Intervention de Mireille Brioude

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 28 mars 2006 : 1ère réunion
Familles monoparentales et familles recomposées — Audition de Mme Mireille Brioude membre M. Mathieu Peycéré responsable juridique et M. Franck Tanguy porte-parole de l'association des parents et futurs parents gays et lesbiens apgl

Mireille Brioude, membre de l'Association des Parents et futurs Parents Gays et Lesbiens (APGL) :

La délégation a procédé à l'audition de Mme Mireille Brioude, membre, M. Mathieu Peycéré, responsable juridique, et M. Franck Tanguy, porte-parole, de l'Association des Parents et futurs Parents Gays et Lesbiens (APGL).

a tout d'abord présenté cette association fondée en 1986 à l'initiative d'un groupe de pères gays divorcés qui, après s'être progressivement développée, compte aujourd'hui 1 600 membres.

S'agissant des activités de l'APGL, elle a notamment mentionné deux colloques tenus en 1997 et en 1999, ainsi qu'une conférence internationale sur l'homoparentalité organisée en octobre 2005.

Puis elle a défini le terme « d'homoparentalité » qui désigne, selon elle, toutes les situations familiales dans lesquelles au moins un adulte s'autodésignant comme homosexuel est le parent d'au moins un enfant.

a indiqué qu'au plan statistique il n'existait pas de recensement officiel des familles homoparentales, mais que, sur une base prospective, on pouvait en dénombrer environ 100 000, le nombre d'enfants élevés au sein de ces familles avoisinant 200 000.

Elle a ensuite présenté une typologie distinguant cinq formes de familles homoparentales regroupées en deux grandes catégories, pluriparentale ou biparentale.

S'agissant des structures pluriparentales, elle a tout d'abord mentionné celles qui s'organisent autour d'enfants nés d'une union hétérosexuelle antérieure, le parent gardien vivant avec une personne de même sexe après séparation d'avec l'autre parent biologique. Elle a assimilé ces structures à des familles recomposées où se pose le problème du statut, ou plutôt de l'absence de statut, du beau-parent.

Puis elle a présenté le cas de la « coparentalité » où la famille est composée d'un père et d'une mère biologiques ayant chacun une compagne ou un compagnon, l'éducation de l'enfant faisant alors l'objet d'un accord qui prévoit un mode de garde réparti entre les deux couples de parents, exactement comme le font des parents divorcés.

a ensuite analysé trois formes de structure biparentale, en commençant par celle où les enfants sont nés d'une insémination artificielle avec donneur. A ce sujet, elle a précisé que la loi française interdisait cette forme de conception aux lesbiennes et aux célibataires. Elle a indiqué que les enfants étaient, dans ces conditions, conçus à l'étranger, en Belgique, Hollande, Angleterre ou Espagne, et vivaient entourés de leur mère biologique et de la compagne de celle-ci, qui s'investit dans leur éducation sans aucun statut légal. Elle a fait observer qu'en cas de décès de la mère biologique, rien ne garantissait à l'enfant de pouvoir rester avec sa seconde mère qui l'avait pourtant élevé et, qu'en cas de fratrie constituée dans le même contexte, aucune garantie n'existait pour maintenir sa cohésion ultérieure. Elle a précisé que les seules solutions juridiques à ce problème, selon elles insuffisantes, étaient le recours à la tutelle testamentaire ou, depuis une jurisprudence récente, la possibilité de demander le partage de l'autorité parentale.

Elle a indiqué qu'une seconde forme de structure biparentale était constituée par l'adoption : l'agrément étant, en pratique, refusé en cas d'homosexualité avérée de l'adoptant, l'adoption est alors obtenue sous couvert de célibat et ne permet aucune reconnaissance du parent partenaire impliqué dans la démarche initiale.

Elle a enfin évoqué la « maternité pour autrui », abusivement appelée maternité par mère porteuse, qui pouvait être la solution choisie par un couple d'hommes pour concevoir, toujours à l'étranger, un enfant, en précisant que, dans ce cas, le compagnon du père n'avait lui non plus aucun statut légal.

a fait observer que ces formes diverses de parentalité désignées sous le vocable unique de « famille homoparentale » constituaient, au regard de la loi, des formes atypiques de foyer. Elle a souligné que l'essentiel des revendications des « homoparents » se ramenait à des réformes juridiques, nécessitant au préalable de clarifier un certain nombre de problématiques d'ordre moral, intellectuel et idéologique.

Elle a regretté que l'adoption du pacte civil de solidarité (PACS) en novembre 1999 se soit faite au détriment des couples homosexuels vivant avec des enfants, qui revendiquaient une reconnaissance juridique.

Puis elle a brossé un panorama de nombreuses études et recherches en psychologie tendant à confirmer le fait que les familles homoparentales n'ont plus à justifier de l'équilibre psychique de leurs enfants, mais qu'elles constituent une sorte de champ d'expérimentation de la pluriparentalité.

a observé que, le débat ayant évolué grâce à ces études et ces réflexions, les familles homoparentales étaient devenues, au fil des années, plus visibles et plus nombreuses, certains parlant de « gayby boom ». Elle a ajouté que l'image de l'enfant déstructuré uniquement à cause de sa particularité familiale était en passe de devenir un fantasme ne correspondant pas aux réalités et aux témoignages, maintenant publiés, d'enfants élevés par des parents gays. Elle a noté que les homoparents rencontraient les mêmes problèmes que les autres parents et constaté que la famille homoparentale, visible et bien assumée, ne faisait plus peur.

a souligné que les principales difficultés rencontrées par ces familles étaient de deux ordres : d'une part, l'homophobie latente ou déclarée d'une partie de la société qui rend nécessaire un dialogue des homoparents avec leur entourage, leurs propres parents, ainsi qu'avec les professionnels de santé et de l'éducation et, d'autre part, le problème de la reconnaissance juridique des homoparents. Elle a sur ce dernier point considéré que la France était désormais, avec l'Italie, isolée parmi les pays européens occidentaux qui ont généralement adopté des formes légales d'union des couples homosexuels, en étendant les prérogatives de cette union à leurs enfants. Elle a ajouté que plusieurs Etats américains avaient institutionnalisé les unions de couples gays en organisant l'adoption, la transmission du patrimoine et l'autorité parentale partagée. Elle a également observé que, depuis 2002, le Québec protégeait les citoyens homosexuels vivant avec des enfants et leur autorisait l'adoption. Elle a estimé que, dans ces pays, le droit évoluait, non plus en fonction du primat du biologique, mais conformément à une éthique de l'engagement et de la responsabilité.

Elle a conclu en considérant qu'il serait souhaitable que la législation évolue pour permettre aux enfants d'être protégés juridiquement et socialement des accidents de la vie et de se sentir comme les autres en assumant leur différence de milieu familial.

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