Intervention de Éric Jalon

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 12 avril 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Eric Jalon directeur général des collectivités locales

Éric Jalon, directeur général des collectivités locales :

J'ai bien noté que vos observations portaient non pas sur le principe du schéma, mais sur son calendrier d'adoption. En fait, ce que prévoit la loi de réforme des collectivités territoriales sur ce point permet de prendre en considération votre souhait d'un schéma qui ne soit pas adopté immédiatement après les élections municipales. Il est en effet écrit que c'est dans l'année qui suit chaque renouvellement général que le président de l'EPCI établit un rapport comportant un projet de schéma. Ce schéma est ensuite transmis pour avis à chacun des conseils municipaux, des communes membres de l'EPCI, qui disposent à leur tour d'un délai de trois mois. Une année, plus ces trois mois, cela laisse quand même un peu de temps après les élections. J'ajoute que ces dispositions s'appliqueront à compter du prochain renouvellement général ; nous aurons alors un couplage entre les élections municipales et la désignation des conseillers communautaires, ce qui facilitera l'appropriation des sujets de l'intercommunalité par les nouveaux conseillers municipaux. D'ailleurs, j'ai pu observer qu'en pratique les débats qui se sont déroulés dans le cadre des dernières élections municipales concernaient en majorité des thèmes de l'intercommunalité, ce phénomène étant notamment plus fort dans les grandes agglomérations.

A propos de la question de la souplesse de l'administration, la norme peut intervenir aussi pour faciliter les choses sur le terrain. Ainsi, en 2004, le législateur a décidé de proroger d'un an le délai dans lequel on devait définir l'intérêt communautaire pour éviter que, à défaut de définition dans le délai, une compétence soit intégralement transférée à une communauté de communes ; c'était donc une intervention dictée par le souci de permettre la prise en charge effective par les communautés des transferts de compétences. Toutefois je reconnais volontiers qu'il est préférable que ce soit les élus qui s'en chargent plutôt que cela se fasse par une application tatillonne du contrôle de légalité.

Concernant les compétences sociales, les statistiques mettent en évidence une forte corrélation entre les dépenses de RSA et le taux de chômage. On peut donc dire que le niveau de la dépense de RSA est largement conditionné par des facteurs exogènes à la volonté du département, notamment le niveau du chômage.

J'observe néanmoins que ce n'est pas sur ce point que le rapporteur public du Conseil d'Etat a proposé le renvoi au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité, mais c'est sur une question touchant à l'APA. Le problème soulevé est que le reste à la charge de l'APA est si important dans les finances des départements, que cela pourrait remettre en cause leur libre administration.

Par ailleurs, il y a quelques années, nous avions demandé à certains représentants de l'ADF de faire des propositions sur la marge de manoeuvre qu'ils souhaiteraient se voir conférer pour un meilleur pilotage, à l'époque du RMI et maintenant du RSA, notamment dans la relation avec les bénéficiaires. Dans mon souvenir, il n'y a pas eu beaucoup de propositions pour renforcer la capacité d'action des départements en la matière.

Concernant la CCEN et les avis conformes, je comprends votre position sur le vote des fonctionnaires. Néanmoins, j'observe d'abord que la composition de la CCEN n'est pas strictement paritaire : un tiers de fonctionnaires et deux tiers d'élus. De plus, du fait de l'absence d'une condition de quorum, les réunions de la CCEN peuvent se tenir en présence de peu d'élus. Ce n'est pas une critique : c'est très contraignant (rythme élevé des réunions, technicité des dossiers, etc.), avec des possibilités de suppléance très restreintes qu'il faudrait, par l'intervention d'une loi, élargir ; nous avons d'ailleurs travaillé sur ce sujet et sommes prêts à faire des propositions législatives.

En outre, lorsque la CCEN a émis un avis défavorable, nous en avons tenu compte dans toute la mesure du possible, à une exception près : lors du plan de relance, la CCEN ne voulait pas que l'on abaisse le délai de paiement des collectivités territoriales ; il n'avait pas été tenu compte de cet avis car, dans le cadre du plan de relance, il était prévu que les délais de paiement de toutes les administrations publiques soient resserrés. Mais, hors ce cas, il s'est toujours passé quelque chose après un avis défavorable de la CCEN : il y a eu des ajustements dans les textes ; nous avons essayé, dans l'esprit, de tenir compte de ses avis. Donc la réponse très rigoriste de l'avis conforme n'emporte pas ma conviction complète.

Maintenant, concernant la réglementation et les expériences étrangères que vous avez citées, je trouve que l'on a aujourd'hui tendance à confondre très largement l'obligation de résultat et l'obligation de moyens. L'Etat, ne pouvant contrôler le résultat et la mise en oeuvre des politiques publiques, va parfois loin dans la définition des moyens techniques à mettre en oeuvre pour atteindre un objectif. C'est pourquoi nous réfléchissons à la possibilité d'offrir de la souplesse aux collectivités territoriales afin qu'elles puissent s'éloigner des moyens imposés, au bénéfice de certaines mesures d'adaptation. Cette idée d'adaptation des normes au contexte territorial dans lequel elles s'appliquent a été officiellement avancée par le président de la République, lorsqu'il est intervenu devant les maires du Cher. Nous y travaillons et, notamment, creusons la question de savoir comment elle peut s'articuler avec le principe constitutionnel d'égalité, ce qui suppose une réflexion d'ordre à la fois technique et juridique. C'est réellement une direction vers laquelle nous souhaitons aller pour ne pas imposer aux collectivités des normes dans lesquelles il y aurait une disproportion manifeste entre l'objectif et les moyens à déployer.

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