a souligné en introduction que ce texte était attendu depuis longtemps par ceux qui, ayant participé directement ou indirectement aux essais nucléaires français, avaient contracté, malgré les mesures de sécurité, une maladie radio-induite.
Il a estimé que c'était l'honneur de la République de reconnaître la responsabilité de l'Etat dans les souffrances que supportaient aujourd'hui ceux qui l'avaient servi hier. Il a salué la détermination et le courage du ministre sans lesquels ce projet n'aurait sans doute pas été discuté. Il a également fait observer que le travail gouvernemental avait été facilité par de nombreuses contributions des parlementaires et par le travail des associations de victimes.
Il a indiqué que la France avait procédé à 210 essais nucléaires, 17 au Sahara, 193 en Polynésie française ; sur ce total, 50 étaient des essais atmosphériques et 160 des essais souterrains.
a considéré que dans l'ensemble, c'étaient les essais atmosphériques qui avaient eu le plus de conséquences sanitaires du fait de la dispersion des nuages radioactifs, mais que certains essais souterrains avaient eu également d'importantes conséquences suite à des incidents. Il a notamment évoqué l'essai Béryl au Sahara où des fissures avaient entraîné une retombée radioactive sur une bande de 150 km.
Il a rappelé que la France, sous la présidence de M. Jacques Chirac, avait abandonné, en 1996, définitivement le recours à des essais « grandeur nature » et s'était lancée dans un programme de simulation qui, grâce aux progrès technologiques, fournissait aujourd'hui les moyens de garantir la fiabilité des armes nucléaires françaises.
Il a estimé que c'était grâce aux renseignements acquis lors de campagnes d'essais que la France avait pu créer et maintenir opérationnelle sa force de dissuasion. Il a rappelé l'expression du Général de Gaulle selon laquelle l'arme atomique avait donné à la France « les moyens de sa sécurité et de son indépendance, par là-même de son action au profit de l'équilibre et de la paix du monde ». En conséquence, il a affirmé que ce projet était un texte de reconnaissance des conséquences sanitaires des essais, mais aussi de reconnaissance à l'égard de ceux qui avaient contribué à assurer la sécurité et la grandeur du pays. Il a jugé que la France devait aux vétérans non seulement une juste réparation, mais également une légitime gratitude.
a ensuite évoqué le champ d'application du texte qui s'adresse à toute personne qui souffre d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants à l'occasion des essais nucléaires français. Il a souligné que les accidents du nucléaire civil étaient exclus ainsi que les accidents de radiothérapie.
Il a précisé que les maladies dont souffraient ces personnes étaient essentiellement des cancers, observant que, comme tous les cancers, il s'agissait de maladies « sans signature ». Il a insisté sur le fait qu'aucune analyse biologique ne permettait d'identifier une cause certaine de ces maladies. Il a considéré que cette caractéristique expliquait les difficultés que rencontraient aujourd'hui les victimes quand les tribunaux leur demandaient de prouver le lien de causalité entre leur maladie et les essais nucléaires, rappelant que, aujourd'hui, pour les militaires, sur 355 demandes d'indemnisation au titre d'une maladie liée aux essais nucléaires, seulement 21 avaient été acceptées.
Il a ensuite exposé les critères sur lesquels il s'était fondé pour juger de ce projet de loi. Il a observé qu'un système d'indemnisation efficace et juste était un dispositif fondé sur des critères clairs et objectifs, qui instaurait une procédure rigoureuse et transparente permettant, le cas échéant, de définir une indemnisation proportionnée aux préjudices subis.
a ensuite présenté le projet de loi. Le dispositif proposé prévoit, tout d'abord, un régime d'indemnisation unifié. Avec ce texte, serait créé, par la loi, un régime unique d'indemnisation et un comité d'indemnisation pour l'ensemble des victimes.
Le projet de loi instaure, en second lieu, une procédure simplifiée. Contrairement à la situation actuelle où les militaires doivent apporter des éléments de preuve du lien entre les maladies et les essais, le projet de loi n'exige que deux conditions :
- avoir résidé ou séjourné dans des zones potentiellement contaminées pendant les périodes d'expérimentation ;
- avoir contracté une maladie radio-induite inscrite sur une liste établie par le Conseil d'Etat.
Citant le ministre de la défense lors du débat à l'Assemblée nationale, il a souligné que, désormais, c'était à l'Etat, le cas échéant, qu'il reviendrait de prouver l'absence de lien entre l'exposition et la maladie.
Il a ensuite indiqué que le projet de loi prévoit la création d'un comité d'indemnisation spécifique. Il a fait observer que le Gouvernement avait fait le choix de ne pas intégrer ce dispositif dans un mécanisme existant, comme celui de l'ONIAM ou du FIVA, mais de créer un comité spécialisé, composé principalement de médecins, spécialisés en radiothérapie et habilités à connaître des informations classifiées.
Il a précisé que le projet de loi prévoyait enfin une réparation intégrale des préjudices.
Le rapporteur a estimé que l'architecture d'ensemble du projet de loi constituait par rapport au droit existant un indéniable progrès.
a ensuite évoqué les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, en considérant qu'elles avaient été positives, en encadrant mieux la procédure et en instaurant un suivi de l'application du projet de loi.
Evoquant les auditions auxquelles il a procédé, M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur, a estimé que la commission pouvait encore apporter à ce texte une valeur ajoutée à condition de préserver l'équilibre et l'efficacité du dispositif, tout en lui assurant des bases juridiques incontestables.
Il a affirmé qu'il avait été sollicité par les associations de victimes pour transformer le comité en un établissement public autonome et pour les y intégrer. Il a estimé que ce n'était pas la bonne voie. S'agissant de la proposition de création d'un fonds spécifique, il a fait remarquer que, si une telle solution avait été retenue pour les victimes de l'amiante, cela répondait à une logique de responsabilité partagée alors que, dans le cas des essais nucléaires, il n'y avait qu'un responsable : le ministère de la défense.
Il a considéré, de plus, que la création de ce fonds risquerait de retarder la mise en place du dispositif. En revanche, il s'est déclaré sensible à la nécessité d'accroître l'indépendance du comité vis-à-vis du ministère, jugeant qu'il ne fallait pas que sa composition puisse nourrir des soupçons quant à son impartialité. En conséquence, il a proposé que les experts médicaux, qui joueront un rôle central dans l'examen des dossiers, soient nommés conjointement par les ministres de la défense et de la santé, sur proposition de l'académie de médecine et non plus par le seul ministère de la défense.
Evoquant la demande des associations de rentrer dans la composition du comité d'indemnisation, il a estimé que l'équilibre atteint par le texte adopté par l'Assemblée nationale possédait une véritable cohérence. Le rôle des associations était de soutenir les victimes dans leur démarche et d'assurer le suivi du dispositif dans le comité de suivi et non de se substituer à des experts pour instruire les dossiers au sein dudit comité. En revanche, il a proposé de conforter leur rôle de soutien aux victimes en prévoyant :
- d'une part, que les demandeurs puissent être assistés par la personne de leur choix et donc, le cas échéant, par un représentant d'association ;
- d'autre part, que le comité de suivi, dont les associations sont membres, puisse s'autosaisir à la demande de la majorité de ses membres.
a ensuite estimé que, pour mettre fin à la fois aux soupçons et aux contentieux, ce texte devait s'inscrire dans le droit commun de la responsabilité.
Dans cette perspective, il a proposé une modification de l'article premier du projet de loi afin de prévoir l'indemnisation du préjudice propre des ayants droit. Il a souligné qu'il s'agissait de vrais préjudices qui, sans être ceux de la victime, étaient néanmoins réels. Ces situations de détresse morale et matérielle trouvent leur origine dans le même fait générateur : l'exposition à des rayonnements ionisants.
Il a indiqué que l'amendement qu'il proposait réglait tout à la fois un problème moral, celui de la réparation de ce préjudice, un problème d'équité, celui de l'égalité de traitement de toutes les victimes, et un problème juridique, celui de l'ouverture de nouveaux contentieux.
Dans un même souci de clarté et de lisibilité, M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur, a également proposé une modification de la rédaction de l'article 4 relatif à la présomption de causalité afin de lever les ambiguïtés voire les contradictions du texte.
En effet, alors que, à l'article 3, il est exigé des victimes simplement de prouver qu'elles se sont trouvées dans les zones contaminées pendant les périodes où s'y abattirent des retombées radioactives, et qu'elles souffrent bien d'une maladie radio-induite, l'article 4 dispose que le comité examine si, « compte tenu de la nature de la maladie et des conditions d'exposition de l'intéressé, le lien de causalité entre la maladie et les essais peut être regardé comme possible ». Il a estimé que cette contradiction venait de ce que le Gouvernement souhaitait à la fois conserver la main, avec une étude au cas par cas, sur des paramètres que seuls le comité maîtrisera et tendre la main aux victimes en simplifiant l'accès à l'indemnisation.
Il a souligné que sa proposition mettait en oeuvre la volonté affichée du ministre de faire reporter la charge de la preuve contraire à l'État et a fait observer que cette rédaction était très proche de celle proposée par le Médiateur de la République qui milite depuis longtemps sur ce dossier pour un régime de présomption de causalité.
L'amendement proposé par le rapporteur prévoit que, si la victime remplit les conditions, elle bénéficie d'une présomption de causalité, sauf si le comité, compte tenu des caractéristiques de la maladie et des conditions d'exposition, estime que le risque attribuable aux essais nucléaires est négligeable.
S'agissant de la procédure, M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur, a relevé trois inquiétudes subsistant à l'issue des débats à l'Assemblée nationale :
- les recours juridictionnels ;
- les délais de réponse ;
- les droits de la défense.
Il a estimé qu'une partie de ces craintes pouvait être apaisée par le rappel du droit commun, mais que d'autres conduisaient à proposer quelques modifications, certaines pour faciliter le travail du comité, notamment en termes de délais, d'autres, à l'inverse, pour renforcer les droits de la défense.
Les propositions d'amendements soumises à la commission ne visent pas à bouleverser le projet mais à le consolider, à préserver son équilibre et son efficacité tout en assurant sa sécurité juridique.
En conclusion, il a cité le ministre de la défense lors du débat à l'Assemblée nationale : « La France a été grande dans ce défi scientifique, technologique et humain. La France a été grande dans ce défi politique et stratégique, qui nous permet d'appartenir au cercle très restreint des puissances nucléaires. Elle doit désormais être grande dans sa volonté de réparer ses erreurs », et il a affirmé que le Sénat devait contribuer à cette grandeur.