En réponse, M. Eneko Landaburu a apporté les précisions suivantes :
- à l'égard d'Israël, la faiblesse de l'Union européenne tient à sa division. Le conflit israélo-palestinien pose un problème humanitaire et politique. L'Union européenne répond au problème humanitaire, mais, sur le plan politique, elle est bien dans une situation de schizophrénie, puisqu'elle veut ménager la chèvre et le chou pour pouvoir éventuellement jouer un rôle de médiation dans ce conflit, ce qui constitue sans doute une erreur ;
- en ce qui concerne le rehaussement des relations avec Israël, le Conseil a accepté d'envisager le renforcement du statut de coopération d'Israël avec l'Union, cependant, aucune décision formelle n'a été adoptée sur le rehaussement proprement dit. Cette décision sera prise au printemps prochain, sur la base de discussions techniques que la Commission mène actuellement avec le gouvernement israélien, concernant notamment les accords de science et de technologie ou les programmes communautaires. Compte tenu des évènements de Gaza, il est probable que les ministres reporteront ce rehaussement à des temps plus pacifiés, car le consensus sera difficilement atteint ;
- concernant la politique de voisinage, il est impossible de parler d'échec. Cette politique a apporté en trois ans des avancées très positives qui ne peuvent être occultées. L'un des principes fondamentaux de cette politique est celui de la différenciation, qui signifie que l'Union adapte le niveau d'ambition de la relation à la volonté de chacun de ses partenaires. Le processus de Barcelone a en partie échoué parce qu'il ambitionnait d'agir de manière identique avec chaque Etat, en dépit de leurs différences. La politique de voisinage tient compte de cet échec et s'adapte aux spécificités de chaque partenaire. Par exemple, il est évident qu'il est impossible d'aller encore très loin avec la Libye, avec qui les négociations viennent tout juste de commencer. Au contraire, avec le Maroc et la Jordanie, l'Union est allée très loin dans la coopération. Dans ce cadre, quel que soit le niveau d'ambition réalisable, il existe un dialogue sur les droits de l'homme avec l'ensemble des partenaires. L'Union a ainsi connu des moments de tension avec la Tunisie. Certes, il est impossible de prétendre imposer la démocratie dans tous les pays de par la seule action et par la seule volonté de l'Union, mais elle obtient peu à peu des résultats tangibles. Ainsi, l'Union a contribué à la libération de prisonniers homosexuels en Égypte ;
- si l'Union voulait condamner Israël, il faudrait être cohérent et condamner de même la Chine et certains pays africains. C'est toute la difficulté d'une politique des droits de l'homme au niveau international, qui oscille entre le réalisme et l'influence. Il est donc peu probable que l'Union européenne remette en question les accords d'association avec les pays voisins à cause du manque de mise en oeuvre effective des droits de l'homme ;
- il est impératif qu'on trouve les voies et les moyens pour discuter avec le Hamas. Pour le moment, il ne s'agit pas de demander au Hamas de renoncer à ses principes et de reconnaître Israël, mais de s'engager dans un processus de paix. Toutefois cette position n'est pas encore soutenue par la majorité des pays européens. La Commission travaille donc actuellement sur deux priorités : la première vise à remettre le Hamas dans le processus de paix pour qu'il devienne un interlocuteur dans les négociations. La seconde vise à obliger Israël à ouvrir les points de passage entre Gaza et Israël ;
- en ce qui concerne le partenariat oriental, celui-ci a été lancé sous l'impulsion des pays de l'Est pour faire contrepoids à l'Union pour la Méditerranée. Ce partenariat oriental n'offre ni la sécurité militaire, ni l'adhésion à l'Union aux six pays concernés. Il ne fait qu'améliorer la politique de voisinage en termes financiers, parce qu'il prévoit davantage de fonds pour aider au développement. Il apporte aussi un élément de dialogue entre ces pays concernés, sur un certain nombre de sujets, notamment la démocratie et la gouvernance, ainsi que la question énergétique. Sa valeur ajoutée par rapport à la politique de voisinage est l'instauration d'une dimension multilatérale. Il s'agit d'un dialogue de l'ensemble de l'Union européenne avec ces six pays, qui doivent eux-mêmes discuter et coopérer entre eux. C'est donc un partenariat régional ;
- la synergie de la mer Noire, qui a fait l'objet d'une communication de la Commission européenne en avril 2008, n'est pas destinée aux mêmes interlocuteurs, mais l'idée est la même : il s'agit d'assurer un espace de sécurité, de prospérité et d'avancées démocratiques. Il est évident que la pacification du Sud Caucase, surtout après la guerre de Géorgie, dépend d'une intervention de la Turquie, qui est un acteur incontournable de la région. De même, il n'y aura pas de règlement du conflit du Nagorno-Karabakh, en Azerbaïdjan, sans une autre intervention de la Turquie ;
- enfin, sur les relations entre la Russie et l'Union européenne, il est vrai que, depuis une dizaine d'années, la Russie fait preuve d'agressivité et n'a pas progressé sur la voie de la démocratie et du respect des droits de l'homme. Le problème est de savoir si l'Union doit continuer à entretenir des rapports privilégiés avec ce grand pays. Après la guerre en Géorgie et la violation de son intégrité territoriale par la Russie, l'Union européenne s'est interrogée sur une éventuelle suspension de ses relations avec la Russie. La Commission européenne, qui avait été chargée par les Etats membres de réaliser une analyse sur les relations entre l'Union européenne et la Russie, est arrivée à la conclusion, qui a été reprise par le Conseil européen du mois d'octobre, que les interdépendances et les intérêts mutuels étaient si importants que l'Union devait trouver une forme de coopération, quels que soient les sentiments que leur inspirait ce pays. La dépendance énergétique de l'Europe vis-à-vis de la Russie est incontestable, et l'Union a tout intérêt à favoriser une modernisation de ce pays et sa démocratie. Le retour à la guerre froide serait une catastrophe. Il faut aussi tenir compte du fait que les Russes ne comprennent pas pourquoi l'Union prétend entretenir de bonnes relations avec eux, tout en laissant installer un bouclier antimissile en Pologne et en République tchèque ; de même, ils expriment des inquiétudes quand l'Ukraine et la Géorgie demandent leur adhésion à l'OTAN. En définitive, le choix est entre le maintien d'un climat de tension avec la Russie et l'ouverture d'espaces de dialogue stratégiques. Toutefois, comme sur le conflit israélo-palestinien, l'Europe est divisée avec, d'un côté, les pays pragmatiques qui soutiennent le dialogue et la discussion par nécessité et, de l'autre, les pays de l'Est de l'Europe qui ne veulent faire aucune concession à la Russie. Le ressentiment de la Pologne et des Pays baltes peut se comprendre, mais ce n'est pas le degré de souffrance causé par l'oppression soviétique qui permet de détenir la vérité sur la réponse adéquate à apporter à la situation politique d'aujourd'hui.