Au cours d'une seconde séance tenue l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2008 de M. Claude Lise sur les crédits de la mission « Outre-mer ».
Après avoir souligné le caractère particulier du budget de l'outre-mer cette année, à savoir le premier de la législature intervenant après la réorganisation de l'architecture gouvernementale du printemps 2007, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a indiqué que la mission budgétaire « Outre-mer » ne correspondait plus à un ministère de plein exercice mais à un secrétariat d'Etat rattaché au ministère de l'intérieur. Il a formulé le voeu que ce changement n'aurait pas pour conséquence une moindre prise en compte des spécificités des outre-mers, parmi lesquelles d'incontestables handicaps structurels qui, selon lui, interdisent tout désengagement financier de la part de l'Etat.
a rappelé que les crédits de la mission outre-mer, soit 1,73 milliard d'euros, représentaient une partie seulement de l'effort public budgétaire en direction des collectivités d'outre-mer. D'autres missions, ainsi que des dépenses fiscales, y contribuent, pour un montant de 15,3 milliards d'euros.
Il a toutefois rappelé que le budget de l'outre-mer stricto sensu ne représentait, cette année encore, que 0,6 % du budget général de l'Etat, alors que sa population équivaut à 4 % de la population totale française.
Il a mis en évidence une baisse apparente de 0,22 millions d'euros des crédits inscrits à la mission « Outre-mer », par rapport à 2007. Il a précisé que cette diminution s'expliquait par des mesures de périmètre budgétaire.
Il a expliqué que, d'une part, le programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » avait disparu, ne laissant subsister cette année que deux programmes : « L'emploi outre-mer » et « Les conditions de vie outre-mer » et que, d'autre part, la gestion de 158 millions d'euros de crédits de paiement consacrés aux aides directes à l'embauche des publics les plus éloignés de l'emploi dans les secteurs marchand et non marchand était transférée vers la mission « Travail et Emploi ».
En définitive, il a considéré qu'à périmètre constant, les crédits consacrés à l'outre-mer n'augmentaient que d'un peu moins de 2 % jugeant, de ce fait, qu'il s'agissait d'un budget de stabilité.
Puis il a estimé que les transferts budgétaires opérés cette année entre la mission « Outre-mer » et les autres missions n'étaient pas neutres. A cet égard, il s'est inquiété du risque de voir le département ministériel chargé de l'outre mer se vider de sa substance. Il a souligné qu'il s'agissait là d'une inquiétude largement partagée par ses collègues de la commission des finances lors de leur examen du budget en commission.
Il a, par ailleurs, formulé le voeu que l'examen du budget soit l'occasion de rappeler toute l'importance des défis spécifiques que l'outre-mer devait encore relever. Il a également souhaité que ce rapport serve à formuler quelques recommandations utiles pour l'élaboration du projet de loi de programme pour l'outre-mer qui devrait être prochainement présenté au Parlement.
S'agissant des crédits, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a tout d'abord évoqué ceux consacrés à l'emploi et plus généralement à l'activité économique, estimant qu'il s'agissait là d'un même sujet.
Il a rappelé que les économies ultramarines étaient confrontées à des fragilités particulières du fait des contraintes géographiques, notamment de l'éloignement et de l'insularité, qui génèrent des surcoûts mais aussi du dynamisme démographique qui se traduit par des arrivées importantes chaque année sur le marché du travail, des pressions migratoires, et surtout des écarts en termes de coût du travail avec leur environnement régional.
Il a souligné que le décalage de développement avec la France continentale était facilement perceptible à l'examen du taux de chômage, de l'ordre de 20 %, soit plus de deux fois celui enregistré dans l'hexagone. Il a fait observer que ce taux atteignait même 28 % pour les seuls départements d'outre-mer.
Face à cette situation économique particulièrement dégradée, il a souligné que l'emploi concentrait 60 % des crédits qui s'élèvent, comme pour le budget 2007, à un peu plus d'un milliard d'euros en crédits de paiement.
Précisant ensuite que 80 % des crédits (soit 867 millions d'euros) étaient destinés à l'action n° 1 intitulée « Abaissement du coût du travail » et seraient consacrés aux exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, il a indiqué que ce dispositif avait été initié dès 2000 par la loi d'orientation pour l'outre-mer et a jugé qu'il avait joué un rôle-clé dans la restauration de la compétitivité du travail outre-mer.
Il s'est, en revanche, inquiété de la réduction de plus de 25 millions d'euros du financement des contrats aidés, soulignant que dans un contexte économique et social particulièrement difficile, ces contrats avaient un rôle protecteur indispensable, notamment dans le secteur non marchand.
Quant aux dépenses fiscales, évaluées à 2,8 milliards d'euros, il a jugé qu'elles étaient fondamentales pour la compensation des handicaps de compétitivité des outre-mers.
Puis, prenant bonne note de la création prochaine de zones franches globales d'activité qui viendront s'ajouter au dispositif actuel de défiscalisation, il a insisté pour que la définition sectorielle et le découpage de ces zones soient établis dans le cadre d'une large concertation avec les élus et l'ensemble des acteurs économiques locaux. A cet égard, il a estimé qu'une attention particulière devrait être réservée aux TPE qui représentent, en moyenne, 95 % des entreprises du secteur marchand dans les outre-mers.
Il a, par ailleurs, reconnu que les outre-mers nourrissaient de grands espoirs dans le développement de pôles d'excellence et que leurs projets méritaient d'être soutenus par le Gouvernement. Il a précisé qu'il existait des projets mis en oeuvre dans les domaines de la biodiversité, des énergies renouvelables ou encore de la prévention, de l'étude et du suivi des risques naturels. A cette occasion, il a informé ses collègues qu'il recevrait dans la soirée, de la part de M. Christian Poncelet, président du Sénat, un Territoria d'or pour trois actions innovantes du Conseil Général de la Martinique qui s'inscrivent dans ce cadre.
Après les crédits consacrés à l'emploi, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a présenté les crédits consacrés aux conditions de vie outre-mer.
Il a, tout d'abord, mis en avant que la suppression du programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » et le transfert de deux actions vers le programme consacré aux « Conditions de vie outre-mer » avaient fait évoluer ce dernier de façon très significative.
Il a reconnu que la priorité était toujours accordée au logement, qui totalisait 30 % des crédits du programme, pour une valeur de 200 millions d'euros en crédits de paiement. Il a, à ce sujet, fait observer que les outre-mers étaient confrontés à des difficultés spécifiques :
- une insuffisance de l'offre, en particulier dans le secteur du logement social, face aux retards accumulés et à l'augmentation continue de la demande résultant notamment des pressions démographiques ;
- un habitat insalubre encore trop important et une prolifération de l'habitat spontané ;
- des risques sismiques et climatiques ;
- une rareté et une cherté du foncier, notamment en raison d'effets pervers de la défiscalisation.
Face à ce constat, il a jugé que les moyens étaient, malheureusement, cette année encore, largement insuffisants, d'autant plus que persistait l'épineux problème de la dette de l'Etat envers les entreprises du BTP oeuvrant dans le domaine de l'amélioration de l'habitat et de la construction très sociale. Il a, à cet égard, fait remarquer que l'augmentation de 25 millions d'euros des crédits serait insuffisante pour résorber la dette et amènerait à consacrer des crédits, destinés à mener des opérations nouvelles, à l'apurement de celle-ci.
Puis s'agissant des autres actions du programme « Conditions de vie outre-mer », il a mentionné l'action « Continuité territoriale » pour souligner l'insuffisance notoire des moyens qui lui étaient alloués. Il a, à titre d'illustration, fait remarquer le différentiel des sommes affectées par l'Etat à la Martinique et à la Corse : 5 millions d'euros pour la première, 772 millions pour la seconde.
S'agissant enfin de l'action relative à « l'Insertion économique et à la coopération régionale », il a indiqué que les documents budgétaires annexés à la loi de finances faisaient allusion à la nécessité pour les outre-mers de se préparer à la signature d'accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP). Il a pris bonne note de la volonté européenne de susciter une dynamique régionale en faveur des échanges, mais a vivement regretté que les collectivités d'outre-mer n'aient pas été pleinement associées aux négociations et s'est inquiété de l'impact réel de ces accords sur la situation économique et sociale de ces collectivités.
Pour finir, M. Claude Lise, rapporteur pour avis, a tenu à évoquer deux dossiers majeurs au coeur de l'actualité des outre-mers.
S'agissant d'abord de la question de l'indemnisation des victimes de l'ouragan Dean, il a estimé que ce drame démontrait, s'il en était besoin, la forte exposition des outre-mers à ce type d'aléas.
Rappelant que le secrétariat d'Etat à l'Outre-mer avait annoncé, le 26 octobre 2007, le déblocage de 61 millions d'euros pour les sinistrés aux Antilles, il a salué l'effort envisagé par le Gouvernement, engageant néanmoins celui-ci à tout mettre en oeuvre pour accélérer le versement de ces sommes. A cet égard, il s'est inquiété du décalage entre les évaluations des dégâts effectuées sur place et les sommes prévues pour compenser les préjudices. Il a enfin souligné que les collectivités territoriales de Martinique et de Guadeloupe avaient déjà fait beaucoup en matière d'indemnisation et qu'il leur serait difficile de supporter des charges financières supplémentaires.
S'agissant ensuite du dossier des pesticides, il a rappelé que la couverture journalistique avait quelque peu terni l'image des Antilles, condamnant les excès médiatiques auxquels on avait pu assister. Il a admis qu'il fallait néanmoins mesurer la gravité de la situation créée par l'utilisation intensive de produits phytosanitaires toxiques jusqu'en 1993 -et pour certains jusqu'en juillet dernier- alors qu'ils auraient dû être depuis longtemps interdits. Il a plaidé pour le développement de moyens importants en faveur de la recherche, notamment pour évaluer au mieux les risques encourus par les populations locales.
Il a estimé qu'une politique d'aide à la reconversion devait être parallèlement mise en oeuvre pour les maraîchers et les vivriers travaillant sur des terres contaminées.
Pour conclure, il a fait part de son souhait de pouvoir formuler, lors du débat en séance publique, deux recommandations au nom de la commission des affaires économiques, relayant en cela celles formulées par ses collègues de l'Assemblée nationale.
La première demanderait au Gouvernement d'établir chaque année, une présentation budgétaire retraçant les crédits affectés par chacun des autres ministères à l'Outre-mer, et les crédits relevant de fonds d'intervention européens.
La seconde recommandation exigerait, dans un souci de transparence, la présentation annuelle d'un document budgétaire retraçant la ventilation des crédits entre les différentes collectivités territoriales d'outre-mer.