Mes chers collègues, notre table ronde de ce matin porte sur la définition et la méthode de chiffrage de ce que l'on a l'habitude d'appeler les dépenses fiscales et les niches sociales.
Cette table ronde trouve son origine immédiate dans un amendement, retiré en séance publique, de notre collègue Nicole Bricq au projet de loi de finances pour 2011. Dans son amendement, notre collègue prévoyait de charger le conseil des prélèvements obligatoires de définir, chiffrer et évaluer les dépenses fiscales et les niches sociales. Le rapporteur général Philippe Marini et moi-même nous sommes alors engagés, en échange du retrait de l'amendement, à ce que la commission des finances se penche, dès 2011, sur la question de la définition et du chiffrage des dépenses fiscales et des niches sociales. Il nous semble en effet que c'est plutôt au Parlement de définir ce qu'est une dépense fiscale ou une niche sociale.
La présente table ronde trouve également son origine dans les II et III de l'article 9 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Ces dispositions, insérées à l'initiative de notre collègue Gilles Carrez, prévoient en effet le gel en valeur des dépenses fiscales et des niches sociales à périmètre constant. Cette norme ne pourra être appliquée de façon satisfaisante s'il n'y a pas de consensus sur ce que sont les dépenses fiscales et les niches sociales.
Le système actuel de définition et de chiffrage des dépenses fiscales et des niches sociales nous semble devoir être refondu et clarifié. Il ne s'agirait pas nécessairement de faire quelque chose de très différent de ce que l'on fait actuellement, mais de le faire sur la base de concepts clairement établis et admis par tous.
En effet, aujourd'hui, le concept de dépenses fiscales n'est réellement défini nulle part. Le fascicule des « Voies et moyens » indique qu'il s'agit de mesures contraires au principe de « généralité », mais il ne précise pas quel sens il donne à ce principe.
La manifestation la plus emblématique des limites du système actuel, c'est que, depuis 2006, environ 75 milliards d'euros de dépenses fiscales ont été « déclassées » en « modalités de calcul de l'impôt », sans que la définition de la notion de dépense fiscale ait officiellement été modifiée.
A cela s'ajoute, dans le cas des niches sociales, le fait que l'article LO 111-4 du code de la sécurité sociale les définit de manière purement juridique, comme des réductions, exonérations, réductions d'assiette et abattements. Dans ces conditions, que se passerait-il si les exonérations de charges sur les bas salaires étaient intégrées au barème ? Cesseraient-elles d'apparaître comme des niches sociales, et d'être développées dans l'annexe 5 des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ?
Je salue nos intervenants et les remercie de leur présence. Peut-être pourrions-nous entendre, pour commencer, M. Jens Lundsgaard, chef adjoint de la division des statistiques et des politiques fiscales à l'OCDE, qui nous donnera d'entrée de jeu des éléments de comparaisons internationales, pour apprendre ce que font les autres États.
Nous pourrions ensuite entendre les principaux acteurs du chiffrage des dépenses fiscales et des niches sociales en France :
- Mme Marie-Christine Lepetit, directeur de la législation fiscale ;
- M. Philippe Josse, directeur du budget ;
- M. Jonathan Bosredon, sous-directeur du financement de la sécurité sociale.
Enfin, M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances, pourra-t-il nous faire part des réflexions qu'il a eues au sujet de la définition et du chiffrage des dépenses fiscales et des niches sociales. Je rappelle que M. Guillaume est chargé de rédiger le rapport d'évaluation des niches fiscales et sociales que le Gouvernement doit remettre au plus tard le 30 juin 2011 au Parlement, conformément à l'article 13 de la loi du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.
Nous vous avons fait parvenir la semaine dernière une liste de points susceptibles d'être abordés. Peut-être pourriez-vous commencer chacun par un bref exposé liminaire, d'une dizaine de minutes. Après quoi, nos collègues pourraient vous poser leurs questions.