En réponse, M. Eneko Landaburu a apporté les précisions suivantes :
- sur le Proche-Orient, la situation était déjà difficile et compliquée mais, après ce qui s'est passé à Gaza, elle est tellement terrible que l'on voit mal comment s'en sortir. Il faut s'interroger sur les raisons pour lesquelles la politique antérieure, celle du Quartet, qui rassemble les Etats-Unis, la Russie, l'Union européenne et les Nations-Unies, n'a pas fonctionné. En réalité, l'Union européenne était persuadée que les Etats-Unis pouvaient influencer Israël pour l'obliger à faire des concessions dans le sens de la paix sur un certain nombre de questions : la coexistence de deux Etats avec les frontières de 1967, le statut de Jérusalem, le retour des réfugiés. Or, les Etats-Unis n'ont pas pu ou n'ont pas voulu influer sur Israël, et, par là-même, ils n'ont fait que renforcer des aspects inacceptables pour les Palestiniens et le monde arabe : l'installation des colons en Cisjordanie, le mur, la fermeture de Gaza. En outre, le Quartet présupposait aussi que l'Europe pouvait influencer le monde arabe afin que celui-ci limite les capacités de terrorisme des extrémistes. Mais l'Europe n'a pas su le faire et le terrorisme a prospéré.
Aujourd'hui, l'Union européenne se trouve dans une position de faiblesse car elle est relativement divisée. En effet, certains Etats membres comme la République tchèque, la Hollande et, avec un peu plus de distance, le Royaume-Uni, soutiennent la politique israélienne. À l'inverse, il y a ceux qui sont plus proches de la défense des positions du monde arabe, comme l'Espagne et la France. Et puis il y a l'Allemagne qui, sur ce sujet, est toujours culpabilisée. Comme il n'y a pas d'unité européenne, il ne peut y avoir de capacité d'entraînement ou d'influence de la part de l'Union européenne, a estimé M. Eneko Landaburu.
Il s'est dit convaincu que le règlement du conflit israélo-palestinien passerait par le développement d'une politique américaine plus conciliante à l'égard de l'Iran. La question essentielle est en effet de savoir comment traiter l'Iran, et si ce pays peut être sensible à un discours plus conciliant et rassurant qui l'obligerait, en contrepartie, à adopter une attitude responsable dans la région. Il faut donc créer une rupture par rapport à la situation actuelle, et cette rupture ne peut venir que d'un dialogue avec les Etats-Unis.
Concernant l'Union pour la Méditerranée, M. Eneko Landaburu a indiqué que, si la Commission européenne avait initialement critiqué l'initiative du Président de la République, c'est parce qu'elle lui semblait utopique et susceptible par là-même de conduire à des effets négatifs, en créant de la déception et de la désillusion. Ainsi, par son discours de Marseille, M. Nicolas Sarkozy proposait aux pays de la rive Sud de la Méditerranée une Union semblable à l'Union européenne. Or, il est difficile d'imaginer une telle union entre des pays dont les frontières sont fermées et qui ne se parlent pas. M. Hubert Védrine a donc parlé à juste titre de chimère, a indiqué M. Eneko Landaburu. De plus, pour la Commission européenne, il était primordial que l'ensemble des Etats membres soient concernés, même s'ils ne sont pas riverains de la Méditerranée, car il fallait maintenir l'unité européenne, comme l'a souligné la Chancelière Angela Merkel. Néanmoins, la proposition du Président Nicolas Sarkozy de mettre en oeuvre un certain nombre de grands projets structurants et visibles, pour améliorer la coopération entre les deux rives de la Méditerranée, est pertinente. Ces projets représentent, en effet, la valeur ajoutée de l'Union pour la Méditerranée par rapport au Processus de Barcelone. Le budget communautaire financera d'ailleurs en partie ces grands projets dans le domaine de l'énergie, du transport et de l'environnement. En outre, l'Union pour la Méditerranée instaure une réunion tous les deux ans au niveau des chefs d'État et de Gouvernement, ce qui donnera une visibilité et une impulsion politique qui n'existaient pas avec le Processus de Barcelone. Le grand mérite de l'approche française a donc été de replacer la Méditerranée au coeur de l'agenda politique de l'Europe, a souligné M. Eneko Landaburu. Malheureusement, à la suite des événements de Gaza, les pays arabes ont décidé de cesser toutes les discussions en cours sur la mise en oeuvre les conclusions du Sommet de Paris. Finalement, il doit être constaté que l'Union pour la Méditerranée ne peut pas du jour au lendemain régler les contradictions du Processus de Barcelone, dont l'échec s'explique en partie par l'incapacité européenne à régler le conflit israélo-palestinien, a estimé M. Eneko Landaburu.
La Méditerranée est probablement, avec les Balkans, la priorité de la politique extérieure de l'Union européenne. La population d'une partie du pourtour méditerranéen croît fortement alors que celle de l'Union européenne décroît. Il y a aussi un écart de développement économique qui ne cesse de s'élargir, tandis que l'intégrisme musulman religieux se développe de façon préoccupante. L'Union européenne devrait donc accorder encore plus d'importance à la Méditerranée, a estimé M. Eneko Landaburu.
En ce qui concerne les relations transatlantiques, le maître mot est «espoir», a souligné M. Eneko Landaburu, car seuls les Etats-Unis d'Amérique peuvent changer la donne en Palestine, en Afghanistan ou en Irak. D'ores et déjà, le Président Barack Obama a annoncé le retrait des troupes américaines d'Irak et a adopté une attitude volontariste pour lutter contre les changements climatiques. S'il est très difficile aujourd'hui de dire précisément ce qui va changer et comment dans la politique américaine, puisque tous les responsables n'ont pas encore été désignés et que le nouveau Président ne s'est pas encore prononcé clairement sur un certain nombre de sujets importants, l'Europe, si elle veut être prise au sérieux, devra exprimer sur les grands sujets une position commune a estimé M. Eneko Landaburu. Sur le climat, c'est déjà le cas, avec l'adoption du paquet « énergie-climat » sous la présidence française. De même, sur la crise financière, l'Union européenne a défini une position commune. Tel n'est pas le cas au sujet des zones de crise telles que l'Afghanistan, l'Iran, le Moyen-Orient. L'urgence, pour l'Europe, d'ici le sommet Union européenne-Etats-Unis, qui aura lieu en juin à Washington, a estimé M. Eneko Landaburu, est donc de consolider une position européenne commune sur tous les grands sujets de politique internationale. Soit l'Europe parle d'une seule voix et elle sera prise en considération, ce qui lui donnera une réelle capacité d'influence, soit elle reste divisée et elle n'obtiendra rien.