En réponse à M. Jean-Pierre Sueur, M. Bernard Saugey, rapporteur, a rappelé les règles relatives à la reconnaissance de l'utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait, parfois mal connues dans la mesure où elles résultent pour l'essentiel de la jurisprudence de la Cour des comptes et du Conseil d'Etat.
Il a ainsi expliqué que la reconnaissance de l'utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait avait pour objet de suppléer rétroactivement au défaut d'ouverture préalable de crédits.
Ce pouvoir, a-t-il rappelé, n'appartient actuellement qu'à l'autorité budgétaire de la personne publique (Parlement pour l'Etat, assemblée délibérante pour une collectivité territoriale, organe délibérant pour un établissement public) ayant supporté ces dépenses, qui l'exerce sous le contrôle du juge administratif.
Concrètement, lorsqu'elle constate une gestion de fait, la juridiction financière demande au comptable de fait de produire les comptes de cette gestion afin qu'elle puisse les juger, à l'instar de ceux d'un comptable public. Lorsque ces comptes ont été produits, le juge demande à l'autorité budgétaire concernée de statuer sur l'utilité publique des dépenses qui y figurent.
En règle générale, le juge des comptes est lié par la décision de l'autorité budgétaire : il ne lui appartient pas, pas plus qu'il n'appartient au comptable public, d'apprécier sa légalité ; en particulier, il n'a pas à se prononcer sur le point de savoir si des dépenses dont l'utilité publique a été reconnue par l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale présentaient bien un intérêt local. Une telle appréciation relève de la compétence des juridictions administratives, si elles sont saisies.
Certes, le juge des comptes peut et même doit refuser d'allouer des dépenses dont l'utilité publique a été reconnue par l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale lorsqu'elles ont donné lieu à une condamnation pénale définitive du comptable de fait. A l'inverse, il peut et doit également allouer lui-même des dépenses dont l'utilité publique n'a pas été reconnue lorsque les dépenses étaient obligatoires ou conditionnaient la perception des recettes. Toutefois, ces cas ne sont pas les plus fréquents. En effet, un grand nombre de dépenses exposées par les collectivités territoriales ne sont pas des dépenses obligatoires, par exemple la construction de certains équipements, les subventions versées à des associations, ou encore les interventions économiques.
Enfin, une fois la décision de l'autorité budgétaire rendue, la juridiction financière demeure compétente pour statuer, au vu des justifications qui lui sont produites, sur la réalité et la régularité des dépenses alléguées. Après avoir fixé la ligne de compte, elle peut constituer le comptable de fait en débet et le condamner à l'amende.
En conclusion, et pour répondre précisément à la question de M. Jean-Pierre Sueur, M. Bernard Saugey, rapporteur, a indiqué, d'une part, que le juge financier n'était pas toujours lié par le refus de l'assemblée délibérante d'une collectivité territoriale de reconnaître l'utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait, d'autre part, que le gestionnaire de fait pouvait introduire devant le juge administratif un recours contre la délibération de cette assemblée.