alors que celle de l'Union européenne décroît. Il y a aussi un écart de développement économique qui ne cesse de s'élargir, tandis que l'intégrisme musulman religieux se développe de façon préoccupante. L'Union européenne devrait donc accorder encore plus d'importance à la Méditerranée, a estimé M. Eneko Landaburu.

En ce qui concerne les relations transatlantiques, le maître mot est «espoir», a souligné M. Eneko Landaburu, car seuls les Etats-Unis d'Amérique peuvent changer la donne en Palestine, en Afghanistan ou en Irak. D'ores et déjà, le Président Barack Obama a annoncé le retrait des troupes américaines d'Irak et a adopté une attitude volontariste pour lutter contre les changements climatiques. S'il est très difficile aujourd'hui de dire précisément ce qui va changer et comment dans la politique américaine, puisque tous les responsables n'ont pas encore été désignés et que le nouveau Président ne s'est pas encore prononcé clairement sur un certain nombre de sujets importants, l'Europe, si elle veut être prise au sérieux, devra exprimer sur les grands sujets une position commune a estimé M. Eneko Landaburu. Sur le climat, c'est déjà le cas, avec l'adoption du paquet « énergie-climat » sous la présidence française. De même, sur la crise financière, l'Union européenne a défini une position commune. Tel n'est pas le cas au sujet des zones de crise telles que l'Afghanistan, l'Iran, le Moyen-Orient. L'urgence, pour l'Europe, d'ici le sommet Union européenne-Etats-Unis, qui aura lieu en juin à Washington, a estimé M. Eneko Landaburu, est donc de consolider une position européenne commune sur tous les grands sujets de politique internationale. Soit l'Europe parle d'une seule voix et elle sera prise en considération, ce qui lui donnera une réelle capacité d'influence, soit elle reste divisée et elle n'obtiendra rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

a souhaité obtenir des précisions au sujet du partenariat oriental et sur sa valeur ajoutée par rapport à la politique de voisinage, dont elle a considéré qu'elle avait été un échec, puisqu'en dehors de la zone de libre échange, aucune avancée n'avait été réalisée en faveur de la libre circulation des personnes, de la paix pour les peuples, et encore moins de la démocratie et des droits de l'homme.

Indiquant qu'elle avait pu constater elle-même, lors d'un récent déplacement, le désastre humain et les violations des droits de l'homme causés par l'intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza, elle s'est interrogée sur la possibilité d'adopter des sanctions pour faire respecter les droits humains, mentionnés à l'article 2 des accords d'association.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

a estimé que, si l'Union pour la Méditerranée n'est pas, à elle seule, en mesure d'instaurer la paix entre les Palestiniens et Israël, elle pourrait toutefois favoriser des échanges au plus haut niveau. Il s'est interrogé sur l'articulation entre la synergie de la mer Noire et le partenariat oriental. Enfin, il s'est demandé si la politique de voisinage n'allait pas dans le sens d'une plus grande diversification, avec des politiques régionalisées, telles que l'UPM, le partenariat oriental ou la synergie de la mer Noire.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

a souhaité connaître les raisons qui avaient conduit l'Union européenne à donner une réponse de principe favorable au rehaussement de sa relation avec Israël, tout en évoquant systématiquement dans ses prises de position la nécessité pour Israël de cesser la colonisation, d'interrompre le blocus et de changer radicalement de politique ; elle a qualifiée de schizophrénique cette attitude européenne.

Estimant que l'Europe avait adressé par ce biais un signal très positif à Israël, forcément ressenti par les Palestiniens comme une préférence, elle s'est interrogée sur le point de savoir si cette schizophrénie de l'Union européenne ne la privait pas de toute capacité d'influence.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

s'est demandé s'il n'était pas aujourd'hui envisagé de suspendre cette procédure de rehaussement des relations avec Israël, au vu des événements dramatiques que vient de subir le peuple palestinien.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

a souhaité savoir si l'Union européenne était disposée à faire évoluer sa position vis-à-vis du Hamas, en relevant l'ambiguïté qui consiste, d'un côté, à soutenir le processus démocratique, et, de l'autre côté, à ne pas accepter le résultat des élections. Il a fait un parallèle avec l'organisation des moudjahidines du peuple iranien, dont la Cour de justice des Communautés européennes avait demandé la radiation de la liste européenne des organisations terroristes.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

a souhaité obtenir des précisions au sujet des négociations sur le futur accord de partenariat entre l'Union européenne et la Russie.

Debut de section - Permalien
Eneko Landaburu, directeur général des relations extérieures de la Commission européenne

En réponse, M. Eneko Landaburu a apporté les précisions suivantes :

- à l'égard d'Israël, la faiblesse de l'Union européenne tient à sa division. Le conflit israélo-palestinien pose un problème humanitaire et politique. L'Union européenne répond au problème humanitaire, mais, sur le plan politique, elle est bien dans une situation de schizophrénie, puisqu'elle veut ménager la chèvre et le chou pour pouvoir éventuellement jouer un rôle de médiation dans ce conflit, ce qui constitue sans doute une erreur ;

- en ce qui concerne le rehaussement des relations avec Israël, le Conseil a accepté d'envisager le renforcement du statut de coopération d'Israël avec l'Union, cependant, aucune décision formelle n'a été adoptée sur le rehaussement proprement dit. Cette décision sera prise au printemps prochain, sur la base de discussions techniques que la Commission mène actuellement avec le gouvernement israélien, concernant notamment les accords de science et de technologie ou les programmes communautaires. Compte tenu des évènements de Gaza, il est probable que les ministres reporteront ce rehaussement à des temps plus pacifiés, car le consensus sera difficilement atteint ;

- concernant la politique de voisinage, il est impossible de parler d'échec. Cette politique a apporté en trois ans des avancées très positives qui ne peuvent être occultées. L'un des principes fondamentaux de cette politique est celui de la différenciation, qui signifie que l'Union adapte le niveau d'ambition de la relation à la volonté de chacun de ses partenaires. Le processus de Barcelone a en partie échoué parce qu'il ambitionnait d'agir de manière identique avec chaque Etat, en dépit de leurs différences. La politique de voisinage tient compte de cet échec et s'adapte aux spécificités de chaque partenaire. Par exemple, il est évident qu'il est impossible d'aller encore très loin avec la Libye, avec qui les négociations viennent tout juste de commencer. Au contraire, avec le Maroc et la Jordanie, l'Union est allée très loin dans la coopération. Dans ce cadre, quel que soit le niveau d'ambition réalisable, il existe un dialogue sur les droits de l'homme avec l'ensemble des partenaires. L'Union a ainsi connu des moments de tension avec la Tunisie. Certes, il est impossible de prétendre imposer la démocratie dans tous les pays de par la seule action et par la seule volonté de l'Union, mais elle obtient peu à peu des résultats tangibles. Ainsi, l'Union a contribué à la libération de prisonniers homosexuels en Égypte ;

- si l'Union voulait condamner Israël, il faudrait être cohérent et condamner de même la Chine et certains pays africains. C'est toute la difficulté d'une politique des droits de l'homme au niveau international, qui oscille entre le réalisme et l'influence. Il est donc peu probable que l'Union européenne remette en question les accords d'association avec les pays voisins à cause du manque de mise en oeuvre effective des droits de l'homme ;

- il est impératif qu'on trouve les voies et les moyens pour discuter avec le Hamas. Pour le moment, il ne s'agit pas de demander au Hamas de renoncer à ses principes et de reconnaître Israël, mais de s'engager dans un processus de paix. Toutefois cette position n'est pas encore soutenue par la majorité des pays européens. La Commission travaille donc actuellement sur deux priorités : la première vise à remettre le Hamas dans le processus de paix pour qu'il devienne un interlocuteur dans les négociations. La seconde vise à obliger Israël à ouvrir les points de passage entre Gaza et Israël ;

- en ce qui concerne le partenariat oriental, celui-ci a été lancé sous l'impulsion des pays de l'Est pour faire contrepoids à l'Union pour la Méditerranée. Ce partenariat oriental n'offre ni la sécurité militaire, ni l'adhésion à l'Union aux six pays concernés. Il ne fait qu'améliorer la politique de voisinage en termes financiers, parce qu'il prévoit davantage de fonds pour aider au développement. Il apporte aussi un élément de dialogue entre ces pays concernés, sur un certain nombre de sujets, notamment la démocratie et la gouvernance, ainsi que la question énergétique. Sa valeur ajoutée par rapport à la politique de voisinage est l'instauration d'une dimension multilatérale. Il s'agit d'un dialogue de l'ensemble de l'Union européenne avec ces six pays, qui doivent eux-mêmes discuter et coopérer entre eux. C'est donc un partenariat régional ;

- la synergie de la mer Noire, qui a fait l'objet d'une communication de la Commission européenne en avril 2008, n'est pas destinée aux mêmes interlocuteurs, mais l'idée est la même : il s'agit d'assurer un espace de sécurité, de prospérité et d'avancées démocratiques. Il est évident que la pacification du Sud Caucase, surtout après la guerre de Géorgie, dépend d'une intervention de la Turquie, qui est un acteur incontournable de la région. De même, il n'y aura pas de règlement du conflit du Nagorno-Karabakh, en Azerbaïdjan, sans une autre intervention de la Turquie ;

- enfin, sur les relations entre la Russie et l'Union européenne, il est vrai que, depuis une dizaine d'années, la Russie fait preuve d'agressivité et n'a pas progressé sur la voie de la démocratie et du respect des droits de l'homme. Le problème est de savoir si l'Union doit continuer à entretenir des rapports privilégiés avec ce grand pays. Après la guerre en Géorgie et la violation de son intégrité territoriale par la Russie, l'Union européenne s'est interrogée sur une éventuelle suspension de ses relations avec la Russie. La Commission européenne, qui avait été chargée par les Etats membres de réaliser une analyse sur les relations entre l'Union européenne et la Russie, est arrivée à la conclusion, qui a été reprise par le Conseil européen du mois d'octobre, que les interdépendances et les intérêts mutuels étaient si importants que l'Union devait trouver une forme de coopération, quels que soient les sentiments que leur inspirait ce pays. La dépendance énergétique de l'Europe vis-à-vis de la Russie est incontestable, et l'Union a tout intérêt à favoriser une modernisation de ce pays et sa démocratie. Le retour à la guerre froide serait une catastrophe. Il faut aussi tenir compte du fait que les Russes ne comprennent pas pourquoi l'Union prétend entretenir de bonnes relations avec eux, tout en laissant installer un bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque ; de même, ils expriment des inquiétudes quand l'Ukraine et la Géorgie demandent leur adhésion à l'OTAN. En définitive, le choix est entre le maintien d'un climat de tension avec la Russie et l'ouverture d'espaces de dialogue stratégiques. Toutefois, comme sur le conflit israélo-palestinien, l'Europe est divisée avec, d'un côté, les pays pragmatiques qui soutiennent le dialogue et la discussion par nécessité et, de l'autre, les pays de l'Est de l'Europe qui ne veulent faire aucune concession à la Russie. Le ressentiment de la Pologne et des Pays baltes peut se comprendre, mais ce n'est pas le degré de souffrance causé par l'oppression soviétique qui permet de détenir la vérité sur la réponse adéquate à apporter à la situation politique d'aujourd'hui.