Intervention de Henri Revol

Commission des affaires économiques — Réunion du 15 janvier 2008 : 1ère réunion
Aéronautique et espace — Opérations spatiales - examen du rapport

Photo de Henri RevolHenri Revol, rapporteur :

a tout d'abord rappelé que ce texte ne constituait pas une loi de programme fixant les nouveaux objectifs et les moyens de la conquête spatiale qu'avec son collègue député M. Christian Cabal il avait appelée de ses voeux dans son rapport sur l'avenir de la politique spatiale publié il y a moins d'un an au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Puis, après avoir précisé que le droit de l'espace distinguait d'une part, les « utilisations spatiales », c'est-à-dire les services rendus à partir de l'espace tels que les télécommunications, la localisation ou encore l'observation par satellite, et d'autre part, les « opérations spatiales », dont relèvent les méthodes et appareils utilisés pour aller dans l'espace, y rester bien positionné et en revenir, il a indiqué que le projet de loi visait à fixer le cadre juridique des seules opérations spatiales. Il a précisé qu'à ce titre, le texte traitait tant du lancement dans l'espace extra-atmosphérique d'objets spatiaux, tels que des satellites, par des lanceurs, ou des fusées, que de contrôle desdits objets demeurant dans l'espace après leur lancement et d'organisation de leur retour sur terre.

Puis M. Henri Revol, rapporteur, a exposé les trois éléments constitutifs de ce qu'il a qualifié dans son rapport de « paradoxe spatial français ».

Il a d'abord souligné que le droit actuel des opérations spatiales, essentiellement issu d'un traité international de 1967 et d'une convention de 1975, portait encore les marques de la Guerre froide et qu'à ce titre, il faisait peser des responsabilités extrêmement lourdes sur les Etats. Il a ainsi précisé que ceux-ci étaient financièrement responsables de tous les dommages subis par des tiers à l'occasion d'une opération spatiale, y compris si celle-ci était conduite par une entreprise entièrement privée et même si aucune faute n'avait été commise dans la phase de lancement. Il a ajouté que cette responsabilité de l'Etat dit « de lancement » incombait non seulement au pays sur le territoire duquel étaient situées les installations spatiales, mais aussi à celui dont relevait la nationalité tant de la société procédant au lancement que de celle y faisant procéder, par exemple l'entreprise propriétaire du satellite.

Après avoir relevé la banalisation progressive des opérations spatiales du fait du développement de la concurrence, de l'émergence de nouveaux acteurs privés et de la disparition progressive des frontières, il a observé que la France, en tant que grande puissance spatiale s'appuyant sur le dynamisme de ses entreprises et l'activité du Centre spatial guyanais (CSG) de Kourou, était fortement exposée aux risques juridiques relevant du droit international. Il a cité l'exemple d'une société française établie à Paris, faisant lancer un satellite au départ de la Chine par un lanceur chinois Long March, voire prochainement d'un pays de « low-cost» spatial, ou de la future mise à disposition du CSG aux fusées russes Soyouz ou italiennes Vega, pour démontrer qu'en tant qu'Etat de lancement, notre pays était responsable d'éventuels accidents de fusées ayant été conçues ailleurs que sur son territoire ou intervenus sur des sites de lancement qu'il ne contrôle pas.

Il a enfin noté, dans ce contexte international en pleine mutation qui accroissait les risques de responsabilité juridique, qu'alors que la plupart des Etats s'étaient dotés de lois spatiales nationales pour mieux encadrer et organiser les activités spatiales, la France, bien qu'ayant été historiquement la troisième puissance spatiale du monde, manquait encore cruellement d'une législation adaptée au caractère de plus en plus transnational des opérations spatiales. Il a précisé que le cadre juridique national demeurait en effet très sommaire, puisqu'il reposait essentiellement sur les accords passés entre les acteurs, sous l'égide de la puissance publique. Le projet de loi vise précisément à combler cette lacune en encadrant l'action des opérateurs et en précisant les règles relatives à la responsabilité de l'Etat.

a ensuite présenté le texte, constitué de trente articles répartis en huit titres qui, à l'exception de ses titres VI et VII relatifs à des sujets très spécifiques, vise à assurer un équilibre entre sécurité juridique et compétitivité.

S'agissant de la sécurité juridique, il a indiqué que, conformément aux conclusions d'une étude réalisée par le Conseil d'Etat en 2006, le texte entendait soumettre à un régime d'autorisation toute opération spatiale susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat français en tant qu'Etat de lancement. Il a précisé, envisageant toutes les hypothèses de responsabilité possibles, y compris le transfert de la maîtrise d'un satellite d'un opérateur étranger à un opérateur français, que ce régime fixé par le titre II, et en particulier l'article 2, faisait preuve d'une certaine souplesse, puisque les opérateurs pourraient bénéficier de licences afin d'éviter les autorisations de chaque opération, et que des accords de reconnaissance mutuelle étaient prévus pour les opérations réalisées depuis l'étranger. Par ailleurs, il a observé que la sécurité juridique résultait également de l'établissement d'un fondement légal en droit interne à des pratiques qui en étaient jusqu'à maintenant dépourvues, notamment en matière de tenue du registre national d'immatriculation des objets spatiaux organisée par le titre III, d'exercice par le Centre nationale d'études spatiales (CNES) d'un certain nombre de pouvoirs, tels que la police du CSG de Kourou, et de pratiques contractuelles des professionnels et des assureurs du secteur en matière de responsabilité dont la validité était assurée par le titre IV du projet de loi.

Concernant ces dernières dispositions, M. Henri Revol, rapporteur, après avoir précisé qu'elles consistaient à canaliser sur les opérateurs la responsabilité de l'ensemble des dommages causés aux tiers, permettant ainsi de protéger les sous-traitants et les cocontractants, et à garantir que les entreprises participant à une même opération s'interdisaient en principe tout recours entre elles pour les dommages que l'une d'entre elles aurait fait subir à une autre, a estimé qu'elles procédaient autant de la sécurité juridique que de l'autre objectif de ce texte, à savoir la compétitivité de la filière spatiale française. A cet égard, exprimant sa conviction que le secteur spatial faisait partie de ceux pour lesquels l'existence d'un cadre juridique solide, transparent et prévisible, constituait en elle-même un facteur d'attractivité supplémentaire pour les nombreux partenaires, clients ou investisseurs potentiels déjà très intéressés par l'excellence technologique française, il a repris à son compte le terme de « compétitivité juridique » employé par le Conseil d'Etat pour exprimer l'intérêt d'adopter le projet de loi.

Dans ce cadre, il a mis en exergue l'élément de compétitivité essentiel que constituait la mise en place par le texte d'une garantie financière de l'Etat pour toutes les opérations conduites depuis la France ou depuis un autre Etat de l'espace économique européen. Il a expliqué que les opérateurs agissant sur ces territoires et ayant satisfait aux critères leur permettant d'obtenir une autorisation bénéficieraient, en cas de dommage, d'un plafonnement du montant de l'indemnisation à payer, les sommes excédant le plafond étant prises en charge par l'Etat. Ajoutant que la part d'indemnisation revenant à l'opérateur responsable devrait être prise en charge par une assurance à laquelle il aurait obligatoirement souscrit au préalable, il s'est félicité de ce que ce dispositif garantisse aux opérateurs domestiques la certitude que, sous réserve de respecter la réglementation française, leur risque financier serait plafonné, voyant là un réel élément de compétitivité et d'attractivité dans une activité aussi risquée que les lancements spatiaux. Après avoir indiqué qu'il existait déjà un système conventionnel comparable pour les lancements d'Ariane à partir de Kourou, le seuil de déclenchement de la garantie étant fixé à 60 millions d'euros, il a observé que l'Etat ne serait pas nécessairement pénalisé par la généralisation de ce dispositif dès lors qu'il pouvait déjà, en tant qu'Etat de lancement, être directement poursuivi par les victimes et devoir les indemniser intégralement. Il a cependant précisé que, l'octroi de cette garantie financière constituant juridiquement un engagement pour le budget de l'Etat, ses modalités devraient être définies par la loi de finances.

Enfin, M. Henri Revol, rapporteur, a ajouté que le projet de loi traitait de deux sujets très spécifiques venant s'ajouter à l'équilibre global entre sécurité juridique et compétitivité, à savoir la propriété intellectuelle des inventions réalisées dans l'espace, par exemple à bord d'une station spatiale (titre VI), et la possibilité pour l'Etat d'empêcher, autant que possible, la diffusion d'images satellitaires qui porteraient atteinte à la sécurité nationale (titre VII).

Puis, concluant à l'utilité de ce texte qui lui semblait reprendre, en les adaptant, les bons exemples issus des législations étrangères, il a indiqué avoir préparé 38 amendements dont les quatre principaux visaient, respectivement, à introduire plus de souplesse dans le dispositif de l'article 4 en permettant aux licences d'opérateur de valoir autorisation de procéder à des opérations, à garantir, à l'article 8, une consultation des opérateurs avant d'imposer des prescriptions administratives pouvant aller jusqu'à la destruction de l'objet spatial, et aux articles 21 et 28, à mieux asseoir et à rendre plus lisibles les compétences reconnues par cette loi au CNES. A cet égard, il a estimé indispensable que cet inévitable accroissement des pouvoirs de cet organisme ait pour contrepartie l'abandon ultérieur par celui-ci de l'ensemble de ses activités concurrentielles exercées à titre direct ou indirect, sans quoi pourraient se poser des problèmes de conflit d'intérêts.

Concluant en précisant que si la majorité de ses propositions d'amendements étaient d'ordre rédactionnel, cela ne résultait pas seulement de la technicité de la matière, qui rendait certes nécessaires des rectifications de formulation, mais aussi de sa volonté de ne pas préjuger des résultats de la concertation entre le gouvernement et les professionnels, qui n'était pas encore complètement terminée, M. Henri Revol, rapporteur, a nonobstant estimé que l'inscription dès à présent de ce texte à l'ordre du jour avait pour intérêt de garantir que l'ensemble du cadre juridique qu'il instituait serait effectivement opérationnel, dispositions réglementaires comprises, pour accompagner l'ouverture historique du centre de lancement de Kourou à d'autres lanceurs qu'Ariane dans exactement un an.

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