a tout d'abord annoncé la réunion, le 19 novembre prochain, à Bruxelles, des ministres de l'agriculture des 27 pays de l'Union européenne en vue de parvenir à un accord sur le « bilan de santé » de la politique agricole commune (PAC), conformément à l'engagement qui en avait été pris lors de sa dernière réforme, en 2003. Estimant qu'elle s'était globalement avérée être un succès depuis sa création et ne nécessitait pour l'instant que quelques ajustements ne devant pas remettre en cause l'équilibre du modèle agricole européen contribuant à l'indépendance et à la puissance économique de l'Union, il en a brièvement retracé l'histoire.
Créée voici une cinquantaine d'années, lors de la fondation des Communautés européennes, afin de faire disparaître toute pénurie et de garantir la sécurité alimentaire, la PAC a permis, grâce à des mécanismes contraignants fondés sur la préférence communautaire et les prix garantis, d'accroître de façon spectaculaire la production agricole européenne dans les années 60 et 70, et ce, jusqu'à produire des biens que le marché ne parvient plus à écouler. Les réformes des années 80 et 90 auront donc pour objectif, non seulement de maîtriser la production, mais également de lui faire prendre un virage environnemental, de la rendre compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et de mieux encadrer le budget communautaire. La dernière réforme en date, remontant aux accords de Luxembourg de 2003, cherche à atteindre chacun de ces objectifs :
- elle instaure un régime de paiement unique par exploitation, indépendant du niveau de production -les « aides découplées »- et soumis au respect de normes environnementales contraignantes -l'« écoconditionnalité »- ;
- elle renforce la politique de développement rural au sein d'un deuxième pilier, qui va bénéficier de transferts du premier, consacré, lui, à la production -la « modulation » ;
- elle réduit le niveau des prix garantis dans certains secteurs ;
- elle fixe un cadre budgétaire stable et maîtrisé pour la période allant jusqu'à 2013 ;
- enfin, elle prévoit une clause de « rendez-vous » à mi-parcours, en 2008-2009, afin de dresser un bilan de cinq années de réforme et, sans attendre la prochaine fixée en 2013, de procéder aux adaptations limitées éventuellement nécessaires.
C'est dans ce cadre, a poursuivi M. Jean Bizet, rapporteur, que la Commission européenne a publié, en novembre 2007, une communication esquissant des pistes pour ce bilan. Après six mois d'échange avec les Etats membres, elle a rendu publiques, en mai de cette année, des propositions législatives plus abouties en vue d'une mise à jour de la PAC.
Dans ces documents, a continué M. Jean Bizet, rapporteur, la Commission part du constat que la PAC, qui a jusqu'ici globalement bien fonctionné, doit s'adapter au monde qui l'entoure pour faire face à ses nouveaux défis, qu'ils soient alimentaires, économiques, environnementaux, énergétiques ou territoriaux. Pour mettre l'Union en mesure d'affronter ces défis, la Commission préconise certaines adaptations faisant aujourd'hui débat :
- elle supprime ou modifie dans un sens plus contraignant, selon les secteurs, le système d'intervention, qui consiste à racheter ou à revendre aux agriculteurs, à prix garanti, leurs productions en cas de forte variation des cours ;
- elle augmente progressivement les quotas laitiers d'ici à 2015 et entend les supprimer à cette date ;
- elle généralise le découplage à l'ensemble des productions végétales, n'en conservant une partie que pour certaines productions animales ;
- elle assouplit le régime dit anciennement « de l'article 69 », qui permet de réorienter les aides au sein du premier pilier selon des priorités nouvelles et sous un certain plafond ;
- enfin, elle accroît la modulation de 8 points d'ici 2013, la faisant passer de 5 % actuellement à 13 % à cette date.
Face à ces propositions de la Commission tendant, de façon globale, à restreindre un peu plus encore les mécanismes de régulation des marchés agricoles, les Etats membres ont réagi très diversement. Cependant, une ligne de partage s'est opérée entre ceux, situés au Nord de l'Europe et de philosophie anglo-saxonne, qui les ont globalement approuvées au nom de la nécessité de libérer le marché et ceux qui, à l'instar de la France, souhaitent conserver des instruments permettant d'encadrer et de réguler un secteur agricole par nature volatile et imprévisible.
La France, a rappelé M. Jean Bizet, rapporteur, a rapidement mis en place des structures de débat entre professionnels, administrations, politiques et grand public pour discuter de ces mesures et déterminer sa position à leur égard. Le Président de la République, qui a pris la tête de l'Union au 1er juillet et sous la présidence duquel devraient aboutir les négociations, a fait de ce « bilan de santé » l'une de ses quatre priorités.
Enfin, le Parlement européen, qui n'interviendra dans le domaine agricole selon la procédure de codécision qu'au 1er janvier prochain, a rendu plusieurs rapports analysant le projet de la Commission et formulant des contre-propositions, dont le dernier devrait être rendu public le matin même de la réunion du Conseil « Agriculture et développement rural » du 19 novembre prochain.
Les négociations se poursuivent au sein de « groupes de haut niveau » visant à avancer sur le maximum de sujets pour ne laisser à l'arbitrage des ministres que les plus délicats, achoppaient sur quatre points principaux (la modulation obligatoire, l'intervention, les quotas laitiers et l'article 69 révisé). M. Jean Bizet, rapporteur, a indiqué que la proposition de résolution qu'il avait déposée la semaine précédente prenait position sur chacun de ces points. Soulignant qu'elle tentait de tenir compte des sensibilités exprimées au cours de la quinzaine d'auditions menées dans le cadre du groupe de travail sur le « bilan de santé » de la PAC qu'il avait présidé, il a décrit son contenu. Insistant tout d'abord sur son attachement à un modèle européen d'agriculture équilibré entre production quantitative et qualitative, respect de l'environnement et ancrage dans les territoires, puis observant la volatilité des marchés agricoles et le caractère spécifique des biens alimentaires, elle réaffirme la légitimité d'une politique commune forte, financée sur des fonds majoritairement communautaires, qui soit à même d'orienter et de stabiliser les marchés lorsque le besoin s'en fait sentir. Puis la proposition de résolution prend position sur les points plus techniques de la négociation :
- elle s'oppose au projet de modulation et insiste sur son attachement au maintien d'un socle productif fort, seul à même d'éviter la déprise dans les régions de production les plus fragiles ;
- elle s'oppose au démantèlement des mécanismes d'intervention, qui aurait pour conséquence de laisser les agriculteurs démunis face aux retournements des marché ;
- elle conditionne la disparition des quotas dans le secteur laitier à des mesures transitoires de soutien pour les régions de production dépendant le plus de cette filière ;
- elle demande un assouplissement des mécanismes de l'article 68, afin de réallouer les aides au profit de filières aujourd'hui en crise ou en difficulté ;
- enfin, elle formule une série de recommandations plus accessoires, comme le refus du découplage total de toutes les « petites productions végétales », la réévaluation plus fréquente des niveaux d'aide aux filières au regard de la conjoncture, le développement de mécanismes assurantiels, ou encore la nécessité de soutenir l'innovation dans le secteur agricole.
Puis M. Jean Bizet, rapporteur, a proposé de compléter ce texte afin de tenir compte de l'avancement des dernières négociations à Bruxelles, à travers des amendements tendant à :
- s'agissant de la modulation obligatoire, réduire son taux, augmenter le taux de cofinancement des mesures qu'elle permet de financer et ouvrir le champ de ces dernières à de nouveaux objectifs ;
- s'agissant de l'intervention, la limiter dans le temps ou dans les quantités au cours d'une campagne donnée, afin d'éviter qu'elle ne devienne pour les producteurs un débouché garanti ;
- sur les quotas laitiers, ne prévoir qu'une hausse modérée de leur plafond d'ici à 2013, instaurer des mesures d'accompagnement pour les régions potentiellement les plus touchées par leur disparition, mettre en place des dispositifs de gestion des volumes dans les zones d'appellation d'origine protégée (AOP) et maintenir des aides pour le stockage privé du beurre.
Sous réserve des ces quelques ajouts, il a proposé l'adoption de cette proposition de résolution, afin de soutenir le ministre en charge de l'agriculture dans des négociations finales, qu'il a qualifiées de très délicates.
Un large débat s'est alors ouvert.